mercredi 29 décembre 2010

Recherches sur les structures nerveuses et les mécanismes responsables des différentes phases du sommeil physiologique

 Michel Jouvet

Introduction

Le problème du sommeil est complexe; c'est pourquoi il n'est pas étonnant de relever l'existence de nombreuses théories opposées. Nous ne pouvons ici rappeler l'ensemble des hypothèses sur le sommeil qui sont exposées dans de nombreux travaux. Cependant il est possible de classer les principales hypothèses en deux théories principales.
Selon la première, le sommeil apparaît comme un phénomène passif (115), comme le relâchement de l'excitation du centre de veille. A la suite des observations des cliniciens , la situation d'un tel centre d'éveil a été précisée de facon de plus en plus exacte par les physiologistes jusqu'à la mise en évidence du système réticulé activateur ascendant (SRAA) . Les partisans de l'hypothèse du sommeil passif écartent cependant la nécessité d'un appareil central agissant par inhibition active sur le SRAA pour invoquer dans le déterminisme du sommeil des processus réversibles: fatigue synaptique, réduction des excitations sensorielles, déafférentation, ou désactivation en avalanche .
Selon une deuxième théorie, le sommeil serait dû au contraire à l'intervention de mécanismes actifs.
La localisation des structures hypnogènes reste cependant imprécise, et une brève revue permet d'incriminer successivement tout l'encéphale. Ainsi pour Pavlov , le cortex exercerait une influence inhibitrice sur les centres sous-corticaux lors de certaines formes de conditionnement, en particulier lors des différentes modalités d'inhibition interne qui conduisent au sommeil. Les expériences de Goltz , de Kleitman et Camille (, de Ten Kate , qui constatent la persistance du sommeil chez l'animal décortiqué, orientent vers la localisation sous-corticale d'un centre du sommeil. C'est ainsi que Hess  révèle la possibilité d'induire le sommeil par stimulation de la massa intermedia du thalamus, et que Nauta  et Jorda  insistent sur l'importance de l'hypothalamus antérieur. Par contre Rioch  et Bard et Macht  décrivent encore l'existence d'alternances comportementales veille sommeil chez des animaux décérébrés. De tels faits sont en faveur d'un système hypnique situé à la partie basse du tronc cérébral. Il semble néanmoins, d'après les travaux de Gamper , que la limite caudale d'un tel système ne puisse dépasser le noyau rouge. Il n'est pas sans intérêt de rappeler cependant que Forel  localisait un centre du sommeil au niveau de la protubérance pour expliquer la fermeture de l'orticulaire des paupières au cours du sommeil. Les travaux récents de Batini, Moruzzi, Palestini, Rossi et Zanchetti, de Magni, Moruzzi, Rossi et Zanchetti , de Cordeau et Mancia  et de Magnes, Moruzzi et Pompeiano  sont en faveur de l'existence de structures synchronisatrices et peut-être hypnogéniques situées au niveau du bulbe . Tous les expérimentateurs s'accordent enfin pour admettre la disparition des variations de vigilance au niveau d'une moëlle épinière isolée.
Sur le plan EEG, l'apparition d'une activité synchronisée corticale, parfois associée à un sommeil comportemental, à la suite de stimulations à basse fréquence du système diffus thalamique, du système limbique , de la formation réticulée (FR) mésencéphalique, pontique  de structures bulbaires  et des récepteurs périphériques  plaide également en faveur de l'existence de structures synchronisatrices qui seraient antagonistes du système d'éveil. Mais si les techniques EEG ont enrichi considérablement la méthode d'étude du sommeil en révélant l'existence de telles structures synchronisatrices, elles ont également mis en lumière récemment la pluralité des aspects corticographiques du sommeil. Les premières études en effet  ont révélé que le sommeil physiologique chez le chat s'accompagnait d'une activité synchronisée ou lente, corticale et sous-corticale . Cependant des observations d'abord isolées , et de plus en plus nombreuses ont révélé l'existence d'une activité corticale rapide et de bas voltage, dont la récurrence périodique et l'association avec des mouvements des yeux fut assimilée par Dement à une phase de sommeil activée (activated sleep), intermédiaire entre l'état de sommeil profond et la veille. L'existence de cette activité rapide corticale permet de supposer que les structures synchronisatrices ne sont pas les seules à entrer en jeu au cours du sommeil. Mais surtout la constatation d'une telle activité rapide, qui ne peut être distinguée à l'analyse visuelle d'un corticogramme de veille, soulève d'emblée l'important problème des méthodes utilisées dans l'analyse des structures nerveuses et des mécanismes responsables du sommeil.
Seule l'expérimentation chronique animale, associant destruction, stimulation nerveuse et l'étude de l'activité électrique cérébrale, permet de résoudre le problème des structures nerveuses responsables des différents stades du sommeil physiologique. Cependant l'activité électrique corticale étudiée isolément ne permet pas de connaître avec certitude l'état de vigilance d'un animal. Il existe en effet de notables exceptions à la règle générale selon laquelle on peut assimiler un tracé lent au sommeil, un tracé cortical rapide à l'éveil.
I) Un corticogramme synchronisé ou lent n'est pas forcément un signe de sommeil physiologique. Il en est ainsi en effet de la narcose au nembutal ou du coma par destruction de la FR  dont l'irréversibilité permet d'éliminer à priori un phénomène de sommeil physiologique. D'autre part on sait que l'injection d'atropine  entraîne un tracé cortical lent alors qu'il peut persister un comportement d'éveil.
II) Un corticogramme rapide et de bas voltage n'est pas un indice sûr d'éveil: la narcose à l'éther , par exemple, peut s'accompagner d'une activation corticale et il existe des phases de sommeil avec activité corticale rapide chez le chat.
Ces exceptions notables rendent donc obligatoire la connaissance aussi exacte que possible de l'état de vigilance de l'animal par l'enregistrement ou l'observation des variations somatiques ou végétatives du sommeil physiologique, en particulier la posture de l'animal, l'activité tonique musculaire, l'aspect des pupilles, des membranes nictitantes, les rythmes cardiaque et respiratoire. Une telle étude ne peut être réalisée que dans des conditions chroniques. En expérimentation aigue, en effet, l'emploi d'anesthésiques, de curarisants, ou la préparation encéphale isolé rendent souvent impossible ou illusoire l'étude des variations posturales et végétatives.
Les résultats que nous rapportons dans cette étude proviennent d'une série de recherches entreprises depuis trois ans sur 65 chats chroniques. Ils ont fait l'objet de notes préliminaires, et ont été résumés dans des revues synthétiques.
Nos résultats sont en faveur de la dualité des structures responsables des différentes phases du sommeil: ils révèlent d'une part le rôle nécessaire du néocortex dans l'apparition des phénomènes de synchronisation et des ondes lentes, et d'autre part l'existence d'un système hypnique actif situé au niveau de la FR pontique, en relation avec le système limbique, qui est responsable des périodes d'activité corticale rapide de sommeil.
Nous exposons dans le premier chapitre les corrélations EEG des différentes phases du sommeil physiologique chez des chats chroniques intacts, décérébellés, décortiqués, porteurs de section ou de coagulation du tronc cérébral. Le deuxième chapître est consacré à l'étude des seuils d'éveil, le troisième à la possibilité d'induire les différentes phases du sommeil par stimulation. Le quatrième chapitre est dédié aux réponses évoquées au cours du sommeil, et enfin le cinquième à l'effet de diverses drogues.
Par souci de brièveté nous emploierons dans cet article les termes suivants: "sommeil lent" pour l'état de sommeil caractérisé par des fuseaux et des ondes lentes corticales et sous-corticales; "sommeil rapide" ou "phase rhombencéphalique du sommeil" (PRS) pour les périodes de sommeil caractérisées par une activité corticale rapide et les phénomènes somato-végétatifs hautement caractéristiques qui l'accompagnent.
Le terme "activation corticale" est employé pour désigner l'activité rapide et de bas voltage corticale survenant au cours de l'éveil ou du sommeil, sans préjuger en aucune façon des mécanismes neuroniques qui en sont à la base.

Méthodes

Sous anesthésie au Nembutal, des chats adultes, mâles ou femelles, sont opérés aseptiquement. Les électrodes corticales (fines vis en acier inoxydable) sont fixées sur la dure-mère à travers l'os. Les électrodes sous-corticales (3 ou 4 fils de nichrome ou d'acier inoxydable isolés, d'un diamètre de 0,2 mm tressés ensemble) sont orientées stéréotaxiquement Leurs surfaces de section sont séparées par des intervalles de 0,5 à 1 mm. Une électrode bipôlaire souple, en acier inoxydable, est enfoncée au niveau des muscles de la nuque. Les mouvements des yeux sont enregistrés au moyen d'une électrode bipolaire introduite sous le scalp, dont les deux extrémités sont situées de part et d'autre de l'orbite. L'EMG des autres groupes musculaires et l'ECG sont enregistrés par de fines aiguilles piquées dans les masses musculaires au début de chaque enregistrement. Les fils des électrodes sont connectés à un harnais que porte l'animal. La respiration est enregistrée à l'aide d'un ruban de caoutchouc graphité, enroulé autour du thorax de l'animal. Les variations de diamètre du ruban, liées à l'étirement, entraînent une modification sa résistivité. Ce système permet, par l'intermédiaire d'un pont de Wheatstone, d'enregistrer le rythme sur l'appareil EEG. Par contre, les modifications d'amplitude apparaissent moins nettement avec cette méthode. Les variations de volume de la patte antérieure sont enregistrées en plaçant celle-ci dans un cylindre relié à un plethysmographe (Plethysmovar-Alvar). Le diamètre pupillaire et le relâchement des membranes nictitantes est inscrit par l'observateur sur le tracé selon une échelle en millimètres. Dans certains cas, afin d'éviter la fermeture des paupières, un ruban de tissu adhésif maintient les yeux de l'animal ouverts. Les animaux sont étudiés dès le lendemain de l'intervention pour une durée minimum de 7 jours. Seul les résultats obtenus chez des animaux qui survécurent au moins 8 jours (65 chats sur 96 animaux opérés) sont rapportés ici. Les animaux sont enregistrés clans des cages insonorisées, éclairées par une lampe de faible luminosité. Ils sont visibles et peuvent être photographiés à travers une glace à une voie. L'activité électrique cérébrale et les différents phénomènes somatiques et végétatifs sont enregistrés sur un appareil EEG à plumes (Reega VIII ou Reega XV Alvar). Les animaux sont mis dans la cage d'observation le matin vers 10 heures et enregistrés jusqu'à 19 heures le soir. Ils sont nourris avant l'enregistrement et l'observateur attend qu'ils s'endorment spontanément.
Les décortications sont effectuées en un temps. Après ablation large de la voûte osseuse à la pince gouge et incision de la dure-mère, le néocortex est enlevé en majeure partie par section avec une large spatule, puis une aspiration complète l'ablation du néocortex en dehors de la scissure rhinale. L'hémostase est assurée par l'eau oxygénée. La dure-mère est ensuite suturée avec de la soie fine. Une prothèse acrylique en forme de voûte est ensuite cimentée à la place de la voûte crânienne , et les électrodes sous-corticales sont fixées ensuite à son niveau. Les muscles temporaux sont rabattus et fixés sur les bords de cette prothèse. Malgré cette précaution, il a souvent été observé une adhérence entre le plan musculaire et la dure-mère sous jacente. Le cervelet est enlevé par succion en un temps, l'orifice de trépanation occipItal.e est refermé par une prothèse acrylique sur laquelle sont suturés les muscles de la nuque. Les sections du tronc cérébral sont réalisées par une lame coupante en forme de L, chauffée à 60° environ, et introduite verticalement en avant de la tente du cervelet, de chaque côté du sinus longitudinal à travers une trépanation transversale du crâne.
La lame est alors repoussée vers la ligne médiane afin de sectionner les structures médianes. Les électrodes sont ensuite fixées en avant et en arrière d'une telle section, au niveau du tronc cérébral.
Les animaux, dont le tronc cérébral est totalement sectionné, poïkilothermes, nécessitent des soins importants. Ils sont couchés pendant la nuit dans une couveuse dont le thermostat est réglé de façon à ce que leur température ne dépasse pas 37°. Ils sont gâvés 2 fois par jour au moyen d'un mélange de lait, de poudre de viande, puis de viande crue. Leur position est changée 4 fois par jour et ils urinent par pression manuelle sur la vessie. Des soins antibiotiques généraux et locaux sont maintenus pendant toute leur survie. Leur température rectale est continuellement repérée au cours de l'enregistrement.
Les lésions limitées du tronc cérébral sont effectuées par coagulation anodique avec un courant continu de 5 mA, l'électrode positive étant placée sur les muscles de la nuque.
A la fin de toutes ces expériences, une coagulation limitée est effectuée au niveau des électrodes et les animaux sont sacrifiés sous narcose au nembutal, perfusés de formol intra-carotidien. Les cerveaux sont ensuite coupés sous parafine et colorés suivant les techniques du bleu de Nissl, de Loyez et de Luxol fastblue.

