dimanche 31 juillet 2011

Hystérie traumatique


L’hystérie traumatique est une forme d’hystérie décrite par Charcot dont les symptômes surviennent, après un temps de latence, suite à un traumatisme physique. 
La rencontre de Freud avec l’hystérie masculine à lieu en octobre 1885, à Paris, où il se rend pour assister à l’enseignement de Charcot. Un an plus tard, à Vienne, il expose devant la société des Médecins la conception de l’hystérie masculine qu’il a apprise du maître de la Salpétrière, et son premier travail clinique, présenté peu après devant la dite Société pour répondre à un défi du professeur Meynert, consiste dans l’étude du cas d’Auguste P., qualifié par Freud d’hystérie traumatique. La constance de la thèse selon laquelle l’hystérie comme type clinique existe aussi bien chez l’homme que chez la femme s’atteste de ce que nous pouvons lire dans un des derniers écrits de Lacan : " il n’y a pas de sens commun de l’hystérique, et ce dont joue chez eux ou elles l’identification... ". " L’hystérie masculine " serait donc une question classique de la clinique freudienne, n’était-ce l’absence de paradigme clinique incontestable et la relative marginalité de son abord dans la littérature analytique, qui résonne avec la féminisation le plus couramment pratiquée du genre de l’hystérique. Pourtant, à y voir de plus près, c’est au cœur même du choix du sexe d’une conduit l’interrogation réglée de cette apparente atypie : l’hystérie masculine.
C’est donc grâce à Charcot que Freud fait ses premiers pas dans l’investigation de l’hystérie. Charcot, bien qu’anatomo-pathologiste de formation, aborde l’hystérie essentiellement en clinicien. Ce dont Freud lui fait hommage de façon réitérée, c’est d’avoir constitué l’hystérie en type clinique, dont les formes symptomales diverses peuvent s’ordonner dans une série objectivable, ce qui exclut l’assimilation de l’hystérie à une simulation et assure son insertion dans la science. Dans le même temps, l’hystérie est qualifiée de névrose, c’est-à-dire non réductible à une lésion organique, encore que sur ce point la notion alternative que Charcot propose de " lésion dynamique " soit quelquefois ambiguë.
L’essentiel du frayage dû à Charcot est cependant d’avoir élaboré une conception de traumatisme particulièrement appropriée à l’explication de l’hystérie qu’il appelle " virile ". Le traumatisme, choc local, produit un processus physiologique de parésie provisoire, entraînant chez le sujet ému l’idée d’impuissance motrice d’où résulte, par auto-suggestion, le formation du symptôme hystérique de paralysie. A cette explication correspond une confirmation expérimentale : il est possible de reproduire artificiellement le symptôme hystérique, soit par suggestion sous hypnose, soit par un choc local sous hypnose.
En considérant quelques années plus tard que l’effet pathogène du traumatisme est lié non, comme le voulait Breuer, à un état physiologique particulier, l’état hypnoïde, mais aux significations que le sujet confère au traumatisme, et dont il ne veut rien savoir, Freud se détache irréversiblement de Charcot pour fonder la psychanalyse sur le concept de refoulement.
Rien cependant, jusque là qui fournisse un trait distinctif de l’hystérie masculine. Au contraire, c’est à partir des cures de femmes hystériques que Freud remodèle, sans l’abandonner, la théorie du traumatisme pour ébaucher une théorie du fantasme. Il faudra attendre que la première guerre mondiale actualise la question des névroses de guerre pour que soit repris l’examen des effets pathogènes du traumatisme.
Ce sera la tâche du Ve Congrès international de Psychanalyse à Budapest, en 1918. La position de Freud à l’égard de ces névroses est à la fois prudente et nette : " Si l’examen - encore très poussé - des névroses de guerre n’a pas révélé que la théorie sexuelle des névroses est exacte, cela était tout autre chose que si elle avait révélé que cette théorie n’est pas exacte ".
Aussi conclut-il son introduction : " On peut tout de même à juste titre caractériser le refoulement, qui est à la base de toute névrose, comme une réaction à un traumatisme, comme une névrose traumatique élémentaire ".
