Substitution
Au premier abord, la substitution est un terme qui renvoie à l’idée de remplacement ou d’échange provisoire de quelque chose par une autre, identique ou ayant la même utilité : le substitut.
En psychanalyse et donc au niveau psychique, la substitution est un moyen de défense du moi. Elle consiste alors à remplacer (avant le refoulement), une représentation, une pensée ou un objet souvent inatteignables et sources de conflit pour le moi par un substitut.
D’un point de vue économique, la substitution intervient en fait pour apaiser les tensions sous tendues par la libido : la satisfaction est alors illusoirement remplacée par une autre mais le besoin ou le désir, c’est-à-dire les pulsions frustrées, restent les mêmes. C’est en cela que la substitution ne peut offrir qu’une solution provisoire.
De plus, au niveau symbolique on peut voir que le symptôme et le substitut sont liés par une chaîne associative faisant intervenir également les processus de condensation et de déplacement.
Formation substitutive :
Procédé qui consiste à remplacer une satisfaction visant à entraîner une réduction des tensions par une autre. Il s'agit le plus souvent d'une substitution symbolique. La formation des symptômes névrotiques est un exemple de ces formations substitutives .
La formation substitutive est un processus de formation des symptômes propres aux psychonévroses en tant qu'ils viennent à la place du procès pulsionnel par la voie du refoulement et du retour du refoulé.
La formation substitutive comme mécanisme de défense :
Mécanismes de défense: Définition: (Larousse, dictionnaire de psychologie Larousse N.Syllami, dictionnaire de psychanalyse Fayard E.Roudinesco): Mécanismes psychologiques dont la personne dispose pour diminuer l'angoisse née des conflits intérieurs dans la vie quotidienne, opération par laquelle un sujet confronté à une représentation insupportable la refoule, faute d'avoir les moyens de la relier(rationnellement), par un travail de pensée, à d'autres pensées.
Ce sont des activités du moi, pulsions et désirs non-acceptables par le moi sont refusés. Pour cela, le moi mets en place des mécanismes de défense en face de la réalité des pulsions. Les défenses fonctionnent en continu, elles deviennent pathologiques si un mécanisme de défense devient rigide et répétitif. Pour protéger le moi, les défenses maintiennent dans l'inconscient ou transforment les pulsions. Une pulsions a une représentation et un affect, les mécanismes de défense s'attaque à la représentation.
Les mécanisme de défense sont donc l'ensemble des options dont la finalité est de réduire ou de supprimer toute modification susceptible de mettre en danger, l'intégrité, la constance de l'individu. Selon Ionescu,, ce sont des processus psychiques inconscient visant à réduire ou annuler les effets désagréables ( dangers imaginaire ou réels ) en remaniant les réalités internes ou externes. Les manifestations de ces mécanismes de défense peuvent être inconscientes ou conscientes
Ce sont par exemple, les grimaces de l'élève qui imite le maître: en s'identifiant à ce dernier, il dédramatise la situation et maîtrise son anxiété. Il existe un grand nombre de mécanismes susceptibles de protéger le "MOI" contre les exigences des instincts et de réduire les tensions; S.Freud a dégagé de tels mécanismes, typiques pour chaque affection psychogène: la conversion somatique pour l'hystérie, l'isolation, les formations réactionnelles pour la névrose obsessionnelle, la transposition de l'affect pour la phobie, la projection pour la paranoïa, etc. Tous, donc, n'ont pas la même valeur adaptative; le refoulement(voir psychologie clinique IV), aura pour fonction de réprimer une tendance jugée dangereuse(agressivité, sexualité) et de la rejeter hors du champ de conscience. Dans l'œuvre de Freud, il a un statut particulier, il institue l'inconscient et est le mécanisme de défense par excellence, sur lequel les autres se modèlent.