Résultats

I. - Corrélations électroencéphalographiques du sommeil

1. Chats intacts chroniques

Quinze animaux furent étudiés: chez le chat normal, 4 états de comportement peuvent être décrits.
I) L'état alerte : la tête est relevée, les yeux sont en mydriase, les membranes nictitantes sont rétractées tandis qu'une riche activité musculaire apparaît sur l'EEG de la nuque. L'activité corticale et sous-corticale est constituée par une activité de bas voltage (inférieure à 50 microV) et rapide (20 à 30 c/s). L'activité de l'hippocampe ventral est également rapide . Par contre au niveau de l'hippocampe dorsal il existe souvent une activité régulière à 5 c/s.
II) L'état de repos: les yeux sont à demi fermés, la tête est encore relevée, les membranes nictitantes sont relâchées sur une largeur de 2 à 3 mm, les pupilles ont une largeur de 2 mm, l'activité musculaire de la nuque est toujours importante, le rythme cardiaque diminue légèrement ainsi que le rythme respiratoire. Le corticogramme est alors constitué par une activité régulière de 5 à 8 cls. Cette activité apparaît moins nettement au niveau du thalamus. Les autres structures présentent toujours une activité rapide.
III) L'état de "sommeil lent" : (au cours de ce stade l'animal laisse tomber la tête progressivement et prend une posture typique de sommeil soit en se roulant en boule, soit en se couchant sur le ventre. Ses yeux se ferment et la membrane nictitante se relâche sur une largeur de 5 à 6 mm tandis que le diamètre pupillaire est de 1 mm. Il existe alors quelques mouvements de bascule lents des globes oculaires vers le bas. L'activité EMG des muscles de la nuque diminue légèrement mais ne disparaît jamais totalement. La fréquence cardiaque diminue ainsi que le rythme respiratoire qui devient plus ample et régulier. Parallèlement à ce comportement de sommeil apparaît une activité corticale d'abord constituée de fuseaux de 12 à 18 c/s de grande amplitude (de 1OO à 200 microV) prédominant au niveau des régions frontales, tandis qu'au niveau des aires acoustiques on peut observer une activité plus rapide. Des fuseaux sont recueillis également au niveau des structures thalamiques médianes et au niveau de la FR mésencéphalique; ils sont souvent, mais non toujours, synchrones des fuseaux corticaux. Peu à peu, associées à ces fuseaux, apparaissent des ondes lentes de 2 à 4 c/s, de 150 à 250 microV. Ces ondes lentes de haut voltage sont recueillies également au niveau des structures médianes thalamiques , au niveau de la partie médiane du tegmentum mésencéphalique, de la substance grise périaqueducale, de la partie postérieure du tegmentum mésencéphalique. L'amplitude des ondes lentes diminue au niveau de la FR pontique (noyau réticularis pontis caudalis: RPC), où il persiste souvent une activité rapide. Enfin l'activité demeurée rapide au niveau des relais spécifiques (noyau géniculé médian, noyau thalamique spécifique). L activité enregistrée au niveau de la corne d'Ammon est constituée par des pointes de haut voltage (500 à 900 microV), brèves (50 msec). Ces pointes se répètent toutes les 5 à 1O sec et sont associées à une activité mixte rapide à 20 c/s, ou lente à 12 c/s, ressemblant parfois à des fuseaux .
IV) Phase de "sommeil rapide" ou "phase rombencéphalique du sommeil" (PRS): cette phase fait toujours suite à une phase de "sommeil lent" et n'apparaît jamais d'emblée après l'éveil ou le stade de repos. Cependant la phase de "sommeil lent" qui la précède peut être de durée variable: parfois de durée brêve (1 à 2 min), le plus souvent elle dépasse une dizaine de minutes. La PRS débute soudainement, et on peut déceler son début aussi bien EEG que comportemental à quelques secondes près. Elle se caractérise au point de vue comportemental par deux ordres de phénomènes. D'une part il existe une totale atonie de l'animal, caractérisée par une chûte brusque de la tête, bien visible si celle-ci se trouve en surplomb. Parallèlement, l'activité EMG des muscles de la nuque disparaît toujours totalement .
D'autre part, il apparaît un ensemble de phénomènes paroxystiques très caractéristiques. Les plus importants consistent dans le mouvements oculaires qui constituent l'un des index périphériques les plus constants de la PRS: alors que les paupières s'entrouvrent et laissent apparaître les membranes nictitantes totalement relâchées, ces mouvements sont rapides et explosifs, latéraux ou verticaux, conjugués, rarement dissociés, parfois nystagmiformes, survenant en secousses saccadées. Il existe parfois une composante rotatoire. Mais la rapidité et l'irrégularité de ces mouvements rend toute systématisation impossible. A ce stade le myosis est maximum. De tels mouvements des yeux constituent parfois les premiers signes de la PRS et ils peuvent précéder l'activation corticale de quelques secondes. Ils surviennent ensuite par salve de à à 5 sec en se répétant 5 à 1O fois par minute. Ils peuvent diminuer au milieu de la PRS, augmenter avant la fin de celle-ci pour disparaître totalement avec elle . En même temps il existe des mouvements saccadés des vibrisses, plus rarement de brèves secousses des mâchoires, de la queue ou des extrémités, enfin des mouvements de l'oreille. Il apparaît également des variations végétatives de façon constante. Si la PRS est suffisamment longue, la température rectale s'abaisse de 0,1-0,2 degré par rapport à la phase de "sommeil lent ". Le rythme respiratoire devient irrégulier, plus superficiel et surtout plus rapide qu'au cours de la phase d'ondes lentes du sommeil. Le rythme cardiaque selon les animaux et selon les PRS peut subir une accélération nette ou le plus souvent au contraire se ralentir , tandis que l'index pléthysmographique augmente .
Au point de vue EEG la PRS se caractérise par une activité corticale, diencéphalique et mésencéphalique, rapide (20 à 30 c/s), de bas voltage (20 à 30 microV) similaire à celle de l'éveil. Cette activité coïncide avec la disparition de l'EMG de la nuque. Elle peut parfois la précéder de quelques secondes. L'hippocampe présente alors de façon continue une activité lente à 5 c/s, de 70 à 50 microV, rythmique et régulière. En même temps apparaît au niveau du noyau RPC une activité rythmique à 8 c/s, de haut voltage, ayant une allure de fuseaux  associée à une activité régulière continue de 5 c/s, similaire à l'activité hippocampique. Une telle activité rvthmique à 5 c/s a également été enregistrée au niveau de la substance grise périaqueducale , du noyau interpédonculaire , de l' hypothalamus postérieur, du septum et du gyrus cingulé .
La PRS est de durée variable. Elle peut être parfois très brève (une minute). En général sa durée moyenne est de 10 à 15 minutes et demeure constante chez le même animal. Mais nous en avons observé une de 35 minutes chez un animal. Si l'on empêche la survenue de la PRS, en réveillant l'animal par une stimulation acoustique dès son apparition, elle tend à réapparaître très rapidement. Soit spontanément, soit sous l'influence d'une stimulation extérieure l'activité cérébrale peut revenir au stade de sommeil lent avec réapparition immédiate ou retardée des ondes lentes  et réapparition immédiate de l'activité EMG des muscles de la nuque. Dans d'autres cas il peut y avoir réveil comportemental de l'animal, sans que l'activité électrique cérébrale ne varie apparemment . Une telle phase de sommeil, que nous avons rencontrée chez tous les animaux, au cours de toutes les séances de sommeil se répète périodiquement au cours du sommeil comportemental, séparée par des intervalles de 1O à 30 minutes . Elle correspond à 30 ou 40 % de la durée du sommeil comportemental, et dans les conditions expérimentales où nous étions placés elle constituait 20 à % de la durée totale des enregistrements .
En résumé, chez l'animal normal, on peut distinguer au point de vue électroencéphalographique et comportemental deux états de sommeil très différents.
I) Le sommeil lent (60 à 70 % du sommeil comportemental) est caractérisé par l'invasion du cortex, du thalamus médian, du tegmentum mésencéphalique par des fuseaux et des ondes lentes et la présence de pointes de haut voltage au niveau de l'hippocampe. A ce stade, il persiste toujours une activité EMG au niveau des muscles de la nuque.
II) Le sommeil rapide (PRS) (30 à 40 % du sommeil comportemental) est caractérisé par une activité rapide cortico-diencéphalomésencéphalique, similaire à celle de l'éveil, par des fuseaux et une activité lente rythmique au niveau du RPC et de l'hippocampe. A ce stade l'EMG de la nuque disparaît toujours totalement et il apparaît des mouvements des yeux et des variations cardio-respiratoires.

Résultats

I. - Corrélations électroencéphalographiques du sommeil

2. Ablation totale du cervelet

Deux animaux furent étudiés pendant 10 et 12 jours. Pendant cette période existait un opisthotonos important et une rigidité en extension du train antérieur correspondant à la période dynamique de Luciani . Vers le 6ème jour la rigidité diminua et les animaux purent se tenir accroupis et marcher. Le tremblement et la dysmétrie devinrent alors plus nets.
L'activité EEG du sommeil fut en tous points comparable à celle de l'animal intact , et pour cette raison nous ne la décrirons pas. Pendant le "sommeil lent", l'opisthotonos et la rigidité du train antérieur persistaient. Par contre lors des PRS, qui étaient caractérisées par les mêmes signes EEG que ceux de l'animal intact, l'opisthotonos et la rigidité du train antérieur disparaissaient totalement pour laisser place à une atonie complète. L'activité EMG devenait alors totalement nulle. Les mêmes mouvements des yeux, les mêmes phénomènes périphériques que ceux décrits chez l'animal intact ont été observés.
En résumé, l'animal sans cervelet présentait les mêmes aspects EEG et comportementaux que l'animal intact. La rigidité qui caractérisait la période dynamique de Luciani persistait pendant la phase de sommeil lent, mais disparaissait totalement pendant la PRS.

Résultats

I. Corrélations électroencéphalographiques du sommeil

3. Décortication subtotale

Chez deux animaux  , les aires néocorticales situées en arrière du cortex moteur furent détruites en partie ou en totalité. Ces animaux ne présentaient pas de troubles du tonus, ils pouvaient se tenir debout le lendemain de l'intervention et marcher dès le deuxième jour. Ils ne clignaient pas à la menace mais pouvaient se nourrir seuls à condition que l'on place leur nourriture devant eux. Ils se léchaient les pattes et pouvaient se nettoyer la tête avec les pattes antérieures. Ils grattaient le sol avec les pattes après défécation et réagissaient de façon adaptée à des stimulations nociceptives. Leur posture de sommeil était identique à celle des chats normaux. Chez un troisième animal, chez qui on pensait avoir réalisé une décortication totale, la vérification révéla la conservation d'une minime plage corticale constituée du 1/3 antérieur du gyrus coronalis antérieur et du 1/4 inférieur du gyrus orbItal.is et du gyrus sygmoïde gauche . Cet animal restait le plus souvent inerte et pouvait marcher après des stimulations nociceptives. Il n'avait pas de comportement de toilette. Il dormait allongé sur le ventre, plus rarement enroulé sur lui-même.
Ces trois chats furent observée plus de trois semaines. Leur activité EEG de veille était identique à celle du chat normal: la surface corticale restante et les structures sous-corticales présentaient une activité rapide de bas voltage. Au cours du "sommeil lent" (75 % du sommeil comportemental), des ondes lentes sous-corticales ont été enregistrées au niveau du thalamus et de la FR mésencéphalique  . Les stimulations auditives de moyenne intensité étaient capables de provoquer un éveil EEG et comportemental chez tous ces animaux.
La PRS (25 % du sommeil comportemental) se caractérisait par une "activation" de la surface corticale restante et des structures mésencéphaliques et diencéphaliques. L'activité rythmique de la FR pontique était particulièrement nette. La diminution totale du tonus musculaire et les mouvements rapides des yeux furent observés chez tous ces animaux.
En résumé, l'ablation subtotale du neocortex avec conservation d'une minime plage du cortex frontal n'a pas entraîné de variation notable des phénomènes comportementaux ou EEG au cours des deux phases du sommeil.

Résultats

I. Corrélations électroencéphalographiques du sommeil

4. Décortication totale

Chez dix chats, l'ablation totale du néocortex en dehors de la scissure rhinale a été vérifiée histologiquement . Chez 6 animaux le cortex limbique était respecté en totalité, alors que chez les 4 autres il existait des lésions associées de l'hippocampe et du cortex limbique. Tous ces animaux marchèrent 3 ou 4 jours après l'intervention. Des périodes d'agitation spontanée survinrent pendant les premiers jours, avec marche forcée, grimpage le long des parois de la cage, polypnée. L'agitation était telle que 3 animaux eurent des plaies au niveau du front et des pattes antérieures avec usure totale des griffes, et il fut nécessaire d'utiliser chez eux un casque protecteur. Tous les chats décortiqués étaient dénués de perceptivité visuelle, mais ils pouvaient se nourrir seuls à condition que l'on place la nourriture devant eux. Les réactions à la douleur apparurent normales chez 7 d'entre eux et diminuées chez 3 autres. Chez 3 animaux des variations tardives du comportement firent leur apparition vers la troisième semaine. De tels animaux, calmes et sans réaction de rage jusque là, se mirent subitement à grogner spontanément et à présenter des réactions de rage lorsqu'on les touchait. Dans tous les cas, ces manifestations coïncidèrent avec l'apparition de signes EEG d'épilepsie au niveau de l'hippocampe (crises toniques de pointes de haut voltage), sans équivalent moteur.
Trois stades comportementaux de vigilance ont pu être notés chez toutes ces préparations décortiquées:
Au cours de l'état de veille , l'activité des structures sous-corticales est rapide et de très bas voltage (20 microV). L'activité hippocampique est rapide. Lors de l'état de repos, l'animal s'immobilise, il se couche sur le ventre, très rarement sur le côté. Sa tête reste levée, dans une attitude de "sphinx". Les membranes nictitantes sont alors légèrement relâchées sur les pupilles en myosis. Il persiste cependant la même activité rapide sous-corticale. Aucun fuseau n'apparaît ni aucune onde lente au niveau des différentes structures sous-corticales explorées . Au niveau de l'hippocampe ventral apparaissent des pointes de haut voltage sur un fond d'activité rapide . Les stimulations sensorielles (auditives ou nociceptives) à ce stade peuvent faire réapparaître une activité rapide hippocampique, tandis qu'aucune variation n'apparaît au niveau du mésodiencéphale. Pendant de courts instants, l'aspect comportemental est celui d'un véritable sommeil: la tête repose sur le sol, mais il persiste toujours une activité EMG, les membranes nictitantes sont relâchées et le myosis est total. Le tracé sous-cortical ne montre cependant aucune variation par rapport au stade précédent. Ces états de sommeil ne dépassent pas 3 à 4 minutes; ils sont suivis soit par un réveil comportemental, soit par l'apparition d'une PRS .
La PRS s'individualise très nettement. Au point de vue électrophysiologique, des "fuseaux" de haut voltage apparaissent au niveau du RPC; leur amplitude est généralement plus élevée que chez l'animal intact. Une activité rythmique à 5 c/s apparaît au niveau du rhinencéphale, de l'hypothalamus postérieur et du noyau interpédonculaire , tandis que le thalamus et la FR mésencéphalique continuent à présenter la même activité rapide immuable.
Au point de vue comportemental, la diminution du tonus musculaire est totale et l'activité EMG disparaît complètement. Les variations végétatives et les mouvements des yeux sont identiques à ceux de l'animal intact. La durée des PRS est de 1O à 15 minutes. Ces PRS représentent 10 à 20% du temps total d'enregistrement et 90 à 95 % du sommeil comportemental. Avant sacrifice, les animaux furent enregistrés sous respiration artificielle et curarisation par Flaxédil. L'hyperpnée par augmentation de la fréquence et du volume respiratoire n'entraîna pas l'apparition d'ondes lentes sous-corticales. L'anoxie par arrêt de la respiration artificielle amena une disparition progressive de l'activité électrique sous-corticale, sans qu'aucun phénomène EEG lent n'apparût. Les injections intra-veineuses d'amphétamine (Maxiton) ou de nembutal  n'entraînèrent aucune variation du tracé sous-cortical.
En résumé, deux phénomènes particuliers apparaissent chez les animaux totalement néodécortiqués:
I) Il n'existe plus de phase EEG lente au cours du sommeil et le tracé sous-cortical demeure constamment rapide et de très bas voltage, quels que soient l'état de vigilance ou les conditions expérimentales (hyperpnée, apnée, narcose nembutalique) qui entraînent des fuseaux et des ondes lentes sous-corticales chez l'animal intact.
II) La PRS continue à apparaître de façon périodique; elle est caractérisée par les mêmes phénomènes périphériques que chez l'animal intact, par une activité de "fuseaux" au niveau du RPC et par une activité rythmique à 5 c/s au niveau de l'hippocampe. La PRS constitue 90% du sommeil comportemental.
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Résultats

