lundi 3 janvier 2011

Rêves d'Aye




Premier rêve d’Aye
Des événements violents
La dame était dans sa chambre, où elle était endormie,
Et elle fit un songe qui lui fit grand peur.
[Elle songea] Que Charlemagne revenait et que son armée était partie.
Devant elle, en sa chambre, entrait son époux Garnier,
Et elle lui offrait une rose fleurie.
Le duc, de mauvaise humeur, refusa de l’accepter,
Il lui retira un anneau et défit sa coiffure,
[Et] Il voulait la frapper avec une épée acérée.
La douleur réveilla la dame.
Elle entendit le bruit des gens qui criaient,
Et les trompettes sonner très fort et avec beaucoup de bruit.
Quatre fois elle s’exclama : «Sainte Marie, protégez-nous!»




Deuxième rêve d’Aye

La captive et le combat des bêtes
Nos Français sont tous débarqués,
De la barque ils tirent sur terre leurs bons chevaux.
Ils sont richement vêtus à la mode de leur pays,
De belles fourrures de martre et de pelisses d’écureuil.
Le soleil brille sur leurs armes et l’or étincelle
Sur leurs vêtements, sur les brides et sur les selles.
Aye, de la fenêtre, les regarde.
Il n’y a pas plus de distance qu’un tir d’arc entre le port où elle les voit
Et l’endroit où elle se trouve dans la tour d’Aufalerne.
«Dieu», s’exclame la dame, «saint père des hommes,
Des vêtements si riches ne peuvent avoir été faits que dans mon pays.»
En l’entendant parler ainsi, une de ses gouvernantes
Lui demande : «Qu’est-ce qui se passe, belle amie?»
Et la duchesse lui dit : «Es-tu capable d’interpréter les songes?
La nuit dernière, pendant mon sommeil, j'ai fait un très mauvais songe :
J’étais montée en haut sur un tertre.
Le roi Ganor, lui, gisait sur l’herbe,
Et je tenais solidement sa tête entre mes mains.
Du haut du ciel viennent, en volant, deux aigles.
[Et] Ils voulaient, de force, nous tirer, lui et moi, près d’eux.
Quand un faucon arriva, volant du côté de mon pays,
Et [aussi] un lion plus blanc qu’aucune autre bête.
Et le faucon volant se rua sur les aigles
Et ne voulut pas les lâcher avant de les avoir abattus;
Et le lion, lui-même, les prenait par la tête,
Se refusait à les laisser et les dépeçait en mille morceaux.»
«Dame», répondit la païenne, «une grande joie est en train de vous arriver.
Un secours tellement grand vous est arrivé ici
Que, si le roi le savait, il serait bien malheureux.»

Troisième rêve d’Aye
Deux ours, un lion et un épervier
Et la duchesse Aye était en Avignon
Dans une chambre décorée à la mode de Salomon.
Et elle fit un songe qui la fit beaucoup se troubler :
Sa cité brûlait dans le feu et le charbon,
Et, devant elle, il y avait deux ours et un lion.
Le petit Gui, tout nu, était devant eux, au pied de l’escalier.
Les deux ours le jetèrent dans la gueule du lion;
En haut, venu du ciel, arriva en volant un épervier,
Lequel, avec ses griffes, prenait l’enfant dans la gueule du lion,
Et l'emportait vers les nuages, en haut.
Tout droit vers Aufalerne il le déposait près de la tour.
La dame se réveilla très effrayée.
Après, elle alla prier à l'église Saint-Simon.

1200AnonymeAye d’Avignon

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