Ces défenses jouent plus ou moins consciemment, et dans leur ensemble, elles sont mises en jeu pour éviter les agressions internes des pulsions sexuelles(voir dossier "pulsions") dont la satisfaction se révèle conflictuelle pour le sujet, ainsi que pour en neutraliser l'angoisse qui en dérive. On notera cependant que dans "Inhibition, symptômes et angoisse" (1926), Freud, à partir notamment d'une réinterprêtation de la phobie, a été conduit à privilégier "l'angoisse devant un danger réel", et à considérer comme dérivée "l'angoisse devant la pulsion".
Freud attribue au "MOI" l'origine de la défense, et dès lors ce concept renvoie nécessairement à toutes les difficultés liées à la définition du "MOI" (voir psychologie clinique XVII). Les mécanismes de défense ne sont donc ni plus ni moins que la réponse mentale de chaque individu aux conflits intérieurs entre exigences instinctuelles et lois morales/sociales.
Documentation: Sigmund Freud, Inhibition, symptômes et angoisse 1951 (Fra) (Pages 99 et suivantes) Otto Fenickel, La théorie psychanalytique des névroses 1945 (Ang), 1953 (Fra) Paris P.U.F. Anna Freud Le MOI et les mécanismes de défense 1936 (Ang), 1949 (Fra) Paris P.U.F. Spitz, Quelques prototypes précoces de défense du "MOI", Revue Fra. De psychanalyse, 28/02/1964.
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Freud. 5 Leçons de la psychanalyse de Freud ,deuxième leçon
Un exemple de formation substitutive : l'oubli de noms
Les mécanisme de défense sont donc l'ensemble des options dont la finalité est de réduire ou de supprimer toute modification susceptible de mettre en danger, l'intégrité, la constance de l'individu. Selon Ionescu,, ce sont des processus psychiques inconscient visant à réduire ou annuler les effets désagréables ( dangers imaginaire ou réels ) en remaniant les réalités internes ou externes. Les manifestations de ces mécanismes de défense peuvent être inconscientes ou conscientes
Ce sont par exemple, les grimaces de l'élève qui imite le maître: en s'identifiant à ce dernier, il dédramatise la situation et maîtrise son anxiété. Il existe un grand nombre de mécanismes susceptibles de protéger le "MOI" contre les exigences des instincts et de réduire les tensions; S.Freud a dégagé de tels mécanismes, typiques pour chaque affection psychogène: la conversion somatique pour l'hystérie, l'isolation, les formations réactionnelles pour la névrose obsessionnelle, la transposition de l'affect pour la phobie, la projection pour la paranoïa, etc. Tous, donc, n'ont pas la même valeur adaptative; le refoulement(voir psychologie clinique IV), aura pour fonction de réprimer une tendance jugée dangereuse(agressivité, sexualité) et de la rejeter hors du champ de conscience. Dans l'œuvre de Freud, il a un statut particulier, il institue l'inconscient et est le mécanisme de défense par excellence, sur lequel les autres se modèlent.
Ces défenses jouent plus ou moins consciemment, et dans leur ensemble, elles sont mises en jeu pour éviter les agressions internes des pulsions sexuelles(voir dossier "pulsions") dont la satisfaction se révèle conflictuelle pour le sujet, ainsi que pour en neutraliser l'angoisse qui en dérive. On notera cependant que dans "Inhibition, symptômes et angoisse" (1926), Freud, à partir notamment d'une réinterprêtation de la phobie, a été conduit à privilégier "l'angoisse devant un danger réel", et à considérer comme dérivée "l'angoisse devant la pulsion".
Freud attribue au "MOI" l'origine de la défense, et dès lors ce concept renvoie nécessairement à toutes les difficultés liées à la définition du "MOI" (voir psychologie clinique XVII). Les mécanismes de défense ne sont donc ni plus ni moins que la réponse mentale de chaque individu aux conflits intérieurs entre exigences instinctuelles et lois morales/sociales.
Documentation: Sigmund Freud, Inhibition, symptômes et angoisse 1951 (Fra) (Pages 99 et suivantes) Otto Fenickel, La théorie psychanalytique des névroses 1945 (Ang), 1953 (Fra) Paris P.U.F. Anna Freud Le MOI et les mécanismes de défense 1936 (Ang), 1949 (Fra) Paris P.U.F. Spitz, Quelques prototypes précoces de défense du "MOI", Revue Fra. De psychanalyse, 28/02/1964.
