mardi 29 mars 2011

Une forme particulière de résistance névrotique à la méthode psychanalytique (Karl Abraham)


 
Au début d’un traitement psychanalytique, nous familiarisons le patient avec la règle de base qu’il doit suivre à tout prix. Le comportement du patient vis-à-vis de cette règle est très variable. Les uns la saisissent rapidement et s’y soumettent sans difficulté particulière. A d’autres, nous devons rappeler fréquemment la règle de libre association. Chez tous, nous observons de temps en temps une défaillance de l’activité associative: soit qu’ils n’apportent que les produits de la pensée réfléchie, soit qu’ils déclarent ne rien penser. Il peut y avoir des séances ou le patient ne fournit aucun matériel d’associations libres. Cette conduite nous indique une " résistance ": notre devoir immédiat est de la rendre compréhensible. Nous apprenons régulièrement que la résistance s’oppose à la prise de conscience de certains contenus psychiques. Si nous avons dit initialement de son inconscient, alors son refus est la forme évidente que prendra sa résistance.
Dans la plupart des cas, une telle résistance va et vient. Mais un petit groupe de névrosés présente cette résistance pendant toute la durée de la cure, sans interruption. Cette résistance permanence à la règle de base de psychanalyse rend le traitement très difficile; elle met son succès en question. Comme bien d’autres questions techniques, elle n’a pas retenu l’attention jusqu’alors dans la littérature. Depuis que j’ai rencontré cette difficulté dans une série de cas, j’ai su par d’autres psychanalystes qu’il leur était arrivé la même chose. Il y a donc, en dehors de l’intérêt théorique, un intérêt pratique à connaître ce mode de réaction névrotique à la psychanalyse.
Les patients dont je traiterai ici ne déclarent guère spontanément qu’ "il ne leur vient rien ". ils s’expriment plutôt en un discours cohérent, peu interrompu. Certains, même, s’élèvent contre toute interruption de leur flux verbal par une remarque du médecin. Mais ils n’associent pas librement. Ils parlent systématiquement, ils n’apportent pas de matériel spontané; contrairement à la règle, il est orienté selon certains points de vue et soumis à une critique importante et déformante. Le rappel du médecin à l’accomplissement correct et la méthode est, à lui seul, sans influence sur le comportement des patients.
Cela n’est pas facile à percevoir. Le médecin dont la sensibilité à ce genre de résistance ne s’est pas aiguisée peut y voir une disponibilité extraordinaire et infatigable pour l’analyse. la résistance s’abrite derrière une soumission apparente. Je reconnais avoir eu besoin d’une expérience prolongée avant d’échapper au danger de cette illusion. Après que j’eus reconnu la résistance systématique, son origine s’éclaira également.
Les névrosés de ce type – je pus en observer une petite série – offraient bien une symptomatologie variée quant à leur névrose; par contre, dans leur conduite à l’égard de psychanalyse et du médecin, un certain nombre de traits se répétaient régulièrement. C’est sur ces traits que je voudrais attirer l’attention.
Un degré extraordinaire d’entêtement se cache derrière la souplesse apparente que nous avons évoquée. Cet entêtement a pour modèle le comportement de l’enfant vis-à-vis de son père. Si d’autres névrosés refusent occasionnellement d’associer, ceux-ci défient constamment la méthode. Leurs communications sont surabondantes; comme je le disais, ce fait peut leurrer sur la pauvreté qualitative. N’est communiqué que ce qui est " conforme au moi ".
Les patients sont au plus haut point sensibles à tout ce qui blesse leur sentiment d’eux-mêmes. Ils ont tendance à se sentir " humiliés " par toute constatation acquise en analyse et se protègent incessamment de telles humiliations. Ils livrent beaucoup de rêves. Mais collent à leur contenu manifeste et s’entendent à n’apprendre de l’analyse des rêves que ce qu’ils savaient déjà. S’ils évitent toute impression pénible, leur aspiration vise aussi à tirer positivement le maximum de plaisir de l’analyse.
C’est justement cette tendance à mettre l’analyse sous la primauté du principe de plaisir qui est précisément reconnaissable chez nos patients. Cette manifestation, jointe à d’autres particularités, est la claire expression de leur narcissisme, car ce sont mes patients les plus narcissiques qui s’opposèrent ainsi à la règle psychanalytique de base. La propension à considérer un moyen curatif sous l’angle du plaisir, la négligence du but essentiel de ce moyen sont à considérer comme un trait proprement infantile. Un exemple nous éclairera.
On ordonne à un enfant de huit ans le port d’une paire de lunettes. Il est comblé de joie, non parce qu’il va corriger certains troubles visuels gênants, mais parce qu’il a le droit de porter des lunettes. Par la suite, on s’aperçoit qu’il est peu intéressé par l’effet correcteur des verres; la possession des lunettes avec lesquelles il peut se montrer à l’école lui fait un tel plaisir qu’il en oublie l’effet thérapeutique. La position de notre groupe de patients vis-à-vis de la psychanalyse est semblable. L’un en attend des contributions concernant son auto- biographie- qu’il écrit sous forme romancée. L’autre espèce que la psychanalyse le haussera à un meilleur niveau intellectuel et éthique; ainsi il dominerait ses frères à l’égard desquels il nourrissait des sentiments d’infériorité pénibles. Le but de guérison des troubles nerveux est obscurci en proportion des intérêts narcissiques qui prédominent chez le patient.
Ils sont aussi narcissique à l’égard de la méthode de traitement qu’à l’égard de la personne du médecin. Leur relation avec lui est marquée par un transfert insuffisant; ils ne lui accordent pas le rôle de père. S’il y a début de transfert, les désirs dirigés vers le médecin sont très exigeants. Les patients sont facilement déçus dans ce domaine et réagissent rapidement par un retrait total de la libido. Ils ont constamment besoin de signes d’intérêt de la part du médecin, et de se sentir traités affectueusement par lui. Comme le thérapeute ne peut pas combler les exigences de leurs besoins narcissiques d’amour, le transfert positif proprement dit ne se fait pas.
A la place du transfert, nos patients montrent une tendance à s’identifier au médecin. Au lieu de s’en approcher personnellement, ils se mettent à sa place. Ils adoptent ses intérêts et aiment s’occuper de la psychanalyse en tant que science plutôt que de la laisser agir comme méthode de traitement. Ils inclinent à l’échange des rôles comme l’enfant joue au père. Ils enseignent l’analyste en lui exposant leurs avis sur leur propre névrose, avis qu’ils tiennent pour instructifs. Ils soutiennent que la science s’enrichira particulièrement grâce à leur analyse. Ainsi, ils sortent du rôle de patient, perdant de vue le but de l’analyse. ils désirent surpasser le médecin, dévaloriser ses capacités, ils considèrent qu’ils " font mieux ". il est extrêmement difficile de les faire démordre d’opinions préconçues, au service de leur narcissisme; ils ont l’esprit de contradiction et savent faire de la psychanalyse une querelle de mots, un débat à qui aura raison.
Un exemple? Un névrosé refuse et la libre association et la position allongée au cours du traitement. Il se dresse brusquement, se rend à l’autre bout de la pièce et débite ses réflexions sur sa névrose avec une grande sûreté et un ton péremptoire. Un autre patient avait la même attitude professorale. Il ne me mâchait pas son opinion. Il comprenait mieux que moi la psychanalyse, puisque c’est lui et non moi qui avait cette névrose. Après un traitement prolongé, il me dit: " Je commence à reconnaître que vous comprenez quelque chose à la névrose obsessionnelle ". Un jour, il exprime une peur caractéristique: les associations libres pouvaient donner lieu à un matériel étrange pour lui, mais familier au médecin. Celui-ci serait alors le plus " malin ", le plus fort. Le même patient, très intéressé par la philosophie, n’attendait de l’analyse pas moins que la " vérité dernière "de la science.
Dans tout cela, on reconnaît un trait d’envie. ces patients accordent malaisément le droit d’une remarque au médecin, qu’elle concerne la marche de l’analyse ou le matériel. Ils voudraient qu’il ne contribue en rien à un traitement qu’ils veulent faire eux-mêmes et tout seuls. J’arrive à un trait particulièrement caractéristique que tous ces patients ont présenté. Ils se rattrapent chez eux des libres associations qu’ils ont évitées pendant la séance. Cette tendance à l’auto –analyse – ainsi qu’ils la nomment – va de pair avec un mépris évident du médecin. Les patients voient en lui un obstacle au progrès au cours des séances et sont excessivement fiers de ce qu’ils produisent sans son concours. Ces intuitions librement acquises sont mêlées à des conclusions réfléchies et offertes le lendemain au médecin sous certains angles. L’un de mes patients, en raison de ses résistances démesurées, n’avait fait que peu de progrès au long de plusieurs séances et plus du tout ensuite. Le lendemain, il vint m’expliquer qu’il avait dû " travailler " seul pendant des heures. Bien entendu, je devais en conclure à mon insuffisance.
Une telle " auto-analyse " est une jouissance narcissique de soi-même et simultanément une révolte contre le " père ". la préoccupation effrénée de soi-même, le sentiment déjà décrit de supériorité offrent de grandes satisfactions au narcissisme. Le besoin de solitude rapproche cette conduite de l’onanisme et de ses équivalents: les rêveries diurnes… les patients dont je traite ici s’y adonnaient beaucoup et depuis leur âge. L’ " auto-analyse " était une rêverie diurne justifiée, ordonnée même, un substitut autorisé de la masturbation.
Je dois dire ici que les cas les plus nets offerts à mon observation appartenaient surtout à la névrose obsessionnelle. Dans un cas, il s’agissait d’une hystérie d’angoisse associée à des symptômes obsessionnels. Un autre patient présentait un aspect paranoïde. Les nouvelles acquisitions de la psychanalyse font que nous ne sommes pas étonnés de trouver dans chaque cas des traits sadiques anaux prononcés. Nous avons déjà mentionné l’attitude hostile rejetante vis-à-vis du médecin. Le comportement du patient s’explique par les motivations érotiques anales. Nous n’en donnerons que quelques aperçus.
Le discours par lequel le patient se débarrasse des contenus psychique est vécu comme semblable à l’exonération intestinale. Cela est vrai pour tous les névrosés à érotisme anal marqué. (certains identifient la libre association avec l’émission de gaz). Il s’agit de sujets qui parvinrent difficilement dans l’enfance à maîtriser leurs sphincters et à déféquer régulièrement. Ils refusaient de s’exécuter à l’heure convenue pour agir selon leur humeur. Pour des motifs inconscients, ils se conduisent de même à l’égard de la psychanalyse, respectivement du médecin V. Tausk a attiré l’attention sur le fait que les enfants aiment leurrer les adultes sur leurs exonérations. Apparemment, ils s’efforcent de satisfaire aux exigences de l’éducateur, mais l’évacuation n’a pas lieu. Tausk ajoute que c’est peut-être là la première occasion ou l’enfant peut remarquer la possibilité de leurrer l’adulte. les névrosés dont il est question ici ne disconviennent pas de cette préhistoire. Ils font un caprice de décider eux-mêmes si, quand, comment ils livreront le matériel psychique inconscient. Leur tendance à apporter en séance un matériel ordonné montre plus que le plaisir érotique anal d’ordonner et d’étiqueter. Freud vient d’insister tout spécialement sur l’identité inconsciente de la selle et du cadeau. Les névrosés narcissiques à prédisposition anale marquée ont tendance à donner des cadeaux en place d’amour. le transfert sur le médecin est incomplet chez nos patients. Ils ne réussissent pas à se dépenser spontanément en libres associations aussi bien apportent-ils en replacement des cadeaux au médecin. Leurs contributions à la psychanalyse, préparées à domicile, sont soumises à la même valorisation narcissique que les produits du corps. Le contrôle exact exercé sur ce qu’ils donnent représente un avantage narcissique pour les patients.
L’un de mes obsédés atteint de rumination et de doutes obsédants faisait de la psychanalyse elle-même, de sa méthode, de ses résultats, l’objet de ruminations et de doutes. Très dépendant de sa famille, il se tourmentait, entre autres, avec le doute de savoir qui " avait raison ", sa mère ou Freud. Pour améliorer sa constipation, sa mère, disait-il, lui avait souvent conseillé de ne pas rêver au cabinet, mais de ne penser qu’à la défécation. Freud préconisait la règle opposée: d’associer spontanément et qu’alors " tout sortirait tout seul ". il fallut beaucoup de temps pour que le patient consentit à faire la psychanalyse non point selon sa mère mais selon Freud.
La tendance à l’épargne des névrosés érotiques anaux semble en contradiction avec le sacrifice matériel librement consenti pour un traitement qui traîne en longueur pour les motifs susdits. Mais ce comportement s’explique par les raisons déjà mentionnées ; les patients sacrifient à leur narcissisme. Ils perdent trop facilement de vue le but du traitement de guérison de la névrose. Il doit y avoir quelque chose qui leur fait négliger les frais qu’ils font. Parodiant une vielle anecdote, on est tenté de dire que rien n’est trop coûteux pour leur narcissisme.
Le trait de caractère de l’épargne se trouve ailleurs. Ils économisent leur matériel inconscient. Ils s’adonnent par prédilection à l’attente qu’un jour " tout sortira à la fois ". avec l’analyse, comme avec leur intestin, ils sont constipés. L’exonération doit réussir un jour – après un long sursis – avec une jouissance spéciale: mais l’échéance est toujours reculée.
L’analyse de ces patients donne lieu à de grandes difficultés. Leur apparence soumission y est pour beaucoup, qui cache leur résistance. Il ne faut pas sous-estimer la tâche d’écarter une telle résistance; il s’agit là d’une entreprise opposée au narcissisme du patient, donc à la force pulsionnelle contre laquelle notre activité thérapeutique a le plus de chances d’échouer. je n’apprendrai don rien aux gens expérimentés en disant que les cas que je traitai ne parvenaient pas à un résultat rapide. J’ajouterai d’ailleurs que je n’ai jamais pu parvenir à un résultat complet, mais à une amélioration pratiquement précieuse et , chez certains patients, assez consistante. Mes expériences donnent une image plutôt défavorable des perspectives thérapeutiques. Lorsque je traitai les premiers cas de ce genre, je n’avais pas encore l’" insight " de la particularité de leur résistance. Il faut dire que le travail fondamental de Freud, qui nous a permis de comprendre le narcissisme, date de 1914. J’ai l’impression très nette que le dépassement de telles résistances narcissiques est devenu plus facile depuis que je peux montrer à mes patients, dès le début du traitement, le sens de leur résistance. J’accorde beaucoup d’importance à l’analyse exhaustive du narcissisme des patients sous toutes ses formes, particulièrement dans ses relations avec le complexe paternel. Réussit-on à dépasser la fermeture narcissique des patients, et –c’est la même chose- à créer un transfert positif, alors les associations libres en présence du médecin parviennent à se faire. Au début elles restent isolées: avec la progression du processus décrit, elles se font plus abondantes. Si j’ai insisté initialement sur les difficultés du traitement, je voudrais pour finir mettre en garde contre l’impression d’un pronostic défavorable par principe.