Est-ce à dire que Freud considère que la névrose de guerre serait une variante de la névrose hystérique ? même si dans " Au delà du principe de plaisir ", Freud esquisse un rapprochement entre l’hystérie et les névroses traumatiques en faisant remarquer que, tout comme les hystériques souffrent de réminiscences, le névrosé traumatique est fixé psychiquement à son traumatisme, il n’en garde pas moins une certaine réserve. Il est nécessaire de mentionner les raisons de cette réserve parce qu’elles anticipent sur les problèmes fondamentaux et inédits qui peuvent se poser de façon privilégiée à partir de l’hystérie masculine. 1) Dans la névrose traumatique, la souffrance subjective est plus forte et n’est pas sans rappeler l’hypocondrie et la mélancolie. 2) Pour explorer la voie qui permettrait de subsumer les névroses traumatiques sous les névroses de transfert, il faudrait préalablement éclairer d’une part c qu’il en est du masochisme, d’autre part de la libido narcissique. Ce n’est donc pas directement dans la filiation hystérie virile-névrose de guerre que Freud renoue avec son investigation de l’hystérie chez l’homme, mais au travers de deux cas dont l’un est emprunté à l’histoire de la démonologie, celui du peintre Christophe Haizmann, l’autre à l’histoire de la littérature, celui de l’écrivain Fiodor Mikhailovitch Dostoïevski.
Le cas du premier est examiné dans l’article intitulé " une névrose démoniaque au XVILe siècle ", paru en 1923. Freud s’appuie sur un ensemble de documents relatant la signature par Christophe Haizman d’un pacte avec le diable et l’issue, grâce à deux exorcismes, de cette possession. Bien que l’expression de " névrose hystérique " ne figure pas comme telle dans le texte, Freud prend clairement parti : il s’agit d’une " névrose " (et non d’un psychose) ; il s’agit de " manifestations de l’hystérie " sous le " vêtement démonologique " ( à cette occasion, Freud évoque d’ailleurs Charcot qui le premier sut reconnaître l’hystérie sous la dite possession).
L’analyse minutieuse que Freud présente de ce cas peut s’articuler ainsi :
Le pacte avec le diable que signe Haizman en 1669 est consécutif au décès du père d’Haizmann. Voici l’enjeu du pacte : le diable s’engage à remplacer pour neuf ans ce père défunt. Quant au motif du pacte il serait, pour Haizmann, de sortir, grâce à ce remplacement, d’un accès de mélancolie et de l’inhibition au travail qui l’accompagne.
La thèse ne varietur de Freud est que le diable est le substitut du père, bien qu’Haizmann l’ait représenté avec des mamelles qui le féminisent dès le deuxièmes des huit tableaux qu’il a consacré à représenter l’histoire de sa possession.
Si le diable est le substitut du père, le choix d’Haizman de contracter un pacte avec lui témoigne de son amour pour le père. Cependant, la transformation du deuil en mélancolie indique que cet amour pour le père masque la haine pour le père qui s’est développée dans le complexe d’Oedipe. Freud nous livre ici une indication extrêmement précieuse concernant la façon dont il aurait dirigé la cure si Haizmann avait été un de ses patients. Il l’aurait amené " à se ressouvenir quand et à quel propos il eût lieu de craindre son père et le détester " et il aurait essayé de découvrir " les facteurs accidentels qui se sont surajoutés aux facteurs typiques de la haine pour le père ".
Pour la première fois, nous saisissons un trait différentiel majeur de l’hystérie masculine : l’intensité surdéterminée de la haine pour le père dans le complexe d’Oedipe. Observons à cet égard la partie gauche du tryptique peint par Haizmann en1678(entre les deux exorcismes) : on y voit un chien noir aboyer contre le bourgeois qui, dans la série des huit tableaux consacrés à l’histoire de la possession, représente la première figuration du diable et qui, dans ce tryptique, s’interpose entre le chien et une dame qui , curieusement, détient déjà la lettre du pacte. Ainsi, l’art est-il le moyen privilégié d’expression de la haine contre le père et la perte de cet art, consécutive à la mort du père, est-elle aussi pour Haizmann la perte de son désir : " Qui perd son fou perd sa voix ".
L’hypothèse de Freud selon laquelle le père aurait contrarié la vocation artistique d’Haizmann n’apparaît donc pas sans fondement. Dès lors, enfin, la haine du père ainsi refoulée trouvera sa traduction dans le " ravalement " du père en diable.
L’amour pour le père, qui opère une inversion du complexe d’Oedipe, n’est pas pour autant une solution. Certes, il permet à Haizmann d’aluder l’affrontement au père dans la haine : il sert donc l’évitement de la castration du côté masculin au non de la jouissance, mais la question de la castration se repose alors du côté féminin, puisque Haizmann se retrouve dans une position féminine vis à vis du père.
