lundi 11 avril 2011

L'hypnose et le rêve : deux phénomènes de l'inconscient


 Introduction

L'hypnose et le rêve sont deux activités du cerveau qui existent depuis des siècles. On trouve de nombreuses cultures différentes qui pratiquaient (et pratiquent encore) des rites basés exclusivement sur ces phénomènes. Evidemment, de telles cérémonies ont toujours pour cadre la religion, et les pratiques reposant sur l'hypnose ou l'interprétation des rêves sont laissées à l'entière responsabilité d'un gourou, qui a une fonction religieuse. Or, si l'on a la même activité inconsciente depuis que l'homme existe, celui-ci n'a jamais pu trouver une explication rationnelle, malgré la connaissance approfondie que l'on commence à avoir sur l'hypnose et sur le rêve.
Ainsi, le terme d'hypnose décrivait-il de nombreux phénomènes inexpliqués qui, maintenant, sont mieux définis (comme le magnétisme). On a aussi mieux compris par qui et pour qui l'hypnose est utilisée, de même que les différentes manières de l'exercer. Aujourd'hui on commence à mieux discerner ce qu'elle est réellement et on peut alors trouver des applications pour notre vie quotidienne.
Le rêve, lui, a suivi une direction similaire : son étude scientifique a permis de mieux le comprendre au niveau du fonctionnement du cerveau et des applications peuvent commencer à voir le jour. Mais il ne peut pas être expliqué que scientifiquement, c'est pourquoi il faut tout de même se tourner vers les psychanalyses, psychologues, neuropsychologues...
L'hypnose et le surtout le rêve ont posé le problème de l'inconscient, cette autre partie de nous-même, qui s'oppose au conscient qui dirige les scientifiques. Et, grâce à la puissance de l'inconscient, on pourrait expliquer les grands problèmes du monde moderne et remédier au malaise de notre siècle. 


1) Historique de l'hypnose  

1. Qu'est-ce que l'hypnose ?
L'hypnose n'est considérée comme une science que depuis quelques dizaines d'années, bien qu'elle reste pour beaucoup une pratique mystérieuse empreinte de sorcellerie. Au cours des siècles, on a pu noter une évolution sur la terminologie de cette pratique. Au début, on parlait de magnétisme, ses résultats attirèrent l'attention de la communauté scientifique, ce qui conduisit au terme que l'on utilise actuellement, "hypnose" qui laisse lui-même place, aujourd'hui, à celui de "sophrologie".
Le mot "hypnose" est dérivé du grec upnos et signifie sommeil. Il s'agit, effectivement, d'un état modifié de la conscience où la personne hypnotisée tombe dans une sorte de somnolence. Ce n'est, pourtant, pas un sommeil naturel, mais plutôt un état d'hypersuggestibilité provoqué par une décontraction profonde. On peut donc considérer l'hypnose comme un état de relaxation librement consentie. Pendant l'hypnose, le patient entend parfaitement la voix de l'hypnotiseur, il assimile donc très bien ses instructions et y réagit. De ce fait, l'hypnotiseur peut parfaitement orienter la séance soit pour une thérapie en faisant se remémorer des faits oubliés, soit pour une démonstration en faisant réaliser des actions dictées. Mais il faut savoir qu'il est impossible par le biais de l'hypnose de faire réaliser une action que le sujet ne ferait pas s'il était dans son état normal, par exemple, une personne ayant la phobie des araignées ne pourra pas la vaincre sous hypnose.
2. Histoire de l'hypnose
Dans l'antiquité en Grèce, en Egypte ou dans la Rome antique, les anciens effectuaient couramment des actes de guérison en utilisant des pratiques très proches de l'hypnose. On retrouve des pratiques similaires aux quatre coins du monde depuis le début de l'humanité, des "chamans" de l'Asie aux sorciers africains. En Occident, c'est la science qui prévalut et avec son expansion on assista à un développement de ces techniques malgré les réticences de l'église qui s'opposait à toute pratique proche de la sorcellerie.
C'est un médecin allemand, Anton Massmer, qui donne le coup d'envoi en 1776, en publiant une thèse de doctorat sur le magnétisme. On ne peut pas considérer qu'il s'agit de l'hypnose comme on la conçoit de nos jours, car le docteur Massmer avançait le fait qu'il existe un fluide venant du cosmos qui influe sur le comportement de l'homme. Toutefois, dans ses expériences c'est bien un acte d'hypnose qu'il effectuait, et les personnes conviées entraient en transe hypnotique. Par ses méthodes, il obtint d'excellents résultats comme la guérison du président de l'Académie des sciences de Münich frappé de paralysie. Malgré ses résultats, la méthode du docteur Massmer fut l'objet de nombreux débats houleux et une commission nommée par Louis XVI, qui comprenait notamment Benjamin Franklin, Lavoisier et le docteur Guillotin, la condamna irrémédiablement. L'hypnose a, de tout temps, eu beaucoup de mal à s'imposer car bien que ses résultats soient indéniables, le problème de l'explication mit une barrière bien difficile à franchir.
Vers 1843, Braid change le terme de magnétisme en celui d'hypnotisme, c'est à cette période que l'hypnose connaît l'une de ses plus grandes progressions avec l'école de Nancy et l'école de la Salpêtrière. Les hypnothérapeutes commencent à expérimenter au grand jour, et le docteur Bernhein à Nancy jouit d'une réputation universelle. Il est le premier à introduire l'idée de la médecine psychosomatique et à faire le lien entre le sommeil hypnotique et le psychisme. La dernière phase du développement se déroule à la Salpêtrière, où Charcot, le pionnier de la psychologie, utilise l'hypnose dans le traitement de l'hystérie. Malheureusement les mésententes entre Charcot et Bernhein laissent décroître l'intérêt alors porté à ces expériences. Il y a deux causes principales à cette décroissance, ce sont:
 - la découverte de l'anesthésie par des moyens chimiques (jusqu'à présent l'hypnose était souvent utilisée pour l'anesthésie).
 - la découverte de la psychanalyse par Freud.
En France, curieusement, l'hypnose tombe progressivement dans l'oubli alors qu'à l'étranger elle est, au contraire, réhabilitée. A l'heure actuelle, elle est enseignée aux États-Unis et fait l'objet de recherches en ex-URSS. Le premier grand congrès international s'est tenu en 1970 à Barcelone. De nos jours, le terme d'hypnose a laissé place à un autre mot, celui de sophrologie (La sophrologie est reconnue comme une médecine légale depuis 1955, en Angleterre et depuis 1958, aux États-Unis). 

2) Les généralités de l'hypnose 

1. Qui est hypnotiseur ?
Il faut bien savoir qu'un hypnotiseur ne possède aucun pouvoir spécial. Même s'il est fréquent d'entendre des gens affirmer qu'ils ont vu les yeux de l'hypnotiseur tourner, il ne faut voir ici que des manifestations de leur imagination. Ce n'est pour la plupart des cas que la manifestation de la fascination qu'exerce tout phénomène "magique" sur l'homme. Et l'hypnose, malgré nos efforts de rationalisation, fait resurgir de l'inconscient cette fascination issue de l'enfance. De nos jours, les hypnotiseurs sont plus souvent des médecins, ce qui prouve que l'hypnose n'est pas un don, mais bien le résultat de l'apprentissage d'une technique.
2. Tout le monde peut-il être hypnotisé ?
C'est la question la plus importante. Car les deux extrêmes existent: il y a les sujets facilement hypnotisables et ceux qui sont plus récalcitrants. D'après les différentes études et expériences menées à ce sujet, les personnes les plus facilement hypnotisables sont la plupart du temps des personnes équilibrées, c'est-à-dire relativement stables et bien intégrées. Ceci implique que les névrosés sont plus difficilement hypnotisables. Et parmi les névrosés, les hystériques sont les plus résistants. On peut donc définir le profil des personnes facilement hypnotisables:
 - assez équilibrées;
 - se détendant facilement;
 - ayant pratiqué des techniques de relaxation;
 - sachant pratiquer la concentration (les arts martiaux par exemple).
En ce qui concerne les personnes difficilement hypnotisables, il y a en tout premier lieu les gens qui ne veulent pas être hypnotisés. Ils ne pourront en aucun cas y être astreints. On a pu noter que les personnes qui ont offert le plus de résistance aux traitements du sommeil hypnotique étaient souvent inadaptées socialement et très perturbées.
L'hypnose est, toutefois, une question d'apprentissage, le patient doit avoir confiance et ne doit pas avoir peur de ce qui peut se passer. Même s'il n'est pas rare de pouvoir être hypnotisé dès la première séance, la plupart des personnes y parviennent à la deuxième ou la troisième. Dans certains cas, il faut plus de persévérance puisque qu'un chercheur allemand a fini par hypnotiser un patient récalcitrant à la 300ème séance...
Ainsi, à force d'entraînement, une personne entre très facilement et très rapidement en état de transe hypnotique et, dans certains cas, un sujet bien entraîné peut immédiatement entrer en état hypnotique à l'aide d'un mot-clé.
3. L'hypnose est-elle dangereuse ?
L'hypnose n'est pas une pratique dangereuse dans la plupart des cas. Toutefois, une personne en mauvais équilibre psychique peut difficilement entrer dans cet état et si elle le faisait, elle pourrait courir quelques risques. Car cette personne fragile psychologiquement peut faire passer de l'inconscient au conscient des choses qu'elle supporterait mal.
Dans les autres cas, l'hypnose n'est pas dangereuse elle est même très bénéfique, car il faut savoir que si le sommeil hypnotique est différent du sommeil naturel, il en est quand même suffisamment proche pour que le sujet s'endorme réellement. La crainte de ne pas se réveiller n'a donc pas lieu d'exister.
4. La transe hypnotique
L'état dans lequel se trouve une personne hypnotisée se nomme transe hypnotique. Ce mot ne signifie pas que le sujet entre dans un état second, mais il parvient à augmenter considérablement son degré de concentration. Il sera donc possible à ce patient de se concentrer sur ce qui lui est demandé et rien d'autre ne pourra le perturber, même pas des bruits extérieurs. On peut croire qu'il existe une contradiction entre la relaxation et la concentration car, pour beaucoup de gens, ces deux termes s'opposent. Il n'en est rien, en effet la concentration n'est pas le résultat d'une forte tension comme on pourrait le croire, mais le résultat d'une grande relaxation.
On distingue quatre niveaux de transe hypnotique: état hypnoïde, transe légère, moyenne et profonde. Il n'est pas nécessaire d'entrer dans une transe profonde pour obtenir des résultats, la plupart du temps, on obtient les mêmes résultats avec léger sommeil hypnotique. C'est la raison pour laquelle l'hypnose réussit sur la plupart des personnes qui le désirent.
L'état hypnoïde représente le premier degré c'est, en fait, un état de relaxation modéré. Lorsque l'on passe, ensuite, à la transe légère, les symptômes sont plus prononcés, comme différentes formes de catalepsie. En accédant aux étapes supérieures, l'état du sujet sera beaucoup plus modifié comme on peut en juger d'après le tableau présentant les étapes fondamentales et les éléments qui les caractérisent.

Etat hypnoïde
     relâchement
     battement de cils
     fermeture des yeux
     relâchement psychique complet

Transe légère
     catalepsie oculaire
     catalepsie des membres
     catalepsie rigide
     anesthésie

Transe moyenne
     amnésie partielle
     amnésie post-hypnotique
     changements de personnalité
     suggestion simple post-hypnotique
     amnésie totale

Transe profonde
     capacité d'ouvrir les yeux sans modification de transe
     suggestion post-hypnotique
     somnambulisme complet
     hallucinations visuelles positives post-hypnotiques
     hallucinations post-hypnotiques systématisées
     hallucinations visuelles négatives
     hyperesthésie
     hallucinations auditives négatives

Ces différents stades représentent, en réalité, les degrés de concentration du sujet. Dans la majorité des expériences, la transe légère ou moyenne est suffisante, c'est notamment le cas pour les séances d'hypno-analyse. Il n'est pas rare qu'un patient change d'état au cours d'une séance, il faut également noter que plus la transe est profonde, plus les résultats sont rapides.
D'après des statistiques, on estime que seulement 25 % des personnes peuvent atteindre l'état de transe profonde, tandis 90 à 100 % arrivent à un état de transe légère et 60 % à celui de transe moyenne

Pour atteindre la transe hypnotique, il faut passer par certaines phases et ce, quelle que soit la méthode employée:
 - l'induction;
 - l'approfondissement;
 - le réveil. 