Conforme au moi


En psychanal. conforme au moi qualifie des représentations acceptables pour le moi, c.-à-d. compatibles avec son intégrité et ses exigences (cf. Lapl.-Pont. 1967, p. 4).


Cet étrange phénomène de la vie psychique humaine (S. Freud)
Dans les analyses thérapeutiques aussi bien que dans celles de caractère, un fait est à noter, c'est que deux thèmes ressortent particulièrement et donnent bien du travail à l'analyste. Il n'est pas possible de méconnaître longtemps ici le jeu d'une certaine loi : les deux thèmes sont liés à la différence des sexes, l'un caractérise l'homme et l'autre la femme.

Malgré la diversité des contenus, il y a un parallélisme évident, quelque chose de commun aux deux sexes qui, du fait de la différence des deux sexes, a été contraint de prendre une forme différente d'expression.

Les deux thèmes qui se correspondent sont, pour la femme, l'envie du pénis, l'aspiration positive à posséder un organe génital mâle ; pour l'homme, la révolte contre sa propre attitude passive ou féminine à l’égard d'un autre homme.

La nomenclature psychanalytique a très tôt fait ressortir cette analogie en appelant ces réactions « comportement à l’égard du complexe de castration ». Plus tard, Alfred Adler a créé, pour ce qui concerne l'homme, le terme tout à fait approprié de «protestation mâle ».

Je crois plutôt que le terme de « rejet de la féminité » conviendrait parfaitement, à l'origine, à cet étrange phénomène de la vie psychique humaine.

En essayant d'introduire cette notion dans notre doctrine théorique, il ne faut pas oublier que ce facteur, conformément à sa nature, ne trouve pas dans les deux sexes une même utilisation.

Chez l'homme, la tendance virile existe dès le début et se trouve parfaitement conforme au. Moi; l'attitude passive présupposant que le sujet a admis l'idée de la castration est énergiquement refoulée et il arrive souvent que son existence ne soit révélée que par d'excessives surcompensations.

Chez la femme, l'aspiration à la virilité reste aussi, pendant un temps, conforme au Moi, à savoir pendant la phase phallique, avant le développement de sa féminité. Plus tard, cependant, cette aspiration subit le remarquable processus de refoulement de l'issue duquel, comme nous l'avons si souvent répété, dépendent les destins de la féminité.

Le point important est alors de savoir si une quantité suffisante du complexe de virilité échappe au refoulement et peut influencer de façon durable le caractère; de grandes parties du complexe se trouvent normalement transformées afin de contribuer à l’instauration de la féminité; le désir insatisfait du pénis doit se muer en désir de l’enfant et de l'homme possesseur du pénis. Mais, trop souvent, nous constatons que le désir de virilité est resté présent dans l'inconscient et déploie, à partir du refoulement, ses effets nocifs.

C'est, dans les deux cas, ce qui va à l'encontre du sexe du sujet qui subit le refoulement. J'ai déjà dit ailleurs que ce point de vue me fut naguère exposé par Wilhelm Fliess, qui inclinait à penser que l'opposition entre les sexes constituait la cause véritable, le motif primitif du refoulement.
Je ne ferai ici que renouveler mon refus de sexualiser de telle manière le refoulement, c'est-à-dire d'en fonder l'origine sur des bases biologiques et non psychologiques.

Conflit psychique


Définition du mot Conflit : Lutte entre deux tendances simultanées opposées

La psychologie et la psychanalyse utilisent ce terme lorsqu’une personne est soumise à des motivations opposées. En effet, un double mouvement voudrait satisfaire d’une part, un désir d’agir  et d’autre part, un désir de sécurité affective (être en accord avec moi-même, continuer à être aimé). Seulement, répondre à l’un de ces besoins est vécu comme incompatible avec le fait de répondre à l’autre. Faire un choix implique alors de prendre le risque de manquer d’action ou de perdre de la sécurité. Ce conflit interne génère de l’ambivalence, de l’anxiété ou l’impossibilité d’agir.
Lorsque deux désirs contradictoires, deux impulsions opposées se présentent en même temps à la conscience, on vit dans une tension désagréable, un conflit psychologique. Si l'on ne parvient pas à le résoudre de façon satisfaisante, il peut naître de l’angoisse, voire des troubles psycho-émotionnels. Un exemple simple de conflit psychologique est le vécu de l’enfant qui veut tout à la fois éviter de manger sa purée et ne pas être privé de dessert ; ou celui de la personne qui désire sexuellement un autre adulte mais a peur de faire le premier pas.

Daniel LAGACHE, dans son Vocabulaire de la psychologie (PUF, Quadrige, 2000), donne du conflit une définition assez succinte : Etat de l'organisme soumis à l'action de motivations incompatibles. Et il aiguillonne tout de suite sur la psychanalyse. La psychanalyse ramène la névrose à un conflit entre le besoin de sécurité, ou, en termes "topiques", à un conflit entre les pulsions du ça et la défense du Moi. Il n'en dit finalement pas beaucoup plus qu'André LALANDE dans son "Vocabulaire technique et critique de la philosophie" (même édition, même collection, 2002). L'expression "conflit de tendances" est usuelle en psychologie et en psychanalyse, spécialement en ce qui concerne les conflits entre le conscient et l'inconscient dans les phénomènes de refoulements.

     Il faut donc ouvrir le "Vocabulaire de la psychanalyse" (Jean LAPLANCHE et J-B PONTALIS, PUF, 1976) pour prendre connaissance du conflit psychique. C'est donc par une exégèse de l'oeuvre de Sigmund FREUD que l'on continue. On retiendra surtout cette définition, écrite en caractère gras : On parle en psychanalyse de conflit lorsque, dans le sujet, s'opposent des exigences contraires. le conflit peut être manifeste (entre un désir et une exigence morale, par exemple, ou entre deux sentiments contradictoires) ou latent, ce dernier pouvant s'exprimer de façon déformée dans le conflit manifeste et se traduire notamment par la formation de symptômes, des désordres de la conduite, des troubles de caractère... La psychanalyse considère le conflit comme constitutif de l'être humain et ceci dans diverses perspectives : conflit entre le désir et la défense, conflit entre les différents systèmes ou instances, conflits entre les pulsions, conflit oedipien enfin où non seulement se confondent des désirs contraires, mais où ceux-ci s'affrontent à l'interdit. On peut difficilement faire mieux dans une définition du conflit intérieur à la personne.
  Au cours de son exégète très instructive, les deux auteurs indiquent que FREUD, dans l'ensemble de son évolution sur le conflit, il a toujours cherché à ramener celui-ci à un dualisme irréductible que seule peut fonder, en dernière analyse, une opposition quasi-mythique entre deux grandes forces contraires ; entre deux pôles, la sexualité d'une part toujours, et d'autre part des réalités changeantes : Moi, Pulsions du Moi, Pulsions de mort.
   Le conflit nucléaire de l'être humain demeure le complexe d'Oedipe. Le conflit, avant d'être conflit défensif, est déjà inscrit de façon pré-subjective comme conjonction dialectique et originaire du désir et de l'interdit.
   On rencontre une exégèse semblable, quoique moins développée, sous la plume de Roger PERRON dans le "Dictionnaire international de la psychanalyse" (Sous la direction d'Alain de MIJOLLA, Calmann-Lévy, 2002).