C’est pour contrer la castration du côté féminin que dès le deuxième tableau de la série de huit, Haizmann représente le diable sous une forme féminisée par l’adjonction de mamelles. Haizmann se trouve en effet dans une impasse subjective. Il n’accepte la castration ni du côté homme - il recule devant l’affrontement avec le père -, ni du côté femme - il recule devant l’implication d’une position féminine à l’endroit du père. Le compromis qu’il adopte est précaire : il consiste à représenter le diable en femme, c’est-à-dire à châtrer le père, ce par quoi Haizmann espère maintenir la dénégation de sa propre castration.
Ce qui, en dernière instance, est déterminant, peut maintenant s’appréhender : l’impasse d’Haizmann, son recul devant le choix du sexe est à référer à une ligne de défense contre la castration maternelle. C’est le sens de la deuxième explication de Freud quant au pourquoi de la féminisation du diable. Celle-ci réactive une fixation à la mère, à la mère comme toute puissante, comme Autre non barré. C’est d’ailleurs sur ce versant que va basculer finalement Haizmann, cédant sur son désir pour s’en remettre aux mains de la sainte Vierge, mais de ce fait neutralisant la médiation paternelle qui lui aurait été nécessaire pour sauver son désir, celui-ci se réduisant désormais, après son entrée dans les ordres, à un penchant pour la drive bouteille, dont la prise fonctionne alors comme limite à la jouissance de l’Autre.
l’épisode décisif de cette capitulation est relaté Haizmann lui-même dans son journal. Le 26 décembre 1677, se rendant à l’église St Etienne pour y faire ses prières, il croise une jolie dame et son seigneur bien habillé, ce qui le fit " imaginer " qu’il était " ce seigneur et aussi bien habillé que lui ". Cette substitution à l’homme comme objet d’amour d’une femme, l’aurait-il soutenue qu’il se serait identifié comme homme désirant par le biais du trait un aire " bien habillé ". Or, c’est à quoi il échoue : frappé par " un coup de tonnerre et une flamme éclatante " , il renonce définitivement à assumer sa rivalité hostile avec le père. C’est cette caractéristique de " la couardise " devant le père qu’on retrouve dans l’article de 1928 " Dostoievski et le parricide ". Là encore - similitude qui mériterait à elle seule une étude de la sublimation -, c’est dans la seule expression artistique que Dostomevski peut affronter, dans la mise en scène romanesque du parricide, la haine pour le père. Mais, comme le souligne Freud d’emblée, en dehors de son art, c’est un lâche.
Pour le reste, nous ne pouvons que constater une correspondance remarquable avec l’analyse du cas Haizmann. La maladie touche Dostoilevski dans sa prime jeunesse " sous la forme d’une mélancolie soudaine et sans fondement " ; " il avait alors le sentiment qu’il allait mourir sur le champ ". Freud interprète ce sentiment , sans hésiter, comme signifiant " une identification avec un mort, une personne effectivement morte ou encore vivante, mais dont on souhaite la mort ". Soulignant que le second cas, celui de Dostoievski, est le plus significatif. Il peut alors définir l’attaque hystérique comme " une auto-punition pour le souhait de mort contre le père haï " et en poser comme ressort l’inacceptabilité de la haine envers le père, en tant qu’elle découle de l’angoisse devant le père et de l’effroi de la castration. Chez Dostoïevski comme chez Haizmann, cette angoisse et cet effroi sont redoublés dans la position féminine, voire l’homosexualité, qui ne peuvent donc fournir le rempart recherché contre la castration. " tu voulais tuer le père afin d’être toi-même le père. Maintenant tu es le père, mais le père mort " , tel est le mécanisme du symptôme hystérique chez l’homme. Nous découvrons ainsi la modalité par laquelle l’homme hystérique se distingue de l’homme obsessionnel : au lieu de promouvoir le père mort comme le signifiant-maître, il s’identifie à lui dans le retour du refoulé qu’impose le symptôme hystérique, ce qui ne va pas quelquefois sans défaillance graves de sa propre fonction paternelle dès lors qu’il ne veut rien savoir de la vérité que recèle le symptôme quant à sa castration.
Enfin, nous pouvons noter la dissymétrie que dénote l’hystérie chez l’homme par rapport à l’hystérie chez la femme pour autant que l’amour pour le père est chez elle consécutif à sa castration et qu’elle n’est pas inscrite dans la même logique temporelle dans son rapport au meurtre du père.