 3) Les méthodes  

1. L'induction
L'induction est la première phase de l'hypnose, elle est purement physique. En effet, l'induction doit agir sur le physique du sujet, en prenant en compte la relaxation du corps et la détente musculaire. Pour y parvenir, il existe beaucoup de méthodes, nous allons en voir quelques unes.
      1.1 Les méthodes de fixations
La méthode de fixation est un procédé d'induction assez efficace. La fixation du regard sur un point fixe, de préférence dans une position fatigante pour les yeux, va rapidement entraîner une fatigue oculaire. A mesure que la vision devient floue et que la fatigue s'accroît, la vigilance du sujet diminue et sa concentration augmente. Il faut préciser que cette méthode peut être employée avec un stimulus visuel, mais aussi auditif, ou bien les deux à la fois. On peut apparenter cette méthode à des événements de la vie de tous les jours, comme la voix monotone du conférencier qui endort son audience ou les sons lancinants des musiques de tribus indigènes avec leur tam-tam utilisé pour induire la transe.

Simple fixation:
On demande au patient confortablement installé, assis ou allongé, de fixer un point légèrement au-dessus de sa tête, de manière qu'il soit obligé de lever légèrement les yeux, Puis on lui parle. Dès que le patient commence à fermer les paupières, il faut l'encourager à rester dans cet état. C'est l'une des méthodes les plus simples et des plus efficaces qui soit pour induire la transe. Il faut, quand même, ajouter que la pièce dans laquelle se situe la séance a une importance, elle doit être bien chauffée, car un courant d'air pourrait faire échouer la phase d'induction et la lumière ne doit pas être trop forte pour ne pas détourner l'attention du sujet.
Méthode de distraction avec fixation:

Parfois, la simple fixation n'est pas suffisante pour obtenir l'induction, par exemple si le sujet est trop tendu, la méthode de distraction est alors utilisée. L'hypnotiseur soumet au patient un exercice mental, pendant qu'il s'y adonne, son attention est fortement accaparée, aussi l'induction se passe sans qu'il y prête attention. Dans un laboratoire américain, on demande au patient de faire un compte à rebours de 300 jusqu'à zéro. L'opération semble facile, mais il est très difficile de penser à autre chose en même temps et, obligatoirement, la vigilance du sujet quant à l'induction s'en trouvera amoindrie.

Méthode de fixation de deux points:
Cette méthode mélange le principe de la simple fixation et de la distraction. On demande au sujet de fixer deux points. Le patient va devoir utiliser ses yeux indépendamment l'un de l'autre, ce qui va représenter une fatigue beaucoup plus grande, car les yeux ne sont pas habitués à cette gymnastique. Cet effort aboutit à une diversion et l'induction s'en trouve facilitée.

Il existe aussi la méthode de fixation par le regard ou fascination. Cette méthode n'est pratiquement plus utilisée, car elle est beaucoup plus dure à réaliser, mais c'est de loin la plus impressionnante. Elle a fait la réputation des grands hypnotiseurs qui hypnotisaient leur sujet par le regard.
        1.2 Méthodes dites actives
Ces autres méthodes qui n'utilisent pas la fixation font appel à une participation active du patient. On demande d'effectuer certains gestes ou mouvements, qui répétés de façon rythmique et régulière, vont entraîner une certaine fatigue musculaire et donc faciliter l'induction.

Technique du ballon:
Cette méthode fait appel à la participation active du patient. La méthode dite du "ballon de plage" consiste à faire croire au patient qu'il est sur une plage et que tout va bien, il fait beau, la température est parfaite. Puis on lui dit qu'il tient un gros ballon de plage et qu'il le fait rebondir de façon régulière sur le sol. Le patient mime le geste, petit à petit, il sent sa main devenir lourde, l'hypnotiseur lui dira que cette sensation le gagne agréablement et le patient entrera calmement en état hypnotique. Il faudra alors continuer avec l'approfondissement de la transe.

Le tableau noir:
Cette méthode demande au patient un effort de concentration tout comme dans le compte à rebours, mais avec des différences. Le patient va être appelé à se représenter un tableau noir et à l'aide de sa main non-dominante, la gauche pour un droitier, il va imaginer qu'il écrit un chiffre sur le tableau. Il écrira d'abord un premier nombre, puis il l'effacera. Il recommencera cette opération à plusieurs reprises et sa main se fatiguera vite; la concentration apparaîtra alors (il convient de comprendre que le patient mime le geste auquel il pense).
      1.3 Méthode sans préparation physique
Ces méthodes s'appliquent aux personnes qui n'ont pas besoin de phase de relaxation ou bien qui sont très entraînées à l'hypnose. Elle leur permet d'entrer très rapidement en état hypnotique.

Méthode par confusion:
C'est l'une des méthodes les plus difficiles, mais c'est, certainement, l'une des plus efficaces. Elle consiste à raconter au patient une histoire qui n'a rien à voir avec l'induction et lui faire effectuer un effort physique ou cérébral complètement incohérent. Son esprit sera très occupé à comprendre, ou tout au moins à essayer de comprendre ce qui lui est dit. A mesure qu'il doit se concentrer pour comprendre, sa vigilance diminue et sa frustration augmente, il est alors très facile d'induire le patient.
2. L'approfondissement de la transe
Après l'induction, le sujet va se trouver dans un état de repos et d'immobilité (état hypnoïde). A partir de ce moment l'hypnotiseur va pouvoir approfondir la transe en déclenchant des symptômes tels que la catalepsie des yeux, des membres, l'anesthésie, ou bien l'amnésie. Pour y parvenir il existe là aussi différentes méthodes, voici quelques symptômes qui peuvent être commandés.

  Lourdeur du bras :
Dans un premier temps, l'hypnotiseur va faire croire que le bras du patient lui semble lourd, si lourd qu'il ne pourra plus le bouger. Pour y parvenir, l'hypnotiseur va parler au patient d'un poids de plus en plus lourd. Si après cette phase, le sujet peut bouger le bras, c'est qu'il n'est pas hypnotisé, il faudra donc reprendre la séance depuis le début.

  Catalepsie des paupières :
Par le même principe l'hypnotiseur va faire croire que les paupières sont si lourdes qu'il sera impossible de les bouger.

  Hyperesthésie :
Avant de pouvoir travailler sur l'anesthésie, on passe par l'hyperesthésie qui est le principe inverse. C'est l'hypersensibilité d'une partie du corps, toutes les sensations sur la partie du corps concerné sont amplifiées (la chaleur, la douleur...). On pratique cette opération avant l'anesthésie, car il est plus simple d'arriver à cet état.

  L'anesthésie :
Si toutes les étapes précédentes se sont bien passées, alors l'hypnotiseur pourra tenter de pratiquer une anesthésie partielle. Cette pratique eut de très bons résultats, car on a déjà opéré sous une telle anesthésie.

  L'amnésie :
C'est une étape beaucoup plus profonde, il est difficile d'y arriver. L'amnésie n'est jamais irrémédiable et peut être interrompue. On utilise cette phase pour faire oublier des traumatismes survenus dans le passé.
3. Le réveil
Une fois la séance terminée, il va falloir ramener le sujet à son état normal, c'est la phase de réveil. Il ne s'agit pas réellement d'un réveil, mais d'une sortie de l'état hypnoïde. Pour ce faire, l'hypnotiseur va suggérer certaines choses. Il est important de le faire doucement, on lui indique qu'il va se réveiller; puis on annule toutes les suggestions faites pendant la séance (Il est très important de le faire). Il faut savoir qu'il est impossible de ne pas se réveiller, même si parfois cela peut être très long et se transformer en sommeil normal.

 4) Les applications  

Elles sont nombreuses, mais essentiellement à but thérapeutique; par exemple, en 1949, Messmer redonne la vue à un aveugle et la première opération sous hypnose a lieu en 1845. La France accuse un certain retard en matière d'hypnose en raison d'un scepticisme excessif, mais beaucoup de pays la pratiquent. Parmi ses multiples usages, l'hypnose trouve sa place la plus importante dans les domaines psychologiques avec, notamment, l'hypno-analyse.
1. Hypno-analyse
C'est une pratique identique à celle de l'analyse psychiatrique classique, mais ici les barrières et les blocages du subconscient n'apparaissent plus. On peut donc obtenir des résultats beaucoup plus rapides (une séance d'hypno-analyse peut avoir les mêmes résultats que plusieurs semaines de travail par analyse classique).
2. Ecriture automatique
Le patient écrit sous hypnose un texte en rapport avec ses problèmes. Puis on lui demande de l'expliquer sous hypnose ou non. Cette méthode permet de laisser l'inconscient s'exprimer, ainsi on peut voir apparaître les problèmes de fond et le traitement par l'analyse simple s'en trouve donc simplifié.
3. Régression
Elle permet de revivre une situation du passé, ainsi tous les événements refoulés vont réapparaître et enfin pouvoir s'exprimer. On pourra donc agir sur ces événements qui sont négatifs et qui continuent d'agir sur le patient. Ces événements sont dits non terminés, car ils agissent sur l'inconscient, le médecin hypnotiseur pourra donc terminer ces événements en revenant au moment où ils ont commencé. Cette application est, toutefois, réservée aux très bons hypnotiseurs.
4. Thérapeutiques psychiatriques
L'hypnose est très efficace pour traiter les névroses simples comme la paralysie, le bégaiement ou bien l'amnésie. Dans certains cas, on peut soigner les névroses d'angoisse en déterminant d'où vient cette angoisse. Dans le cas d'une phobie, l'hypnose n'est pas très efficace, elle permet, quelquefois, de trouver les raisons à la phobie et donc d'employer un traitement efficace. Il existe certaines maladies psychiatriques qu'il est impossible de soigner par hypnose, comme la psychose (à cause du changement de personnalité) ou bien la schizophrénie pour laquelle l'hypnose est fortement déconseillée, car elle pourrait aggraver l'état du patient.
5. Autres applications
Les maladies dites psychosomatiques (maladies engendrées par le stress de la vie moderne) sont très bien soignées par l'hypnose et même beaucoup mieux que par les médicaments, car l'hypnose permet de décontracter le patient et d'éliminer son stress. Les effets des maladies psychosomatiques sont la fatigue (première cause de souffrance des Français), l'insomnie, la nervosité ou bien encore la contrariété qui peut se traduire par des troubles digestifs (ulcère). En Europe, ces maladies sont prédominantes et on voit, petit à petit, apparaître une technique proche de l'hypnose qui se nomme la sophrologie qui permet d'élimer ces problèmes par le biais d'une grande relaxation. 

1) Comment fonctionne-t-il ?  

1. Place du rêve dans la société
Depuis toujours, les peuplades humaines rêvent, on le sait. Mais, suivant les cultures et suivant les époques, on a plus ou moins prêté attention à cette partie de nous qui reste secrète. Pour les peuples "primitifs", ils ont souvent été pris au sérieux, pouvant révéler des avertissements. Délaissés ces derniers siècles dans notre population "civilisée", on a cru qu'il n'y avait que deux états du cerveau : l'éveil (activité) et le sommeil (l'inactivité). Il y a 60 ans seulement, la science commençait à étudier en détail ce grand mystère qui attise la curiosité des plus grands chercheurs actuels.
2. Apport de la science pour comprendre le rêve
L'invention de l'électroencéphalogramme (E.E.G.) a permis de découvrir que, durant le sommeil, il y a des phases d'intense activité cérébrale. De plus, pendant cette période, il y a de forts mouvements oculaires de gauche à droite, d'où le nom de "Rapid Eye Movement" ou "REM". De nombreuses expériences montrent que c'est dans cette phase que les rêves se créent : en réveillant un dormeur à ce moment, on s'aperçoit qu'il se souvient très bien de son (ou ses) rêve(s). Un des grands chercheurs en onirologie (et aussi en neurobiologie), Michel Jouvet, a découvert que le rêve s'accompagne d'une activité physique nulle, en contradiction avec une activité mentale qui réclame beaucoup d'énergie (d'où le terme souvent employé de "sommeil paradoxal").
3. Structure du sommeil
L'analyse d'une nuit de sommeil avec l'E.E.G. nous a montré que le rêve n'apparaît pas d'une façon aléatoire dans la nuit. Tout est bien structuré en 4 phases, l'éveil étant caractérisé par des ondes bêta :
 - d'abord le cerveau émet des ondes alpha (avec un rythme moins élevé),
 - ensuite il émet les ondes thêta (ondes beaucoup plus lentes),
 - puis viennent les ondes delta,
 - et après, on est dans un sommeil profond.
Puis le cerveau repasse par toutes ces étapes en sens inverse, et on arrive à la phase "REM". Plusieurs fois dans la nuit, le cerveau refait le même comportement.
4. Recherches en cours
Grâce à l'E.G.G., on a aussi vu que les rêves pouvaient durer plusieurs minutes, contrairement à ce que l'on entend dire comme quoi ils ne dureraient que quelques dixièmes de secondes. Une autre constatation est que les animaux qui rêvent sont les animaux dont la température du corps est constante et indépendante de leur environnement; espérons que ces observations serviront à mieux connaître notre activité onirique quotidienne.
Les récentes recherches en onirologie ont même été plus loin : Stephen LaBerge, docteur en psychologie et chercheur à l'université de Stanford a trouvé des techniques systématiques pour faire des rêves lucides, ces rêves que l'on faisait rarement et par le fait du hasard. 