      Dans le "Dictionnaire de la psychiatrie et de la psychologie clinique" de Jacques POSTEL (Larousse, 2003), on retrouve sous la rubrique Conflit psychique (anglais mentionné : psychical conflict), la définition suivante : expression d'exigences internes inconciliables, telles que désirs et représentations opposées, et plus spécifiquement, de forces pulsionnelles antagonistes. Le conflit psychique peut être manifeste ou latent. Et l'on repart pour une description du cheminement de  FREUD et de ses conceptions du conflit.

    C'est dire qu'en psychologie et en psychiatrie domine la conception freudienne du conflit (même si cette domination ne veut pas dire adhésion de l'ensemble des psychiatres ou des psychologues à la psychanalyse, tant s'en faut), sans doute parce que justement le conflit intérieur n'a jamais été aussi bien décrit et analysé.

Le conflit psychologique
- 1. Définition
Un conflit psychologique peut se définir comme un choc (conflictus en latin = choc) qui reste à un niveau psychologique.
- 2. Exemple
Une mère décroche son téléphone : le directeur de l’école de son fils lui raconte qu’il a fait une chute dans la cour de récréation, qu’il a été amené à l’hôpital où les médecins l’ont examiné et ont déclaré : « ce n’est pas grave, plus de peur que de mal ». La mère va le voir à l’hôpital : elle voit qu’il est sain et sauf. Gros soulagement : pas de biologisation d’une peur, d’une annonce d’une mauvaise nouvelle ou d’un choc.
2. Le conflit biologique
- 1. Définition
Un conflit biologique peut se définir comme un choc (conflictus en latin = choc) qui se traduit dans la biologie, parce qu’il emprunte des voies biochimiques, neuroanatomiques, physiologiques, etc.
- 2. Exemple
Une mère décroche son téléphone : le directeur de l’école de son fils lui raconte qu’il a fait une chute dans la cour de récréation, qu’il a été amené à l’hôpital où les médecins l’ont examiné et ont déclaré : « c’est très grave, le pronostic est réservé ». La mère arrive à l’hôpital : elle le veille tous les soirs, s’occupe de lui comme une « mère-veille » (une mère qui veille sur son enfant est une mère veilleuse (merveilleuse)). Malgré tout cela, l’enfant meurt.
En fonction de l’intensité du stress, de la cascade du vécu-ressenti, de l’histoire familiale et personnelle de l’individu, il peut y avoir une biologisation (= descente dans la biologie) si le seuil d’intensité du stress est dépassé ou quand il y a un surstress permanent suraigu. A ce moment-là, on parle de « conflit biologique ».
La seule différence entre un conflit psychologique et un conflit biologique est que
- dans un conflit psychologique, le seuil n’est pas dépassé et il n’y a pas de biologisation
et
- dans un conflit biologique, le seuil est dépassé et il y a une biologisation.
Conflit psychologique Conflit biologique
Seuil Pas dépassé Dépassé
Biologisation Pas de biologisation Biologisation
Cette biologisation dépend :
- de la personne
- de la fonction de seuil
- de l’intensité du choc
- de la durée du choc [1]
- du vécu-ressenti
- de l’histoire personnelle (existence de conflits programmants, de conflits déclenchants, etc.)
- etc
Dire et rapporter que l’on dit en biologie totale que la maladie résulte d’un choc psychologique (comme rapporté sur des sites ou par certains critiques) est une erreur grossière : en biologie totale, on dit que la maladie résulte d’un choc biologique (conflictus en latin = choc), que l’on appelle « conflit biologique ».
Le substrat biologique à la base de cette différence entre un conflit psychologique et biologique est en partie neuronal : il existe une fonction seuil dans la transmission de l’influx nerveux entre le corps cellulaire d’un neurone et son axone. Tant que le seuil n’est pas dépassé, il n’y a pas de transmission de l’influx nerveux vers un autre neurone.
Schéma simplifié d'un neurone physiologique
3. Le stress
- 1. Définition
Hans SELYE - « le père du stress » - définit le stress comme « réponse non spécifique de l’organisme à toute sollicitation » [2] .
Au départ, SELYE a repris ce terme de « stress » à la mécanique des matériaux : le stress en mécanique est une interaction entre une force et la résistance qu’a ce matériau. Peu importe si c’est une machine ou un homme qui tire sur ce matériau. D’où le terme de non spécifique.
La notion de stress est centrale en BTEV, puisque la maladie est considérée comme étant la solution parfaite du cerveau pour éliminer un état de surstress de l’organisme. Par la maladie, elle oblige l’organisme à revenir à un niveau de stress intermédiaire, davantage compatible avec la vie qu’un état de surstress.
Métaphoriquement, la descente du stress dans la biologie entrainant un conflit biologique serait l’équivalent d’un fusible qui saute à la suite d’un court-circuit.
- 2. Exemple
Quand on lui découvrit un réticulosarcome (= variété de cancer), Hans SELYE se proposa - au lieu de s’abattre - de s’appliquer à lui-même les théories sur le stress issues de ses travaux. Il ne chassa pas son stress, il apprit à relativiser plein de choses dans sa vie, se trouva une philosophie de vie, etc.
Il put vivre plus longtemps que ce que la médecine de son époque lui proposait. Il mourut en 1982, soit plus de huit ans après le diagnostic de sa maladie.
La thérapie en biologie totale des êtres vivants ne consiste pas à « chasser le stress » mais à rechercher les chocs que les personnes ont ressentis (cf. cascade des vécus-ressentis) et à les aider à porter un autre regard (cf. changement de regard) sur les événements de leur vie.
[1] La durée du choc multiplié par l’intensité du choc donne une idée de la masse du conflit (= masse conflictuelle).
[2] Hans SELYE, Le stress de la vie - le problème de l’adaptation, éd. GALLIMARD, 1975, préface p. XI.

Comment Freud explique-t-il qu'il y a un conflit psychique chez l'être humain ?


Il y a conflit psychique simplement parce que l'étre humain possède des désirs inacceptables par la morale (le surmoi) et contraires aux exigences néceaaires à sa bonne adaptation à la réalité.
La plupart du temps ces désirs sont d'ordres sexuels et pulsionnels (dûs aux exigences du Ça) et liés au désir oedipiens (complexe d'oedipe) ce qui est formellement réprimendé par son surmoi. Le sujet va donc refouler les représentations et les affects associés à ces désirs interdits et vont ainsi devenir inconscients. Seulement parfois un évenement particulier vont faire ressurgir ces souvenirs refoulés, mais le moi va lutter contre cette résurgence dérangeante pour le sujet et selon la pathologie du sujet va déplacer les affects associés à ces souvenirs sur d'autres représentations à la base indifférentes (nevrose obsessionnelle) ou les convertir en énergie somatique (hysterie), et ces obsessions ou troubles corporels vont être les symptomes du conflit psychique.

 
Sinon pour l'enfant pervers polymorphe, cela fait référence aux différents stades que freud a décrit dans le développement de la sexualité infantile : stade oral, sadique anal, phallique pour aboutir plus tard à la sexualité génitale. Mais pour cela je te conseille de lire ses essais sur la théorie sur la sexualité.


Traiter des conflits psychiques, c'est toucher à l'essence de l'humain puisqu'ils se retrouvent à l'origine non seulement des névroses, mais de ce qui nous fait désirer, penser, ressentir et agir. Face à un sujet qui recouvre l'ensemble du champ analytique, j'ai dû sérier ce dont j'allais parler. Je laisserai de côté la phylogenèse, qui fait l'objet du travail présenté par V. Caillat1, et je ne reviendrai pas en détail sur les tableaux cliniques, déjà parfaitement explorés par les classiques ; je me focaliserai au contraire sur l'ontogenèse des conflits ; mon intention est de préciser micropsychanalytiquement pourquoi ils apparaissent inéluctables et comment ils s'auto-organisent à partir des expériences co-pulsionnelles et des vécus utéro-infantiles. Ainsi, après un bref rappel des acquis freudiens, je discuterai le concept d'appareil psychique par rapport au modèle énergétique de la micropsychanalyse ; cela me conduira à redéfinir la notion de conflit à deux niveaux — les longues séances  suggèrent effectivement de prendre en considération, au delà du conflit névrotique proprement dit, une conflictuelle plus fondamentale — et je finirai par dire un mot de la formation de symptôme.