I. - Corrélations électroencéphalographiques du sommeil

5. Lésions partielles du tronc cérébral

Dans ce type de préparations une difficulté est apparue: l'aspect et la réactivité du tracé EEG évoluent en effet au fur et à mesure de la survie des animaux. C'est pourquoi nous ne décrirons que les phénomènes observés constamment à partir du 4ème jour après l'opération, en supposant que le choc opératoire et les processus oedémateux soient responsables de certaines absences de réactivité observées les premiers jours. Nos préparations (9 chats) peuvent se classer au point de vue aspect EEG du sommeil en 3 groupes.
I) Lésions latérales du tronc: les 2 stades EEG et comportementaux du sommeil sont identiques à ceux de l'animal normal. Chez B1 elles intéressent en presque totalité les noyaux géniculés médians, et laissent intacts le lemnisque médian droit et le tegmentum mésencéphalique ainsi que la partie ventrale du mésencéphale. Chez 2 autres animaux (U1 et B2) les lésions sont superposables. Elles sont situées au niveau de la jonction méso-dienccphalique, et la section n'épargne que le 1/3 médian des structures non spécifiques du tronc cérébral ne laissant ainsi intacts que les structures thalamiques médianes, la région hypothalamique postérieure, les corps mamillaires et le faisceau médian du télencéphale (medial forebrain bundle).
A partir du 4ème jour, chez ces animaux, le stade d'éveil était marqué par un comportement alerte avec pupilles en mydriase: Ils étaient capables de se redresser, de se tenir debout et même de marcher. Leur activité corticale et sous-corticale était alors rapide. Au cours du "sommeil lent", des ondes lentes de haut voltage apparaissaient au niveau du cortex et de la FR mésencéphalique. A ce stade les stimulations nociceptives entraînaient toujours une activation corticale. Par contre chez U1 et B2, les stimulations auditives n'entraînaient pas d'arousal cortical, mais pouvaient parfois supprimer les ondes lentes localement au niveau de la FR mésencéphalique alors que celles-ci persistaient au niveau du cortex. Chez tous ces animaux, la PRS du sommeil survenait de façon normale, avec activation corticale et tous les phénomènes périphériques décrits chez les animaux normaux.
En conclusion, des sections partielles laissant intact le 1/3 médian du tronc cérébral au niveau de la jonction méso-diencéphalique peuvent laisser persister les 2 stades EEG et comportementaux du sommeil normal.
II) Lésions ventrales du tronc et lésions du septum: persistance d'une activité rapide corticale au cours de l'éveil, disparition de l' "activation corticale" au cours de la PRS.
Chez le premier animal (C1) des coagulations furent réalisées au niveau de la région subthalamique, intéressant l'hypothalamus postérieur et latéral, les corps mamillaires, le faisceau médian du télencéphale ainsi que les noyaux medio-dorsaux et centro-médian du thalamus . Cet animal était capable d'une activation corticale au cours de l'éveil, présentait des ondes lentes corticales et réticulaires mésencéphaliques au cours de la phase de sommeil lent. Par contre si les PRS étaient typiques au point de vue comporte mental (mouvements des yeux, disparition du tonus) si leur périodicité et leur durée étaient comparables à celles des animaux normaux (23 % du temps d'enregistrement, 40 % du sommeil comportemental), elles ne l'étaient pas au point de vue EEG: l'activité corticale demeurait en effet lente et ne subissait pas de variation. Jamais au cours des 2 mois de survie, cet animal n'a présenté d' "activation corticale" au cours des PRS.
Chez 2 autres animaux (U3, V3) le septum fut détruit totalement par coagulation; la lésion intéressait également chez 1-3 les piliers postérieurs du fornix . Deux jours après l'intervention ces animaux pouvaient marcher et se tenir normalement, réagissant de façon adaptée à des stimuli visuels et auditifs. Au cours de l'éveil comportemental le tracé était identique à celui des animaux normaux . Le "sommeil lent" était marqué par des fuseaux et des ondes lentes corticales et sous-corticales, des pointes hippocampiques de haut voltage . Par contre les PRS, typiques au point de vue comportemental, durée et périodicité (27 % du sommeil), s'accompagnaient d'une activité corticale lente et des pointes de haut voltage au niveau de l'hippocampe persistaient . Vers le 6ème jour cependant, il réapparut une discrète activation corticale lors des PRS les plus longues.
En résumé, des lésions intéressant le 1/4 ventral du mésencéphale et le septum suppriment "l'activation corticale" et "rhinencéphalique" au cours de la PRS, mais laissent persister un arousal cortical au cours de l'éveil comportemental. La phase de sommeil lent est identique à celle des animaux normaux.
III) Lésions du tegmentum mésencéphalique : absence d'activation corticale au cours de l'éveil comportemental, persistance d'activation corticale au cours de la PRS.
A ce groupe appartiennent 3 animaux chez lesquels la FR mésencéphalique fut détruite complètement au niveau du noyau rouge. Le pied du pédoncule, le noyau interpédonculaire, les corps mamillaires étaient intacts  ainsi que la partie dorsale du thalamus droit chez un animal. Ces animaux, en état de rigidité de décérébration, présentaient de façon continue une activité lente et de fuseaux à 12 c/s au niveau du cortex. En arrière de la lésion par contre, l'activité réticulaire était rapide, et quelques rares ondes lentes de faible amplitude y apparaissaient. Les stimulations nociceptives de très forte intensité, qui entraînaient un comportement de veille avec mydriase, agitation, rétraction des membranes nictitantes n'ont jamais entraîné d'activation au niveau du cortex. Cependant, lors des PRS au cours desquelles apparaissaient une totale atonie ainsi que quelques mouvements oculaires, survenait une "activation" corticale qui pouvait persister pendant toute la durée, ou au contraire disparaître vers le milieu de la PRS. Ces PRS sont survenues pendant 20 à 25 % de la durée totale des enregistrements. Ainsi chez de tels animaux, les seules périodes d'activité rapide corticale ont été observées au cours de la PRS.
Ces résultats révèlent ainsi que les voies nerveuses responsables de l'activation corticale au cours de la PRS sont distinctes du SRAA puisqu'il est possible de supprimer électivement l'arousal cortical au cours de l'éveil ou l' "activation" corticale au cours de la PRS.
Les voies responsables de l' "activation" corticale au cours de la PRS empruntent le 1/4 ventral du mésencéphale, la région sous-thalamique et le septum .

Résultats

I. - Corrélations électroencéphalographiques du sommeil

6. Section totale haute du tronc cérébral

animaux mésencéphaliques chroniques. Chez trois chats dont le tronc cérébral fut entièrement sectionné à la jonction meso-diencéphalique (au niveau du plan frontal A8), l'activité corticale et thalamique demeurait perpétuellement lente : fuseaux à 8-10 c/s, associés à des ondes lentes de 1 à 3 c/s de haut voltage. Les stimulations auditives ou nociceptives n'entraînaient aucune activation corticale. Par contre des activations corticales de courte durée pouvaient apparaître après des stimulations olfactives, identiques à celles décrites par Arduini et Moruzzi .
En arrière de la section, l'activité mésencéphalique demeurait continuellement rapide et de très bas voltage, et à aucun moment il ne fut possible d'enregistrer au niveau de la FR une activité lente ou une activité de fuseaux. Au point de vue comportemental, deux états purent être distingués:
I) une rigidité de décérébration avec hyperextension des membres antérieurs et extension de la tête en arrière. À travers les paupières entrouvertes, les membranes nictitantes étaient à peine relâchées et le diamètre pupillaire était de 2 mm.
II) La PRS s'objectivait très nettement par l'apparition de fuseaux de 6 à 8 c/s. au niveau de la FR pontique, tandis que l'activité corticale demeurait lente. Par contre le tonus musculaire et l'activité EMG de la nuque disparaissaient totalement: la tête tombait, les membres antérieurs devenaient flasques, des mouvements des yeux apparaissaient, plus lents et plus rares que ceux des animaux normaux ou décortiqués, les mouvements des vibrisses étaient très discrets et il n'y avait pas de mouvements des oreilles. A ce stade, les membranes nictitantes recouvraient presqu'entièrement les globes oculaires et le myosis était filiforme. Il apparaissait en outre des mouvements rythmiques de flexion et d'extension au niveau des membres postérieurs, plus rarement au niveau des membres antérieurs. Enfin, le rythme cardiaque se ralentissait tandis que le rythme respiratoire devenait irrégulier et plus rapide .

Résultats

I. - Corrélations électroencéphalographiques du sommeil

7. Section totale basse du tronc cérébral: animaux pontiques

Un cas particulier est représenté par le chat X2, chez qui toute la partie de l'encéphale située en avant du plan A1 Horsley Clarke fut enlevée en un temps par aspiration en ne laissant qu'une très mince lame hypothalamique, épaisse de 1 mm, large de 5 à 6 mm, recouvrant les nerfs crâniens et protégeant l'hypophyse et le chiasma. Une section fut pratiquée pour isoler cette lame du tronc cérébral. Cet animal survécut 9 jours, et dans son comportement on pu noter de façon très nette 2 états:
I) le premier état était caractérisé par une rigidité très importante avec opisthotonos, extension des membres antérieurs avec réflexe de Magnus et Kleijn lors de la rotation de la tête; à ce stade, les pupilles étaient dilatées et les membranes nictitantes ne recouvraient pas les globes oculaires. L'activité sous-corticale enregistrée au niveau des noyaux réticularis pontis oralis et caudalis était perpétuellement rapide et de bas voltage.
II) le deuxième état était représenté par les PRS. Leur durée de 1O à 12 minutes était analogue à celle des animaux normaux, tandis qu'elles survenaient à des intervalles plus espacés. L'aspect du chat était typique: il devenait hypotonique, la rigidité disparaissait totalement et si l'animal était maintenu sur le dos, les membres s'affaissaient, tandis que l'activité EMG de la nuque devenait nulle. Il n'y avait pas de mouvements des yeux, seulement quelques clignements des paupières. Les mouvements de flexion et d'extension des membres étaient moins nets que chez les animaux sectionnés à la partie haute du tronc. Par contre les variations cardio-respiratoires étaient constantes. Au point de vue EEG apparaissait une activité rythmique à 3 c/s au niveau du RPC ressemblant à celle enregistrée au niveau de l'hippocampe chez les animaux normaux. A cette activité était mélangée une activité de "fuseaux" de haut voltage.
Chez un autre animal, le tronc cérébral fut sectionné en arrière de la tente du cervelet, après ablation de celui-ci. La section était inclinée à 35° par rapport à la verticale et passait de façon ventrale à la limite antérieure du pont. Cet animal resta relativement hypotonique les 2 premiers jours, et il ne fut pas possible d'enregistrer alors chez lui d'activité musculaire importante au niveau des muscles de la nuque. Par contre des le 3ème jour une hypertonie importante réapparut et des PRS furent alors observées de façon périodique.
Chez les 3 animaux pontiques, le pourcentage de PRS par rapport au temps d'enregistrement variait entre 15 et 20 % .
En conclusion, une section totale du tronc cérébral, à la jonction méso-diencéphalique, supprime de façon définitive les ondes lentes au niveau de la FR mésencéphalique. Des sections étagées du tronc, en avant du pont, laissent cependant persister l'apparition périodique des PRS qui sont caractérisées par une activité rythmique au niveau de la FR pontique, et les mêmes phénomènes périphériques que chez l'animal intact (à l'exclusion des mouvements des yeux qui disparaissent après section prépontique). Il apparaît ainsi établi que les structures nerveuses responsables de la PRS sont situées en arrière du mésencéphale puisque les phénomènes périphériques caractéristiques de cette phase du sommeil continuent à apparaître avec une périodicité normale sur des animaux pontiques chroniques.
Il s'est avéré très difficile de conserver plusieurs jours des animaux sectionnés en arrière du pont, et la mortalité opératoire par troubles respiratoires dans les 4 premiers jours fut considérable (90%). Deux animaux ont cependant survécu pendant 8 et 1O jours à une section totale en arrière du pont.

Résultats

I. - Corrélations électroencéphalographiques du sommeil

8. Section du tronc cérébral en arrière de la protubérance

Chez deux préparations (Y2, A3) après ablation totale du cervelet, la section passait dorsalement au niveau des 2/3 postérieurs du RPC et se terminait ventralement à la jonction du pont et des corps trapèzoïdes (Figs. .
Les phénomènes dépendant des structures situces en avant de la lésion pouvaient de classer en 3 stades EEG et comportementaux:
I) Un stade d'éveil cérébral: les pupilles étaient dilatées de 2 à 3 mm, les membranes nictitantes étaient rétractées et il existait des mouvements spontanés des globes oculaires dans le sens vertical. Les yeux pouvaient ainsi suivre de façon presque inépuisable un objet mouvant dans le sens vertical. Il n'y avait pas de mouvements latéraux des globes oculaires. Au cours de ce stade le corticogramme était rapide et de bas voltage. Un tel aspect correspondait ainsi exactement à celui décrit par Batini, Moruzzi, Palestini, Rossi et Zanchetti (12) chez la préparation médio-pontine.
II) Un stade de sommeil cérébral: les pupilles étaient en myosis et il y avait encore quelques mouvements spontanés des globes oculaires, mais aucun mouvement de fixation lorsqu'un objet mouvant se déplaçait dans le champ oculaire. Des fuseaux apparaissaient au niveau du cortex, et l'aspect EEG était alors identique à celui de la phase lente du sommeil des animaux intacts. Les périodes de fuseaux très courtes les premiers jours (15 à 20 % de la durée de l'enregistrement) devenaient ensuite plus longues et occupaient, le 7ème jour, 50 % du temps total d'enregistrement.
III) Un stade d'interprétation difficile: le tableau oculaire était identique à celui du stade précédent, malgré une activité cérébrale rapide et de bas voltage. Si un stimulus olfactif était présenté à l'animal (fumée de tabac par exemple) l'activité cérébrale demeurait identique, mais il apparaissait immédiatement une discrète mydriase et les globes oculaires pouvaient alors suivre un objet mouvant dans le sens vertical.
Pendant toute la survie de ces animaux, l'activité EMG des muscles de la nuque (qui dépendait de structures situées en arrière de la section du tronc cérébral) est restée très importante et jamais il n'est apparu de période d'atonie accompagnée de disparition de l'activité EMG. L'analyse du rythme cardiaque et respiratoire n'a pas permis non plus de mettre en évidence de variation périodique analogue à une PRS.
En conclusion, après une section rétropontique, il existe une nette prédominance d'activité rapide corticale. Les périodes "d'activation" corticale s'accompagnent le plus souvent d'un "état comportemental cérébral vigile". Mais il existe également à l'intérieur de ces périodes d'activité rapide, des phases évoquant un sommeil céphalique. Cependant, en l'absence d'indices périphériques concomitants, il est impossible d'affirmer que ces phases correspondent à l'analogue d'une PRS cérébrale. En arrière de la section par contre il existe un "état de vigilance" permanent objectivé par une activité musculaire continue.
Les structures nerveuses responsables de la PRS sont donc situées en avant d'une section rétropontique, et en arrière d'une section prépontique.
C'est pourquoi des lésions limitées ont été placées au niveau de la FR pontique dans le but de supprimer électivement les aspects EEG et comportementaux de la PRS.

