Rêve de Didon
Les tourments de l’amour
Lorsque la chambre est tranquille, Didon n'oublie pas celui pour lequel le dieu d'amour l'avait déjà ébranlée : elle commence à penser à lui, à rappeler en son cœur son visage, son corps et son apparence physique, ses mots, ses faits, sa façon de parler, les batailles qu'il lui conta. Pour rien au monde elle ne peut dormir : elle se tourne et se retourne souvent. Elle se pâme et s'étire, elle souffle, soupire et bâille, elle se démène beaucoup et se tourmente, elle tremble, frissonne et tressaille; le cœur lui manque et elle défaille. La dame est très agitée et quand vient le moment où elle perd conscience, elle pense être couchée avec lui; entre ses bras, elle croit le tenir tout nu, entre ses bras, elle croit l'étreindre. Elle ne sait ni cacher ni dissimuler son amour. Elle embrasse sa couverture, elle n'y trouve ni réconfort ni amour; elle baise mille fois son oreiller pour l'amour du chevalier. Elle croit l'absent présent auprès d'elle dans son lit : il ne s'y trouve pas, il était ailleurs. Elle parle avec lui comme si elle l'entendait; sur sa couche, elle le cherche à tâtons : comme elle ne le trouve pas, elle se frappe de ses poings, elle pleure et manifeste une profonde douleur, mouillant de ses larmes ses draps de lit. La reine se retourne beaucoup, d'abord sur le ventre et puis sur le dos. Elle ne peut s'apaiser, elle se débat sans cesse; la nuit lui livre en abondance douleur et peine; elle s'agite de diverses façons.1160 | Anonyme | Le Roman d’Énéas |
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