TOPIQUE CLASSIQUE

Dès avant 1900, Freud a établi que les névroses trouvent leur étiologie dans l'opposition entre des désirs inconscients et des défenses érigées contre eux2. Au fur et à mesure que s'accumulaient les observations, cette donnée clinique a été généralisée jusqu'à devenir le paradigme de toutes les manifestations psychiques. En effet, on peut appliquer à n'importe quel contenu manifeste ce qu'enseigne la théorie des névroses : il s'agit d'un compromis entre des forces originairement contradictoires, donc en conflit. Que ce compromis penche plus à réaliser le désir (formation substitutive) ou à le contrecarrer (formation réactionnelle), il offre une certaine solution au conflit qui, dans l'idéal, devient conforme au moi et ne se manifeste plus comme tel.
Parallèlement à la généralisation du dualisme conflictuel, la recherche analytique s'est approfondie pour découvrir que, aussi loin que l'on recherche, il existe toujours des forces opposées que l'on peut réduire en de nouvelles oppositions qui, ensemble, surdéterminent tel symptôme, telle image onirique, tel sentiment, tel discours. Cela a amené les psychanalystes à dégager les constituants d'innombrables organisations conflictuelles dont voici les principaux types : conflits de systèmes ou d'instances (entre une pression de l'inconscient et une résistance du préconscient-conscient, entre les capacités du moi et les aspirations de l'idéal du moi, entre un dessein du moi et une condamnation du surmoi...) ; conflits dans la relation d'objet (par exemple entre un objet externe et un objet interne, entre des objets partiels et un objet total) ; conflits d'identifications (entre des identifications paternelles et maternelles, entre identification primaire et secondaire...) ; conflits quant aux désirs, que ceux-ci s'opposent les uns aux autres, qu'ils butent sur des interdits ou qu'ils soient contrecarrés par des défenses (telle l'opposition entre des buts passifs et actifs, celle entre les désirs incestueux et le tabou de l'inceste, celle entre une motion refoulée et les forces refoulantes) ; enfin conflit pulsionnel (par exemple entre la sexualité et l'autoconservation, entre pulsion de mort et pulsion de vie).
Bien plus, c'est sous l'impulsion de ces conflits dynamiques et pour tenter de les résoudre économiquement que le psychisme se structure. En ce qui le concerne, l'inconscient mémorise représentationnellement et affectivement des vécus conflictuels agressifs-sexuels : au cours des stades du développement, les représentations et les affects refoulés s'organisent progressivement jusqu'à former des structures complexes d'où sourdent les désirs et les défenses ; dès le grand refoulement d'Œdipe-castration, donc autour de la sixième année, l'inconscient se trouve mnésiquement saturé et a acquis sa structure définitive. A partir de là, tout symptôme névrotique (comme tout contenu manifeste) n'est qu'une extériorisation plus ou moins déformée d'une conflictuelle inconsciente, une répétition plus ou moins élaborée de vécus primaires.
En d'autres termes, l'adulte exprime continuellement la dynamique désirante-défensive liée aux vécus agressifs-sexuels mémorisés dans son inconscient avant la septième année. Cette découverte capitale, Freud l'a évoqué, implique que la psychanalyse a infligé à l'homme sa troisième grande humiliation, après l'affirmation copernicienne que la terre n'est pas le centre de l'univers et la démonstration darwinienne que l'être humain descend de l'animal. Les conséquences en sont effectivement immenses. Dans le contexte qui nous intéresse ici, je n'en mentionnerai qu'une : au plus profond de chaque être humain normal sommeillent des conflits névrotiques qui, au mieux, se manifestent par des microsymptômes.
Pour la psychanalyse contemporaine, la cause ultime de cette disposition naturelle aux conflits psychiques semble désormais admise : par delà les contraintes de la vie en société, la dépendance particulièrement longue de l'enfant, ses besoins relationnels et affectifs jamais totalement comblés, ses difficultés à se soumettre à la férule de l'éducation, l'immaturité physiologique du nourrisson et les états de détresse qu'il vit, il faut la chercher dans l'opposition irréductible d'Eros et de Thanatos. Si l'expérience micropsychanalytique ne tend pas à remettre en question l'existence de la pulsion de mort, il n'en va pas ainsi de la mécanique intime des conflits : pour les classiques, elle reste largement assujettie au modèle freudien de l'appareil psychique qui, lui, nous paraît devoir être repensé.
A ce propos, il faut rappeler que l'appareil psychique repose sur un postulat fondamental indiquant que Freud, neurologue de formation, a bien transposé au plan psychique certaines de ses connaissances biologiques et neurophysiologiques, ce qui a d'ailleurs poussé F. J. Sulloway à le qualifier de « cryptobiologiste »3. L'appareil psychique que Freud conçoit partage avec l'ensemble du vivant la caractéristique d'être excitable et de devoir maintenir constant son milieu intérieur malgré un afflux incessant d'excitations. Dynamiquement et économiquement, l'appareil psychique fonctionne comme un système réflexe qui reçoit des excitations à son extrémité sensitive et les décharge à sa terminaison motrice4 ; cette décharge dans la motricité tend à rétablir la tension psychique à son minimum physiologique ; à l'inverse, des blocages dans la décharge créent une augmentation de tension qui rend compte du conflit psychique.
Mais, paradoxalement, l'appareil psychique est mal articulé au corporel. Au point de vue freudien, les pulsions ne font pas partie, comme telles, de l'appareil psychique. Elles sont ancrées dans le biologique et se bornent à transmettre des excitations au psychique, lui imposant un travail de métabolisation énergétique. Bien que l'inconscient émane du corporel par l'intermédiaire de représentants pulsionnels (les représentations et les affects), ces sortes de délégués du somatique dans le psychique ont une autonomie totale dans l'inconscient et sont complètement détachés de tout substrat corporel. D'autre part, l'appareil psychique utilise la motricité comme voie de décharge tensionnelle, sans que ce mécanisme puisse être mieux précisé, si ce n'est sur le modèle de la formation du symptôme hystérique, c'est-à-dire selon une représentation symbolique du corps, donc selon une fonction purement psychique !
Freud était à la fois tributaire de l'état des sciences à la fin du 19ème siècle et farouchement décidé à assurer l'indépendance de la psychanalyse. Dans ces conditions, il lui était certainement impossible de conceptualiser plus clairement l'unicité esprit-corps.
Ces défauts du modèle freudien concernent surtout la première topique5, mais la seconde6 ne leur apporte aucune solution. Elle a certes le mérite d'en atténuer l'aspect mécaniste, de donner leur juste place (dans le moi inconscient) aux mécanismes de défense, de montrer leur finalité sous l'angle de la relation d'objet et des identifications... en somme d'expliquer les conflits à la lumière d'organisations représentationnelles-affectives structurées au cours du développement et de mettre en évidence les rapports intrasystémiques (donc au sein même de l'inconscient) entre les vécus onto-/phylogénétiques, les désirs et les défenses. Grâce à cela, elle fournit un éclairage incontournable sur la clinique et les conduites humaines ; en voici juste quelques exemples : la seconde topique aide à visualiser comment le moi d'une hystérique se concilie le surmoi (héritier d'Œdipe) en n'autorisant le coït qu'au prix d'une frigidité totale et réalise les désirs liés aux identifications phalliques en déterminant une raideur de la colonne vertébrale ; ou comment une dépression se déclenche après une rupture avec un partenaire sosie d'un des parents : le pôle agressif de l'ambivalence angoissante envers l'objet parental est pris en charge par le surmoi qui persécute le moi de son investissement haineux ; ou encore comment une conduite d'échec fait suite au départ d'un chef de service et à la promotion sociale qu'elle a suscitée : le moi se défend d'avoir réalisé les désirs de meurtre œdipiens et s'interdit d'atteindre la puissance paternelle mémorisée dans l'idéal du moi.
Ainsi, la seconde topique est devenue indispensable à la pratique et à la théorie, mais elle a également montré ses limites. Tant que l'on reste dans le cadre métapsychologique freudien, il est difficile de l'imbriquer parfaitement avec la première. Ce qui a conduit nombre de praticiens à ne plus envisager l'inconscient comme un système, suivant d'ailleurs une indication de Freud lui-même7, et à laisser ainsi s'estomper la séparation radicale entre inconscient et préconscient-conscient, au risque de perdre le sens premier du refoulement : l'inscription définitive d'un contenu dans un système mnésique et sa soumission définitive au processus primaire.
Quant à la dynamique des conflits, la seconde topique rend difficile la visualisation du bloc fonctionnel que forment désir et défense parce que, en remplaçant la notion d'inconscient comme système par celle de ça, elle les place dans des instances différentes, ce qui accentue au contraire leur antagonisme. Par voie de conséquence, elle peine à donner un substrat cohérent à la pulsion et au désir : alors que la dynamique pulsionnelle se voit reléguée à l'arrière-plan du ça, celui-ci devient le site des désirs inconscients qui, du même coup, se retrouvent dans un univers de chaos8. Ainsi se perd de vue l'aspect hautement organisé des ces désirs et leur enracinement dans une structure tellement stable qu'elle perdure toute la vie.
Pour ce qui est des défenses, la seconde topique entraîne souvent une confusion entre les mécanismes qui obéissent totalement au processus primaire et ceux qui ressortent en partie du processus secondaire. Prenons comme illustration le déni de réalité. En tant que défense précoce en rapport avec la castration, elle est un mécanisme type de l'inconscient, jouant donc exclusivement la carte de l'équilibre tensionnel intrapsychique en fonction d'un vécu refoulé et intériorisé (et non d'un vécu sensoriel) ; mais on trouve souvent ce terme employé pour signifier, chez un adulte, la scotomisation d'une réalité perçue, dont la mécanique se joue en fait au niveau préconscient.
A trop idéaliser l'appareil psychique, n'a-t-on pas fait le lit d'une « psychanalyse » délaissant pulsions et désirs inconscients au profit d'une étude quasi exclusive du moi ? D'ailleurs l'Ego psychology, qui se concentre sur les mécanismes adaptatifs au détriment des rapports à l'agressivité-sexualité refoulée, va jusqu'à concevoir un « moi autonome », libre de tout conflit9 ! Si Lacan10 a eu le mérite de jeter l'anathème sur cette dérive et de redonner toute sa force au désir, il n'a malheureusement pas pu, partant de l'a priori que l'inconscient est structuré comme un langage, récupérer la dimension pulsionnelle et psychobiologique, finissant par préférer remplacer la topique freudienne par ses propres catégories.

TOPIQUE MICROPSYCHANALYTIQUE

A mon avis, on peut retrouver le fonctionnement systémique que prévoyait la première topique sans perdre les avantage opérationnels de la seconde en intégrant ces deux topologies à un modèle fondé sur des niveaux de structuration énergétique, comme l'a également proposé P. Codoni11. Cette « topique énergétique cellulaire » développe au niveau psychobiologique le modèle de l'organisation énergétique du vide présenté par Fanti12 et s'accorde à deux postulats largement consensuels dans la pensée scientifique moderne :
  1. Le psychique est indissociable du biologique. Non seulement ils sont en interaction permanente, mais ils fonctionnent de manière totalement interdépendante, autant dans le sens psychosomatique que somatopsychique.
  2. A sa manière, le psychisme entre dans la logique universelle du vivant. Il conserve et transforme de l'énergie, il stocke et traite des informations, il maintient et transmet une différenciation par rapport au milieu environnant, il est sensible aux modifications de ce milieu et il y répond.
On en conclut que le psychique partage certains de ses éléments constitutifs avec le biologique et, à partir de là, on postule que ce dénominateur commun est énergétique. Puisque tout ce qui existe se ramène finalement à de l'énergie, cette affirmation serait une lapalissade si elle ne débouchait pas sur une modélisation pertinente et vérifiable de la structure psychique : de même que la matière est structurée énergétiquement par organisations de complexité croissante jusqu'aux multiples expressions du vivant (particules, atomes, molécules, cellules, tissus, organes), le psychisme apparaît structuré en organisations énergétiques de plus en plus spécialisées au sein du biologique (représentations et affects, ensembles de représentations et affects, complexes, instances).
Ainsi se dégage une topique psychobiologique dans laquelle l'inconscient et le préconscient-conscient sont envisagés en termes de niveaux de structuration énergétique.
L'inconscient se définit comme le niveau de structuration dont l'énergétique est caractérisée par le principe de plaisir et le processus primaire. Le préconscient-conscient constitue un niveau de structuration plus élaboré, dont l'énergétique répond au principe de réalité et au processus secondaire. Chacun de ces deux niveaux se différencie en organisations énergétiques jouant un rôle spécialisé ; ce sont les instances : moi, moi idéal, idéal du moi et surmoi. Quant au ça, il forme le creuset cellulaire où, par mobilisation co-pulsionnelle de l'énergie, le psychisme s'organise spécifiquement et interagit avec les chromosomes, les tissus et les organes. Pour être complet, il faut ajouter que chacun des principaux niveaux offre lui-même différents degrés de structuration allant, pour l'inconscient, des ensembles de représentations ou d'affects jusqu'aux fantasmes et, pour le préconscient-conscient, jusqu'aux pensées et aux sentiments.
Développons maintenant les aspects de ce modèle qui sont particulièrement importants pour l'appréhension des conflits psychiques.