Quelques mécanismes
- Refoulement
- Introjection
- Formation réactionnelle, substitutive, de compromis
- Identification
- Clivage
- Annulation
- Dénégation
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Freud. 5 Leçons de la psychanalyse de Freud ,deuxième leçon
"Exprimons-nous maintenant sans images: l'examen d'autres malades hystériques et d'autres névrosés nous conduit à la conviction qu'ils n'ont pas réussi à refouler l'idée à laquelle est lié leur désir insupportable. Ils l'ont bien chassée de leur conscience et de leur mémoire, et se sont épargné, apparemment, une grande somme de souffrances, mais le désir refoulé continue à subsister dans l'inconscient; il guette une occasion de se manifester et il réapparaît bientôt à la lumière, mais sous un déguisement qui le rend méconnaissable; en d'autres termes, l'idée refoulée est remplacée dans la conscience par une autre qui lui sert de substitut, d'ersatz, et à laquelle viennent s'attacher toutes les impressions de malaise que l'on croyait avoir écartées par le refoulement. Ce substitut de l'idée refoulée - le symptôme - est protégé contre de nouvelles attaques de la part du « moi » ; et, au lieu d'un court conflit, intervient mainte*nant une souffrance continuelle. A côté des signes de défiguration, le symptôme offre un reste de ressemblance avec l'idée refoulée. Les procédés de formations substitutives se trahissent pendant le traitement psychanalytique du malade, et il est nécessaire pour la guérison que le symptôme soit ramené par ces mêmes moyens à l'idée refoulée. Si l'on parvient à ramener ce qui est refoulé au plein jour - cela suppose que des résistances considérables ont été surmontées -, alors le conflit psychique né de cette réintégration, et que le malade voulait éviter, peut trouver sous la direction du médecin, une meilleure solution que celle du refoulement. Une telle méthode parvient à faire évanouir conflits et névroses."
------------------------------------------------------------------------------------------------- Un exemple de formation substitutive : l'oubli de noms
(traduction de S.Yankélévitch, Petite Bibliothèque Payot, Paris 1972)
- J'ai publié, en 1898, dans Monatsschrift für Psychiatrie und Neurologie, un petit article intitulé "Du mécanisme psychique de la tendance à l'oubli", dont le contenu, que jevais résumer ici servira de point de départ à mes considérations ultérieures. Dans cet article, j'ai soumis à l'analyse psychologique, d'après un exemple frappant observé sur moi-même, le cas fréquent d'oubli passager de noms propres ; et je suis arrivé à la conclusion que cet accident, si commun et sans grande importance pratique, qui consiste dans le refus de fonctionnement d'une faculté psychique (la faculté du souvenir), admet une explication qui dépasse de beaucoup par sa portée l'importance généralement attachée au phénomène en question.
Ce qui m'a amené à m'occuper de plus près du phénomène de l'oubli passager de noms propres, ce fut l'observation de certains détails qui manquent dans certains cas, mais se manifestent dans d'autres avec une netteté suffisante. Ces derniers cas sont ceux où il s'agit, non seulement d'oubli, mais de faux souvenir. Celui qui cherche à se rappeler un nom qui lui a échappé retrouve dans sa conscience d'autres noms, des noms de substitution, qu'il reconnaît aussitôt comme incorrects, mais qui n'en continuent pas moins à s'imposer à lui obstinément. On dirait que le processus qui devait aboutir à la reproduction du nom cherché a subi un déplacement, s'est engagé dans une fausse route, au bout de laquelle il trouve le nom de substitution, le nom incorrect. Je prétends que ce déplacement n'est pas l'effet d'un arbitraire psychique, mais s'effectue selon des voies préétablies et possibles à prévoir. En d'autres termes, je prétends qu'il existe, entre le nom ou les noms de substitution et le nom cherché, un rapport possible à trouver, et j'espère que, si je réussis à établir ce rapport, j'aurai élucidé le processus de l'oubli de noms propres.