Le legs freudien concernant l’hystérie masculine n’ira pas sans avatars. D’une part, en effet, la première génération des élèves de Freud, tels Abraham, Ferenczi et Simmel, s’efforcent, principalement à propos des névroses de guerre, de vérifier la thèse qu’ils imputent à l’orthodoxie freudienne d’un rattachement de ces névroses à l’hystérie traumatique ; ils le font avec un hâte à être freudiens qui a pour contrepartie le gommage des questions suscitées par Freud à partir de l’écart qu’il préserve entre les névroses de guerre et l’hystérie. cependant, ils procèdent avec une grande pertinence clinique, et leur travaux méritent encore aujourd’hui d’être lus avec attention. Nous citerons par exemple la finesse avec laquelle K. Abraham note que, dans une guerre, il " s’agit d’être disposé non seulement à mourir mais également à tuer " , ce devant quoi l’homme hystérique a, nous l’avons vu, des raisons spécifiques de se dérober.
Mention spéciale doit être accordée aux travaux d’Hélène Deutsch sur l’hystérie masculine. Non seulement pour la variété et la typicité des symptômes qu’elle aborde - terreurs nocturnes, énurésie, impuissance... - mais surtout pour la rigueur avec laquelle elle maintient la référence à l’Oedipe et la castration y compris dans l’abord des éventuels fantasmes " féminins " (fantasmes de naissance). Elle note aussi, l’indication clinique de premier plan, combien le recours au père souffre en quelque sorte des dispositions bienveillante et douces de celui-ci : " pas le plus petit geste qui puisse être interprété comme menace de castration ".
Avec ces auteurs se clôt une période de fidélité à Freud. Ce que nous allons rencontrer d’autre part constitue en effet une mise en cause généralisée des thèses de Freud sur l’hystérie masculine (et sur la frontière entre névrose et psychose). Ce mouvement critique est à dater du livre de I. Macalpine et R.A.Hunter, paru en 1956, et dont le titre est programmatique : On schizophrenia, 1677.
L’axe de cette révision s’origine d’une contestation : le diable, dans le cas Haizmann, ne serait pas un substitut paternel, mais un substitut masculin-féminin, bisexuel ou pré-sexuel en tout cas ne relevant pas de la référence oedipienne. Sur cette base, Macalpine et Hunter établissent une équivalence entre le délire de procréation chez le président Schreber et ce qu’ils imputent à Haizmann d’un fantasme délirant de procréation dont témoignerait son pacte avec le diable. Lacan, à propos de l’étude d’Ida Macalpine sur le président Schreber, a fait justice de cette démarche qui se cantonne dans une mise en série des formations imaginaires en occultant ce qui, dans la question du père, constitue un repère de structure indispensable. On ne s’étonnera pas que les deux auteurs concluent en qualifiant Scherber et Haizmann de schizophrènes paranoïdes auxquels ils n’hésitent pas à adjoindre Anna O., de ce qu’elle présente à leur yeux un fantasme de grossesse délirant. On sait aussi les dommages que cette conception a entraîné en faisant tendanciellement s’évanouir le concept même d’hystérie.
Moins hasardeuse est la thèse défendue en 1975 par un psychanalyse belge de l’IPA,G.Vandendriessche. cet auteur considère en effet qu’il est impossible de contester sérieusement la thèse freudienne du diable comme substitut du père, mais il s’appuie sur l’ambivalence foncière quant au sexe, ambivalence selon lui non dialectisable, pour maintenir le diagnostic de psychose. Or, comme nous l’avons vu, cette ambivalence quant au sexe est fondée sur la haine pour le père ; tout le problème est donc de savoir si cette non-assomption relève de la forclusion ou du refoulement. La réponse est déjà dans Freud : chez le paranoïaque, l’énoncé : " je le hais ", " ne peut jamais devenir conscient sous cette forme ". Rien de tel avec Haizmann, pour lequel au contraire Freud pense qu’il aurait fallu l’amener à s’interroger sur la genèse de cet énoncé. Nous verrons cependant comment la difficulté extrême, dans la direction de la cure des hystériques hommes, à maintenir cette orientation, peut expliquer l’impression d’un obstacle infranchissable. Cette quasi-aporie clinique n’est as sans avoir conduit Lacan à élucider les conditions de définition du discours analytique sans lesquelles la position de l’hystérique est inexpugnable.