ELEMENTS D'UNE METAPSYCHOLOGIE DES CONFLITS

1) La genèse des conflits

A la lumière d'une topique fondée sur des organisations énergétiques progressives, on peut bien visualiser comment les conflits psychiques procèdent des structures établies au fil du développement utéro-infantile. Par l'intégration de représentations et d'affects à des noyaux qui s'étoffent ainsi de plus en plus, des complexes se créent, puis deviennent sources de conflit lorsqu'ils se trouvent massivement investis. On verra en effet qu'une telle activation ou réactivation nucléaire donne lieu à un conflit spécifique.
D'autre part, chaque complexe investi influence la structuration de complexes subséquents et détermine, après déformation au niveau de la première censure, la forme des objets préconscients-conscients. C'est d'ailleurs ainsi que la verbalisation associative nous donne accès à l'inconscient : bien que ce dernier ne connaisse ni le langage grammatical ni les mots, il ne cesse de s'exprimer dans les structures langagières du préconscient ; on a des témoignages de ce qui se passe au niveau de l'inconscient dans la mesure où le processus primaire infiltre les couches profondes du préconscient et où les objets préconscients-conscients (et extérieurs) font écho à des objets inconscients.

2) Le rapport entre ça et inconscient

En redéfinissant le ça comme un lieu géométrique où l'énergie engendre une force pulsionnelle qui agit en retour sur l'énergie, il devient ipso facto le creuset psychobiologique des conflits. Comme une planète exerce une force gravitationnelle qui va attirer une météore dans son champ d'attraction et provoquer une déflagration, une entité représentationnelle-affective où siège une tension suscite une motricité entraînant la structuration/déstructuration énergétique de cette entité ou d'une autre. Par exemple, au niveau de l'inconscient, un complexe de représentations-affects surinvesti fait surgir une poussée (sexuelle et/ou agressive) qui, tout en amenant une diminution de l'investissement, créera une surtension ailleurs si elle se trouve en opposition avec le dynamisme que cet autre complexe engendre.
Avec cette conception du ça se dessine un modèle cybernétique d'activation/désactivation des conflits, tenant à la relation entre les représentations-affects et les co-pulsions. En effet, on le sait, nous concevons les représentations-affects comme une empreinte psychique laissée par un fonctionnement co-pulsionnel, comme une modification structurelle que les co-pulsions impriment à une partie ponctuelle du psychisme. Mais les co-pulsions émergent de structures qui peuvent être autant psychiques que somatiques. Ainsi, les représentations-affects sont également sources de nouvelles co-pulsions dont les traces, par boucles rétroactives, modifieront éventuellement des éléments de structures préexistantes.

3) L'inconscient

C'est le niveau essentiel d'où germent les conflits psychiques parce qu'il s'y mémorise des expériences co-pulsionnelles discordantes et des vécus incompatibles (j'y reviendrai) sous forme de complexes représentationnels et affectifs suscitant les désirs et les défenses.
En effet, l'inconscient se présente comme un système de mémoire et de traitement d'informations provenant du fonctionnement co-pulsionnel. Les représentations-affects sont les entités-mémoires élémentaires de ce système ; autrement dit, dans une conception énergétique, les représentations-affects sont en elles-mêmes nos traces mnésiques inconscientes et leur organisation complexe établit nos systèmes mnésiques de base selon le principe de plaisir et le processus primaire.
Comment visualiser cela ? Une représentation ou un affect consiste en une microstructure inscrite dans l'énergie psychobiologique par une expérience co-pulsionnelle particulièrement intense et/ou répétitive sur laquelle a porté le refoulement. Une représentation mémorise la qualité de ce qui a été expérimenté co-pulsionnellement, par exemple telle fréquence vocale de la mère, telle composante gustative de son lait, tel grain de sa peau, telle sensation au contact d'une certaine matière ou odeur, telle pression exercée au niveau d'une zone érogène, etc. Quant à l'affect, il mémorise l'intensité de l'expérience.
Dans le travail de séance, il faut de longues lignées associatives pour arriver à ces composants élémentaires parce qu'il s'est produit une importante élaboration inconsciente entre les unités élémentaires de mémoire et les souvenirs sophistiqués qui s'expriment dans le matériel. L'élaboration inconsciente crée des organisations de représentations-affects dont l'ensemble détermine la structure de l'inconscient. Pour en rendre compte, il faut faire appel aux mécanismes que nous appelons élémentaires (déplacement et condensation) et à ceux que l'on considère comme effectivement structurels : le refoulement, la projection et l'identification.
Au gré des déplacements-condensations de l'énergie libre, certaines représentations-affects deviennent des sites privilégiés d'investissement. Le psychisme humain se caractérisant par sa capacité à associer, des représentations-affects relativement similaires (donc présentant une compatibilité énergétique) s'interconnectent solidement lorsqu'elles sont investies et forment dès lors un ensemble soudé. Tout se passe comme si, quand certaines représentations-affects sont surinvesties, la formation d'une organisation représentationnelle-affective répartissait l'excès tensionnel sur l'ensemble et satisfaisait ainsi au principe de plaisir, au prix d'un relatif blocage énergétique dans la structure.
Cet ensemble de représentations-affects fixées (ou originairement refoulées) forme un noyau fixe auquel s'agglomèrent peu à peu d'autres représentations-affects, porteuses de l'information d'expériences co-pulsionnelles ultérieures mais similaires aux expériences originairement refoulées. Le refoulement après-coup dont il s'agit ici constitue un complexe de représentations-affects solidement imbriquées13 ; il mémorise des expériences co-pulsionnelles analogues dont il va en quelque sorte tirer un schème dynamique type (on en verra l'importance quant à la réalisation des désirs).
Plus précisément, les structures inconscientes mémorisent aussi les investissements qui ont guidé la pulsionalité sous-tendant le fonctionnement de l'appareil perceptif-sensoriel. Cela signifie que sont représentés dans l'inconscient, de manière totalement interactive, par exemple la disposition de telle poussée co-pulsionnelle à générer de l'angoisse et/ou de la culpabilité, la dynamique objectale propre à procurer du plaisir ou du déplaisir, les buts qui entraînent une satisfaction ou une frustration... La mémorisation structurelle des expériences co-pulsionnelles clefs de la vie utéro-infantile se traduit par la présence, dans l'inconscient, de pattern d'action motrice — ou schèmes dynamiques — qui déterminent les désirs, les défenses et les fantasmes.
Ainsi, micropsychanalytiquement parlant, le refoulement a une triple fonction, correspondant à trois niveaux d'action : il suscite la mémorisation inconsciente sous forme de représentations-affects ; puis il agit en mécanisme efficient de l'inconscient remodelant cette mémoire (c'est pourquoi il est intéressant de l'envisager comme un mécanisme structurel) ; enfin il peut s'élaborer en mécanisme de défense lorsqu'il y a nécessité tensionnelle.
Quant à la projection et à l'identification, elles se combinent au refoulement pour créer la structure inconsciente et, comme lui, elles peuvent secondairement s'instituer en défenses. La projection expulse co-pulsionnellement la charge d'un complexe sur un autre, le modelant ainsi à son image. Avant d'être un mécanisme de défense illusionnant le moi en transposant à l'extérieur quelque chose qui lui est propre, elle est donc essentiellement intrapsychique et structurelle. L'identification ressort du même processus, mais inversé : avant d'être réutilisée défensivement, dans la relation aux objets externes, elle est un mécanisme formatif de structures psychiques puisqu'elle modèle des complexes représentationnels-affectifs en les calquant sur des objets co-pulsionnels pris dans le moule de l'incorporation ou de l'introjection. La conjonction des mécanismes élémentaires (déplacement-condensation) et structurels (refoulement-projection-identification) pour former un complexe mémorisant en un tout des expériences co-pulsionnelles analogues conduit à l'intériorisation d'un vécu.
Illustrons la formation d'un complexe par l'exemple d'un noyau oral, auquel se sont adjoints des composants anaux puis phalliques. Parmi les nombreux déterminants de ce complexe, je ne mentionnerai que quelques éléments étiologiques d'une symptomatologie abandonnique chez un homme dans la trentaine : des états fébriles qui surviennent plusieurs fois par année et qui n'ont trouvé aucune explication médicale convaincante ; des répétitions amoureuses caractérisées par la nécessité de conquérir telle femme et, dès qu'il y a eu rapport sexuel, par une terrible déception aboutissant au rejet de la personne séduite ; des périodes de spleen au cours desquelles il mène une vie recluse et ascétique sur le plan alimentaire.
Au fil du travail analytique, ces manifestations prennent un sens abandonnique en formant progressivement une lignée associative dont je vais livrer quelques temps forts. L'analysé découvre que ses spleens, qu'il a toujours rapportés à ses échecs sentimentaux, sont déclenchés par l'ingestion, dans des circonstances particulières, d'aliments évoquant le lait (par leur goût, leur odeur, leur couleur ou leur consistance). Il se remémore ensuite une maladie infectieuse de sa mère, survenue quand il avait 6-7 mois et qui avait nécessité une assez longue hospitalisation pendant laquelle il a été placé en nourrice. Il ressent qu'il a vécu là une séparation dramatique et revit sur le divan des expériences de rage insupportables tant elles sont chargées de culpabilité. A partir de ces extériorisations affleurent, sur plusieurs séances, les représentations-affects refoulées qui constituent les unités-mémoires de ce vécu intériorisé : la peau chaude et moite de sa mère, l'intensité de sa détresse en son absence, la couleur des bouillies qu'il voit pour la première fois, le déplaisir à ce nouveau mode de nutrition synonyme de rejet, l'indifférence de l'étrangère qui répond à ses appels angoissés avec retard...
Il s'est donc identifié aux signes de la maladie maternelle (qui signaient aussi sa présence) et répète dans sa vie amoureuse les vécus de fusion/défusion orale ; mais cette répétition est influencée par des ensembles de représentations-affects structurés au stade anal (où l'incorporation est renversée dans le contraire, ce qui conduit à projeter la mauvaise mère sur certaines représentations de la vie sociale et de la nutrition, puis à l'expulser magiquement par le refus de contacts et d'une alimentation normale), puis au stade phallique (les femmes qu'il conquiert ont certaines caractéristiques de la mère œdipienne et il répète avec elles, tant dans la phase de séduction que dans celle de déception/rejet, le destin de ses désirs œdipiens).
Pour en revenir à la théorie des conflits, les représentations-affects refoulées et les vécus intériorisés constituent également le véhicule de notre mémoire inconsciente. Par déplacement-condensation-projection-identification, un ensemble de représentations-affects (correspondant à tel vécu intériorisé) transmet son stock d'informations à un autre ensemble, qui deviendra porteur d'un sens nouveau et qui le communiquera à son tour.
Comme la dynamique inconsciente ignore le principe de non-contradiction, les informations échangées peuvent s'entrechoquer explosivement et se combiner de manière discordante. En pratique, ces échanges explicitent la formation des séries équationnelles d'équivalents psychobiologiques et leur conjugaison conflictuelle qu'on retrouve dans chaque analyse. On verra, avec les incompatibilités essentielles, pourquoi la transmission d'information est nécessairement conflictuelle, mais j'aimerais auparavant souligner que la mémoire inconsciente forme un véritable système cybernétique qui entre en jeu dans n'importe quel conflit névrotique, y compris ceux qui paraissent tenir de la seule actualité (de la réalité extérieure ou d'un processus biologique)14.
Plus simplement dit, la clinique nous place devant une énigme. D'une part, nous savons que les complexes représentationnels-affectifs explicatifs des conflits psychiques sont définitivement structurés à la fin de la petite enfance, que toutes les productions psychiques s'originent de l'inconscient et qu'elles sont en permanence alimentées par lui dans un flux allant du latent au manifeste. D'autre part, l'expérience montre que l'adulte, selon les circonstances de sa vie, présente des exacerbations ou des rémissions symptomatiques ; donc, tout se passe comme si le conflit névrotique puisait en fonction de modifications biologiques et/ou environnementales. Notre modèle énergétique permet de concevoir une réponse à ce paradoxe : la cybernétique co-pulsionnelle, qui met les objets inconscients en communication avec les objets préconscients et les populations neuronales spécialisées (sensations-perceptions), pourrait fonctionner par mise en résonance d'entités présentant des correspondances énergétiques (comme une vibration sonore fait résonner certains matériaux ou comme les impulsions électriques font vibrer la membrane d'un haut-parleur) ; normalement, cette transmission par résonance conduirait à un équilibre global des différents systèmes composant l'être humain mais, dans certaines circonstances, il se produirait une amplification malvenue, telle un effet larsen, et pouvant aller jusqu'à faire éclater une structure (comme les trompettes de Jéricho ou le pas cadencé d'une troupe sur un pont) ; ce serait le cas lorsqu'un événement extérieur résonne dans telle structure du préconscient qui, elle-même, est activée par transmission d'une information choc inconsciente ; la résonance entre l'actuel/extérieur et un passé en retour de refoulé créerait alors une amplification au niveau préconscient, dont la traduction serait une flambée symptomatologique.