Dans l'exemple sur lequel avait porté mon analyse en 1898, le nom que je m'efforçais en vain de me rappeler était celui du maître auquel la cathédrale d'Orvieto doit ses magnifiques fresques représentant le "Jugement Dernier". A la place du nom cherché, Signorelli, deux autres noms de peintres, Botticelli et Boltraffio, s'étaient imposés à mon souvenir, mais je les avais aussitôt et sans hésitation reconnus comme incorrects. Mais, lorsque le nom correct avait été prononcé devant moi par une autre personne, je l'avais reconnu sans une minute d'hésitation. L'examen des influences et des voies d'association ayant abouti à la reproduction des noms Botticelli et Boltraffio, à la place de Signorelli, m'a donné les résultats suivants :
a) La raison de l'oubli du nom Signorelli ne doit être cherchée ni dans une particularité quelconque de ce nom ni dans un caractère psychologique de l'ensemble dans lequel il était inséré. Le nom oublié m'était aussi familier qu'un des noms de substitution, celui de Botticelli, et beaucoup plus familier que celui de Boltraffio dont le porteur ne m'était connu que par ce seul détail qu'il faisait partie de l'école milanaise. Quant aux conditions dans lesquelles s'était produit l'oubli, elles me paraissent inoffensives et incapables d'en fournir aucune explication : je faisais, en compagnie d'un étranger, un voyage en voiture de Raguse, en Dalmatie, à une station d'Herzégovine ; au cours du voyage, la conversation tomba sur l'Italie et je demandai à mon compagnon s'il avait été à Orvieto et s'il avait visité les célèbres fresques de...
b) L'oubli du nom s'explique, lorsque je me rappelle le sujet qui a précédé immédiatement notre conversation sur l'Italie, et il apparaît alors comme l'effet d'une perturbation du sujet nouveau par le sujet précédent. Peu de temps avant que j'aie demandé à mon compagnon de voyage s'il avait été à Orvieto, nous nous entretenions des moeurs des Turcs habitant la Bosnie et l'Herzégovine. J'avais rapporté à mon interlocuteur ce que m'avait raconté un confrère exerçant parmi ces gens, à savoir qu'ils sont pleins de confiance dans le médecin et pleins de résignation devant le sort. Lorsqu'on est obligé de leur annoncer que l'état de tel ou tel malade de leurs proches est désespéré, ils répondent : " Seigneur (Herr), n'en parlons pas. Je sais que s'il était possible de sauver le malade, tu le sauverais." Nous avons là deux noms : Bosnien (Bosnie) et Herzegowina (Herzégovine) et un mot : Herr (Seigneur), qui se laissent intercaler tous les trois dans une chaîne d'associations entre Signorelli - Botticelli et Boltraffio.
c) J'admets que si la suite d'idées se rapportant aux moeurs des Turcs de la Bosnie, etc., a pu troubler une idée venant immédiatement après, ce fut parce que je lui ai retiré mon attention, avant même qu'elle fût achevée. Je rappelle notamment que j'avais eu l'intention de raconter une autre anecdote qui reposait dans ma mémoire à côté de la première. Ces Turcs attachent une valeur exceptionnelle aux plaisirs sexuels et, lorsqu'ils sont atteints de troubles sexuels, ils sont pris d'un désespoir qui contraste singulièrement avec leur résignation devant la mort. Un des malades de mon confrère lui dit un jour : "Tu sais bien, Herr (Seigneur), que lorsque cela ne va plus, la vie n'a plus aucune valeur." Je me suis toutefois abstenu de communiquer ce trait caractéristique, préférant ne pas aborder ce sujet scabreux dans une conversation avec un étranger. Je fis même davantage : j'ai distrait mon attention de la suite des idées qui auraient pu se rattacher dans mon esprit au sujet : "Mort et Sexualité." J'étais alors sous l'impression d'un événement dont j'avais reçu la nouvelle quelques semaines auparavant durant un bref séjour à Trafoï un malade, qui m'avait donné beaucoup de mal, s'était suicidé, parce qu'il souffrait d'un trouble sexuel incurable. Je sais parfaitement bien que ce triste événement et tous les détails qui s'y rattachent n'existaient pas chez moi à l'état de souvenir conscient pendant mon voyage en Herzégovine. Mais l'affinité entre Trafoï et Boltraffio m'oblige à admettre que, malgré la distraction intentionnelle de mon attention, je subissais l'influence de cette réminiscence.