 2) Le rêve lucide  

1. Une histoire déjà ancienne...
En effet, Stephen LaBerge s'est consacré à l'étude scientifique des rêves lucides dès 1977. Mais avant, les Tibétains, avec le yoga de l'état de rêve, ont déjà essayé de contrôler les rêves et, plus récemment, on peut se demander dans quelle mesure l'autohypnose est proche du rêve éveillé.
2. Expériences du marquis d'Hervey de Saint-Denys
Les travaux du marquis d'Hervey de Saint-Denys, vers 1860, ont fait avancer notre compréhension du rêve, alors que son époque ne "produisait" que des matérialistes qui pensaient que le rêve était dû à des troubles psychologiques. Ses multiples expériences reposent sur des souvenirs émotionnels très liés aux sens. Ainsi, Hervey de Saint-Denys a beaucoup utilisé le sens auditif et le sens olfactif. Par exemple, pendant des vacances paisibles dans l'Ardèche, le marquis respirait toujours le même parfum déposé sur un mouchoir. Quand il rentre chez lui, à Paris, il met dans une boite le mouchoir, et ne se sert plus de ce parfum, durant des mois. Un jour, il dit à son valet de choisir un jour au hasard pour déposer du parfum sur son oreiller pendant son sommeil. Et la nuit où le valet le fait, le marquis rêve alors de châtaigniers, de montagnes, et de la roche de basalte de sa région de vacances. Aussi, ce rêve, s'il n'est pas lucide prouve que l'on peut modifier le comportement du rêve par des agents extérieurs.
3. Découvertes de Stephen LaBerge
Ce qu'a inventé Stephen LaBerge va beaucoup plus loin : grâce à des techniques, on peut être conscient de son état onirique et agir comme on l'entend. L'E.E.G. est formel : cet état de sommeil reste bien la phase de sommeil paradoxal. Il ne s'agit pas de l'état de sommeil léger que tout le monde peut expérimenter. De plus, l'hypothèse concernant d'éventuels micro-réveils est, elle aussi, écartée car un rêve lucide pouvant durer une demi-heure, l'E.E.G. montre toujours des ondes alpha, caractéristiques de la période où se situe le rêve. Daryl Hewitt, qui fait des expériences au Lucidity Institute de Palo Alto en Californie, dit avoir déjà eu des rêves lucides depuis ses 18 ans. Et c'est depuis qu'il travaille avec Stephen LaBerge, qu'il arrive à les provoquer. Mais quelles sont les techniques employées?
4. Voyage dans un rêve lucide
Dans un laboratoire, on relie l'"onironaute" ("voyageur dans les rêves") à un polygraphe, qui enregistre l'activité du cerveau. Quand le dormeur entre en état de sommeil paradoxal, il reçoit un signal discret, que ce soit une impulsion lumineuse envoyée avec des lunettes, ou un simple son, ce signal doit attirer l'attention de "l'onironaute" tout en ne le réveillant pas. D'après les études concernant le sommeil en phase REM, Stephen LaBerge a compris que l'on pouvait bouger facilement les yeux tout en étant endormi, il a alors convenu avec l'onironaute d'un dialogue possible en faisant des mouvements oculaires verticaux (par exemple, en morse). En réponse au signal reçu, le dormeur peut ainsi communiquer avec les chercheurs. Il devient à la fois acteur de ses propres rêves et cobaye pour des expériences qui risquent d'apporter beaucoup à la science et à l'homme. En effet, on comprend aisément les implications de telles expériences avec la science.
5. Utilités du rêve lucide
Les possibilités sont extrêmement variées : les rêves lucides permettent de faire des choses "virtuellement", comme si on les vivait réellement. Ils ont, en fait, le même but que la fameuse "réalité virtuelle", technique créée par l'ordinateur qui permet une "immersion" complète dans un monde qui peut être idéal. Dans une certaine mesure aussi, ils ressemblent, par leurs effets, à ces drogues chimiques qui satisfont tous les désirs de l'homme. Pourtant, bien que danger il puisse y avoir, les rêves lucides peuvent servir à des choses plus utiles : apprendre une langue étrangère par exemple, en récitant de nombreuses fois les mots nouveaux, on peut aussi surmonter des cauchemars fréquents qui nous taraudent. Et la création artistique pourrait en tirer un grand profit, quand on pense à ce que disait Frederik Van Eeden en 1913 : "Mon imagination n'aurait jamais été capable d'inventer ou de créer une image aussi complexe que celle de la perspective changeante de petites branches que je voyais quand je volais". D'après des psychologues américains, des personnes qui font souvent des rêves conscients sont plus équilibrées et indépendantes que les autres. Et comme l'a dit le maître soufi Ibn el-Arabi au XIIème siècle, "L'individu doit pouvoir contrôler ses pensées alors qu'il rêve. L'exercice de cette vigilance [...] rapportera de grands bénéfices à l'individu." Mais on ne sait toujours pas pourquoi on rêve, bien qu'on essaye d'utiliser le rêve à bon escient. 

3) Pourquoi le sommeil et pourquoi le rêve ? 

1. Interprétations scientifiques
      1.1 Hypothèse de Francis Crick
Selon Francis Crick, prix Nobel de médecine (c'est le co-inventeur de la double hélice de l'ADN), le cerveau est construit comme un super-ordinateur. Ce chercheur, dont le matérialisme est si grand, va même penser que le cerveau agit comme un ordinateur; il a donc des places de mémoires limitées qui s'effacent durant le sommeil. Ainsi, c'est l'hypothèse du "rêve-oubli". Mais elle n'est pas convaincante à bien des égards, car, entre autres, des expériences ont montré que le dauphin n'a pas de sommeil paradoxal et pourtant il a un cortex cérébral presque aussi gros que celui de l'homme.
      1.2 Hypothèse de Michel Jouvet
Pour Michel Jouvet, qui a sérieusement étudié les rêves, l'activité onirique sert à une reprogrammation génétique de l'individu et à une mémorisation de nos attitudes quotidiennes. Les expériences troublantes concernant des jumeaux séparés dès la naissance ont montré qu'ils avaient des points communs concernant certaines caractéristiques intellectuelles. Cela pourrait donc appuyer la thèse de Jouvet, qui explique que le rêve servirait à reprogrammer l'identité personnelle. De surcroît, il est prouvé que les rêves accélèrent la fixation des souvenirs : des observations sur des souris ont montré que des souris "normales" (qui ont un sommeil paradoxal) apprennent plus vite un circuit dans un labyrinthe que des souris qu'on a privées de sommeil paradoxal; de même, des animaux sans activité onirique n'apprennent jamais rien (par exemple, les poissons). Michel Jouvet s'est toujours appuyé sur la neurologie : cette science, tout de même assez récente, s'implante de plus en plus, car elle permet de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau.
      1.3 Expériences en neurologie
Par ailleurs, la neurologie a fait des progrès énormes durant ces dernières années, notamment concernant les fonctions du cerveau. Avant la fin du XVIIIème siècle, personne ne s'y intéressait, certainement parce qu'il était considéré comme trop compliqué. Et un jour, un médecin germano-autrichien, Gall, a commencé cette recherche fabuleuse sur la conscience de l'homme. Evidemment, ses recherches ont conduit à peu de choses : il croyait qu'il y avait une relation directe entre les bosses du cerveau et l'intelligence. La neurologie nous a permis de mieux comprendre le cerveau : les maladies "mentales" sont des maladies neurologiques qui sont dues à une mauvaise communication entre les neurones. On a pu également comprendre un peu mieux le rôle de certaines parties du cerveau : l'hémisphère droit du cerveau gère toute la partie du corps à gauche, et l'hémisphère gauche, la partie droite. Mais plus que cela, Roger Sperry, prix Nobel de physiologie-médecine en 1981, a fait des opérations chirurgicales pour couper les fibres nerveuses reliant les deux hémisphères. Les "split-brain" ou "cerveau-coupé", grâce à leur comportement particulier, ont mis en évidence des résultats impressionnants : le cerveau gauche est "linéaire" et sert pour le calcul, la logique, le langage, et le cerveau droit est "spatial" et sert pour la musique, la reconnaissance de formes, l'imagination, les émotions, les sentiments. Or les neurologues, se penchant sur le rêve, ont observé que, durant le sommeil paradoxal, les connexions entre cerveau gauche et cerveau droit étaient coupées. Mais les recherches en sont là et on ne peut élaborer d'autres hypothèses scientifiques sans preuves. C'est pour cette raison que l'on va se tourner vers l'analyse que proposent les psychologues.
2. Interprétations psychanalytiques
      2.1 Début de la psychanalyse : analyse freudienne
Face aux questions - sans réponses catégoriques de la part des scientifiques, surtout vers le début du XXème siècle - que le rêve engendre, les psychanalystes commencèrent à proposer des réponses. Le précurseur de la psychanalyse est Sigmund Freud, qui a mis au goût du jour l'interprétation des rêves. Ceux-ci étaient considérés comme incompréhensibles et sans intérêt. Freud est le premier à considérer l'inconscient (tout ce que le conscient ne peut contrôler). Pour lui, l'inconscient est le siège des désirs refoulés par la conscience et, pour lui, "le désir représenté dans le rêve est nécessairement infantile". Pour expliquer l'aspect désordonné et décousu du rêve, Freud croit à une censure du conscient qui force l'inconscient à choisir une apparence moins rationnelle pour exprimer une idée dans un rêve. La technique de la métaphore est souvent utilisée. Dans une première approche, il veut établir des règles d'interprétation des rêves pour essayer de guérir ses malades, tels des névrosés. Ensuite, on pourra peut-être mieux expliquer le psychisme de l'homme grâce à ses études. Il y a toutefois un reproche qu'on peut lui faire : son interprétation des rêves se sert des éléments des rêves comme s'ils étaient indépendants entre eux; on peut alors trouver des désirs inavouables dans n'importe quel symbole, même si les associations d'idées sont très éloignées. De plus, restreindre l'interprétation des rêves à cette seule fin est tout de même bien abusif.
      2.2 Analyse jungienne
On comprend alors pourquoi Carl Gustav Jung, ancien disciple de Freud, proposa une autre analyse, différente de celle de Freud. Freud a eu un grand impact : pionnier en la matière, il présenta une hypothèse séduisante et qui marchait pour tous les rêves. Mais justement, c'est à ce niveau que Jung s'oppose à Freud. De nombreux patients de Jung lui ont permis d'étudier en détail l'inconscient. Et il a alors considéré l'inconscient comme une force puissante et bénéfique. Il peut nous révéler nos défauts et nos qualités, ce qui permet d'en prendre conscience et d'agir ainsi en conséquence. Le rêve nous montre aussi des archétypes, modèles idéaux qui transcendent l'homme, et qui ne dépendent ni du temps ni de l'espace. Ceci est expliqué par des études comparatives entre différents peuples.
De plus, l'inconscient peut avoir une profondeur plus subtile grâce aux rêves prémonitoires. Ce que Jung ne savait pas, c'est que des expériences très récentes faites par le docteur Montagne Ullman à New-York ont prouvé scientifiquement l'existence des rêves prémonitoires. La cause du dernier livre de Jung ("Essai d'exploration de l'inconscient") était simplement un rêve, qui signifiait que Jung devait rendre ses recherches accessibles à tout le monde, et, vers la fin du livre, il juge le monde en utilisant sa conception.
Pour lui, le conscient et l'inconscient sont deux forces internes de l'homme qui doivent se respecter pour une vie équilibrée : les peuples dits "primitifs" vivaient en étant heureux, l'inconscient trouvait sa place dans des croyances irrationnelles. Mais aujourd'hui, le conscient (avec l'esprit rationnel) est tout puissant. 