4) La notion d'incompatibilité

A chaque stade du développement agressif-sexuel, les désirs trouvent sur leur chemin des incompatibilités dynamiques qui impulsent le refoulement et les défenses successives. Comme cette notion se révèle très importante pour l'appréhension du conflit, il vaut la peine d'en donner quelques exemples. Au stade initiatique-oral, les désirs fusionnels rencontrent les vécus de rejet maternel consécutifs à la dévoration cannibalique ; de même, le vécu de toute puissance narcissique s'accroche avec celui d'éclatement défusionnel. Au stade anal, la rétention possessive est incompatible avec le don amoureux, qui lui-même bute sur la perte castratrice ; l'érotisme tactile mobilise l'inconciliable charge agressive du toucher, comme les désirs d'emprise sado-masochique se heurtent à l'éducation sphinctérienne et soulèvent une angoisse de séparation inacceptable. Au stade phallique, c'est la présence/absence de pénis qui pose un problème insoluble ; de plus, les désirs de pénétration et de procréation sont incompatibles avec les tabous de l'inceste et du meurtre, ainsi qu'avec la réalité.
En somme, aussi loin qu'on creuse, on constate l'existence d'incompatibilités irréductibles ; on se trouve face à un dualisme qui se surdétermine de plus en plus mais ne se dissout pas. Ces incompatibilités corroborent l'intuition freudienne que la vie psychique est conflictuelle par nature. Comme elles se répercutent de niveau en niveau, elles semblent provenir d'une incompatibilité intrinsèque à l'être animé.
Micropsychanalytiquement, cela correspondrait à une non-synergie essentielle entre les pulsions de mort et de vie, créant une tension nécessairement déséquilibrante dans l'énergétique des entités et dont rend compte la notion d'incompatibilité énergie-vide15.

DEFINITIONS DE CONFLITS

Maintenant que sont posés les principaux points métapsychologiques qui permettent de décrire la nature intime des conflits, en voici une définition générale : un conflit psychique est la traduction d'incompatibilités inconscientes que le désir rencontre sur la voie de sa réalisation et qui sont mémorisées dans des complexes de représentations-affects, puis cybernétisées par la dynamique co-pulsionnelle.
Il s'agit maintenant de développer ces généralités pour les appliquer aux différents types de conflits et à leurs particularités. Dans cet objectif, je distinguerai deux niveaux de conflictuelle, le premier m'apparaissant comme constitutif de l'être, le second correspondant à la structuration véritablement défensive du niveau précédent.

1) Les conflits constitutifs

J'aimerais tenter de modéliser ce qui se passe avec la réalisation des premiers désirs émergeant au cours du développement utéro-infantile. Précisons d'emblée que ces désirs sont primaires parce qu'ils précèdent les désirs spécifiques et forment leur prototype ; mais ils ne sourdent pas une fois pour toutes au début de l'existence : il s'en constitue tout au long du développement utéro-infantile.
Quand un complexe est activé par la dynamique inconsciente (c'est-à-dire lorsque les représentations qui le composent sont massivement investies), il devient le siège d'une surcharge tensionnelle qui, pour satisfaire au principe de plaisir, doit s'abaisser en mobilisant des co-pulsions appropriées. Comme la dynamique est tributaire d'une structure, les co-pulsions mobilisées ont une liberté d'action limitée : leurs caractéristiques sont assujetties aux schèmes dynamiques mémorisés structurellement. Or, cela constitue précisément le désir. Un désir inconscient correspond à un schème dynamique spécifiant le mode d'abaissement de la charge tensionnelle d'un ensemble de représentations-affects activé. Et la réalisation du désir se fait par mise en action motrice des co-pulsions. Evidemment, cette motricité est à entendre au sens analytique de mouvement d'investissement et implique aussi bien une réalisation psychique et onirique qu'une réalisation par l'acte ; d'ailleurs, on le sait, la réalisation psychique est primaire, l'acte n'en est que le prolongement.
Si notre psychobiologie ne fonctionnait pas de manière cybernétique et si l'inconscient ne mémorisait pas d'incompatibilités essentielles, le cycle désir/action spécifique/réalisation de désir ne poserait pas problème — mais l'être humain n'aurait rien à voir avec ce qu'il est ! En fait, il semble au contraire que l'allumage d'un schème co-pulsionnel pour réaliser le désir se répercute ipso facto sur des schèmes incompatibles avec le premier et les active énergétiquement. Vu que l'inconscient fonctionne selon le tout ou rien, l'alternative est simple : a) l'action spécifique rencontre directement une incompatibilité sur son chemin et la réalisation du désir est entravée ; on a donc une expérience de frustration qui laisse subsister un excès tensionnel ; b) l'action spécifique ne bute sur aucun obstacle direct, mais active une incompatibilité mémorisée dans une autre structure ; l'expérience de réalisation abaisse la tension ici tout en l'augmentant ailleurs et cela suscite une distorsion tensionnelle. Toujours est-il que, dans les deux cas, il y a conflit d'incompatibilités et que ça va être mémorisé.
Ainsi, le conflit constitutif consiste dans la contrainte qu'une incompatibilité essentielle exerce sur la réalisation d'un désir primaire et qui enclenche une élaboration par les mécanismes élémentaires et structurels de l'inconscient.
En effet, la réaction vitale à ce conflit d'incompatibilité est à nouveau le refoulement. Par cette opération, désir et incompatibilité s'agglutinent définitivement et vont s'élaborer ensemble selon le processus primaire, ce qui aboutit à un remaniement de leur schème co-pulsionnel. On a donc à ce niveau les premières diversifications de destin co-pulsionnel, en particulier le remplacement d'un but actif par un but passif, un déplacement de source, le choix d'un nouvel objet-but...
Le terme de défense, au sens classique, paraît inapproprié pour qualifier ce phénomène ; il s'agit plutôt d'une structuration physiologique du désir et de l'incompatibilité en un noyau mémorisant une nouvelle action spécifique apte à faire retrouver ou à maintenir une relative homéostasie tensionnelle. En d'autres termes, par modification de son schème dynamique, le désir primaire va se transformer en désir spécifique, c'est-à-dire en un désir ayant un dynamisme strictement déterminé par les particularités érogènes, agressives et objectates du stade où il se constitue.
Au lieu de considérer le conflit constitutif comme névrotique — et de me rapprocher des conceptions de Bergler16 —, je dirais qu'il instaure l'humain en tant qu'être d'incomplétudes et plus prosaïquement qu'il pose les bases du moi inconscient. Pendant le développement, des expériences de réalisation s'ajoutent les unes aux autres, constituant de nouveaux vécus et venant intégrer au noyau d'autres représentations-affects. En fonction des incompatibilités dans lesquelles ces vécus se trouvent pris, les expériences de réalisation et de frustration se heurtent et conduisent à une augmentation dangereuse du niveau d'angoisse. Dès lors, en plus des mécanismes structurels, la dynamique inconsciente va mettre en place les mécanismes de défense. Erigés pour atténuer les conséquences d'incompatibilités essentielles, ceux-ci auront pour effet de créer un véritable conflit névrotique !
Mais avant d'en arriver aux névroses, j'aimerais préciser qu'à mon sens ces conceptions métapsychologiques sont loin de ne présenter qu'un intérêt conceptuel. S'il s'avère qu'elles rendent bien compte de la réalité, elles permettront de mieux décrire la mécanique intime de plusieurs processus déterminants pour la vie psychique de l'adulte ; en ramenant à cette structuration de base certains dynamismes que l'on rapporte, parfois par facilité, directement au terrain ou à la phylogenèse, on pourrait mieux mesurer la part que l'ontogenèse y a prise. Par exemple, une analyse poussée du fameux « masochisme féminin » conduit bien souvent à des vécus intériorisés à partir de la synapse mère-enfant et ayant structuré très précocement des buts passifs aux co-pulsions agressives et sexuelles ; de même peut-on rapporter à un conflit constitutif certaines somatisations asthmatiformes ou eczémateuses qui ressortent, au delà de l'atopie17 souvent évoquée, d'une tendance à la fermeture sphinctérienne structurée avant le conflit anal spécifique ; ainsi en va-t-il également de la prégnance d'Œdipe négatif dans l'homosexualité.
D'autre part, elles contribueront, si vous me permettez l'expression, à « dépathologiser » l'appréhension des conflits fondamentaux, car ces processus apparaissent aussi physiologiques que le développement d'anticorps face à des antigènes. Le savoir pourrait aider les thérapeutes à intervenir adéquatement — c'est-à-dire sans risquer de mettre à mal une structure vitale en espérant briser une défense — et contribuer à ce que les jeunes analystes se repèrent clairement dans l'avancement d'une analyse ; effectivement, s'il n'est pas rare que le travail permette de repérer rapidement de tels dynamismes18, il s'agit de ne pas les interpréter avant que le conflit névrotique soit bien analysé.
Venons-en maintenant au niveau suivant, où se forme la névrose proprement dite et dont l'appréhension représente, en pratique, le gros du travail analytique. Ce niveau conflictuel est celui des désirs spécifiques contrariés par des défenses spécifiques.