d) Il ne m'est plus possible de voir dans l'oubli du nom Signorelli un événement accidentel. Je suis obligé de voir dans cet événement l'effet de mobiles psychiques. C'est pour des raisons d'ordre psychique que j'ai interrompu ma communication (sur les moeurs des Turcs, etc.), et c'est pour des raisons de même nature que j'ai empêché de pénétrer dans ma conscience les idées qui s'y rattachaient et qui auraient conduit mon récit jusqu'à la nouvelle que j'avais reçue à Trafoï. Je voulais donc oublier quelque chose ; j'ai refoulé quelque chose. Je voulais, il est vrai, oublier autre chose que le nom du maître d'Orvieto ; mais il s'est établi, entre cet "autre chose" et le nom, un lien d'association, de sorte que mon acte de volonté a manqué son but et que j'ai, malgré moi, oublié le nom, alors que je voulais intentionnellement oublier "l'autre chose". Le désir de ne pas se souvenir portait sur un contenu ; l'impossibilité de se souvenir s'est manifestée par rapport à un autre. Le cas serait évidemment beaucoup plus simple, si le désir de ne pas se souvenir et la déficience de mémoire se rapportaient au même contenu. - Les noms de substitution, à leur tour, ne me paraissent plus aussi injustifiés qu'avant l'explication ; ils m'avertissent (à la suite d'une sorte de compromis) aussi bien de ce que j'ai oublié que de ce dont je voulais me souvenir, et ils me montrent que mon intention d'oublier quelque chose n'a ni totalement réussi, ni totalement échoué.
e) Le genre d'association qui s'est établi entre le nom cherché et le sujet refoulé (relatif à la mort et à la sexualité et dans lequel figurent les noms Bosnie, Herzégovine, Trafoï) est tout à fait curieux. Le schéma ci-joint, emprunté à l'article de 1898, cherche à donner une représentation concrète de cette association.
Le nom de Signorelli a été divisé en deux parties. Les deux dernières syllabes se retrouvent telles quelles dans l'un des noms de substitution (elli), les deux premières ont, par suite de la traduction de Signor en Herr (Seigneur), contracté des rapports nombreux et variés avec les noms contenus dans le sujet refoulé, ce qui les a rendues inutilisables pour la reproduction. La substitution du nom de Signorelli s'est effectuée comme à la faveur d'un déplacement le long de la combinaison des noms "Herzégovine-Bosnie", sans aucun égard pour le sens et la délimitation acoustique des syllabes. Les noms semblent donc avoir été traités dans ce processus comme le sont les mots d'une proposition qu'on veut transformer en rébus. Aucun avertissement n'est parvenu à la conscience de tout ce processus, à la suite duquel le nom Signorelli a été ainsi remplacé par d'autres noms. Et, à première vue, on n'entrevoit pas, entre le sujet de conversation dans lequel figurait le nom Signorelli et le sujet refoulé qui l'avait précédé immédiatement, de rapport autre que celui déterminé par la similitude de syllabes (ou plutôt de suites de lettres) dans l'un et dans l'autre.
Il n'est peut-être pas inutile de noter qu'il n'existe aucune contradiction entre l'explication que nous proposons et la thèse des psychologues qui voient, dans certaines relations et dispositions, les conditions de la reproduction et de l'oubli. Nous nous bornons à affirmer que les facteurs depuis longtemps reconnus comme jouant le rôle de causes déterminantes dans l'oubli d'un nom se compliquent, dans certains cas, d'un motif supplémentaire, et nous donnons en même temps l'explication du mécanisme de la fausse réminiscence. Ces facteurs ont dû nécessairement intervenir dans notre cas, pour permettre à l'élément refoulé de s'emparer par voie d'association du nom cherché et de l'entraîner avec lui dans le refoulement. A propos d'un autre nom, présentant des conditions de reproduction plus favorables, ce fait ne se serait peut-être pas produit. Il est toutefois vraisemblable qu'un élément refoulé s'efforce toujours et dans tous les cas de se manifester au-dehors d'une manière ou d'une autre, mais ne réussit à le faire qu'en présence de conditions particulières et appropriées. Dans certains cas, le refoulement s'effectue sans trouble fonctionnel ou, ainsi que nous pouvons le dire avec raison, sans symptômes.