1) Explications du malaise actuel  

1. Hier : espoirs en la science
Tout d'abord, il est indéniable que, durant ces dernières décennies, la science a progressé d'une façon admirable et à une vitesse surprenante. Ce siècle, avec l'arrivée de nouvelles technologies, a changé les modes de vie des pays qui ont subi cette révolution industrielle. Mais plus qu'un changement, la "tempête scientifique" a bouleversé le monde en balayant du même coup les interrogations des gens sur les problèmes d'éthique et leurs interrogations philosophiques. On se disait : "La science arrive avec ses nombreuses découvertes. Attendons, et nous pourrons tout savoir.".
Et maintenant, quel constat peut-on dresser? La science a fait des progrès incroyables dans tous les domaines : de l'infiniment petit (les atomes, l'ADN,...) à l'infiniment grand (l'espace...). Et on a cru pouvoir tout contrôler, tout maîtriser. L'homme devenait libre de toute contrainte, de tout destin puisqu'on allait choisir jusqu'à l'enfant que l'on pouvait avoir (dans la perspective de changements génétiques). Pour le coup, l'église catholique, qui n'a pas su intégrer les nouvelles recherches scientifiques dans sa religion, s'est décrédibilisée. Et toutes les religions (pour les pays industrialisés) sont devenues moins populaires. Les lois sociales ont défini ce que l'homme devait être, en confondant l'homme avec Dieu. En effet, pour toute cette société, l'homme était au centre des lois, au centre des espoirs. Et, avec la science qui représentait l'Intelligence, celle-ci croissait donc en même temps que les progrès scientifiques. Mais la science montre maintenant ses limites : elle ne peut pas tout expliquer.
2. Aujourd'hui : perte des repères
Après de tels "progrès", on arrive, cependant, à des frontières : la Vérité ne peut être révélée par les seuls des analyses scientifiques. Et on s'aperçoit, maintenant, que l'Esprit Rationnel n'est pas Dieu : il n'a pas fait le monde. La société dans laquelle nous vivons s'est basée sur elle, et, malheureusement, presque exclusivement. Alors, pouvons-nous nous étonner des grandes crises économiques actuelles? Puisque l'argent est devenu, avec le pouvoir, le plus grand des désirs de l'homme moderne (en généralisant abusivement...), celui-ci s'est rattaché à ces valeurs factices, créées par l'esprit cartésien. Désormais, on voit de nombreuses personnes qui n'y attachent plus d'importance : la recrudescence des suicides en est une des plus flagrantes preuves. Mais à quelles valeurs peut-on alors se rattacher? 

2) Remèdes  

1. Réunion de l'interprétation des 2 cerveaux et de l'interprétation jungienne
Ce qui est étrange, c'est de voir une prise de position analogue de la part du professeur Israël, célèbre cancérologue, et de Jung, psychiatre. Comment, en effet, est-ce possible qu'un scientifique, se basant sur les dernières recherches concernant l'étude de notre cerveau, et qu'un psychiatre trouvent la cause du mal de notre siècle? Pour le Pr Israël, l'hémisphère gauche, rationnel, a été trop sollicité par rapport à l'autre hémisphère. Il y a donc eu une atrophie de la partie du cerveau qui est plus irrationnelle et artistique. Pour Jung, le conscient a gouverné l'homme, sans demander la parole à l'inconscient. Il nous faut écouter l'inconscient et dialoguer avec lui pour retrouver un équilibre sain. Et alors, on se pose la question : comment faut-il faire?
2. Point de vue proposé par le Pr. Israël
Le Pr Israël s'est penché sur l'évolution de notre société, à l'occasion de son livre Cerveau droit, cerveau gauche. Cultures et civilisations, et a étudié la place que l'art a actuellement dans la civilisation moderne.
L'analyse de la peinture au travers des différents mouvements incite à penser que l'hémisphère droit du cerveau dirigeait l'art avant l'ère moderne, alors que maintenant, d'après le Pr Israël, la notion du beau est en train de se perdre. En effet, lorsque Rembrandt peignait, par exemple, il transcrivait sur une toile l'atmosphère d'une scène (l'hémisphère droit perçoit le monde d'une manière plus synthétique, plus globale). Maintenant, quand le Pr Israël voit l'architecture de notre époque et l'"art" moderne, il pense que le laid triomphe lamentablement au détriment du beau. Et, pour que l'on retrouve le besoin du beau, il faut condamner le laid : il espère que son livre pourra servir aux hommes politiques, qui influenceront toute la société.
En faisant un travail d'ethnologue, le Pr Israël en vient à penser que tout peuple, pour avoir une forte cohésion sociale, doit avoir sa propre culture, et aussi ses propres rites. Une société multiculturelle est trop morcelée pour avoir une unité propre, et les guerres peuvent ainsi s'immiscer irrémédiablement. Pour le Pr Israël, donc, il faut que l'on développe le sens de l'appartenance à une communauté, et en cela, Jung a une approche similaire.
3. Point de vue proposé par Jung
Jung propose une solution au mal-être que notre civilisation "civilisée" nous inflige. La recrudescence des suicides est la preuve flagrante que la société impose un mode de vie qui n'est pas adapté à la plupart des gens. Pourquoi? La baisse de la croyance religieuse est pour Jung la raison principale : en prenant exemple sur des civilisations dites primitives qui n'ont (ou n'avaient) pas de troubles psychiques (comme la nôtre), il prouve que l'on a besoin de "croire". La spiritualité est essentielle pour vivre, et, dans une vie, on ne peut pas manquer de se poser des questions métaphysiques, autrement dit, des questions sans réponses (actuellement...). La croyance à une religion permet de transcender toutes ces questions et, particulièrement, celle sur la mort. La religion offre une direction à la vie : de la même façon, quand on marche dans un tunnel où règne l'obscurité, on se sent perdu et le désespoir grandit et il suffit que l'on voit au loin une lumière, pour qu'on la suive, d'un pas assuré, alors qu'on ne voit rien alentour. On pourrait résumer abusivement par cette phrase : l'espoir croît quand on croit. Mais, plus que l'espoir, la religion donne la possibilité à l'homme de se sentir appartenant à une communauté. Et ce besoin peut facilement être exploité par des sectes, par exemple.
4. Solutions possibles et dangers de celles-ci
      4.1 Pourquoi de nouvelles recherches spirituelles?
Nous venons de le voir, pour "être de nouveau bien dans sa peau", on a besoin aujourd'hui de dialoguer avec notre inconscient et d'utiliser toutes ses fonctions (aux niveaux artistique et spirituel, essentiellement). Ce manque de spiritualité peut se révéler néfaste. Par exemple, on peut facilement imaginer quelqu'un qui est au chômage et qui n'appartient à aucune communauté. Cette personne a été rejetée par la société, et veut donc croire en "quelque chose", pour ne pas sombrer dans une désespérance profonde. A quoi peut-il croire? A des religions "classiques"? Non, parce qu'elles paraissent dépassées (catholicisme,...). Et c'est cela qui a permis le développement des sectes. Mais toutes les nouvelles religions ne sont pas des sectes, et les nouveaux mouvements spirituels dits Nouvel Age sont à analyser différemment.
      4.2 Le Nouvel Age (ou New Age)
De plus en plus, les gens se tournent vers la philosophie. L'exemple le plus récent est l'ouvrage du norvégien Jostein Gaarder, Le monde de Sophie (voir la revue Le Point du 4 mars 1995). Ce livre est le premier livre philosophique à avoir un tel succès mondial : aussi bien en Allemagne qu'aux Etats-Unis, au Danemark qu'en Italie. Ainsi, on veut croire plus à des idées philosophiques qu'à des religions proprement dites. L'attrait des religions orientales s'est donc développé, et on ne compte plus les personnes qui s'inspirent des concepts tibétains pour leur recherche personnelle, tout en tenant compte des recherches scientifiques actuelles. Et justement, le Nouvel Age, c'est cela : utiliser les conceptions profondément philosophiques des anciennes religions (on se servait alors beaucoup de l'hémisphère droit du cerveau) avec les dernières conceptions des scientifiques (on se sert énormément de notre hémisphère gauche). Ainsi, le Nouvel Age arrive à nous séduire, mais peut-être trop : il y a souvent des sectes qui, par exemple, se disent en accord parfait avec l'esprit tibétain et qui font leur commerce de cette façon. Mais les avantages du Nouvel Age, c'est qu'il permet de se remettre en question, et donc nous n'acceptons alors que ce qui est réellement bon pour chacun de nous.
      4.3 Le développement personnel
Les problèmes créés par la société, tels le chômage, incitent les gens à penser qu'ils sont de trop et qu'ils n'ont rien de plus que les autres. Les entreprises, en ne cherchant que des personnes productives ne prennent pas en compte toute la créativité potentielle que tout homme a. Et, comme le dit André Tubeuf dans la revue Le Point (n°1172), l'enseignement a aussi été touché, et on ne cultive plus les qualités essentielles de chacun, qui sont l'apanage de notre hémisphère droit. Alors comment retrouver sa personnalité propre et ses capacités créatives? Les techniques de l'hypnose que l'on vient d'étudier permettent de se ressourcer intérieurement et de se découvrir (ou plutôt, de découvrir notre inconscient). Souvent, en sortant d'une séance de sophrologie, on est étonné des effets positifs que cela engendre. En considérant l'inconscient comme une force à part entière, on peut alors trouver dans les rêves son expression créatrice.
Par conséquent, toutes les techniques basées sur l'utilisation de l'inconscient induisent une confiance en soi beaucoup plus grande : on voit que l'on est différent des autres, que l'on peut créer des choses que les autres ne peuvent créer. Les répercussions sont si positives, que des revues, telles Psychologies s'appuient sur ces techniques. Mais il faut faire très attention aux arnaques financières... 

Conclusion  

Nous avons vu l'hypnose et le rêve qui sont deux formes adoptées par l'inconscient pour se révéler à nos yeux, mais on a longtemps voulu ignorer leur réalité. On ne voulait voir dans le rêve qu'un mélange aléatoire de souvenirs, ne servant à rien d'autre qu'à reposer le cerveau. Par les recherches, on a montré qu'il y avait une activité cérébrale importante. Mais alors, pourquoi rêvons-nous? On peut alors concevoir que le cerveau a besoin de rééquilibrer l'utilisation du cerveau droit avec le cerveau gauche, c'est-à-dire retrouver l'équilibre entre l'inconscient et le conscient, trop présent dans la vie de tous les jours. Et, en cette fin de siècle, c'est comme si une ère se terminait : on ne considère plus la science, comme la seule vérité. En voyant la tendance actuelle des gens à se tourner vers des questions philosophiques, on peut prédire sans risque que la spiritualité et la religiosité vont jouer un rôle important dans les années à venir, l'inconscient va reprendre une place plus honorable.
Mais ce changement s'effectuera-t-il sans heurt, et que doit faire la société pour intégrer cette évolution? Quels sont les dangers? La puissance des sectes est très grande, et l'appât, de plus en plus attractif. Doit-on faire des lois pour bien distinguer les nouvelles religions avec les sectes? Ce sont des questions à élucider, avec toute la sagesse des anciens et avec la connaissance actuelle. 

 Livres 

- CHERTOK Léon, Hypnose et suggestion, Paris, Presses Universitaires de France (PUF), 1ère édition, Janvier 1989, 124 pages, Que sais-je?, n°457.
-
CHERTOK Léon, L'hypnose, Paris, PAYOT, Juin 1989, 307 pages, n°891275.
-
FLUCHAIRE Pierre, La révolution du sommeil, Paris, Robert LAFFONT, janvier 1984, 293 pages, n°2635-1867.
-
GODIN Jean, La nouvelle hypnose, Paris, ALBIN Michel, Novembre 1992, 457 pages, n°157.
-
JOUVET Michel, Le sommeil et le rêve, Paris, Odile JACOB, février 1992, 220 pages, n°32103.
-
JUNG Carl Gustav, Essai d'exploration de l'inconscient, Paris, GONTHIER, 1er trimestre 1971, 155 pages, n°2535.
 -
LAMY Philippe (Docteur), Hypnose, sophrologie, relaxation, Nancy, Henry VEYRIER, 3ème trimestre 1981,124 pages, Collection "Santé", n°2-85199-241-4.
 -
TAYLOR Gordon Rattray, Le cerveau et ses mystères, Paris, Calmann-Lévy, Janvier 1981, 370 pages, n°10808.