2) Les conflits névrotiques

Commençons par la constitution des désirs spécifiques. Ce qui est mémorisé au niveau constitutif est continuellement activé/désactivé par le travail du rêve et par ce que vit l'enfant. On l'a vu, la réalisation conflictuelle des désirs primaires à cause des incompatibilités laisse se développer une surcharge tensionnelle qui, pour se résoudre, impulse une élaboration inconsciente. Cela implique la mise en œuvre de co-pulsions spécifiques à chaque stade du développement, en particulier quant aux zones érogènes et à la relation d'objet. Et cela conditionne des expériences co-pulsionnelles et des vécus qui, à cause de leur intensité et/ou de leur caractère répétitif, vont être à leur tour objets de refoulement et d'intériorisation. Ainsi se trouvent mémorisés dans l'inconscient des sources, des objets, des buts et des destins co-pulsionnels qui impriment aux désirs une spécificité dynamique extrêmement précise : l'abaissement de tension ne pourra se réaliser qu'en utilisant un schème répétitif, fondé en particulier sur certains équivalents psychobiologiques ayant acquis un sens particulier (lié à des actions spécifiques) et sur les circonstances de satisfaction ou de frustration. La spécificité de ces désirs est donc non seulement agressive ou sexuelle, mais de source et d'objet-but.
Topiquement, les désirs spécifiques sont évidemment à situer dans l'inconscient, mais certains peuvent s'élaborer jusqu'à atteindre une zone de transition entre l'inconscient et le préconscient et, après une déformation plus ou moins importante, passer dans les couches profondes du préconscient ; en termes d'instances, ils se trouvent dans le moi.
Il s'agit donc, pour le moi, d'amener à leur réalisation les désirs dont il est le dépositaire ; mais il doit tenir compte des incompatibilités inéluctables qui rendent conflictuelle cette réalisation, voire le désir lui-même, puisqu'il contient le schéma de sa réalisation. Le moi inconscient met donc en place une stratégie compliquée (qui est pourtant la seule possible à ce moment évolutif) : il hyperspécialise certains de ses ensembles de représentations-affects pour qu'il en émerge des dynamismes ayant prise sur le désir et pouvant, selon les règles du processus primaire, le rendre compatible avec l'homéostasie globale du système ; ce sont les mécanismes de défense. Ils sont spécifiques, car eux aussi liés à des structures et relations d'objets caractéristiques d'un stade du développement.
Dans son action, la défense est bien sûr dynamique mais, au point de vue micropsychanalytique, elle a une base structurelle : elle se fonde sur une re-structuration énergétique qui détermine, en prenant à son compte des mécanismes élémentaires et efficients de l'inconscient, le remodelage de certains schèmes co-pulsionnels. Ainsi, les mécanismes de défense semblent bien avoir le même substrat économico-dynamique que les désirs. Ce n'est certainement pas une coïncidence si cette modélisation, qui tend à unifier les forces, va dans le même sens que les sciences exactes actuelles. Quoi qu'il en soit, elle explique de manière satisfaisante pourquoi, d'une part, les mécanismes défensifs résolvent partiellement une incompatibilité essentielle et offrent une solution relative de décharge tensionnelle, même si c'est au prix de lourds symptômes ; et d'autre part pourquoi notre travail vise avant tout les désirs et non les défenses en tant que telles : fonction du désir, la défense tend automatiquement à se restructurer lorsque la dynamique associative dégage celle d'un désir spécifique.
A ce point, nous disposons de tous les ingrédients pour définir le conflit névrotique. Le conflit névrotique consiste dans la contrainte, liée à une incompatibilité particulière à un stade du développement, qu'un mécanisme de défense exerce sur la réalisation d'un désir spécifique.
On le sait, de tels conflits inconscients constituent l'étiologie des névroses. Puisque j'ai choisi de ne pas traiter en détail leur clinique, je me borne à en donner quelques illustrations simplifiées à l'extrême dans le tableau qui suit. En rappelant les incompatibilités détaillées auparavant, il met en parallèle certains désirs spécifiques, les défenses qu'ils suscitent et les conséquences cliniques potentielles :

Stade oral
Désirs Objets Incompatibilités Défenses Clinique
Fusionner
Dévorer
Cannibaliser
Agglutiner
Sein et équivalents
Composantes de l'enfant et de la mère
Rejet
Abandon
Eclatement
Annihilation
Déni
Clivage
Idéalisation
Psychoses
Pathologies narcissiques
Fétichisme
Stade anal
Désirs Objets Incompatibilités Défenses Clinique
Retenir Evacuer
Maîtriser
Contrôler
Dominer
Forcer
Selles et équivalents
Sphincters
Mère
Tabous du vide et du toucher
Destruction
Perte d'objet Réalité
Isolation
Annulation
Formation réactionnelle
Névrose obsessionnelle
Sadisme Masochisme
Stade phallique
Désirs Objets Incompatibilités Défenses Clinique
Inceste
Pénétrer
Procréer
Tuer
Eliminer
Pénis et équivalents
Mère
Père
Tabous (inceste et meurtre)
Castration
Réalité
Refoulement
Projection
Identification
Idéalisation
Hystérie de conversion ou phobique

Avant de passer à la formation de symptôme, et pour l'introduire, j'aimerais résumer par un exemple les deux niveaux de conflictuelle inconsciente. Une jeune femme — appelons-la Carole — fait une demande d'analyse en apportant lors de l'entretien préliminaire un ensemble de difficultés relationnelles dont les plus aiguës se situent dans son couple ; elle les rapporte au caractère de son mari qu'elle décrit comme un homme machiste, peu sensible et égoïste ; elle dit que la vie conjugale était moins problématique tant qu'elle faisait d'innombrables concessions, mais elle se sent tellement rabaissée depuis quelques mois qu'elle a « cessé de faire ses quatre volontés » ; les conflits sont actuellement si violents qu'une séparation est envisagée ; cette éventualité lui fait très peur, d'où sa démarche.
Elle fait porter à son conjoint l'entière responsabilité de la mésentente et souligne que la sexualité n'y est pour rien : elle mentionne en passant un vaginisme qu'elle minimise en précisant que son mari et elle « sont très peu portés sur la chose ». Elle s'étend en revanche longuement sur sa vie professionnelle et, en particulier, sur un conflit avec son directeur qui lui reproche, à tort, de prendre des initiatives inconsidérées ; pour preuve de ses capacités, elle insiste sur le fait qu'elle obtient de meilleurs résultats que les autres commerciaux.
Au cours des premières séances, les souvenirs d'enfance se présentent difficilement ; elle se plaint de n'avoir pratiquement pas connu son père : représentant pour un pays lointain d'une entreprise importante, il est décédé à l'étranger quand elle avait cinq ans ; de sa mère, elle parle peu, si ce n'est pour dire que sa vie de veuve obsédée par la propreté de son ménage et par la gestion de sa rente a toujours constitué un modèle à ne pas suivre. Pourtant, un matériel clairement œdipien va affleurer peu à peu ; en particulier, elle prend conscience au cours de l'étude des photographies que son mari et l'ami avec qui elle a vécu auparavant présentent d'étonnantes similitudes avec son père. En élaborant un rêve de trains, elle se remémore que, à la fin de son enfance, elle était terrorisée par les locomotives à vapeur ; grâce à l'électrification du réseau ferroviaire, cette phobie ne s'était plus manifestée et elle l'avait oubliée mais, lors de cette séance, elle l'associe avec un malaise accompagné de vomissements survenu il y a deux-trois ans, lors d'une excursion où elle avait précisément aperçu un train mû à la vapeur.
Ce matériel sera repris plusieurs fois. Après que Carole ait dessiné les plans des lieux où elle a vécu, son élaboration prend un tour nouveau : il en jaillit un revécu de scène primitive qui donne (entre autres) la clef de la symptomatologie hystéro-phobique. En voici la reconstruction. Dans un premier temps, la petite Carole s'est massivement identifiée à sa mère pénétrée/agressée, réalisant ainsi un désir primaire de fusion incestueuse qu'a fait co-pusionnellement émerger le fantasme des parents combinés ; mais le plaisir éprouvé était incompatible avec un vécu d'effraction-lacération par le pénis ; ce vécu mortifère a donc fait surgir une intense angoisse de séparation. Conjointement au refoulement et à l'intériorisation de ces vécus conflictuels, il s'est produit un renversement dans le contraire : le désir primaire à but passif s'est transformé en désir de pénétrer, corrélativement à une identification à l'agresseur. Ce qui s'est joué à ce niveau a en particulier fait de Carole une femme professionnellement dynamique, qui a inconsciemment choisi une activité similaire à celle de son père et qu'elle mène de manière fort agressive.
Au niveau suivant, la réalisation des désirs phalliques a buté contre le complexe de castration, les interdits surmoïques et la perte réelle du père, conduisant à des expériences de frustration et à la mise en place d'une organisation défensive névrotique complexe ; par exemple, le refoulement a été potentialisé défensivement jusqu'à mobiliser co-pulsionnellement la mécanique sphinctérienne (vomissement, vaginisme, refus des rapports sexuels...) ; la projection devient une défense efficace (le phallus dangereux est projeté sur les locomotives à vapeur ; Carole projette sur son mari et son directeur l'agressivité liée à l'image paternelle et provoque inconsciemment les disputes conjugales et les conflits professionnels...) ; il en va de même pour l'identification (Carole s'est identifiée négativement à sa mère et phalliquement à l'activité du père ; elle a introjecté la haine qu'elle lui a supposé lorsqu'il l'a privée de sa présence objectale en mourant...).
Notons encore — car cela illustre également les deux niveaux — qu'au cours de son analyse, Carole a découvert le plaisir génital, mais dans une seule position, à califourchon sur l'homme étendu sur le dos, et qu'elle a gardé tout son dynamisme commercial.