Résultats

I. - Corrélations électroencéphalographiques du sommeil

9. Coagulation limitée de la partie basse du tronc cérébral

- 18 animaux subirent des coagulations limitées au niveau de la partie basse du tronc cérébral en arrière de la tente du cervelet. Les résultats peuvent être classés en 4 groupes.
I) Destruction du noyau reticularis pontis caudalis. disparition totale des phénomènes corticaux et périphériques de la PRS. Chez 6 animaux, la lésion intéressait les 4/5 ou la totalité du noyau reticularis pontis caudalis (RPC) et le noyau reticularis tegmenti pontis; elle épargnait totalement le noyau giganto-cellulaire et elle occupait en outre le 1/4 postérieur et inférieur du noyau reticularis pontis oralis (RPO). Chez un 5ème animal la lésion intéressait le RPC de façon totale, et le 3/4 médian et antérieur du noyau giganto-cellulaire mais épargnait totalement le RPO. La lésion commune aux animaux intéresse donc le RPC.
Au point de vue comportemental, ces animaux étaient capables de se tenir debout, de marcher en titubant et de se nourrir avec maladresse. Les mouvements de la tête étaient incoordonnés et ils présentaient de la dysmétrie et de l'hypermétrie. Ils fermaient les paupières devant un geste de menace et ils pouvaient suivre du regard un objet mouvant seulement dans le sens vertical, car tous avaient une paralysie de latéralité. Chez 3 d'entre eux il existait également une paralysie faciale due à l'atteinte du genou du facial à la limite caudale et dorsale de la lésion. Ils réagissaient alors à un geste de menace en reculant la tête. Chez tous, des modifications paroxystiques du comportement furent notées à partir du 3ème et 4ème jour. Périodiquement, 2 à 3 fois par heure, les chats regardaient fixement devant eux, la tête levée, les pupilles dilatées et ils essayaient d'atteindre sans cesse avec leurs pattes antérieures un objet imaginaire. Ces réactions de type "hallucinatoire" s'accompagnaient d'une activité rapide corticale. A partir du 6ème jour apparurent des mouvements incessants de type choréo-athètosiques: brèves secousses des pattes, des commissures labiales, des oreilles, associées à des mouvements lents de préhension au niveau des pattes. Les animaux étaient perpétuellement agités, leur tête, toujours relevée, tombait de courts instants, mais ne restait jamais reposée plus de 2 minutes. La plante des pattes remuait sans cesse, comme si l'animal les avait reposées sur une surface brûlante. Ces symptômes disparurent rapidement dans les cas de récupération des PRS
Malgré la présence d'ondes lentes et de fuseaux sur le tracé, les périodes de sommeil comportemental étaient très atypiques, la tête restait en effet levée, les pupilles étaient en semi-mydriase et les membranes nictitantes étaient à peine relâchées.
Enfin chez tous ces animaux la fréquence cardiaque augmenta progressivement de jour en jour. Ainsi chez les chats P3 et W3 le rythme de 100/min, au lendemain de l'intervention, atteignit le rythme de 160 le 5ème jour et 210 le 12ème jour. Enfin, une augmentation de l'appétit et de la soif fut notée chez quatre chats.
Au point de vue EEG chez deux d'entre eux, les enregistrements des deux premiers jours furent presque entièrement constitués par un corticogramme rapide et de bas voltage associé à un comportement de veille. Les jours suivants cependant, des phases de "sommeil lent" avec fuseaux corticaux et ondes lentes corticales et souscorticales réapparurent pendant 50 à 60 % du temps d'enregistrement . Chez les autres animaux, des phases de "sommeil lent" furent observées dès le lendemain de l'intervention pendant 60 à 70% de l'enregistrement dans une proportion comparable aux animaux intacts. Au cours de ces phases de "sommeil lent", la réaction d'éveil corticale était normale. Des courbes d'habituation typique de la réaction d'éveil par des stimuli auditifs furent obtenues chez 4 animaux.
Des enregistrements continus de 12 heures, et même de 24 heures par jour (soit une durée moyenne d'enregistrement de plus de 200 heures) ne permirent de déceler aucune PRS: Il n'apparut en effet aucune activité corticale rapide au cours du sommeil comportemental, aucun relâchement du tonus musculaire avec disparition de l'EMG des muscles de la nuque, aucun mouvement des yeux, ni de variation cardiaque ou respiratoire nette. Cependant respectivement vers les 10ème, 14ème, 15ème et 16ème jours des PRS réapparurent chez quatre chats. Elles étaient très courtes et ne dépassaient pas 2 à 3 minutes. Elles survenaient avec une périodicité identique à celle des animaux normaux, mais leur durée n'atteignait pas 1% du temps d'enregistrement. Dans cette série d'étude les animaux furent sacrifiés systématiquement vers le 16ème jour, et il ne fut ainsi pas possible d'étudier les retentissements lointains de l'absence de PRS Cette étude est en cours actuellement.
En résumé, la destruction du noyau RPC entraîne la disparition totale des phénomènes EEG et périphériques caractéristiques de la PRS. Une telle lésion laisse cependant persister un éveil comportemental et EEG normal, et des phases de sommeil lent comparables au point de vue EEG à celle de l'animal intact. L'aspect de l'animal est cependant celui d'une vigilance augmentée et des troubles du comportement apparaissent.
II) Suppression de l'activation corticale pendant la PRS mais conservation de ses phénomènes périphériques . Dans ce groupe les lésions sont plus antérieures et médianes. Chez 4 animaux les coagulations intéressent  la partie médiane du RPO. Chez un animal elle intéresse exclusivement le noyau centralis superior de Bechterew. De tels animaux présentaient un comportement à peu près normal, mis à part quelques signes cérébelleux qui peuvent être attribués à des lésions dûes à la descente de l'électrode de coagulation. L'éveil comportemental et EEG était normal, et les phases d'ondes lentes du sommeil représentaient environ 80 % du temps d'enregistrement. Les PRS sont apparues avec une périodicité légèrement diminuée par rapport aux animaux normaux puisqu'elles représentaient 15 % seulement du temps d'enregistrement. Ces PRS étaient accompagnées, au point de vue comportemental, d'une disparition totale du tonus musculaire avec disparition de l'EMG des muscles de la nuque, de mouvements des yeux, surtout dans le sens vertical, de mouvements des vibrisses, de quelques mouvements des pattes et de variations cardio-respiratoires caractéristiques. Par contre, l' "activation corticale" au cours de la PRS était supprimée. Le tracé restait lent, comme au cours de la phase lente du sommeil. L'aspect EEG de ces animaux était ainsi identique à celui des animaux porteurs de lésions ventrales du mésencéphale ou du septum .
En résumé, des lésions limitées au tiers médian du tegmentum pontique antérieur suppriment l'activation corticale au cours de la PRS tout en laissant persister les phénomènes périphériques. De telles lésions n'entraînent pas de troubles de l'éveil.
III) Chez 5 animaux du groupe III , les lésions n'intéressent que le tiers médian du RPC ou une partie du noyau RPO laissant intacts le noyau interpédonculaire et la région des noyaux du raphé et du noyau centralis superior de Bechterew. Chez de telles préparations, aucun trouble de la PRS, de l'éveil ou du sommeil lent ne put être mis en évidence.
IV) Enfin chez 2 animaux, le noyau RPO et le noyau interpédonculaire furent totalement détruits par coagulation. Une telle lésion, située immédiatement en avant des lésions du groupe i), entraîna un comportement très différent: ces animaux ne présentaient pas de rigidité et leur tonus musculaire apparaissait normal; leur tracé cortical et mésencéphalique demeurait perpétuellement lent et les stimulations nociceptives n'entraînaient aucun arousal cortical. Les PRS comportementales étaient remarquablement longues (20 à 30 min, 30 à 35 % du temps total d'observation). Pendant les 10 premiers jours, les gavages étaient toujours suivis de PRS typiques. Il ne fut cependant pas possible de déterminer avec précision la nature du stimulus causal du fait des périodes réfractaires apparaissant après chaque PRS (voir plus loin). La distension gastrique n'était pas un facteur nécessaire car dans certains cas l'introduction d'une sonde jusqu'à l'oesophage était suffisante pour déclencher une PRS. A plusieurs reprises, chez un animal, le pincement de l'oreille fut capable également d'entraîner une disparition de longue durée du tonus des muscles de la nuque (5 à 10 min). Mais dans ces cas il n'y avait pas de variation cardiaque ou respiratoire concomitante.
En conclusion: de tels résultats révèlent ainsi l'hétérogénéité fonctionnelle de la partie caudale de la formation réticulée et permettent de situer les structures responsables de la PRS :
I) le noyau RPC apparaît comme un véritable centre responsable du déclenchement de la PRS puisque sa destruction en supprime totalement les phénomènes EEG et périphériques tout en laissant persister des phases de sommeil lent normales. Par contre ce noyau ne fait pas partie du SRAA car sa destruction n'entraîne aucun abaissement de la vigilance et dans certains cas peut même entraîner une augmentation de celle-ci;
II) les voies rostrales, issues du RPC, empruntent en tout ou en partie le 1/3 médian du tronc immédiatement en avant du RPC entre les 2 noyaux RPO au niveau des noyaux du raphé (en particulier au niveau du noyau centralis superior de Bechterew). Ces voies obliquent en avant puis ventralement au niveau du noyau interpédonculaire puisque des lésions situées à ce niveau suppriment l'activation corticale de la PRS tout en laissant persister l'arousal cortical de l'éveil ;
III) la partie antérieure du noyau RPO appartient au SRAA puisque sa destruction totale supprime toute possibilité d'éveil cortical. Par contre une telle destruction n'empêche pas l'apparition de PRS périphériques.

Résultats

II - Etude des seuils d'éveil au cours des 2 phases du sommeil physiologique

1. Stimulations de la formation réticulaire mésencéphalique



- Pour déterminer le seuil d'éveil nous avons choisi une stimulation bipolaire de la FR mésencéphalique à la fréquence de 300/sec avec des impulsions rectangulaires d'une durée de 1 msec pendant 3 à 5 sec. Les stimulations étaient effectuées 5 à 6 fois par heure. Un intervalle de 5 min était laissé entre les stimulations afin d'éviter des phénomènes d'habituation possibles. Les critères d'éveil EEG ou comportementaux étaient caractérisés par: a) l'apparition d'une activité rapide corticale débutant avec la stimulation et persistant plus de 3 sec après celle-ci; b) une attitude comportementale d'éveil: ouverture des yeux, rétraction des membranes nictitantes;c) une réaction motrice discrète, décelable au niveau de l'EMG des muscles de la nuque; d) une variation du rythme respiratoire.
Chez les animaux décortiqués les tests b), c), et d), furent surtout utilisées, cependant chez 3 animaux les variations de l'activité hippocampique furent retenues comme test d'éveil au cours de l'état relaxé (passage du stade des pointes hippocampiques au stade d'activité rapide).
i) Animal intact: lors de l'état de repos (activité corticale de 5 à 8/sec) le seuil d'éveil est remarquablement stable pour chaque animal. Il oscille entre 0,50-0,70 V. Ce seuil s'élève de 20 à 30 % au cours du "sommeil lent" lorsque les ondes lentes envahissent la FR, ce qui confirme les résultats de Benoit . Le seuil s'élève de façon très importante lors de la PRS (jusqu'à 250 et même 350 % chez certains animaux). Dans certains cas des stimulations insuffisantes pour provoquer un éveil comportemental ont entraîné un retour à la phase lente du sommeil.
ii) Animal décortiqué: le seuil d'éveil augmente très légèrement au cours de la phase de sommeil comportemental caractérisée par des pointes hippocampiques. Ce seuil augmente dans les mêmes proportions que chez l'animal intact au cours de la PRS (200 à 300%).
iii) Animal mésencéphalique: le seuil demeure remarquablement stable lors des périodes de persistance d'activité musculaire. La stimulation de la FR provoque alors une exagération de l'hypertonie, plus rarement de la mydriase, parfois des mouvements d'enroulement sur l'axe ou des mouvements de rotation de la tête. Au cours de la PRS, par contre, le seuil s'élève de 200 à 300 ,et les stimulations, même à des voltages double ou triple, n'entraînent alors plus aucune réaction motrice de l'animal.

Résultats

II - Etude des seuils d'éveil au cours des 2 phases du sommeil physiologique

2. Stimulations sensorielles

- Les seuils d'éveil par stimulations sensorielles ne furent recherchés que sur des animaux normaux ou décortiqués car les stimulations auditives ont peu d'influence sur l'EEG ou sur le comportement des animaux mésencéphaliques. La recherche des seuils d'éveil par stimulations auditives fut rendue difficile par l'habituation de la réaction d'éveil due à la répétition des stimuli, chez l'animal intact. Cependant, à condition que les stimuli sonores ne fussent pas répétés plus de 5 ou 6 fois par séance, une élévation de l'intensité de 2 à 3 db fut notée au cours de la PRS Chez un animal, cependant, le seuil d'éveil resta identique à celui de la période d'ondes lentes du sommeil et ne subit pas d'élévation.
Chez l'animal décortiqué, les stimulations sonores, même répétées au rythme de 1 toutes les 2 min, entraînaient au stade de pointes hippocampiques, la réapparition d'une activité rapide en même temps qu'une réactivité EMG constante. Aucun phénomène d'habituation ne put être noté . En animal réagit ainsi constamment pendant plus d'un mois par une réaction comportementale d'éveil à la répétition de plus de 1200 stimulations auditives identiques. Il ne fut jamais constaté d'augmentation du seuil au cours des stades de sommeil comportemental accompagné de pointes hippocampiques. Par contre le seuil s'éleva de façon très importante (jusqu'à 3 ou 4 db) lors de la PRS.
En conclusion, le seuil d'éveil augmente légèrement au cours du sommeil lent chez l'animal intact. Il augmente par contre de façon très importante au cours de la PRS chez les animaux intacts, décortiqués et mésencéphaliques chroniques.