L’enseignement de Lacan ayant trait à l’homme hystérique ne se laisse pas facilement évaluer parce qu’il résiste à se laisser interpréter comme moulage d’un type clinique que Freud aurait laissé inachevé, ou insuffisamment fondé. Cette remarque peut passer pour paradoxal si l’on énumère les figures célèbres, appartenant à la fiction, comme hamlet, ou à l’histoire, comme Socrate ou hegel, auxquelles Lacan a accolé l’épithète d’hystérique ". Pourtant cette remarque se justifie de ce que l’effort de Lacan ne s’est pas fixé à arrêter un diagnostic et à le justifier, mais à élucider le statut de l’hystérique au regard de l’acte, du transfert, de la science, enfin du discours.
Le titre du séminaire où Lacan développe l’analyse d’hamlet est déjà significatif : le désir et son interprétation. Lacan n’y dément pas la thèse de Freud, qu’on trouve dans la Traumdeutung, et qui fait d’Hamlet un hystérique pour autant qu’il recule devant le meurtre de Claudius parce qu’il n’est pas " meilleur que le pêcheur qu’il veut punir ". Mis il va au-delà, o à côté de cette thèse, en posant une question inédite : qu’est-ce qui permet à Hamlet, en fin de compte, en fin de tragédie, d’agir ? sa réponse, c’est l’identification à Laete d’Hamlet, par laquelle ce dernier accomplit le deuil d’Ophélie, c’est-à-dire réalise que l’objet perdu, à le supposer retrouvé, n’aurait pu le satisfaire. Touché à mort par le même Laerte, Hamlet entrevoit dans l’impossibilité de cet objet la cause même de son désir et peut alors frapper Claudius - Façon, dit Lacan, " d’accoucher de la castration ". Cette retrouvaille avec le désir, qui ici libère l’acte, on sait que Lacan fut tenté un temps d’y voir la fin de l’analyse, et de promouvoir, en donnant relief au passage de l’impuissance à l’acte chez l’homme hystérique, une figure de l’analyste comme sujet désirant, c’est-à-dire en paix avec sa division.
C’est la même interrogation qui se prolonge et s’amplifie avec le séminaire : le transfert, menée cette fois avec Socrate. Si, comme Lacan le dira quelques années plus tard dans " Radiophonie ", Socrate est hystérique parce qu’il " met le maître au pied du mur de produire un savoir ", l’accent est mis non sur les symptômes de Socrate, mais sur ce qui, dans une position à l’endroit du savoir, détermine la mutation d’une doxa en épistémé. Il n’est pas pour cela analyste, sinon " d’une certaine façon ". Dès le séminaire : le transfert en effet, Lacan note comment Socrate se dérobe à Alcibiade décèle en lui l’ayalyse qui le fait désirant, se lavant ainsi les mains du transfert pour mieux se référer à la femme comme seule recèlant la vérité sur l’amour. Que ce soit par un refus de son corps qu’il se dérobe ne doit pas nous tromper. C’est de la construction du fantasme d’Alcibiade qu’il s’élide, faute d’accepter d’y faire semblant comme objet (a).
Avançons donc l’examen approfondi d’Hamlet et de Socrate dans leur rapport à l’hystérie permit à Lacan de récuser une conception de la fin d’analyse comme institution subjective au profit d’une proposition radicalement neuve de destitution subjective. Il devenait alors possible de construire une écriture du discours analytique distincte du discours hystérique. On peut situer cette transition entre l’écrit "  Kant avec Sade " de 1962 et le Séminaire : l’acte analytique (1967-68).
Quelles incidences l’élaboration du discours hystérique, dans ce contexte nouveau dont nous avons d’évoquer brièvement les coordonnées, a-t-elle sur la question de l’hystérie masculine ? nous retiendrons trois points comme jalons d’une étude à poursuivre.
Prélevons d’abord, dans le séminaire : d’un autre à l’Autre (18 juin 1969), cet énoncé de Lacan : " L’hystérique fait l’homme qui supposerait savoir la femme ". Si nous décomposons, nous pouvons attribuer comme trait commun aux hystériques, hommes ou femme, la supposition de la femme comme sujet supposé savoir. Réaliser la femme comme pas-toute, serait ainsi, du côté de l’hystérique homme, équivalent à la destitution subjective.