Revues  

- MAILLARD Nicolas, Enquête : "Les rêves. Pourquoi? comment?", Mystères, le magazine de l'émission, n°9, M 6655, Mars 1994, pages 37-45.- PIGANI Erik, D'ANGLADE Laure, TAUBES Isabelle, FILLIOZAT Isabelle, DOUSSAU Anik, CARO Eliane, Dossier : "Cerveau : qu'est-ce qu'on a dans la tête?", Psychologies, l'harmonie du corps et de l'esprit, n°111, L1073, Juillet/Août 1993, pages 22-49.
- PIGANI Erik, LURIA Anne, CARO Eliane, TAUBES Isabelle, PORTELL Florence, BORREL Marie, SENK Pascale, Dossier : "Les rêves : comment bien les utiliser", Psychologies, l'harmonie du corps et de l'esprit, n°128, L1073, Février 1995, pages 22-56.
- ECCLES John Carew (Sir), SPERRY Roger W., CHRISTEN Yves, Dossier : "Le cerveau peut-il comprendre le cerveau?", Le Figaro Magazine, 1983, pages 85-102.
- CHRISTEN Yves, On en parle : "Pr ISRAËL : le mystère des deux cerveaux", Le Figaro Magazine, 14 Janvier 1995, pages 20-21.
- S
ORMAN Guy, Sciences : "Francis CRICK s' attaque à l'âme avec un scalpel", Le Figaro Magazine, 11 Février 1995, pages 48-49.
- FERRY Luc, TUBEUF André, "Les défis de la philo", Le Point, n°1172, M2405, 4 Mars 1995, pages 86-91.
 
  







Les mécanismes de défense



 

Une défense est fondamentalement pour la psychanalyse un acte par lequel un sujet confronté à une représentation insupportable la refoule, faute de se sentir les moyens de la lier, par un travail de pensée aux autres pensées. Si à l'origine, l'étude des mécanismes de défense a permis une meilleure compréhension du fonctionnement psychique aussi bien normal que pathologique, ils trouvent maintenant de nouvelles applications dans la pratique clinique. Ils constituent des marqueurs du fonctionnement psychique du patient au cours d'une psychothérapie, ils sont également des indices diagnostiques et d'évolution des troubles psychopathologiques. Dans ce sens, savoir les repérer peut s'avérer très important pour un soignant.

Confronté à une maladie ou à un problème de santé, le sujet peut utiliser certains de ces mécanismes pour s'en défendre. En ce sens, on ne saurait parler de réactions d'une personne ou d'un groupe de personnes à un problème de santé sans recueillir les données qui permettent de les identifier, sans en faire un élément d'analyse des données, sans les utiliser dans la démarche de soin que l'on propose au patient. Ainsi un mécanisme de défense tel que l'anticipation est-il utilisé dans les greffes du cœur lorsque d'anciens greffés expliquent aux futurs les étapes par lesquelles ils vont passer.

L'étude des mécanismes de défense dépasse aujourd'hui le champ de la psychopathologie et de la psychothérapie : elle devient courante dans des domaines comme la prévention (y compris la prévention des actes agressifs et violents), l'éducation pour la santé, la médecine des troubles physiques ou la sélection professionnelle.
La mise en relation de ces mécanismes avec d'autres stratégies adaptatives, notamment avec les mécanismes de coping (processus actif par lequel un individu, par l'auto-appréciation de ses propres capacités, de ses motivations, fait face à une situation stressante et réussit à la maîtriser) et de dégagement (mécanismes dont la fonction est de dissoudre progressivement la tension en changeant les conditions internes qui lui donne naissance) en montre tout l'intérêt.
Lorsqu'à partir des années 90, le problème de la résilience qui signifie " capacité à réussir à vivre et à se développer positivement, de manière socialement acceptable, en dépit du stress ou d'une adversité qui comportent normalement le risque grave d'une issue négative " (1), lorsque donc la question de la résilience s'est orientée vers l'étude des facteurs de protection, elle a tout naturellement trouvé sur son chemin certains de ces mécanismes de défense. " Dans le fracas de l'existence, écrit Cyrulnik, un enfant met en place des moyens de défense interne, tels que le clivage, quand le Moi se divise en une partie socialement acceptée et une autre, plus secrète, qui s'exprime par des détours et des surprises. " Vous avez raison, mais tout de même " … dit la personne clivée. Le déni permet de ne pas voir une réalité dangereuse ou de banaliser une blessure douloureuse. " (1)

Définition


Selon Laplanche et Pontalis, les mécanismes de défense constituent l'ensemble des opérations dont la finalité est de réduire ; de supprimer toute modification susceptible de mettre en danger l'intégrité et la constance de l'individu biopsychologique. Elle prend souvent une allure compulsive et opère au moins partiellement de façon inconsciente. Pour Widlöcher les mécanismes de défense caractérisent les formes cliniques des opérations défensives. La défense apparaît alors comme l'ensemble des opérations dont la finalité est de réduire un conflit intrapsychique en rendant inaccessible à l'expérience consciente un des éléments du conflit, voire la totalité du conflit. Elle est pour lui inséparable du conflit sous-jacent.
Pour N. Sillamy, la défense est un mécanisme psychologique inconscient utilisé par l'individu pour diminuer l'angoisse, née des conflits intérieurs entre les exigences instinctuelles et les lois morales et sociales.
Braconnier considère que la notion de mécanisme de défense englobe tous les moyens utilisés par le moi pour maîtriser, contrôler, canaliser les dangers externes et internes. (2)

Contre quoi le moi se défend-il ?


Le moi se défend des pulsions inconscientes et des affects liées à ces pulsions.
Une pulsion est un processus dynamique consistant en une poussée (charge énergétique, facteur de motricité) qui fait tendre l'organisme vers un but. Selon Freud, une pulsion a sa source dans une excitation corporelle (état de tension) ; son but est de supprimer l'état de tension qui règne à la source de la pulsion ; c'est dans l'objet ou grâce à lui que la pulsion peut atteindre son but. La pulsion a quatre caractéristiques : source, poussée, objet et but.
La source est corporelle : elle procède de l'excitation de n'importe quel organe.
La poussée est l'expression de l'énergie pulsionnelle elle-même.
Le but est la satisfaction de la pulsion, autrement dit la possibilité pour l'organisme d'accéder à une décharge pulsionnelle, c'est-à-dire de ramener la tension à son point le plus bas et d'obtenir ainsi l'extinction (temporaire) de la pulsion.
Quant à l'objet, c'est n'importe quoi qui peut permettre la satisfaction de la pulsion (qui permette au but d'être atteint).
La force de la poussée est variable, les objets pulsionnels sont innombrables mais aussi et surtout le but de la pulsion ne peut être atteint que de manière provisoire, la satisfaction n'est jamais complète puisque la tension renaît très vite et que, en fin de compte, l'objet est toujours en partie inadéquat et sa fonction jamais définitivement remplie.
L'affect est un état émotionnel dont l'ensemble constitue la palette de tous les sentiments humains, du plus agréable au plus insupportable, qui se manifeste par une décharge émotionnelle violente, physique ou psychique, immédiate ou différée. Dans un premier repérage, Freud constate que la pulsion sexuelle se manifeste par un affect d'angoisse. Cette angoisse se transforme de trois façons :
· en un symptôme hystérique (paralysie, vertiges) vécu sans angoisse mais comme une atteinte organique ;
· en se déplaçant sur un autre objet (crainte obsédante de la mort d'une personne aimée) ;
· en se convertissant en une réaction corporelle immédiate et catastrophique (crise d'angoisse, cauchemar).
Les pulsions du Çà ne sont pas destinées à rester inconscientes. Elles tentent de pénétrer dans le conscient pour s'y satisfaire ou essayent d'envoyer vers le conscient certains de leurs dérivés. Naissent ainsi des conflits entre d'une part le moi, et d'autre part des pulsions ou leurs dérivés.

Les affects liés aux pulsions comme l'amour, la jalousie, la mortification, la douleur ou le deuil sont soumis à toutes sortes de mesures que le moi adopte pour les maîtriser et subissent donc des métamorphoses.
Ces affects sont nécessairement déplaisants dans le sens où s'il ne s'agissait pas d'affects déplaisants on ne se défendrait pas.

La défense porte de façon générale sur la pulsion et électivement sur des représentations auxquelles la pulsion est liée (souvenirs, fantasmes), sur des situations capables de déclencher des pulsions déplaisantes pour le moi ou sur des affects déplaisants.

Pourquoi le moi se défend-il ?


Selon Anna Freud, lorsque les défenses ont comme cible les pulsions, trois motifs peuvent être retenus :

1. Le peur du Surmoi.. Par crainte du Surmoi (qui s'oppose à ce qu'une pulsion puisse devenir consciente et obtenir satisfaction) le moi met en branle ses mécanismes de défense et entre en lutte contre la pulsion. Ce motif est rencontré dans le cas de la névrose des adultes.

2. La peur réelle. C'est le cas de l'enfant qui considère la pulsion comme dangereuse en raison des interdictions formelles de ses parents ou éducateurs qui lui interdisent de la satisfaire. C'est donc par crainte du monde extérieur que l'enfant redoute la pulsion. Cette crainte réelle est un motif rencontré dans le cas des névroses infantiles. Ces deux premiers cas de figure ont en commun le fait qu'en se défendant le moi obéit au principe de réalité. En supposant que malgré l'opposition du Surmoi ou du monde extérieur la pulsion arrive à se satisfaire, il y aurait d'abord production de plaisir car satisfaire un instinct est toujours agréable, au début. Mais, ensuite, des sentiments de culpabilité, engendrés par l'inconscient ou liés aux châtiments infligés par le monde extérieur, produiraient du déplaisir. Dans les deux cas, le moi tente donc d'éviter ce déplaisir secondaire.

3.La crainte que l'intensité des pulsions ne deviennent excessive. Ce motif est rencontré chez certains enfants et, plus tard, normalement à certaines périodes de transformation physiologique, comme la puberté ou la ménopause et pathologiquement, au début d'une poussée psychotique.

Les motifs des défense contre les affects sont issus des conflits entre le moi et la pulsion. Lorsque le moi se dresse contre les pulsions, il cherche également à se défendre contre les affects associés à ces dernières. L'affect peut être d'abord agréable ou pénible. Le moi décide de son attitude à l'égard de l'affect d'après le principe de plaisir : il accueille avec empressement l'affect agréable et se défend contre l'affect pénible.

Que signifie une défense réussie ?


On peut retenir avec Anna Freud quatre idées de base :
1) La réussite d'une défense doit être considérée du point de vue du moi et pas en termes de monde externe, d'adaptation à ce monde ;

2) Les critères de réussite sont liés aux buts suivants : empêcher la pulsion interdite d'entrer dans la conscience, écarter l'angoisse connexe à la pulsion ; échapper à toute forme de déplaisir ;

3) Dans le cas particulier du refoulement, la réussite est effective lorsque toute prise de conscience disparaît ;

4) Une défense réussie est toujours quelque chose de dangereux car elle restreint excessivement le domaine de la conscience ou de la compétence du moi, ou elle falsifie la réalité. Une défense réussie peut avoir des conséquences néfastes pour la santé ou pour le développement ultérieur.

Sandler évoque l'échec des défenses et se dit certain que " les symptômes sont construits très soigneusement comme des mesures de dernière ligne lorsque la défense échoue " Ceci est fait selon lui pour préserver le bien-être, pour éviter l'angoisse, pour remplir la même fonction que les défenses, bien que le sujet puisse souffrir de la douleur du symptôme.
Pour Anna Freud, l'activité de défense " devrait créer un état d'équilibre entre le monde intérieur et extérieur, entre les demandes intérieures et les demandes extérieures " et ne devrait pas aboutir à la formation de symptômes. Elle réaffirme que le symptôme évite le pire et que la formation de symptôme n'est qu'un compromis. Pour Fenichel, il existe des défenses qui réussissent " les sublimations " qui ne bloquent pas la décharge d'une pulsion et permettent un changement de l'objet de la pulsion et/ou un changement de but, la pulsion étant alors dérivée vers un but non sexuel.
Les défenses qui échouent sont pathogènes parce que le moi les utilise de manière trop fréquente ou continue pour prévenir la percée de la pulsion écartée, détournée de la conscience. Elles mobilisent beaucoup d'énergie et doivent être maintenues au prix d'un grand effort. Ces défenses interfèrent avec les autres fonctions du moi et peuvent entraîner un arrêt partiel de certaines de ses fonctions.