Résultats

III. - Déclenchement des différentes phases du sommeil par stimulation des centres nerveux

1. Sommeil lent

- La stimulation à basse fréquence (6 à 10/sec) par des chocs rectangulaires de 1 à 2 msec des noyaux thalamiques médians, de la FR mésencéphalique, des noyaux RPO et RPC a entraîné chez le chat intact des résultats inconstants qui dépendent avant tout de l'état de vigilance préalable de l'animal.
Sur un animal très éveillé, les stimulations peuvent entraîner l'apparition d'une synchronisation du tracé cortical sans comportement de sommeil. Après la fin de la stimulation, le tracé redevient rapide. Si les stimulations sont à nouveau répétées pendant 10 à 15 sec, deux à trois fois par minute, pendant une à deux minutes, dans certains cas la synchronisation tend à persister après la fin des stimulations, et l'animal présente alors un comportement de sommeil.
Si l'animal est au stade de repos avant stimulation, la synchronisation persiste généralement après la fin de celle-ci. Mais il est difficile dans ce cas de se persuader qu'un tel phénomène ne se serait pas produit spontanément. La stimulation des mêmes endroits du tronc cérébral à une fréquence supérieure à 30/sec a constamment entraîné une activité rapide et un comportement d'éveil.
La stimulation de la corne d'Ammon (100/sec, 2 à 3 V) a donné les résultats les plus constants en entraînant une synchronisation du tracé de façon durable; dans ce cas également la synchronisation n'était obtenue que si l'animal était dans l'état de repos.
Enfin, la répétition de stimuli sensoriels (clics) est également un moyen de synchroniser l'activité corticale. Il nous est apparu que la répétition de trains de clics de 5 à 8/sec pendant 5 sec, 3 fois par min, entraînait constamment l'apparition d'une activité synchronisée. La combinaison de 2 stimuli (lumière et stimulations auditives intermittentes par exemple) entraîne les mêmes phénomènes plus rapidement .
Chez l'animal retro-pontique  l'activité corticale est le plus souvent désynchronisée et la stimulation de l'hippocampe a entraîné l'apparition de périodes de 20 à 30 minutes de synchronisation corticale, accompagnées d'un comportement oculaire de sommeil. Ce phénomène ne fut cependant pas obtenu de façon constante.
Chez l'animal décortiqué, la stimulation, à 6-8/sec, des noyaux médians du thalamus, de la FR mésencéphalique ou pontique ne produit aucune variation du tracé électrique sous-cortical. Il n'est jamais apparu, après de telles stimulations (mêmes prolongées et répétées fréquemment), de diminution de vigilance comportementale des animaux. Par contre, chez 3 animaux, la stimulation de l'hippocampe ventral (soit par des chocs uniques à la fréquence de 1/sec pendant 20 sec, soit à la fréquence de 100/sec pendant 5 sec) a entraîné l'apparition de courtes périodes de 2 à 3 min de sommeil comportemental avec chute de la tête, myosis et apparition d'une activité de pointes au niveau de l'hippocampe, identique à celle observée au cours du sommeil comportemental. Ce phénomène n'a cependant jamais pu être obtenu de façon constante.

Résultats

II - Etude des seuils d'éveil au cours des 2 phases du sommeil physiologique

2. Phase rhombencéphalique du sommeil (PRS)

- Chez le chat intact la stimulation du tronc cérébral (partie postérieure et médiane du tegmentum mésencéphalique, noyaux RPO et RPC), à la fréquence de 300/sec et un voltage de 0,5 à I V pendant une durée de 2 à 10 sec, a déclenché des PRS de longue durée (de 3 à 15 min). Ce phénomène  qui a été réalisé régulièrement chez chaque animal obeit à des conditions très strictes:
I) Les stimulations efficaces ne sont obtenues que pendant la période d'ondes lentes du sommeil. II) La stimulation des mêmes endroits du tronc cérébral avec les mêmes constantes au cours de l'état de repos entraîne soit aucune modification du comportement ou du tracé, soit un éveil.
III) Après la fin d'une PRS spontanée ou provoquée, il existe une phase réfractaire de 5 à 10 min au cours de laquelle des stimulations identiques, même au cours de la phase d'ondes lentes du sommeil, ne sont pas capables d'entraîner de PRS. La stimulation entraîne alors soit un éveil avec réactions motrices de type tegmental, soit aucune variation du comportement.
IV) Les stimulations doivent être de bas voltage. A voltage plus élevé, elles entraînent constamment un éveil.
V) Les PRS obtenues par ces stimulations ressemblent en tous points aux PRS spontanées. Elles persistent longtemps après la fin des stimulations. Dans certains cas elles peuvent être courtes: 1 à 2 min, mais des PRS de 15 min ont pu être déclenchées par stimulations de moins de 5 sec. Parfois les PRS n'apparaissent qu'après sommation de stimuli de courte durée (2 à 3 de 10 sec, séparés par des intervalles de 30 sec). L'apparition des PRS pendant ou immédiatement après une stimulation, plusieurs fois au cours d'une même séance d'enregistrement, permet d'éliminer une coïncidence due au hasard.
Chez le chat décortiqué et mésencéthalique, la stimulation des mêmes endroits du tronc cérébral, aux mêmes constantes que chez le chat intact, entraîne également l'apparition de PRS typiques dont les caractères d'apparition obéissent aux mêmes lois: les PRS obtenues sont identiques à celles qui sont spontanées. Elles durent plus longtemps que la stimulation (phase de 18 minutes après des stimulations de 1 seconde chez un animal mésencéphalique,.
Après la fin d'une PRS, spontanée ou provoquée, une phase réfractaire de 10 à 15 minutes apparaît. Durant cette phase la stimulation du tronc, aux mêmes constantes, entraîne une exagération de l'hypertonie avec mydriase et agitation.
La répétition des stimulations au cours d'une PRS n'entraîne pas de variation significative de sa durée moyenne.
La relative immobilité des préparations mésencéphaliques et la facilité avec laquelle pouvaient être déclenchées des PRS a permis de contrôler leur tension artérielle (TA) au cours de celles-ci. La TA est enregistrée au moyen de l'indice oscillométrique de la queue au cours d'une compression pneumatique croissante exercée par un manchon élastique placé à la racine de la queue du chat. La disparition des oscillations indique la TA maxima, la reprise d'oscillations de grande amplitude indique la TA minima. Dans les conditions où nous étions placés la TA était de l'ordre de 12 +- 1 cm de mercure. Il fut ainsi vérifié que les PRS spontanées ou provoquées par stimulations ne s'accompagnent pas de variation importante de la TA. Par contre, dans le cas de stimulations suivant une PRS, et entraînant un éveil, la TA peut s'élever de 2 à 4 mm de mercure pendant 1 minute.
En résumé, il est possible de déclencher des PRS chez le chat intact, décortiqué et mésencéphalique par stimulation à haute fréquence et de bas voltage du tronc cérébral. Les PRS obtenues persistent beaucoup plus longtemps que la stimulation. Après la fin d'une PRS il existe une phase réfractaire de l'ordre de 5 à 10 min chez l'animal intact, de 10 à 15 min chez l'animal mésencéphalique, au cours de laquelle les stimulations sont inefficaces. La stimulation du tronc au cours de la PRS n'entraîne pas d'augmentation de sa durée moyenne. Enfin les PRS spontanées ou provoquées par stimulations ne s'accompagnent pas de variation importante de la TA.

Résultats

IV. Les réponses cérébrales auditives au cours des deux phases du sommeil

Les stimuli auditifs sont des clics produits par un haut-parleur excité par un stimulateur. Leur intensité est voisine de 60 db. Les réponses sont recueillies en bipôlaire ou en monopôlaire sur un appareil à plume ou sur un oscilloscope. Des variations d'amplitude importantes ont été remarquées d'un jour à l'autre chez le même animal, sans qu'il fût possible d'en déceler les causes. C'est pourquoi seules les variations relatives des réponses obtenues au cours d'une même séance d'enregistrement sont ici rapportées. Deux séries d'expériences ont été effectuées:
i) les clics étaient présentés en trains de 5/sec pendant 5 sec, et répétés de façon irrégulière afin d'étudier l'habituation de la réaction d'éveil. Les résultats de cette série d'expériences ont été rapportés ailleurs;
ii) les clics étaient présentés de façon continue pendant tout l'enregistrement à raison de 1/sec ou de 1 toutes les 2 secondes, soit un nombre total de clics de l'ordre de 10.000 à 15.000 par séance. Seule cette série d'expériences sera rapportée.

1. Animal intact

Les résultats sont difficiles à systématiser car l'amplitude des réponses dépend à la fois du nombre de répétitions et de l'état de vigilance.
I) Réponses au niveau du noyau cochléaire. Les réponses sont constituées par des pointes rapides de grande amplitude (de 500 à 600 microV). Ces réponses sont d'amplitude constante. Elles ne subissent pas de variations significatives au cours de la répétition des clics, et nous n'avons jamais observé de phénomène d'habituation à ce niveau ou "habituation neuronale afférente". Cependant, en certaines occasions, des variations d'amplitude ont pu être notées, qui ont toujours pu être rapportées à l'état de vigilance de l'animal . Au cours de certains mouvements de la tête (rotation et ouverture de la bouche) il est fréquent de noter une réduction d'amplitude importante des réponses, et parfois une augmentation. Au cours de la PRS chez 2 animaux, des diminutions et même des disparitions prolongées (de 2 à 3 min) ont été observées. Ces disparitions coïncidaient le plus souvent avec des mouvements des yeux et des vibrisses. Elles ne survenaient pas au cours de toutes les PRS.
II) Réponses acoustiques au niveau de la FR mésencéthalique: ces réponses sont très variables selon les endroits de la FR enregistrés. En général elles sont constituées par des ondes lentes de 50 à 1OO microV. L'amplitude des réponses est maxima lors des premières présentations des clics et au cours de l'éveil ou du stade relaxé. Parfois même, chez certains animaux, une réponse nette n'a été obtenue que lors des toutes premières présentations des clics, et la réponse disparaissait ensuite. Selon la topographie des électrodes, une diminution rapide. des réponses peut être obtenue ou au contraire aucune variation importante n'est observée au cours de la répétition des clics. Lors du stade d'ondes lentes, la réponse lente tend en général à augmenter. Par contre les réponses diminuent constamment et notablement d'amplitude au cours de toute la PRS.
III) Réponses corticales: ces réponses sont également très variables selon l'état de vigilance de l'animal. Dans certains cas elles peuvent presque totalement disparaître après de longues répétitions des clics, la disparition se faisant surtout au dépens de la phase lente secondaire de la réponse. Pendant la PRS les réponses ont une amplitude diminuée par rapport à l'état d' "activation " corticale identique observé au cours de l'éveil. Lors de l'éveil de l'animal, à la fin d'une PRS, les réponses augmentent immédiatement d'amplitude aux dépens de leur phase lente.

Résultats

IV. Les réponses cérébrales auditives au cours des deux phases du sommeil

2. Animal décortiqué

Chez une telle préparation, les réponses enregistrées au niveau de la FR pontique ou mésencéphalique sont caractérisées par la constance de leur amplitude, quel que soit le nombre de répétitions et quel que soit le comportement de l'animal (éveil, stade de repos, sommeil comportemental). Des diminutions d'amplitude furent observées au cours de stimulations nociceptives. Enfin, une diminution notable et constante d'amplitude fût notée au cours de toutes les PRS chez tous les animaux (Fig. 49).

Résultats

IV. Les réponses cérébrales auditives au cours des deux phases du sommeil

3. Animal mésencéphalique

- Les réponses n'ont été enregistrées qu'au niveau de la FR pontique ou mésencéphalique postérieure. Ces réponses ont les mêmes caractéristiques que chez l'animal décortiqué : leur amplitude reste stable de façon permanente et ne subit aucune diminution malgré la répétition des clics. Les diminutions d'amplitude ne sont observées que dans 2 conditions: pendant une stimulation nociceptive, ou pendant la PRS.
En résumé, dans les 3 séries de préparations, les réponses évoquées auditives recueillies au niveau de la FR pontique ou mésencéphalique diminuent notablement et constamment d'amplitude au cours de la PRS. En dehors de la PRS, chez le chat décortiqué et mésencéphalique, les réponses auditives réticulaires ont une amplitude constante et aucun phénomène d' "habituation" ne peut être mis en évidence. Chez le chat intact par contre, il existe des variations notables d'amplitude, difficilement systématisables en fonction de l'état de vigilance de l'animal et de la répétition des clics. La diminution des réponses au niveau du noyau cochléaire est inconstante. Lorsqu'elle survient, elle n'est jamais due au nombre de stimuli présentés (habituation) mais peut toujours être reliée à l'état de vigilance de l'animal (PRS ou mouvement).

Résultats

V. Action des drogues et de l'hypothermie sur les différentes phases dit sommeil

Cette action fût étudiée surtout dans le but de faciliter ou de supprimer l'apparition périodique et la durée des PRS. Les résultats ne seront présentés que sous cet aspect. Toutes les drogues furent injectées par voie intra-peritonéale, après un enregistrement préalable de contrôle de 2 à 3 heures le même jour, et après que des courbes de périodicité du sommeil aient été établies les jours précédents pendant au moins 4 jours.

1. Animal intact: drogues entrainant une disparition totale de la PRS et de l'activation corticale au cours de l'éveil

- Le nembutal (à la dose de 25 à 30 mg/kg), entraîne une narcose avec fuseaux corticaux et thalamiques de grande amplitude, des pointes de haut voltage très caractéristiques au niveau de l'hippocampe. Par contre, les fuseaux sont d'amplitude très réduite ou sont même absents au niveau de la FR mésencéphalique ou pontique qui présente une activité rapide. A ce stade, l'EMG disparaît totalement, et les différentes stimulations auditives ou nociceptives n'entraînent aucune variation comportementale ou EEG. Malgré l'observation du comportement et du tracé EEG pendant plusieurs heures, on ne parvient jamais à observer des phases d'activation corticale accompagnées de mouvements des yeux identiques à la PRS. A la dose de 15 mg/kg, entraînant un état subnarcotique avec persistance d'une activité musculaire au niveau de la nuque, les fuseaux corticaux sont moins nets et moins périodiques, tandis que l'activité rhinencéphalique est rapide et de haut voltage. Périodiquement, on observe des fuseaux pontiques accompagnés d'une disparition totale de l'activité des muscles de la nuque et des mouvements des yeux, sans qu'il y ait d'activation corticale. Ces phases ressemblent au point de vue comportemental à des PRS. Leur périodicité et leur durée sont identiques à celles présentées par l'animal au cours du sommeil physiologique.
Le sulfate d'atropine, à la dose de 0,2 à 0,5 mg/kg, entraîne une dissociation entre le comportement de l'animal et son activité électrique . L'activité corticale et sous corticale est en effet constituée par des ondes lentes de haut voltage, sans qu'il apparaisse cependant de pointes hippocampiques. Le comportement de l'animal est celui d'un éveil ou du stade de repos, les pupilles sont en mydriase et les membranes nictitantes sont rétractées. Il existe une importante activité EMG au niveau des muscles de la nuque et l'animal, debout ou accroupi, réagit à des stimulations auditives par des réactions d'orientation. Cependant les stimulations auditives ou nociceptives n'entraînent pas d'activation corticale. Il n'apparaît pas non plus de PRS corticale ou périphérique. Dès que la fréquence cardiaque revient à l'état initial, signalant la fin de l'action atropinique, des phases comportementales de sommeil de courte durée peuvent apparaître ainsi que des PRS. A ce stade également peut réapparaître une activation corticale lors des stimulations auditives.