Cependant, peut-on lire de la même façon pour l’homme et la femme, le " faire l’homme " ? du côté femme, nous pouvons nous fier à l’explication que Lacan propose dès " La direction de la cure et les principe de son pouvoir ". L’identification hystérique d’une femme à une autre femme supposée être l’objet d’amour du père laisse la première sans réponse quant à la question de ce qui attirerait le père dans cette autre femme qui ne saurait pourtant le satisfaire. Une femme s’identifie à l’homme en tant qu’il présentifie cette question... et, ajouterons-nous, sa réponse, de supposer savoir la femme. Qu’en est-il alors du sens de " faire l’homme " pour hystérique, sinon celui de faire l’homme que l’hystérique femme pose comme supposant savoir la femme ?.
Ceci éclaire comment se répartit la question du père châtré selon qu’on est sur le versant homme ou sur le versant femme. Sur le versant femme, le père est châtré parce qu’il ne pourra jamais, sinon comme mort, atteindre la jouissance absolue qu’il vise. Elle s’introduit directement ainsi, de plain-pied, à la fonction du Nom-du-père, et réalise l’essence de son propre désir comme désir insatisfait, de ce qu’aucun père vivant ne pourra le saturer. La dialectique du désir s’inscrit selon la séquence : père châtré-père mort - père réel. sur le versant homme, le père mort n’ouvre pas d’accès à la fonction du père réel : d’un côté il renvoie au père châtré comme impuissant, de l’autre au père réel comme père terrible, c’est-à-dire que des deux côtés, nous avons affaire à l’imaginarisation du père, scindée dans les deux figures de l’impuissant et de l’implacable, auxquelles l’hystérique homme s’identifie tour à tour.
A cet égard, le paradigme de l’hystérique homme, nous oserions le fonder dans le héros de Wedekind, dans la tragédie enfantine à laquelle Lacan a consacré une préface flagrante : c’est Mortiz. Laissons parler Lacan : " Reste qu’un homme se fait l’homme à se situer de l’Un-entre-autres, à s’entrer entre ses semblables. Mortiz, à s’en excepter, s’exclut dans l’au-delà, il n’y a que là qu’il s’y compte : : pas par hasard d’entre les morts exclus du réel ".
Aussi bien, n’y aurait-il pas qu’un homme à pouvoir incarner la perfection de l’hystérique, l’hystérique comme in-analysant... sauf à ce que rencontre avec " un agent du tourment " suffisamment " voisin de sa propre méchanceté " le force à se découvrir comme " prochain ", pour que le pire soit enfin sûr ?

Hystérie hypnoïde


L’hystérie hypnoïde est une forme d’hystérie introduite par Breuer et Freud dans les années 1894-95 qui trouvait son origine dans les états hypnoïdes. Cette hystérie se caractérise par une incapacité ou difficulté du sujet à intégrer dans sa personne et histoire les représentations qui apparaissent pendant les états hypnoïdes.
Analogue au sommeil. Selon Breuer, le collaborateur de Freud dans les Études sur l'hystérie (1895), les états hypnoïdes se produisent fréquemment chez les femmes qui ont des activités telles que les travaux ménagers qui ne requièrent pas leur pleine attention et prédisposent à l'HYSTÉRIE.

Les 4 sortes d’hystérie :

• Hystérie de rétention : elle se caractérise par le fait que les affects, notamment sous l’action de circonstances extérieures défavorables, n’ont pas pu s’exprimer. C’est à dire que le sujet ressent une émotion très vive mais il en peut l’exprimer à cause du contexte, il va la réprimer. L’affect ne trouve pas à s’exprimer et ne peut donc pas s’abréagir (c’est le contexte qui rend l’abréaction impossible).
Hystérie hypnoïde : elle est provoquée par le fait que le sujet se trouve en état d’autohypnose au moment où l’affect intense se manifeste. Ce n’est pas le contexte mais l’état hypnoïde qui ne permet pas l’abréaction. Freud la met un peu de côté.
• Hystérie traumatique : les symptômes somatiques surviennent après un temps de latence consécutif à un traumatisme physique. Ce sont des traumas physiques qui vont toucher l’intégrité physique de l’individu (il risque de mourir). Elle va se développer suite à la névrose de guerre.
• Hystérie de défense (très importante historiquement) : l’activité de défense, contre des représentations susceptibles de provoquer des affects déplaisants, sera centrale. Progressivement, Freud va l’introduire comme permettant de souligner l’importance du mécanisme défensif dans l’appareil psychique importance de la défense par rapport à l’état hypnoïde (cher à Breuer)