Qu'est-ce qu'une défense adaptative ?


Pour Vaillant, certaines défenses peuvent être adaptatives et faciliter aussi bien l'homéostasie psychique que l'adaptation du sujet à son environnement. Ces défenses adaptatives présentent cinq caractéristiques :

1) Leur mode d'action vise par exemple dans le cas de l'affect non pas à le faire disparaître, à " l'anesthésier " mais, plutôt à agir sur lui et, donc, à " réduire la douleur ". Ceci explique pourquoi l'anticipation ou la répression sont des mécanismes plus adaptatifs que l'activisme et le déni psychotique.

2) Les défenses adaptatives s'inscrivent dans une perspective temporelle : elles sont plus orientées vers le long terme. L'anticipation, est ainsi supérieure au passage à l'acte car elle permet, métaphoriquement parlant " de payer maintenant et de voler plus tard ".

3) Les défenses adaptatives sont aussi spécifiques que possible. La métaphore est ici la clé qui s'ajuste parfaitement à la gorge d'une serrure comparée au marteau pour frapper fixé à une porte close. Elles doivent être adaptées à la menace.

4) Plutôt que de bloquer les sentiments, les défenses adaptatives les canalisent. Endigués les sentiments peuvent être aussi dangereux qu'une panne dans le système d'évacuation de la vapeur d'une cocotte minute mise sur le feu.

5) Les défenses adaptatives rendent leur utilisateur agréable, attrayant. Les défenses non-adaptatives conduisent au rejet de leur utilisateur perçu comme irritant, répugnant, etc.

Les défenses sont-elles pathogènes ?


Elles ont en fait une double fonction. Elles sont nécessaires au développement de la pathologie mais ne conduisent pas nécessairement à la pathologie. Les défenses pathologiques peuvent être identifiées par leur caractéristiques de rigidité, d'intensité et de surgénéralisation (utilisation dans les relations avec de nombreuses personnes ou dans diverses situations.
Pour Bergeret, un sujet n'est jamais malade parce qu'il a des défenses mais parce que les défenses qu'il utilise habituellement peuvent être décrites comme : inefficaces, trop rigides, mal adaptées aux réalités internes ou externes et/ou exclusivement du même type. Le fonctionnement mental se voit ainsi entravé dans sa souplesse, son harmonie, son adaptation.

Classifications

Selon Vaillant " Il y a autant de défenses que notre imagination, notre témérité ou notre aisance verbale nous permettent d'en inventorier. "
Leur nombre varie selon les auteurs de 8 à 45. Il est donc difficile de les classifier.
Vaillant propose de les différencier en :
1. Défenses psychotiques qui inclut la projection délirante, la distorsion et le déni psychotique
2. Défenses immatures, au nombre de 6 : projection, fantaisie schizoïde, hypochondrie, agression passive activisme et dissociation (ou déni névrotique)
3. Défenses névrotiques ou intermédiaires : déplacement, isolation de l'affect, refoulement et formation réactionnelle.
4. Défenses matures comme l'altruisme, la sublimation, la répression (ou mise à l'écart, l'anticipation et l'humour.

Ihilevich et Gleser décrivent cinq styles de défense suffisamment généraux pour inclure tous les mécanismes identifiés :
1. Se tourner contre l'objet.. Dans ce style, les conflits internes et les menaces externes sont gérées par une attaque excessive et inappropriée dirigée contre la source réelle ou présumée du danger perçu. Cette stratégie remplace l'expérience de se sentir menacé par celle de menacer, ce qui crée une illusion de pouvoir qui soutient le bien-être du sujet. Des défenses comme l'identification à l'agresseur et le déplacement appartiennent à ce style défensif.
2. La projection Ce style est caractérisé par le fait de justifier l'expression de l'hostilité ou du rejet en attribuant aux autres des intentions ou des caractéristiques négatives, à partir de preuves déformées. Ce type d'attribution diminue l'anxiété du sujet quant à ses propres caractéristiques indésirables et crée l'illusion de la maîtrise de ces caractéristiques et de la supériorité, améliorant ainsi l'estime de soi.
3. Jouer sur les principes. Sous l'apparence d'épouser des principes généraux, les défenses appartenant à ce style évoquent des platitudes, des truismes, des clichés, du sophisme pour dissimuler un conflit interne ou une menace externe. Ainsi on écarte de la conscience la signification émotionnelle des conflits ou menaces. En créant l'illusion de la " compréhension " ces défenses donnent au sujet le sentiment de maîtrise, de détachement émotionnel par rapport à la menace perçue, diminuent l'anxiété et augmentent l'estime de soi. Ce style est commun à des défenses comme l'intellectualisation, la rationalisation et l'isolation de l'affect.
4. Se tourner contre soi. Face à des conflits et des menaces, les réponses défensives orientent vers soi-même des critiques excessives, de la colère, de l'hostilité injustifiée. Ce type de réponses crée une sorte de " coussin " ou de " matelas " qui adoucit l'impact psychologique des conflits, et des menaces. L'anticipation du pire engendre l'illusion d'un contrôle existentiel sur des résultats indésirables, diminuant ainsi l'impact des menaces perçues et contient, si elle ne peut l'éliminer, l'anxiété. Cette stratégie protège une estime de soi vulnérable contre une diminution possible. Ce style serait celui des réponses auto-handicapantes, pessimistes ou masochistes.
5. Le renversement. Les réponses défensives de ce style diminuent le conflit interne ou les menaces externes en minimisant leur importance ou en les déplaçant totalement de la conscience. Ainsi le sujet répond de manière positive ou neutre à un événement frustrant qui autrement engendrerait une réaction négative. L'effaçage de la réalité déplaisante crée l'illusion d'une maîtrise des conflits ou menaces qui diminue l'anxiété consciente et augmente le sentiment de bien-être. On retrouve ce style dans des mécanismes comme la dénégation, le déni, la formation réactionnelle et le refoulement.

Liste de différents mécanismes de défense


· Activisme Gestion des conflits psychiques ou des situations traumatiques externes par le recours à l'action, à la place de la réflexion ou du vécu des affects. L'activisme peut être une réponse ponctuelle, par exemple à un deuil : la personne se réfugie dans le travail pour oublier momentanément sa peine, la perte d'un proche. Dans ce sens on peut parler de mécanisme adaptatif, l'activisme deviendrait pathologique quand toutes les difficultés sont gérées de cette façon et qu'il finit par interdire toute réflexion sur soi, ou empêcher tout manifestation d'affect.

· Affiliation L'affiliation est la recherche de l'aide et du soutien d'autrui quand on vit une situation qui engendre de l'angoisse. L'affiliation peut être un mécanisme adaptatif et une partie de notre travail notamment en ville consiste à permettre au patient de chercher le soutien de ses proches ou de l'équipe soignante. L'incapacité d'affronter seul une situation constituerait le versant pathologique de ce mécanisme.

· Affirmation de soi par l'expression des sentiments En proie à un état émotionnel ou à un événement extérieur stressant, la personne qui utilise ce mécanisme de défense communique sans détours sentiments et pensées, d'une façon ni agressive, ni manipulatrice. C'est un peu ce que recherchent les soignants qui interviennent lors des catastrophes pour éviter la survenue d'état de stress post-traumatiques. On associe en fait une certaine forme d'affiliation qui implique de travailler le groupe et l'affirmation de soi par l'expression des sentiments. Mécanisme de défense adaptatif, l'affirmation de soi par l'expression des sentiments peut avoir son versant pathologique lorsque la personne reste cantonnée à l'expression de affects sans pouvoir recourir à l'abstraction.

· Agression passive Il s'agit d'une réponse aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress internes ou externes par une agression envers autrui exprimée de façon indirecte et non-combative. Une façade d'adhésion apparente voile la résistance, le ressentiment ou l'hostilité. L'agression passive représente une réponse soit aux exigences d'action ou de performance d'une autre personne soit au manque de gratification des propres désirs du sujet. Ce mécanisme peut constituer une modalité adaptative pour des personnes qui occupent une position de subalterne et qui n'arrivent pas à s'affirmer ouvertement par d'autres moyens. Ce mécanisme de défense est probablement le mécanisme le plus utilisé dans la fonction publique. A tous les échelons, les fonctionnaires répondent : " Oui, oui. " mais se ardent bien de faire quoi que ce soit de ce qui leur est demandé. Une variante est " Cause à mon cul ma tête est malade. " Respiration parfois, façon d'éviter le conflit, généralisée l'agression passive a un coût faramineux.

· Altruisme Dévouement à autrui qui permet au sujet d'échapper à un conflit. On peut faire les mêmes remarques que pour l'activisme. L'altruisme a l'avantage d'être socialement reconnu. C'est un bon moyen d'être considéré comme un saint. Le problème est que l'altruiste fait souvent payer à l'autre son renoncement. Le conflit revient toujours et l'altruiste exclusif est contraint à être de plus en plus altruiste. Le risque est de tisser une relation de dépendance avec la ou les personnes avec lesquelles il se dévoue.

· Annulation rétroactive Illusion selon laquelle il serait possible d'annihiler un événement, une action, un souhait, porteurs de conflits, grâce à la toute puissance d'une action ou d'un souhait ultérieurs, censée avoir un effet de destruction rétroactive. L'annulation rétroactive renvoie à la pensée magique. Un homme se promène, croise une jeune femme, la regarde, sourit, fait quelques pas et fait brusquement trois pas en arrière avant de poursuivre son chemin comme si de rien n'était. Les trois pas en arrière sont là pour annuler la pensée obscène qui s'est imposée à lui en croisant la jeune femme. L'annulation rétroactive se rencontre essentiellement dans les névroses obsessionnelles

· Anticipation Anticiper consiste, lors d'une situation conflictuelle, à imaginer l'avenir : en expérimentant d'avance ses propres réactions émotionnelles ; en prévoyant les conséquences de ce qui pourrait arriver ; en envisageant différentes réponses ou solutions possibles. Les sportifs utilisent souvent ce mécanisme de défense en anticipant le match qu'ils vont livrer. Ils visualisent la place des poteaux, l'emplacement des supporters, la technique employée par l'adversaire, etc. L'amoureux transi peut se préparer en choisissant comme lieu de rencontre avec sa belle un lieu qu'il connaît, en apprenant par cœur le discours qu'il compte lui délivrer, en préparant ses objections, et en imaginant des réponses, etc. L'anticipation est le prototype des mécanismes adaptatifs. On peut préparer les patients à la recherche d'un emploi, d'un logement, à une rencontre avec leurs parents grâce à des jeux de rôle. D'une certaine façon les protocoles sont une forme d'anticipation. Il existe un aspect pathologique dans l'anticipation lorsque la personne s'avère incapable d'affronter une situation nouvelle sans l'avoir anticipée.

· Auto-observation Le sujet traite le conflit émotionnel ou les facteurs de stress internes ou externes en amorçant une réflexion sur ses propres pensées, sentiments, motivations et comportement et en répondant de manière appropriée. L'auto-observation a également son côté pathologique lorsque la personne en perd toute spontanéité, lorsqu'elle passe son temps à s'observer et à s'analyser. L'auto-observation peut être pathologique lorsqu'elle se colore de rationalisation délirante, lorsqu'elle devient une mécanique mentale folle.

· Blocage Inhibition, habituellement temporaire, des affects pouvant, aussi, concerner la pensée et les pulsions. Le blocage est un processus défensif proche, en tant qu'effet du refoulement.