En résumé, les conditions nécessaires pour que se produise l'oubli d'un nom avec fausse réminiscence sont les suivantes : 1° une certaine tendance à oublier ce nom ; 2° un processus de refoulement ayant eu lieu peu de temps auparavant ; 3° la possibilité d'établir une association extérieure entre le nom en question et l'élément qui vient d'être refoulé. Il n'y a probablement pas lieu d'exagérer la valeur de cette dernière condition, car étant donné la facilité avec laquelle s'effectuent les associations, elle se trouvera remplie dans la plupart des cas. Une autre question, et plus importante, est celle de savoir si une association extérieure de ce genre constitue réellement une condition suffisante pour que l'élément refoulé empêche la reproduction du non cherché et si un lien plus intime entre les deux sujets n'est pas nécessaire à cet effet. A première vue, on est tenté de nier cette dernière nécessité et de considérer comme suffisante la rencontre purement passagère de deux éléments totalement disparates. Mais, à un examen plus approfondi on constate, dans des cas de plus en plus nombreux, que les deux éléments (l'élément refoulé et le nouveau), rattachés par une association extérieure, présentent également des rapports intimes, c'est-à-dire qu'ils se rapprochent par leurs contenus, et tel était en effet le cas dans l'exemple Signorelli.
La valeur de la conclusion que nous a fournie l'analyse de l'exemple Signorelli varie, selon que ce cas peut être considéré comme typique ou ne constitue qu'un accident isolé. Or, je crois pouvoir affirmer que l'oubli de nom avec fausse réminiscence a lieu le plus souvent de la même manière que dansle cas que nous avons décrit. Presque toutes les fois où j'ai pu observer ce phénomène sur moi-même, j'ai été à même de l'expliquer comme dans le cas signorelli, c'est-à-dire comme ayant été déterminé par le refoulement. Je puis d'ailleurs citer un autre argument à l'appui de ma manière de voir concernant le caractère typique du cas Signorelli. Je crois notamment que rien n'autorise à établir une ligne de séparation entre les cas d'oublis de noms avec fausse réminiscence et ceux où des noms de substitution incorrects ne se présentent pas. Dans certains cas, ces noms de substitution se présentent spontanément ; dans d'autres, on peut les faire surgir, grâce à un effort d'attention et, une fois surgis, ils présentent, avec l'élément refoulé et le nom cherché, les mêmes rapports que s'ils avaient surgi spontanément. Pour que le nom de substitution devienne conscient, il faut d'abord un effort d'attention et, ensuite, la présence d'une condition, en rapport avec les matériaux psychiques. Cette dernière condition doit, à mon avis, être cherchée dans la plus ou moins grande facilité avec laquelle s'établit la nécessaire association extérieure entre les deux éléments. C'est ainsi que bon nombre de cas d'oublis de noms sans fausse réminiscence se rattachent aux cas avec formation de noms de substitution, c'est-à-dire aux cas justiciables du mécanisme que nous a révélé l'exemple Signorelli. Mais je n'irai certainement pas jusqu'à affirmer que tous les cas d'oublis de noms peuvent être rangés dans cette catégorie. Il y a certainement des oublis de noms où les choses se passent d'une façon beaucoup plus simple. Aussi ne risquons-nous pas de dépasser les bornes de la prudence, en résumant la situation de la façon suivante : à côté du simple oubli d'un nom propre, il existe des cas où l'oubli est déterminé par le refoulement.
(in Petite Bibliothèque Payot, Paris, 1972, traduction de S.Jankélévitch)