Résultats

V. Action des drogues et de l'hypothermie sur les différentes phases dit sommeil

2. Animal intact. drogues entraînant une dissociation entre l'activation corticale de l'éveil et celle de la PRS

- La chlorpromazine (5 à 10 mg/kg) entraîne un comportement relaxé de l'animal ou même de sommeil lent. Cependant des stimulations auditives ou nociceptives, ou des stimulations réticulaires, déclenchent une activation corticale et sous-corticale. Au point de vue comportemental, on observe des PRS caractérisées par une disparition totale de l'activité musculaire de la nuque, des mouvements de yeux et des variations respiratoires. Mais il n'y a aucune activation corticale au cours de celles-ci, car l'activité corticale demeure lente avec des fuseaux. La périodicité des PRS sous chlorpromazine est identique à celle obtenue lors des contrôles.

Résultats

V. Action des drogues et de l'hypothermie sur les différentes phases dit sommeil

3. Animal décortiqué

- Le nembutal, à la dose de 30 mg/kg entraîne une narcose avec des pointes hippocampiques de haut voltage qui se détachent nettement sur un fond d'activité électrique presque nulle. Aucun fuseau n'apparaît au niveau du thalamus ou de la formation réticulaires et l'activité sous-corticale demeure en permanence rapide. Aucune PRS n'apparaît au point de vue comportemental. Aux doses de 15 à 20 mg/kg il persiste une activité musculaire, l'activité hippocampique demeure rapide et des PRS apparaissent de façon périodique.
La chlorpromazine entraîne un état d'agitation important de l'animal et rarement un état de repos, ce qui contraste avec son action sur l'animal intact. C'est probablement cette action excitatrice qui explique que les PRS n'aient jamais été obtenues sous chlorpromazine chez l'animal décortiqué.

Résultats

V. Action des drogues et de l'hypothermie sur les différentes phases dit sommeil

4. Animal mésencéphalique

L'atropine, aux mêmes doses que chez l'animal intact, entraîne une disparition totale des PRS. L'injection d'ésérine, à la dose de 0,1 mg/kg entraîne une augmentation légère de la durée des PRS sans cependant changer leur périodicité. L'interprétation des résultats est rendue cependant difficile du fait des myoclonies et des mouvements des yeux spontanés présentés par ces préparations après injection de cette drogue.

Résultats

V. Action des drogues et de l'hypothermie sur les différentes phases dit sommeil

5. Action de l'hypothermie sur les PRS

L'étude de l'hypothermie fût rendue facilement possible du fait de la poïkilothermie des animaux porteurs de section mésencéphalique totale du tronc cérébral. Le refroidissement était assuré en laissant ces préparations quelques heures dans une chambre à 15°. Lorsque leur température rectale descendait au-dessous de 30°, l'activité corticale devenait en général rapide et de bas voltage et des secousses musculaires brèves apparaissaient au niveau des membres. L'activité corticale redevenait lente au-dessus de 30°. Des PRS typiques ont été observées à des températures rectales de 31° Elles étaient caractérisées par une abolition totale de l'activité musculaire, quelques mouvements de flexion-extension au niveau des membres antérieurs. Les mouvements des yeux étaient beaucoup plus discrets qu'à température normale, et les variations respiratoires et cardiaques étaient inconstantes. La durée moyenne des PRS obtenues chez des animaux mésencéphaliques dont la température rectale était comprise entre 31° et 34° (28 min) était significativement plus longue que la durée de celles qui étaient observées à des températures rectales normales (15 min).

Discussion

L'ensemble de nos résultats révèle ainsi l'existence de deux états différents de sommeil au point de vue EEG et comportemental chez l'animal intact. Ces résultats nous apprennent également qu'il est possible de dissocier par des expériences de section ou de coagulation limitées du tronc les structures nerveuses responsables des deux phases du sommeil physiologique.
C'est pourquoi nous discuterons successivement des problèmes des structures et des mécanismes responsables du sommeil lent, de la PRS et de leurs inter-relations respectives.

I. - Le sommeil lent

1. Structures responsables des fuseaux et des ondes lentes thalamiques et réticulaires

- Chez le chat intact une activité de fuseaux et d'ondes lentes apparaissant en même temps que celle du cortex est enregistrée au niveau du thalamus médian et de la FR mésencéphalique et pontique. Ce fait confirme les résultats obtenus par d'autres auteurs. La répartition topographique des fuseaux et des ondes lentes sous-corticales semble cependant intéresser les structures multisynaptiques du tronc de façon non homogène puisque le voltage des ondes lentes est maximum au niveau des régions médianes de la FR mésencéphalique et au niveau de sa partie postérieure, en particulier au niveau du noyau RPO où se termineraient de nombreuses fibres cortico-réticulaires, alors que les ondes lentes sont moins apparentes au niveau des parties latérales du mésencéphale. Cette inégalité de répartition topographique permet d'éliminer un phénomène de champ d'origine corticale, que l'emploi d'enregistrements bipôlaires permettait d'écarter a priori.
Deux faits démontrent le rôle nécessaire du néocortex dans l'apparition des fuseaux et ondes lentes sous-corticales et permettent d'éliminer d'emblée l'hypothèse de la naissance "d'ondes lentes autochtones" au niveau de la FR.
i) L'ablation totale du néocortex supprime définitivement les fuseaux et ondes lentes sous-corticales et ne laisse ensuite persister pendant des mois qu'une activité rapide et de très bas voltage.
ii) Une section totale du tronc cérébral à la jonction mésodiencéphalique supprime définitivement les ondes lentes au niveau de la FR mésencéphalique située en arrière de la section, tout en laissant persister des ondes lentes diencéphaliques en avant de celle-ci.
Peu de travaux ont été consacrés à l'activité EEG des animaux décortiqués, et leurs résultats ne sont pas tous entièrement concordants. Dès 1940 cependant Ten Cate, Walter et Koopman ont enregistré au niveau du scalp l'activité électrique de la substance blanche après ablation du néocortex chez le lapin et le chat, dans des conditions aiguës ou chroniques. Ces auteurs signalent la disparition des "ondes alpha" et ne recueillent qu'une activité rapide et de bas voltage. Ils décrivent la présence d'ondes lentes au niveau du système limbique et remarquent que s'il persiste une plage minime de néocortex intacte, des "ondes alpha" peuvent encore être enregistrées au niveau du moignon cérébral restant. Kennard, en expérience aiguë, chez le singe décortiqué en narcose barbiturique, souligne l'absence de fuseaux au niveau du thalamus, mais remarque encore la présence d'une activité rythmique lente au niveau du noyau caudé. Morison et Basset  recueillent encore des fuseaux au niveau du thalamus chez des animaux décortiqués après section intercolliculaire en expérience aiguë. Cependant si la décortication a été effectuée plusieurs semaines auparavant, ils constatent alors une disparition des fuseaux au niveau du thalamus intralaminaire. Enfin Sergio et Longo, chez des lapins décortiqués de façon chronique et enregistrés ultérieurement sous respiration artificielle et sous curarisation, confirment l'absence totale de fuseaux et d'ondes lentes thalamiques réticulaires après injection de nembutal ou de scopolamine. Nous n'avons pas retrouvé dans la littérature d'observation d'animaux totalement décortiqués porteurs d'électrodes chroniquement implantées au niveau des structures sous-corticales. Dans l'interprétation des résultats des expériences de décortication on doit prendre en examen deux causes d'erreurs. Pour les expériences chroniques, on pourrait attribuer la disparition de la synchronisation sous-corticale, à un processus de "sensitization" à la Cannon  des structures diencéphaliques soumises à l'influence du néocortex. Mais l'objection tombe si l'on considère que le phénomène s'observe dès le lendemain même de l'intervention et qu'il peut persister plusieurs mois. Pour les expériences aigües, la synchronisation souscorticale pourrait être lice à des phénomènes irritatifs ou diaschisaires dans le sens large du mot. Mais la validité de cette objection est entamée par le fait que la conservation d'une minime plage de gyrus orbItal.is laisse persister des ondes lentes réticulaires au cours du sommeil chez un de nos animaux décortiqué de façon subtotale, alors que les processus de dégénérescence rétrograde thalamique devraient être similaires à ceux des animaux totalement décortiqués. Il est vraisemblable que les résultats contradictoires obtenus après décortication, proviennent de décortications non totales, car la plage de cortex restant, susceptible de laisser persister une activité lente souscorticale, peut être extrêmement minime.
Ainsi, les fuseaux et ondes lentes sous-corticales, observées au cours du sommeil physiologique, de la narcose bartiturique, de l'hyperpnée ou de l'anoxie, nécessitent le néocortex. Un tel résultat peut être confronté aux données EEG obtenues chez des animaux nouveau-nés chez qui il existe une absence d'ondes lentes au cours du sommeil physiologique ou nembutalique. Ce fait pourrait être attribué à l'absence d'activité du cortex encore "immature".
Le cortex frontal semble jouer un rôle prédominant mais nos résultats ne permettent cependant pas d'affirmer que d'autres aires corticales puissent également entrer en jeu puisque les décortications partielles n'ont porté que sur des aires corticales situées en arrière du cortex frontal.
S'ils démontrent le rôle nécessaire du néocortex, nos résultats ne permettent toutefois pas d'affirmer son rôle suffisant. C'est pourquoi on peut invoquer aussi bien l'hypothèse de l'origine néocorticale exclusive des phénomènes lents sous-corticaux, selon laquelle les ondes lentes représentent un potentiel post-synaptique de nature dendritique, que celle de l'origine thalamo-corticale, selon laquelle des circuits réverbérants thalamo-corticaux seraient responsables des phénomènes de synchronisation. Dans ce dernier cas, en effet, la décortication supprimerait le "maillon" cortical de tels circuits. Mais quels que soit le mécanisme intime, cortical ou cortico-thalamique, de l'activité lente primitive, on peut affirmer que les ondes lentes recueillies dans les structures mesodiencéphaliques représentent l'expression d'une activité descendante nécessitant un relais néocortical, et non pas une activité autochtone mésencéphalique, ou dépendant directement de structures synchronisatrices plus caudales.
Les voies corticifuges responsables de l'induction des phénomènes lents au niveau du tronc cérébral, ne sont pas encore totalement délimitées. Elles empruntent, en tout ou en partie, le tegmentum mésencéphalique, puisqu'une section de la FR supprime presque totalement les ondes lentes en arrière de la lésion. Il est probable que les voies cortico-réticulaires responsables des phénomènes lents appartiennent aux projections cortico-réticulaires qui ont été décrites et dont la majorité est issue des régions frontales. Mises en évidence de façon physiologique par stimulation du cortex , leur rôle activateur, responsable de l'éveil par stimulation du cortex, a été invoqué, ainsi qu'un rôle inhibiteur possible sur certains phénomènes moteurs au sein d'un feedback réticulo-cortical.
L'induction des ondes lentes sous-corticales, au cours du sommeil lent, traduit un autre aspect du rôle inhibiteur du cortex sur le SRAA. En effet, si la nature intime des ondes lentes réticulaires peut difficilement être éclaircie sans la connaissance de leur comportement unitaire par microélectrodes chroniques, on peut logiquement penser cependant que ces ondes lentes représentent l'expression d'un changement d'excitabilité des neurones réticulaires sous l'influence d'un bombardement synaptique cortical. Il est également probable que ce changement d'excitabilité est de nature inhibitrice puisque le seuil d'éveil par stimulation directe du SRAA augmente lors de l'apparition des ondes lentes réticulaires. En outre, c'est cette activité corticifuge qui doit être logiquement tenue pour responsable des variations de forme et d'amplitude des potentiels évoqués auditifs réticulaires au cours du sommeil lent chez l'animal intact, puisque de tels potentiels évoqués ne varient pas chez l'animal décortiqué ou mésencéphalique en dehors de la PRS.

Discussion

I. - Le sommeil lent

2. Activité électrique au niveau du système limbique au cours du sommeil lent

- Cette activité de sommeil recueillie au niveau de la corne d'Ammon est fort caractéristique puisqu'elle consiste dans l'association de pointes brèves de haut voltage se détachant sur un fond d'activité rapide à 20 c/s et d'ondes lentes à 2 ou 3 c/s. Après neodécortication une telle activité se résume en la présence de pointes de haut voltage survenant sur un fond d'activité rapide. Décrite par Renshaw et col., au cours de la narcose au pentobarbItal. une telle activité n'a cependant pas été signalée depuis ou fut interprétée comme épileptique. Cette activité de pointes est manifeste lors de la narcose au nembutal et a pu être recueillie au niveau de toutes les structures limbiques (hippocampe, aire entorhinale, amygdales, gyrus cingulé antérieur, fornix, septum) ainsi qu'au niveau du tronc cérébral (pretectum, substantia nigra, région préoptique). Ces régions coïncident étroitement avec les projections éfférentes de l'hippocampe établies électrophysiologiquement. Chez l'animal décortiqué, l'apparition de pointes hippocampiques coïncide avec l'élévation du seuil réticulaire sans variation des potentiels évoqués auditifs réticulaires. On sait que la stimulation par choc unique de l'hippocampe est susceptible d'influencer l'excitabilité du SRAA, il est ainsi possible que cette activité de pointes hippocampiques représente la traduction d'une activité inhibitrice paléo-corticifuge dont l'activité s'ajouterait à l'activité lente néocorticifuge chez l'animal intact.

Discussion

I. - Le sommeil lent

3. Mécanismes d'apparition de la synchronisation EEG

- Les rapports entre l'activité EEG néo- et paléo-corticale et le sommeil comportemental ne sont pas simples et nous obligent ainsi à faire une distinction entre le sommeil cérébral et le sommeil de l'organisme. Il peut, en effet, chez l'animal intact, exister des ondes lentes corticales et sous-corticales coïncidant avec un comportement de veille après injection d'atropine. Il peut, d'autre part, chez le chat décortiqué ne pas y avoir d'ondes lentes sous-corticales, mais des périodes relativement courtes de sommeil comportemental en dehors des PRS. Cette distinction oblige à discuter successivement les mécanismes de la synchronisation EEG et ceux qui sont responsables de l'endormissement comportemental.
Il importe de souligner d'emblée les difficultés de l'étude du sommeil provoqué par stimulation. En effet la synchronisation EEG corticale qui apparaît après stimulation à basse fréquence du thalamus, de la formation réticulée mésencéphalique ou pontique et des récepteurs sensoriels, voir référence dans l'introduction) ne s'accompagne pas toujours d'un comportement de sommeil, ce qui rend très difficile l'interprétation de la synchronisation corticale en expérience aigue sous curare ou encéphale isolé. En expérience chronique, la tendance à l'endormissement spontané des animaux rend souvent délicate l'interprétation de l'endormissement qui peut survenir après des stimulations longues et répétées. D'autre part les différentes stimulations intra-cérébrales ou sensorielles ont en commun leur basse fréquence qui paraît relativement artificielle.
Ces réserves faites, la sollicitation de l'influence inhibitrice corticale semble être favorisée par des stimulations rythmiques, et c'est au niveau du néocortex lui-même qu'il faut chercher l'explication d'un tel phénomène, puisque les stimulations à basse fréquence du thalamus ou de la FR mésencéphalique n'ont aucune influence sur le comportement ou l'EEG du chat néodécortiqué. La nécessité du néocortex dans l'apparition de ces phénomènes révèle que celui-ci constitue le maillon essentiel lors de l'induction de la synchronisation et des ondes lentes au niveau des structures sous-corticales, et qu'il ne s'agit en aucune façon d'un phénomène d'inhibition directe du SRAA. Si ces résultats révèlent l'importance capItal.e du néocortex comme relais indispensable des phénomènes d'inhibition corticifuge, ils ne permettent pas cependant de délimiter les structures sous-corticales qui agissent à son niveau. Des expériences récentes sont en faveur de structures synchronisatrices situées entre les limites postérieures du pont et la jonction bulbo-spinale. Le fait que des animaux, porteurs de lésions interrompant presque totalement la FR pontique au niveau du RPC présentent encore une activité corticale synchronisée et lente semble infirmer que les voies ascendantes de telles structures empruntent la formation réticulaire pontique. Par contre il n'écarte pas l'hypothèse de structures bulbaires synchronisatrices dont les voies ascendantes seraient extra-réticulaires.