· Clivage du Moi Le clivage est l'action de séparer, de diviser le moi (clivage du moi), ou l'objet (clivage de l'objet) sous l'influence angoissante d'une menace, de façon à faire coexister les deux parties ainsi séparées qui se méconnaissent sans formation de compromis possible. Dans l'Abrégé de psychanalyse, Freud applique cette méthode de défense à la psychose. L'une des positions est le fait du çà (le délire) tandis que l'autre est le fait du moi (contact maintenu avec la réalité). Selon Freud, " même quand il s'agit là d'états hallucinatoires confusionnels, les malades une fois guéris, déclarent que dans un recoin de leur esprit, suivant leur expression, une personne normale s'était tenue cachée, laissant se dérouler devant elle, comme un observateur désintéressé, toute la fantasmagorie morbide. " On pourrait considérer que le clivage est un mécanisme de défense clairement pathologique. Il est un mécanisme extraordinairement efficace pour affronter les situations les plus périlleuses. Ainsi Bettelheim, interné en camp de concentration, faisait-il une étude sur les mécanismes de défense qui permettait de survivre aux situations limites. Son énergie était focalisée sur cette étude. Il ne prêtait ainsi plus attention à ce que vivait son corps de torture, de mauvais traitement. C'était clivé. Le mécanisme est proche en cas de viol. La femme se clive. D'un côté les horreurs que subit son corps, de l'autre son esprit qui est ailleurs, concentré sur un point très éloigné de ce qui se passe. Le problème est que c'est un mécanisme de défense très coûteux. Quand c'est clivé, c'est clivé, on ne recolle pas les morceaux si facilement.

· Clivage de l'objet Mélanie Klein décrit le clivage de l'objet, mécanisme de défense le plus primitif contre l'angoisse. Il est destiné à rendre le moi cohérent et à stabiliser les turbulences relationnelles qui l'agitent. Selon Klein, les relations objectales existant d'emblée, le premier objet le sein de la mère, se cliverait pour l'enfant en " bon objet ", source de gratification gardé à l'intérieur, et en " mauvais objet ", source de frustration projeté au dehors. Par ce processus de clivage le thérapeute peut devenir porteur des mauvais aspects de l'objet afin de protéger le " bon " parent externe ou interne. Ce serait le mécanisme de défense essentiel dans les états limites. Le clivage de l'objet peut être destructeur dans une équipe de soignants qui ne voit pas plus loin que le bout de conflits qu'elle n'élabore pas. Les soignants peuvent arriver à se déchirer à la plus grande joie d'un patient qui voit triompher sa défense. Le rôle d'un cadre qui ne se bornerait pas à être un gestionnaire de planning et du psychologue institutionnel sont ici essentiels.

· Compensation Tentative inconsciente de trouver des substituts à des pertes ou à des inadéquations réelles ou imaginaires. La mise en marche de ce mécanisme implique une exagération des aspects positifs de la personne.

· Complaisance (ou compliance). Utilisation de la soumission passive pour éviter les conflits et les facteurs de stress. Ce mécanisme assimilable à l'inhibition de l'action plus qu'à la fuite devant l'agression est très coûteux. L'agressivité ainsi masquée se retourne souvent contre le sujet. Elle est souvent pathologique.

· Condensation Mécanisme, caractéristique de la pensée inconsciente présent dans le rêve, les actes manqués, les jeux de mots, etc. une représentation unique renvoie à elle seule à plusieurs chaînes associatives à l'intersection desquelles elle se trouve.

· Conduite contraphobique Défense spécifique contre la phobie.

· Contrôle Tentative de gérer et/ou de diriger, de manière exagérée les événements et les objets de l'environnement afin de minimiser l'anxiété et de résoudre les conflits internes. Ce contrôle peut s'exercer par différentes stratégies comme l'intervention avec des suggestions, le sabotage, la séduction, la complaisance excessive, etc. (groupe). Les soignants exercent facilement l'intervention avec suggestion dans les entretiens, surtout dans leurs démarches de résolution de problèmes à destination du patient. Certains soignants, certains cadres angoissés peu sûrs d'eux et de leur fonction peuvent être tentés d'utiliser la séduction ou l'affectivité pour contrôler l'équipe (" Si tu veux me faire plaisir, tu feras cela … "). La complaisance excessive peut être une façon de se rendre indispensable dans un groupe et donc de le contrôler. Le sabotage peut également constituer une façon de contrôler le groupe.

· Contrôle par la pensée Utilisation de manière contraignante du processus de pensée en tant que défense contre l'anxiété émergente. Ce mécanisme se caractérise par un besoin de connaître tous les détails d'une manière aussi complète que possible. Le contenu de la situation apeurante n'est pas visé, mais par une familiarisation prolongée qui permet d'anticiper le danger, le sujet tente de se préparer et de diminuer ainsi l'anxiété.

· Contrôle omnipotent de l'objet Défense maniaque se développant pendant la position dépressive et qui se caractérise par une relation à des objets saisis dans leur totalité et par la prédominance de l'intégration, de l'ambivalence, de l'angoisse dépressive et de la culpabilité. Le contrôle omnipotent de l'objet se développe comme une défense contre l'angoisse dépressive, la culpabilité et la perte. Elle s'appuie sur des relations d'objet qui se caractérisent par le triomphe, le contrôle et le mépris. C'est évidemment lors des états maniaques que ce mécanisme de défense s'observe le mieux. On peut dire que le maniaque s'épuise littéralement dans ce contrôle et plus l'objet (les soignants par exemple) vont s'acharner à échapper à ce contrôle, plus il lui sera nécessaire de s'agiter pour éviter que la maîtrise de l'environnement lui échappe.

· (Dé)négation Dans l'œuvre de Freud, le terme dénégation recouvre deux sens : refus de reconnaître, comme siens, immédiatement après les avoir formulés, une pensée, un désir, un sentiment qui sont sources de conflit ; refus par le sujet d'une interprétation exacte le concernant, formulée par le psychanalyste. En dehors de l'analyse, ce mécanisme peut se rencontrer en entretien infirmier.

· Déni Action de refuser la réalité d'une perception vécue comme dangereuse ou douloureuse pour le moi. Il en va ainsi de la phase de déni du deuil. Les patients refusant cette réalité peuvent halluciner la présence de l'absent.

· Déni de la réalité psychique Défense maniaque se développant comme le contrôle omnipotent de l'objet, pendant la position dépressive. Elle s'appuie sur un déni tout-puissant de la réalité psychique, celle du monde interne incluant des pulsions et des objets internes.

· Déni psychotique Type de déni caractérisé par une altérité majeure de l'appréciation de la réalité. A la place de la réalité déplaisante, le patient superpose une production de son désir, le délire.

· Dépersonnalisation Mécanisme consistant en une altération de l'image de soi et de l'image du mode de fonctionnement de soi, produite par un désinvestissement de ce qui est perçu comme le moi, et ayant, comme résultat un sentiment d'irréel. La perception de soi et des affects paraît irréelle et semble appartenir à quelqu'un d'autre ; on note un sentiment d'éloignement de soi.

· Déplacement Fait que l'accent, l'intérêt, l'intensité d'une représentation est susceptible de se détacher d'elle pour passer à d'autres représentations originellement peu intenses, reliées à la première par une chaîne associative. Un exemple célèbre est celui des blés qui évoquent au renard la couleur des cheveux du petit prince et qui l'aident à supporter la perte.

· Dépréciation Fait de s'attribuer ou d'attribuer à autrui des défauts exagérés. Ce mécanisme peut aider à supporter une perte. La femme que l'on quitte devient la dernière des mégères. On n'a ainsi pas perdu grand chose.

· Désexualisation Changement dans la qualité d'une pulsion mais pas de son objet. Ceci implique une neutralisation de l'investissement libidinal ou agressif de l'objet. D'une certaine façon le soin (technique ou autre) n'est possible que par la désexualisation de l'objet.

· Détachement Retrait de l'investissement libidinal ou agressif d'un objet.

· Dissociation Altération des fonctions d'intégration de la conscience, de la mémoire, de la perception de soi ou de l'environnement ou du comportement sensori-moteur.

· Distorsion psychotique Distorsion importante qui transforme la réalité externe pour la rendre conforme à nos désirs. La distorsion peut aussi permettre la fusion hallucinatoire agréable avec une autre personne.

· Evitement Détournement actif des pensées, objets ou situations qui sont chargés en conflit. Ainsi, le soignant qui ne supporte pas la mort évitera-t-il de passer devant la chambre du patient qui agonise.

· Faire le clown, se moquer Utilisation excessive ou habituelle de mots d'esprit pour réduire l'anxiété consécutive à des situations stressantes ou à des pensées ou affects perturbateurs.

· Forclusion Mécanisme qui consiste en un rejet primordial d'un signifiant. Conçu comme un mécanisme de défense propre à la psychose, il fait référence au rejet des représentations insupportables avant même qu'elles ne soient intégrées à l'inconscient du sujet. Une façon de l'imager est d'imaginer que le signifiant n'est pas entré dans le dictionnaire intime de la personne. Lorsqu'elle est confrontée à ce mot, il n'a pas de sens et ne peut en avoir car tout ce qui renvoie à ce mot est absent du dictionnaire.

· Formation réactionnelle Transformation du caractère permettant une économie du refoulement, puisqu'à des tendances inacceptables sont substituées des tendances opposées, qui deviennent permanentes. (Ainsi l'avare devient-il prodigue).

· Humour Au sens restreint retenu par Freud, l'humour consiste à présenter une situation vécue comme traumatisante de manière à en dégager les aspects plaisants, ironiques, insolites. C'est dans ce cas seulement (humour appliqué à soi-même) qu'il peut être considéré comme un mécanisme de défense.

· Hypocondrie Transformation des reproches à faire aux autres, découlant de chagrins ou de pulsions agressives en reproche à soi-même au départ et, ensuite, en plaintes de douleurs, de maladie somatique ; d'idées de suicide, de neurasthénie. L'hypocondrie ne constitue pas une tentative pour obtenir des bénéfices secondaires découlant du rôle de malade ; les hypocondriaques se plaignent tout en rejetant l'aide. Au cœur de l'hypocondrie se trouve un reproche masqué. En ce sens, la prise en charge de l'hypocondrie se solde-t-elle toujours par un échec, car ce qui est recherché ici c'est la mise en échec de l'autre et non la guérison d'un problème.

· Idéalisation Le sujet s'attribue ou attribue à autrui des qualités exagérées.

· Identification Assimilation inconsciente, sous l'effet du plaisir libidinal et/ou de l'angoisse d'un aspect, d'une propriété, d'un attribut de l'autre, qui conduit le sujet, par une similitude réelle ou imaginaire, à une transformation totale ou partielle sur le modèle de celui auquel il s'identifie. L'identification est un mode de relation au monde constitutif de l'identité.

· Identification à l'agresseur Ce mécanisme désigne le fait qu'un sujet, confronté à un danger extérieur, s'identifie à l'agresseur selon différentes modalités : soit en reprenant à son compte l'agression telle quelle, soit en imitant physiquement ou moralement la personne de l'agresseur, soit en adoptant certains symboles de puissance qui le caractérisent. Le syndrome de Stockholm qui voit des otages prendre fait et causes pour les terroristes repose sur l'identification à l'agresseur. On rencontre également ce mécanisme de défense chez les enfants victimes de sévices sexuels, devenus adultes, ils tendraient à reproduire ce qu'on leur a fait.

· Identification projective Mécanisme consistant en un fantasme dans lequel le sujet imagine s'introduire partiellement ou en totalité à l'intérieur de l'autre, tentant ainsi de se débarrasser de sentiments, de pulsions ressenties comme indésirables, et cherchant de cette façon à nuire, à posséder et à contrôler cette autre personne. Ce mécanisme de défense est aussi redoutable pour une équipe qui n'élabore pas ses conflits que le clivage de l'objet. Le patient, de sa chambre d'isolement ou du lit où il est attaché peut arriver à contrôler quasi-totalement une équipe rendue incapable de penser. Les soignants, comme une mécanique folle, reproduisent à l'envie une partie du fonctionnement psychique du patient. Là encore, le rôle du cadre, du psychologue clinicien peut faire la différence.

· Intellectualisation recours à l'abstraction et à la généralisation face à une situation conflictuelle qui angoisserait trop le sujet s'il reconnaissait y être personnellement impliqué. On rencontre cette défense dans de nombreuses pathologies mais également chez certains soignants : psychologues qui jargonnent à qui mieux mieux, cadres, cadres-supérieurs, directeurs des soins managers à des années lumière des soucis des soignants, infirmiers monomaniaques de la démarche de soin ou perroquets lacanolatres qui répètent à l'envie ce qu'ils ont plus ou moins bien intégrés.

· Introjection Inclusion fantasmatique -de l'objet, d'une partie de celui-ci, ou du lien à ce dernier- qui sert de repère au moi pour l'appréhension de l'objet extérieur dont le détachement est alors possible. Un deuil s'achève à l'introjection de l'objet perdu.