LA FORMATION DE SYMPTÔME

Elle est fonction de la force du conflit : désirs spécifiques / défenses spécifiques. Plus précisément, l'intensité des désirs inconscients conditionne l'intensité du refoulement et de l'intériorisation des vécus utéro-infantiles ; lorsque les désirs refoulés sont particulièrement puissants, ils mobilisent un dynamisme défensif à leur mesure, et ceci jusque dans le préconscient-conscient qui entérine les incompatibilités primaires et l'organisation défensive. Les rejetons de l'inconscient alertent par résonance la mémoire préconsciente qui répond par un raidissement aux signaux d'angoisse et de culpabilité qu'elle émet. Le préconscient devient moins permissif aux rejetons de l'inconscient et n'autorise pas les co-pulsions à poursuivre, selon le processus secondaire et en exploitant la réalité extérieure, la réalisation inconsciente des désirs. En termes de synapse, cela correspondrait à un dysfonctionnement ou à des blocages dans les transmissions synaptiques entre l'inconscient et le préconscient, puis entre celui-ci et le conscient ou le corporel. Par boucles rétroactives, de tels dysfonctionnements peuvent entraîner une tension intolérable dans le refoulé, qui va faire massivement retour sous forme d'un rejeton peu élaboré secondairement, c'est-à-dire sous forme de répétition et/ou de symptôme.
Dans la genèse des répétitions et la formation de symptômes, il faut donc attribuer un rôle important à la synapse inconscient-préconscient et aux couches profondes du préconscient. D'une part se jouent à ce niveau des choix d'objets, de buts et de destins co-pulsionnels qui sont déterminants dans la vie quotidienne. D'autre part y interviennent des interactions décisives avec les structures neurophysiologiques et avec la réalité extérieure. Ainsi retrouve-t-on un fonctionnement cybernétique au niveau préconscient. La cybernétique préconsciente, qui met en relation interactive le psychique, le corporel et le monde ambiant, apparaît même comme l'effecteur psychobiologique de l'inconscient. Cette notion explique, par exemple, pourquoi un conflit du moi s'exacerbe lors de la perte d'un objet extérieur ou lorsqu'on est mis en présence d'un objet en rapport choc avec des désirs refoulés ; et comment ce conflit peut au contraire s'atténuer quand la réalité offre des objets adéquats ou satisfait à des buts plus sublimés. Et bien sûr elle contribue à situer l'impact d'une analyse.
On comprend certainement mieux maintenant qu'avec le modèle présenté ici, on rende caduque celui de l'arc réflexe. En effet, la surtension déstructurante/restructurante liée aux conflits inconscients peut trouver une explication convaincante dans les incompatibilités, qui sont des contradictions informationnelles, et dans la cybernétique des co-pulsions, qui abaisse la tension ici tout en l'augmentant ailleurs. Ce modèle est d'autant plus satisfaisant que, loin d'exclure l'influence de stimulus exogènes, il les intègre parfaitement au niveau préconscient.
A ce propos, et pour conclure, j'aimerais revenir sur les réactualisations de conflits utéro-infantiles qui accompagnent certains changements biologiques (adolescence, climat ère, accidents, maladies...) ou extérieurs (naissances, deuils, émigration, chômage...). Qu'en est-il des noyaux conflictuels de l'inconscient ? Ils paraissent se réactiver quand la cybernétique co-pulsionnelle perturbe des transmissions synaptiques à l'interface inconscient-préconscient ou dans les couches profondes du préconscient. Mais il faut se demander si cette réactivation est une réalité ou une sorte d'illusion d'optique. L'inconscient ne connaît ni les objets extérieurs ni les circonstances actuelles. Il vit dans les traces de sa mémoire structurelle et dynamique, limitées aux vécus utéro-infantiles et phylogénétiques. Et il nous fait vivre de répétitions endogènes dont les schèmes sont programmés dès le refoulement d'Œdipe-castration. L'expérience tend d'ailleurs à montrer que seul le travail du rêve, en sélectionnant et en activant/désactivant les vécus et désirs inconscients, peut véritablement amorcer/désamorcer la conflictuelle profonde.
Cependant, l'inconscient infiltre le préconscient de ses vécus intériorisés et de ses désirs refoulés qui s'imposent dès lors au moi comme une actualité brûlante. Si le moi sent son intégrité menacée par cette irruption, il reste malgré tout incapable d'empêcher le retour du refoulé dont la source est hors de sa portée ; il ne peut que mobiliser le système pulsionnel pour se défendre dans ses murs. Dès lors, les lointaines incompatibilités utéro-infantiles et phylogénétiques s'enflent et se déforment monstrueusement, pour se projeter sur la scène actuelle et générer les conflits individuels et sociaux de l'adulte. Dans cet implacable déterminisme inconscient, la micropsychanalyse laisse pourtant aussi une place au hasard. Et n'est-ce pas certains hasards qui parfois, tels des attracteurs étranges, font basculer le destin d'une vie ?



Notes

1 Caillat V., L'incidence de la phylogenèse sur l'ontogenèse, dans le présent volume.
2 Freud S., Les psychonévroses de défense, in : Névrose, psychose et perversion, P.U.F. et Freud S. (en coll. avec Breuer J.), Etudes sur l'hystérie, P.U.F.
3 Sulloway F. J., Freud, Biologist of the Mind, Basic Books.
4 « ... l'appareil psychique doit être construit comme un appareil réflexe. Le processus du réflexe reste le modèle de toute production psychique. », Freud S., L'interprétaion des rêves, P.U.F. Notons également que cette conception est réaffirmée, sous des formes diverses, jusqu'à la fin de son œuvre (voir p. ex. L'abrégé de psychanalyse, écrit en 1938).
5 « Première topique : en 1900, Freud définit un appareil psychique subdivisé en : inconscient - première censure - préconscient - seconde censure - conscient. » Définition extraite de : Fanti S. (en coll. avec Codoni P. et Lysek D.), Dictionnaire pratique de la psychanalyse et de la micropsychanalyse, Buchet/Chastel, p. 140.
6 « Deuxième topique : en 1923, Freud corrige sa première topique et la redéfinit en trois instances : le ça, le moi et le surmoi. » ibidem, p. 169.
7 « Nous n'emploierons plus le mot inconscient au sens systématique et nous donnerons à ce qui était ainsi désigné un nom mieux approprié (...), nous l'appellerons désormais le ça. » Freud S., Nouvelles conférences sur la psychanalyse, Idées/Gallimard, p. 97.
8 Ibid., p. 99.
9 Hartman H., Ego Psychology and the Problem of Adaptation, International University Press.
10 Lacan J., La chose freudienne, in : Ecrits I, Points/Seuil, p. 230 sg.
11 Codoni P., Le rêve, dans le présent volume.
12 Fanti S., L'homme en micropsychanalyse, Denoël.
13 Pour une théorie plus complète, allant des noyaux fixes aux objets et aux désirs, voir l'article de P. Codoni dans le présent volume.
14 La cybernétique mémorielle recoupe point par point la cybernétique co-pulsionnelle puisque les co-pulsions ressortent de structures et sont le dynamisme de transmission des informations stockées.
15 Pour plus de détails, voir : Lysek D., De la surdétermination à l'incompatibilité énergie-vide : l'appréhension micropsychanalytique du vide, in : Micropsychanalyse, Symposium de Cannes, Borla.
16 Bergler E., La névrose de base, Payot.
17 L'atopie, terme médical, définit la tendance que présentent certains sujets à développer des manifestations cliniques lorsqu'ils sont en contact avec des allergènes banals, habituellement non pathogènes.
18  L'inconscient n'oublie pas, si bien que les désirs primaires subsistent à l'intérieur de la structure spécifique qui les étoffe et que leur dynamisme co-pulsionnel peut s'exprimer à tout moment

A partir de quand peut-on parler de conflit psychique chez FREUD?

Freud décrit plusieurs pulsions : il oppose d'abord pulsions d'autoconservation (assimilées au besoin) et pulsions sexuelles (assimilées au désir).

Freud réunit par la suite ces deux pulsions en pulsions de vie et les oppose aux pulsions de mort. La pulsion diffère en effet de l'instinct en cela que l'instinct peut être satisfait, au moins momentanément : la faim, par exemple.

Une pulsion possède deux composantes : l'affect et la représentation. L'affect représente la quantité d'énergie, de libido qui est à son origine et qu'elle utilise (principe économique).

Une pulsion peut connaître plusieurs destins dus à la pression du principe de réalité qui interdit la réalisation immédiate du désir engendré par la pulsion, incompatible avec les exigences de la société ou de la culture. Elle peut donc être satisfaite sur un mode hallucinatoire (aussi bien dans le rêve que dans l'hallucination proprement dite) ou encore dans l'agir, sous réserve d'être alors transformée en action socialement acceptable : l'affect est alors reporté sur une meilleure représentation et devient alors sublimée. Une pulsion peut également être inhibée (quant à son but).


Une pulsion peut être refoulée, coupée de la vie psychique consciente et de toute chance d'évolution. La pulsion refoulée demeure infantile et pourra aboutir à un symptôme tel que

le rêve, un lapsus, un acte manqué
la conversion hystérique
isolation, déplacement, annulation rétroactive ou formation réactionnelle
phobie
projection paranoïaque
Cette description des destins de la pulsions - la pulsion n'étant connue que par le biais de sa délégation psychique - se veut rendre compte du cheminement du sujet. Le symptôme n'est pas aberration insignifiante mais bien satisfaction de désir.

Autrement dit, par cette considération de la pulsion et de ses destins il s'agit d'un parcours réflexif tendant à redonner sa valeur à des éléments de la vie psychique disqualifiés, négligés, considérés comme sans importance.

Le rêve n'est pas fantaisie absurde mais voie royale menant à comprendre l'inconscient ; le symptôme est satisfaction qui permet au psychanalyste d'écouter le conflit interne qui se joue. L'interprétation du rêve devra se baser sur les opérations de formation du rêve : condensation, déplacement et procédés de figuration.

L'angoisse est un thème central de la psychanalyse. L'angoisse n'est pas un affect, donc pas une peur sans objet, mais bien plus un échec face à la vie fantasmatique. Il s'agit le plus souvent de l'angoisse de castration – articulée au complexe d'Œdipe – mais est également pensée une angoisse de mort, propre à la psychose.

L'angoisse a fait l'objet de deux théorisations de la part de Freud. Selon la première, l'angoisse est l'affect de la pulsion transformé car refoulé : l'angoisse est donc consécutive au refoulement. Selon la seconde, l'angoisse précède le refoulement, et appartient à l'instance surmoïque : elle est un signal de danger face au dépassement des limites de l'acceptable par la conscience.