Discussion

I. Le sommeil lent

4. Le sommeil comportemental de l'animal décortiqué

- Chez l'animal néodécortiqué, les stimulations thalamiques, réticulaires, ou sensorielles ne sont pas susceptibles de déclencher un endormissement. Les seules circonstances favorisantes observées l'ont été du fait de stimulation de l'hippocampe ou de l'influence de repas copieux, ce qui rend probable l'intervention du "cerveau viscéral". C'est alors au système limbique qu'il reviendrait d'exercer une inhibition du SRAA pendant ces courtes périodes de sommeil comportemental. Il est possible que les pointes hippocampiques représentent l'expression de cette activité inhibitrice. Mais des lésions électives des voies éfférentes du système limbique destinées au SRA seraient nécessaires avant d'affirmer une telle hypothèse.
Ainsi les mécanismes d'apparition du sommeil lent demeurent encore mystérieux. Une hypothèse dualiste peut cependant être proposée, qui tiendrait compte des résultats obtenus chez les animaux normaux et décortiqués. Selon cette hypothèse 2 mécanismes distincts pourraient présider à l'endormissement d'origine télencéphalique.
i) D'une part le système limbique serait capable (sous l'influence du milieu intérieur) d'exercer une influence inhibitrice au niveau du SRAA (sommeil comportemental de l'animal décortiqué). Cette diminution du tonus d'éveil entraînerait secondairement la mise en jeu des structures synchronisatrices et l'apparition des phénomènes de synchronisation au niveau du cortex et des ondes lentes sous-corticales chez l'animal intact.
ii) D'autre part, sous l'influence du milieu extérieur (répétition de stimuli sensoriels, conditionnement de type pavlovien:  les structures synchronisatrices pourraient être mises en jeu directement et déclencheraient alors des processus d'inhibition d'origine néocorticale qui s'exerceraient au sein du SRAA entraînant le sommeil comportemental de l'animal intact.

Discussion

II. - Le sommeil rapide (PRS)

La PRS traduit l'activité d'un système neuronique comportant un "centre déclenchant" (noyau RPC), des voies ascendantes responsables de l'activation corticale et des voies descendantes responsables de la disparition totale du tonus musculaire. Survenant périodiquement au cours du sommeil comportemental chez l'animal normal, la PRS se traduit par un ensemble de phénomènes fort caractéristiques, aussi bien électriques : activité rapide corticale, activité rythmique rhinencéphalique, fuseaux pontiques, que comportementaux: mouvements des yeux et des vibrisses et disparition totale du tonus musculaire. De tels phénomènes en font un processus particulièrement bien individualisé et les arguments suivants permettent d'assimiler formellement, sous le nom de PRS, la phase d'activité corticale rapide du sommeil de l'animal intact et les phases de disparition périodique du tonus musculaire chez les animaux décortiqués, mésencéphaliques ou pontiques (voir tableau I): périodicité similaire des phénomènes, activité rythmique pontique identique, élévation importante du seuil d'éveil, disparition totale du tonus musculaire, mouvements des yeux.

1. La PRS est un sommeil plus profond que le sommeil lent

- La définition de la "profondeur" du sommeil est difficile physiologiquement et une telle notion peut être critiquable si l'on compare 2 états différents de sommeil mettant en jeu des structures distinctes. Cependant si l'on se base sur les critères habituels (relations temporelles des différentes phases du sommeil et seuil d'éveil) la PRS traduit l'état de sommeil le plus profond, en effet: i) Elle fait toujours suite au sommeil lent et n'apparaît jamais d'emblée après la veille chez l'animal intact. ii) Les stimulations auditives ou réticulaires, insuffisantes pour provoquer l'éveil, peuvent faire réapparaître le sommeil lent. iii) Le seuil d'éveil par stimulation réticulaire ou auditive est tres augmenté par rapport à celui observé au cours du sommeil lent. Enfin, la disparition totale du tonus musculaire semble traduire également un état comportemental de sommeil plus profond.
Une telle conception, confirmée par d'autres auteurs  est ainsi opposée à celle de Dement et de Grastyan pour lesquels la PRS est un "sommeil activé" intermédiaire entre le sommeil lent et la veille.

Discussion

II. Le sommeil rapide (PRS)

2. Le "centre" de la PRS

- Le noyau RPC joue un rôle nécessaire et suffisant dans le déclenchement de la PRS puisque sa destruction supprime totalement cette phase de sommeil et puisque des animaux dont le tronc cérébral est sectionné en avant de ce noyau continuent à présenter les phénomènes périphériques de celle ci, alors que des sections situées en arrière les suppriment totalement. Enfin la stimulation du RPC est capable de déclencher la PRS chez des animaux normaux, décortiqués ou décérébrés. Un autre argument peut en outre être invoqué devant l'activité électrique particulière observée à ce niveau :
L'activité électrique recueillie au niveau du RPC au cours de la PRS est de 2 ordres: la première est continue, rythmique à 5 c/s., identique à celle observée au niveau de l'hippocampe. Elle semble appartenir à la totalité du système responsable de la PRS puisqu'on l'enregistre également au niveau de la partie médiane du tegmentum pontique antérieur, au niveau du noyau interpédonculaire, de la partie ventrale du mésencéphale, et du septum. Une telle activité a été également enregistrée, plus inconstamment, au niveau de la partie médiane de la substance grise périépendymaire. Cette activité ne nécessite pas la présence de l'hippocampe puisqu'elle se retrouve chez l'animal mésencéphalique ou pontique chronique. Elle est spécifique de la PRS au niveau du tronc cérébral et représente ainsi l'activité neuronique de cet état, dont l'analyse unitaire serait précieuse. Elle est plus facilement décelable sur des préparations décortiquées ou mésencéphaliques chez lesquelles l'activité sous corticale est d'amplitude minime. Chez l'animal intact en effet, elle est souvent masquée par l'activité rapide des structures avoisinantes.
Le deuxième type d'activité recueilli au niveau du RPC est d'ordre paroxystique, intermittent. Il est constitué par des fuseaux irréguliers à 8 c/s environ et semble être en relation avec les mouvements des yeux et des vibrisses. Mais il n'a pas été possible de préciser s'il s'agissait d'une activité en relation avec des phénomènes moteurs ou d'une activité évoquée issue des récepteurs sensoriels des muscles oculaires ou des vibrisses car il a été impossible de paralyser complètement les muscles des yeux par des injections locales de novocaine.
On sait qu'au niveau du RPC ont été décrites des cellules dont les axones se projettent vers les régions antérieures du cerveau. Cependant, il n'est pas possible d'attribuer le déclenchement de la PRS à un groupe déterminé de cellules au sein du RPC, en particulier aux cellules géantes situées au niveau de son 1/3 médian. Car des lésions électives situées à ce niveau n'entraînent qu'une disparition transitoire (3 à 4 jours) de la PRS.

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II. - Le sommeil rapide (PRS)

3. Voies nerveuses responsables de l'activité électrique corticale et limbique

- L'activation corticale au cours de la PRS ne dépend pas d'une action locale humorale puisqu'une section totale du tronc la supprime. Il s'agit donc d'un phénomène nerveux.
On sait que Nauta et Nauta et Kuypers, ont décrit sous le nom de "limbic midbrain circuit" un circuit issu du tronc cérébral (limbic midbrain area), qui emprunte ensuite le noyau interpédonculaire, le pédoncule du corps mamillaire, le faisceau médian du télencéphale, l'hypothalamus posterieur, le septum, pour gagner l'hippocampe. Pour d'autres auteurs, une voie ascendante principale serait représentée par le faisceau médian du télencéphale dont les fibres se bifurqueraient vers l'amygdale d'une part et le septum d'autre part. Les lésions qui suppriment l'activation néocorticale et l'activité rythmique paléo-corticale au cours de la PRS coïncident avec la partie ascendante de ce circuit. Il paraît ainsi probable que les voies issues du RPC sont destinées au système limbique. Il est possible que d'autres fibres empruntent également la partie médiane du tronc puisqu'une "activité de type limbique" est enregistrée à ce niveau durant la PRS. Malheureusement la proximité d'avec le SRAA rend difficiles des lésions électives de cette voie. Les relations étroites entre le RPC et l'hippocampe peuvent également être déduites de l'activité électrique rythmique à 5 c/s observée au niveau de ces structures au cours de la PRS. Le noyau RPC apparaît ainsi comme l'homologue par rapport au système limbique de ce qu'est le tegmentum mésencéphalique par rapport au cortex.
L'indépendance de l'activation corticale au cours de la PRS par rapport au SRAA est prouvée par trois faits:
i) des lésions interrompant les voies ascendantes ponto-limbiques et respectant le SRAA suppriment l'activation corticale et l'activité rythmique limbique au cours de la PRS, tout en laissant persister l'arousal cortical;
ii) la chlorpromazine réalisant le même effet peut être considérée comme déafférentant le système limbique du RPC.
iii) Inversement, une interruption du SRAA supprimant l'arousal laisse persister l'activation corticale de la PRS.

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II. - Le sommeil rapide (PRS)

4. Rapports entre le noyau RPC et le SRAA

- Le phénomène le plus remarquable au cours de la PRS est l'élévation importante du seuil d'éveil mise en évidence lors de stimulations directes du SRAA. On est en droit d'éliminer formellement l'intervention d'un possible feedback inhibiteur venant soit du néocortex, soit du rhinencéphale, puisque l'augmentation du seuil d'éveil se voit également chez l'animal néodécortiqué ou décérébré. Il faut donc admettre une interaction directe entre le RPC et la partie antérieure du noyau RPO qui semble être doué des propriétés ]es plus dynamogéniques du SRAA. Il n'est pas possible à l'heure actuelle de savoir si cette action inhibitrice est de nature purement neuronique ou neuro-humorale. Mais quelles qu'en soient les mécanismes, le noyau RPC apparaît bien comme un véritable centre rhombencéphalique inhibiteur du système d'éveil.

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II. - Le sommeil rapide (PRS)

5. Structures responsables des phénomènes périphériques de la PRS

- La disparition totale du tonus musculaire au cours de la PRS constitue le phénomène périphérique le plus constant et le plus fidèle de cette phase du sommeil chez tous les types de préparations. Elle s'observe aussi bien dans le cas de rigidité de décérébration que dans le cas de rigidité faisant suite à l'ablation du cervelet. Ce fait rend très probable la mise en jeu de la FR inhibitrice ponto-bulbaire, dont on connaît l'action sur ces deux formes de rigidité. La disparition périodique du tonus musculaire chez l'animal décérébré n'est pas une notion classique. Gamper signale la rigidité permanente d'animaux sectionnés en arrière du noyau rouge et élimine sur ce fait la possibilité d'un centre caudal du sommeil. De même Magoun et Rhines écartent la mise en jeu possible de la FR inhibitrice lors de spasticité par lésions corticales ou sous-corticales. Ils invoquent alors un processus d' "isolation dystrophy". Par contre Rioch, Bard et Macht décrivent l'apparition de flacidité générale avec chute de la tête chez des animaux mésencéphaliques. Ils signalent également l'influence favorisante du gavage ou de stimulations pharyngées que nous avons pu également observer. Cette disparition périodique de l'hypertonie au cours de la PRS se retrouve également chez l'homme atteint de rigidité de décortication ou de décérébration,. Ainsi les rigidités par atteinte supra-pontique peuvent disparaître totalement au cours de la PRS. La mise en jeu de la FR inhibitrice, dont la ]ocalisation ponto-bulbaire est classiquement située au niveau du noyau gigantocellulaire, dépend ainsi d'un contrôle exercé par le RPC, puisque la disparition périodique du tonus n'apparaît plus après section retropontique ou destruction du RPC alors que la FR ponto-bulbaire reste intacte.
Les mouvements des yeux peuvent précéder parfois la disparition totale du tonus musculaire, ce qui permet d'éliminer l'hypothèse qui ferait de ces mouvements le résultat d'une disparition du tonus des muscles oculaires. Il persistent chez le chat décortiqué, ce qui démontre que les aires oculogyres corticales ne jouent pas un rôle exclusif. Ils s'observent également, bien que plus lents et beaucoup moins fréquents, chez des animaux mésencépha]iques, mais disparaissent totalement chez les animaux pontiques. On peut donc éliminer dans leur déterminisme le rôle possible de la FR pontique en relation avec les noyaux vestibulaires. On sait qu'au niveau du mésencéphale a été décrite une région située au voisinage du noyau du III, dont la stimulation chez l'animal normal non anesthésié ou décérébré est capable de provoquer des mouvements conjugués des yeux. Il est possible qu'au cours de la PRS les voies ascendantes ponto-limbiques dont la partie dorsale est voisine du noyau oculo-moteur, puissent mettre en jeu de tels mouvements. L'importance de ce problème doit être soulignée, si l'on admet que, chez l'homme, les mouvements des yeux au cours du sommeil pourraient traduire la perception d'images visuelles au cours de l'état onirique .
Les mouvements rapides des oreilles et des vibrisses chez l'animal intact surviennent souvent en même temps que les mouvements des yeux. Ils disparaissent également chez les animaux pontiques et semblent relever ainsi des mêmes structures que les mouvements des yeux. Par contre les mouvements des extrémités, qui sont discrets chez l'animal intact, sont souvent augmentés chez l'animal décortiqué, tandis que chez l'animal mésencéphalique apparaissent des mouvements de flexion-extension originaux, rythmiques. De tels mouvements semblent dépendre de la mise en jeu de centres mésencéphaliques puisqu'ils disparaissent presque totalement chez l'animal pontique.
L'irrégularité du rythme respiratoire est le phénomène le plus manifeste. L'augmentation de la fréquence s'observe chez 90% des animaux normaux tandis que chez l'animal mésencéphalique on peut aussi bien voir une diminution qu'une augmentation de la fréquence du rythme. Il est à noter que les modifications respiratoires se rencontrent peu lors d'hypothermie ou sous Chlorpromazine. Les variations cardiaques sont plus capricieuses et sont différentes selon les animaux et les PRS. La plupart du temps il y a un ralentissement du rythme cardiaque associée à une augmentation de l'indice pléthysmographique, ce qui est en faveur d'une augmentation du tonus cardio-modérateur associé à un relâchement du tonus vasoconstricteur. La mise en jeu des centres de contrôle pontobulbaires peut rendre compte de ces variations. Il reste cependant à expliquer pourquoi de telles variations ne se font pas toujours dans le même sens, et pourquoi une augmentation progressive de la fréquence cardiaque s'observe chez des animaux dont le RPC est détruit et qui ne présentent plus de PRS. Ce problème est actuellement à l'étude.