· Isolation Le terme isolation recouvre deux sens. Il peut désigner : une élimination de l'affect lié à une représentation (souvenir, idée, pensée) conflictuelle, alors que la représentation en question reste consciente ; une séparation artificielle entre deux pensées ou deux comportements qui en réalité sont liés, leur relation ne pouvant être reconnue sans angoisse par la personne.

· Limitation des fonctions du moi Limitation ou perte de l'une ou de plusieurs fonctions du moi, afin d'éviter l'anxiété engendrée par le conflit avec les tendances instinctuelles, avec le Surmoi ou avec les forces ou les objets de l'environnement. La limitation d'une fonction du moi peut être relativement bénigne, avec une faible interférence sur l'efficacité globale du moi. Elle prend cependant souvent la forme d'une inhibition importante du fonctionnement du moi, parfois si pathologique qu'elle devient symptôme.


· Manger et boire Tendance irrépressible à ingérer des aliments, des boissons, des médicaments, etc. afin de maintenir ou de restaurer l'intégrité de soi, surtout de l'image corporelle et de contrôler l'environnement. Les mécanismes d'incorporation et d'introjection sont impliqués.

· Mise à l'écart Tentative de rejet volontaire, hors du champ de la conscience, de problèmes, désirs, sentiments, ou expériences qui tourmentent ou inquiètent un sujet.

· Mise en avant des affects Fait de mettre un accent particulier sur l'affect ou de l'utiliser de manière excessive afin d'éviter la compréhension et l'explication rationnelle. Les sentiments sont, donc, inconsciemment intensifiés à des fins défensives.

· Omnipotence Réponse donnée aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress internes ou externes au cours de laquelle le sujet se sent ou agit comme s'il possédait des capacités ou des pouvoirs supérieurs à ceux des autres.

· Plainte associant demande d'aide et rejet de cette aide Le sujet exprime des plaintes ou demandes d'aide répétées (concernant des symptômes physiques ou psychologiques ou des problèmes de vie), ces plaintes et demandent dissimulent en fait, des sentiments d'hostilité et des reproches à l'égard d'autrui. Ces sentiments s'expriment lorsque le sujet rejette les suggestions, conseils ou offres d'aide apportés par quelqu'un d'autre.

· Projection Opération par laquelle le sujet expulse dans le monde extérieur des pensées, affects, désirs qu'il méconnaît ou refuse en lui et qu'il attribue à d'autres, personnes ou chose de son environnement.

· Projection délirante Forme de projection où le sujet abandonne, en fait, la mise à l'épreuve de la réalité. Dans la projection délirante, les conflits internes sont extériorisés et le sujet leur donne une réalité tangible.

· Rationalisation Justification logique, mais artificielle, qui camoufle, à l'insu de celui qui l'utilise, les vrais motifs (irrationnels et inconscients) de certains de ses jugements, de ses conduites, de ses sentiments, car ces motifs véritables ne pourraient être reconnus sans anxiété.

· Recours à la pensée magique Croire que la pensée a force d'action, permettant ainsi de satisfaire un besoin ou d'éviter un danger. Dans cette situation l'épreuve de réalité est abandonnée.

· Refoulement Rejet dans l'inconscient de représentations conflictuelles qui demeurent actives, tout en étant inaccessibles à la prise de conscience. Le retour du refoulé, dont les conséquences peuvent être anodines ou pathologiques, intervient en cas d'échec ou d'insuffisance du refoulement.

· Régression Retour plus ou moins organisé et transitoire à des modes d'expression antérieurs de la pensée, des conduites ou des relations objectales, face à un danger interne ou externe susceptible de provoquer un excès d'angoisse ou de frustration.

· Renversement dans le contraire Mécanisme où une pulsion conflictuelle est, non seulement refoulée, mais aussi remplacée par la pulsion opposée.

· Réparation Mécanisme visant à restaurer un objet aimé endommagé par les fantasmes destructeurs du sujet. La réparation survient pendant la position dépressive en réaction aux angoisses et à la culpabilité dépressives. Si la réparation fonctionne comme une partie du système des défenses maniaques, elle acquiert les caractéristiques maniaques du déni, du contrôle et du mépris. De nombreux soignants s'engagent dans les métiers de la santé pour réparer un objet aimé endommagé par leurs fantasmes destructeurs. Il est essentiel que ceux-ci puissent élaborer ce qui les conduit à être soignant. Ils risquent dans le cas contraire d'être pris dans des pièges relationnels qui les contraindraient à réparer toujours plus des patients qui iraient toujours plus mal. Ils sont les victimes rêvées pour les patients qui utilisent comme mécanismes de défense l'hypocondrie ou la plainte associant demande d'aide et rejet de cette aide.

· Retournement contre soi-même Refus inconscient par un sujet de sa propre agressivité, qu'il détourne d'autrui pour la reporter sur lui-même. Ce mécanisme de défense peut être à la source de sentiments de culpabilité, d'un besoin de punition, d'une névrose d'échec, de tentatives d'autodestruction.

· Ritualisation Etablissement d'un certain ordre ou " identitude " des choses et du comportement. Le sens disparaît par le refoulement, mais il est implicite dans la forme ou l'ordre qui ont un sens magique. La formalisation en constitue le précurseur. De nombreux soignants et de nombreux cadres cherchant à ritualiser le soin par des protocoles pour se protéger de l'angoisse.

· Retrait apathique Détachement protecteur, fait d'indifférence affective, de restriction des relations sociales et des activités extérieures, et de soumission passive aux événements, qui permet à une personne de supporter une situation très difficile.

· Sexualisation Doter un objet ou une fonction d'une signification sexuelle, qu'ils n'avaient pas auparavant ou qu'ils avaient en moindre mesure, afin de prévenir l'anxiété en relation avec certaines pulsions ou réactions interdites.

· Se cramponner à l'objet S'accrocher en fait ou de fait, de manière exagérée aux objets, être peu disposé à défaire le lien ou à quitter l'objet. La société de consommation incite à beaucoup se cramponner.

· Se tourner vers l'esthétique Déplacement de l'intérêt vers la valeur formelle, esthétique, des objets ou expériences, afin d'éviter la prise de conscience des affects liés à la sexualité.

· Siffler dans le noir pour ne plus avoir peur, pour montrer à un éventuel adversaire que l'on n'a pas peur.

· Somatisation

· Sublimation Deux sens : désexualisation d'une pulsion s'adressant à une personne qui pourrait (ou qui a pu) être désirée sexuellement. La pulsion transformée en tendresse ou en amitié, change de but, mais son objet reste le même ; Dérivation de l'énergie d'une pulsion sexuelle ou agressive vers des activités valorisées socialement (artistiques, intellectuelles, morales). La pulsion se détourne alors de son objet et de son but (érotique ou agressif) primitifs, mais sans être refoulée.

· Tomber malade Utilisation courante, à des fins d'évitement et de régression, des maladies dont le sujet souffre, en les exagérant. La responsabilité peut être évitée, la culpabilité contournée, et les pulsions agressives et libidinales vécues comme dangereuses peuvent être ainsi écartées.

Le concept de dégagement


Bibring en 1943 a décrit des mécanismes de dégagement qui constituent des modalités d'aménagement des tensions par le moi. Leur fonction est de dissoudre progressivement la tension en changeant les conditions internes qui lui donnent naissance. Il décrit ainsi la familiarisation avec une situation anxiogène ou le détachement de la libido (dans le travail de deuil). Parmi les mêmes mécanismes, Lagache décrit :
- La familiarisation du sujet avec la situation traumatique ;
- La prévision qui permet au sujet de se dégager de l'emprise des motivations actuelles (qui animent et entretiennent le conflit et de l'attente d'effets imminents, en se représentant les effets éloignés de ces motivations ;
- Le remplacement qui peut se manifester :
- par la répétition agie,
- par la remémoration pensée et parlée ;
- par l'identification qui amène le sujet à se confondre avec son vécu,
- par l'objectivation (qui lui permet de prendre de la distance par rapport à ce vécu)
- de la dissociation
- par l'intégration
- de l'obéissance par l'expérience.

Dans ce sens la sublimation est un mécanisme de dégagement.

La résilience


Pour Boris Cyrulnik, qu'il soit abandonné, martyrisé, victime de génocide, handicapé ou simplement englué dans l'histoire de ses parents, l'enfant n'est pas réductible à l'état de victime. Le terme de résilience vient de la physique. Il décrit l'aptitude d'un corps à résister à un choc. Dans les sciences sociales, il signifie : " capacité à réussir à vivre et à se développer positivement, de manière socialement acceptable, en dépit du stress ou d'une adversité qui comportent normalement le risque grave d'une issue négative. " Une carence précoce peut créer une vulnérabilité momentanée que nos rencontres affectives et sociales pourront restaurer ou aggraver. La résilience constitue ainsi un processus naturel où ce que nous sommes à un moment donné doit obligatoirement se tricoter avec ses milieux écologiques, affectifs et verbaux. " Qu'un seul maillon défaille et tout s'effondrera. Qu'un seul point d'appui soit offert et la construction reprendra. "

Si après un traumatisme, rien ne peut plus être comme avant, il n'empêche que tout enfant blessé peut " tricoter " des liens de résilience. Ces enfants blessés doivent d'abord puiser dans les ressources internes qui constituent leur personnalité, car dans les trois premiers mois de leur vie, les bébés ont reçu des informations de tendresse, de chaleur humaine, d'amour ou d'attention qui resteront gravées en eux toute leur vie. L'enfant blessé saura instinctivement qu'il connaît des sentiments positifs et agréables qui l'aideront à sortir la tête de l'eau. Ensuite, et c'est capital, ils auront recours aux ressources externes, il s'agit en fait de toutes les mains tendues : un éducateur, un médecin, un ami, un parent. Ces personnes-là sont essentielles, car elles sont celles qui vont prouver à l'enfant meurtri que quelqu'un reconnaît enfin qu'il vaut quelque chose. Un tiers des enfants meurtris n'ont aucune ressource interne, n'ont reçu aucun amour étant bébé, donc ils sont bien obligés de chercher de l'amour chez autrui. Pour eux, c'est plus dur, mais beaucoup parviennent à s'en sortir. Le psychothérapeute est la première personne à qui ils préfèrent révéler un secret lié à une blessure avant d'en parler aux autres.

Dans le fracas de l'existence, l'enfant et l'adulte mettent en place des moyens de défense internes, tels que le clivage. Le déni permet de ne pas voir une réalité dangereuse ou de banaliser une blessure douloureuse. La rêverie est tellement belle quand le réel est désolé. L'intellectualisation permet d'éviter l'affrontement qui nous impliquerait personnellement. L'abstraction nous contraint à trouver les lois générales qui nous permettent de maîtriser ou d'éviter l'adversaire. L'altruisme, se réparer soi en réparant l'autre, peut permettre également d'être maître de son destin. L'humour, d'un seul trait métamorphose une pesante tragédie en légère euphorie. Quand la douleur est trop forte, on est soumis à sa perception, on souffre. Mais dès que l'on peut prendre du recul, dès que l'on peut en faire un récit, le représenter le malheur devient supportable.

Le prix de la résilience est l'oxymoron, à l'origine une figure de rhétorique qui consiste à associer deux termes antinomiques tels que " l'obscure clarté " ou " un merveilleux malheur ". Sur un plan psychologique, l'oxymoron décrit le contraste de celui qui, recevant un grand coup, s'y adapte en se clivant. La partie de la personne qui a reçu le coup souffre et se nécrose, tandis qu'une autre mieux protégée, encore saine mais plus secrète, rassemble avec l'énergie du désespoir tout ce qui peut donner encore un peu de bonheur et de sens à vivre. L'oxymoron n'oppose pas deux sensations, deux états d'être, il les associe au contraire. Comme dans l'art gothique, les poussées opposées des arcs soutenant les voûtes se rencontrent. Le bâtiment ne tient debout que grâce à la croisée des ogives, les deux forces opposées sont nécessaires à l'équilibre.


Dominique Friard

Notes

1 CYRULNIK (B), Un merveilleux malheur, Odile Jacob Poches, Paris 2002.

2 IONESCU (S), JACQUET (M.M), LHOTE (C), Les mécanismes de défense Théorie et clinique, Paris, Nathan Université, fac psychologie, 1997. C'est à partir de cet ouvrage qu'ont été essentiellement rédigé ces notes.