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II. Le sommeil rapide (PRS)

6. Réponses évoquées au cours de la PRS

- Il n'est pas possible de déterminer encore la cause exacte de la diminution des potentiels évoqués auditifs sans la connaissance de leur activité unitaire. Au niveau du noyau cochléaire cette diminution d'amplitude peut être très prononcée mais elle est inconstante. Elle n'a pas été constatée par Huttenlocher. Il n'est pas exclu qu'il s'agisse d'un phénomène périphérique par inhibition des muscles de l'oreille moyenne, dont le rôle de contrôle des afférences acoustiques a été signalé. D'autre part, il se peut qu'un contrôle central des afférences, tel qu'il a pu être mis en évidence au cours d'expériences aigües ou chroniques, puisse également entrer en jeu à ce moment là.
Par contre, la diminution des réponses évoquées réticulaires qui se voit en dehors de toute variation des réponses cochléaires peut s'expliquer soit par un mécanisme d'occlusion, en faveur duquel plaiderait l'augmentation de l'activité unitaire réticulaire au cours de la PRS, soit par un mécanisme d'inhibition, en faveur duquel plaide l'augmentation du seuil d'éveil réticulaire. Quel qu'en soit le mécanisme, on peut éliminer l'intervention d'un facteur corticifuge, puisqu'une telle diminution s'observe chez l'animal décortiqué. Il convient enfin de signaler que les diminutions d'amplitude des réponses évoquées auditives au cours de la PRS évoquent le phénomène décrit sous le nom d' "habituation". Mais en aucun cas la diminution d'amplitude ne dépend du nombre de répétition des stimuli. C'est pourquoi il nous semble indispensable que le contrôle des muscles de la nuque soit systématiquement effectué au cours d'enregistrements de longues durée sur des animaux chroniques lors d'études des potentiels évoqués.

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II. - Le sommeil rapide (PRS)

7. Mécanismes de la PRS

- De nombreux faits expérimentaux sont en faveur de l'existence d'un mécanisme actif. Il est possible en effet de déclencher la PRS par stimulation du tronc cérébral. Un tel fait soulève de nombreux problèmes. Les PRS provoquées durent plus longtemps que le stimulus qui les provoque : ce phénomène évoque un mécanisme d'enclenchement. Les mécanismes intimes d'un "after effect" aussi prolongé (jusqu'à 18 minutes) sont difficilement explicables par des phénomènes purement neuroniques. Les mécanismes d'inhibition nerveuse ne persistent en effet pas plus longtemps que la stimulation : ainsi dans le cas de stimulation de la FR inhibitrice bulbaire, chez l'animal décérébré, anesthésié ou non anesthésié, l'inhibition du tonus musculaire cède dès la fin de la stimulation et est en général suivi d'un "rebound". Aucun phénomène de ce type n'apparaît à la fin des PRS spontanées ou provoquées.
D'autre part, les conditions de déclenchement de la PRS obéissent à des limites temporelles relativement strictes. Il existe en effet une phase réfractaire absolue, de l'ordre de 5 à 1O minutes chez l'animal intact, de 10 à 15 minutes chez l'animal décortiqué ou décérébré, au cours de laquelle les stimulations nerveuses sont inefficaces. La durée d'une telle phase réfractaire est insolite si la PRS dépend de phénomènes purement neuroniques. C'est pourquoi l'hypothèse d'un mécanisme neuro-humoral peut légitimement être invoqué. Il faudrait alors supposer qu'au niveau du noyau RPC s'accumule, au cours de la veille et du "sommeil lent" un stock hypothétique neuro-humoral. Ce stock serait libéré périodiquement et déclencherait la mise en jeu du système ascendant ponto-limbique et des voies descendantes inhibitrices du tonus musculaire. Une telle libération pourrait être provoquée également par stimulation nerveuse. A la fin de la PRS un tel stock aurait à se reconstituer, ce qui expliquerait la durée de la phase réfractaire.
Le résultat des expériences pharmacologiques ne permet pas de connaître les caractéristiques de ce facteur neuro-humoral. Les doses d'atropine (0,2 à 0,5 mg/kg) qui suppriment la PRS sont en effet trop élevées pour que l'on puisse retenir un effet purement anticholinergique. L'intervention d'adrenaline ou de noradrenaline, dont l'action excitatrice sur le SRAA et la pupille est bien connue, peut être écartée.
Nos expériences ne permettent pas encore d'élucider les causes de la mise en jeu physiologique de la PRS. Les facteurs physiologiques connus pour favoriser l'apparition du sommeil lent (repas copieux, chaleur, isolement sensoriel, répétition de stimuli sensoriels) n'ont en effet aucune influence sur le déclenchement de la PRS chez les animaux décortiqués ou décérébrés. Le rôle du sinus carotidien peut être invoqué mais la mise en jeu des barorécepteurs, s'accompagne d'une activité synchronisée cortical.

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II. - Le sommeil rapide (PRS)

8. Interactions entre "sommeil lent" et PRS

- L'indépendance relative des mécanismes et des structures responsables de ces deux états de sommeil apparaît devant les faits suivants:
i) L'animal décortiqué ou décérébré continue à présenter des PRS, alors qu'il ne présente plus de phase de sommeil lent.
ii) Après lésion du noyau RPC, le sommeil lent continue à apparaître alors que la PRS fait défaut.
Cependant, chez les animaux intacts, les PRS sont plus fréquentes et plus longues. Il existe donc une relation d' "interdépendance" entre le sommeil lent et la PRS; celle-ci peut s'expliquer par une action indirecte. Dans le cas de décortication ou de décérébration, le SRAA n'est plus inhibé par le cortex et l'état d'excitation de la FR mésencéphalique responsable de l'augmentation de vigilance rend plus difficile le déclenchement de la PRS. Par contre, dans tous les cas où l'activité inhibitrice corticifuge continue à s'exercer sur le SRAA (chat intact, décortication subtotale, lésions latérales du tronc), les possibilités d'apparition de la PRS sont plus nombreuses.

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II. Le sommeil rapide (PRS)

9. Néo- et archéo-sommeils

- Le sommeil a surtout été étudié chez les mammifères et les données de la littérature concernant les animaux inférieurs sont encore peu précises. Il semble cependant qu'au début de l'évolution phylogénique et ontogénique, le sommeil soit un phénomène périodique de courte durée, qui peu à peu acquiert un rythme nycthéméral. Pour hypothétique que soit la comparaison entre les stades de l'évolution du système nerveux et les mutilations du névraxe, on peut se demander si l'apparition périodique de la PRS (qui constitue le seul état de sommeil de l'animal décérébré) ne traduirait pas l'expression d'un "archéosommeil" relativement indépendant du milieu extérieur. Par contre, la télencéphalisation progressive au cours de l'évolution s'accompagnerait de l'apparition d'un "néo-sommeil". Cet état de sommeil, dépendant du cortex serait lié aux influences du milieu extérieur (rythme nycthéméral acquis par conditionnement) et pourrait être déclenché par l'état de repos sensoriel, l'ennui et la répétition des stimuli probables.

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10. Signication psycho-physiologique de la PRS

- Kleitman et ses collaborateurs  ont décrit chez l'homme une phase périodique de sommeil accompagnée de mouvements des yeux et d'activité corticale de bas voltage. Ils ont interprété cette phase de sommeil comme l' analogue du stade d' endormissement (stade I, ou sommeil peu profond) et ont suggéré que cette phase traduisait l'expression de l'activité onirique. Dement émet également l'hypothèse que le "sommeil activé" du chat, accompagné de mouvements des yeux serait une activité de rêve. Les arguments suivants permettent de supposer que l'activité onirique survient chez l'homme au cours d'une phase de sommeil analogue à la PRS du chat. Il existe en effet une phase de sommeil, accompagnée de mouvements des yeux, de modifications des rythmes cardiaque et respiratoire et d'une augmentation du seuil d'éveil, dont l'apparition périodique et la durée sont similaire à la PRS du chat. Des réveils provoqués au cours de cette phase s'accompagnent dans 60% des cas de souv enir de rêve.
D'autre part, chez des sujets humains dont la décortication fut vérifiée ensuite, les phases de sommeil comportemental s'accompagnent d'une disparition totale de l'hypertonie de décortication et de mouvements des yeux. De telles phases sont totalement similaires à la PRS de l'animal décortiqué. Enfin chez un sujet porteur de lésion de la FR pontique, des tracés polygraphiques de longue durée ne permirent pas de révéler l'existence de PRS. Ainsi, l'apparition périodique des rêves, au cours du sommeil chez l'homme, semble être sous la dépendance d'un système unissant le rbombencéphale au système limbique.
L'étude des conditions physiologiques de la mise en jeu d'un tel système et de ses troubles est riche de promesses si l'on considère l'importance du sommeil et de l'activité onirique dans la vie mentale et les affections psychiatriques.

Conclusions

1. Les corrélations EEG corticales et sous-corticales des différentes phases du sommeil physiologique ont été étudiées sur 65 chats chroniques, intacts, décortiqués, décérébellés, porteurs de section totale ou de coagulation limitée du tronc cérébral.
2. Chez le chat intact, le "sommeil lent" (60% de la durée du sommeil comportemental), se traduit par une activité synchronisée et lente au niveau du cortex, du thalamus, et de la FR mésencéphalique et pontique, tandis que l'activité du système limbique est caractérisée par des pointes de haut voltage. A ce stade il persiste toujours une activité musculaire au niveau des muscles de la nuque. Le sommeil rapide, ou "phase rbombencéphalique du sommeil" (PRS: 40 % du sommeil comportemental) s'accompagne d'une activité corticale rapide et de bas voltage similaire à celle de l'éveil, d'une activité rythmique à 5 c/s au niveau de l'hippocampe, du septum, de l'hypothalamus postérieur, du noyau inter-pédonculaire et du noyau RPC, où il existe également une activité de fuseaux périodique. Pendant cette phase il existe toujours une disparition totale de l'activité EMG de la nuque et un ensemble caractéristique de manifestations somatiques (mouvements des yeux, des vibrisses etc....) et végétatives (accélération respiratoire, ralentissement du rythme cardiaque). Ces manifestations périphériques permettent de repérer la PRS chez des animaux porteurs de lésions.
3. Les animaux partiellement néodécortiqués, chez qui il persiste une minime surface de cortex frontal, ceux porteurs de section du tronc laissant intact le 1/3 médian du mésencéphale, et les animaux totalement cérébellectomisés présentent les mêmes aspects EEG et comportementaux de sommeil que l'animal intact. Chez les animaux sans cervelet, la rigidité disparaît totalement pendant la PRS.
4. Chez les chats totalement néodécortiqués, l'activité sous-corticale demeure en permanence rapide et de bas voltage. Il existe de très courtes phases de sommeil accompagnées de pointes hippocampiques. Les PRS (90 % du sommeil comportemental) surviennent périodiquement, avec une durée et une périodicité similaires à celles de l'animal intact. Ces PRS s'accompagnent d'une activité sous-corticale et de phénomènes périphériques identiques à ceux de l'animal normal.
5. Chez l'animal mésencéthalique ou pontique chronique, l'activité cérébrale située en avant de la lésion demeure lente en permanence par contre l'activité du tronc en arrière de la section est en permanence rapide. La périodicité et la durée des PRS sont similaires à celles de l'animal décortiqué, et les mêmes phénomènes EEG pontiques et comportementaux (exceptés les mouvements des yeux) apparaissent. La rigidité des animaux décérébrés disparaît totalement pendant la PRS.
6. Après section totale du tronc en arrière du pont, il n'est par contre plus possible de mettre en évidence les phénomènes périphériques caractéristiques de la PRS. Ces faits sont donc en faveur de l'existence d'un centre responsable de la PRS situé au niveau du pont.
7. L'existence d'un tel centre est démontrée, car la destruction élective du noyau RPC chez l'animal normal supprime de façon définitive la PRS, tout en laissant persister des périodes de sommeil lent et d'éveil normales. Les symptômes caractéristiques d'une telle lésion sont décrits.
8. Les voies nerveuses, issues du RPC, responsables de l'activation néocorticale et de l'activité rythmique limbique au cours de la PRS ont été délimitées par des lésions du tronc. Ces voies sont différentes du SRAA. Elles empruntent la partie médiane du tegmentum pontique antérieur, la région interpédonculaire, le 1/4 ventral du mésencéphale, la région hypothalamique, le septum. Ces voies empruntent ainsi, en tout ou en partie, la partie ascendante du "limbic midbrain circuit" décrit par Nauta.
9. La PRS constitue le stade le plus profond du sommeil car au cours de celle-ci le seuil d'éveil par stimulation réticulaire ou sensorielle est plus élevé qu'au cours de la phase de sommeil lent.
10. Les potentiels acoustiques, corticaux et réticulaires, chez l'animal intact, les potentiels évoqués acoustiques réticulaires chez l'animal décortiqué et mésencephalique diminuent d'amplitude au cours de la PRS par rapport aux stades de sommeil lent ou d'éveil.
11. Le nembutal et l'atropine suppriment l'apparition des PRS, la chlorpromazine supprime l'activation corticale au cours de la PRS mais en laisse persister les phénomènes périphériques.
12. La PRS peut être déclenchée par stimulation du tronc cérébral. Ce phénomène obéit à certaines conditions qui sont décrites.
13. Ces résultats permettent de conclure que la phase lente du sommeil est l'expression d'une activité néo- ou paléo-corticifuge agissant sur le SRAA, tandis que la PRS constitue la mise en jeu périodique d'un système ascendant unissant le noyau RPC au système limbique. Le mécanisme d'action neuro-humoral de ]a PRS est discuté.
14. Enfin une conception dualiste du sommeil (néo et archéosommeil) est décrite. Des expériences chez l'homme sont rappelées qui tendent à supposer que la PRS constitue l'expression de l'activité onirique.

Acknowledgement

Nous remercions le Professeur G. Moruzzi d'avoir bien voulu revoir ce manuscrit et nous faire bénéficier de ses critiques. Nous remercions J. a. A. Churchill Ltd pour l'autorisation à reproduire les Figures 5, 22 et 23, parues dans le volume The nature of Sleep et la Société de Biologie de Paris pour les Figures 36, 38 et 39 parues dans C. R. Soc. Biol.