lundi 3 janvier 2011

Rêve de Beuve de Commarchis





Rêve de Beuve de Commarchis

Une terrible chasse
Écoutez quelle aventure Jésus leur a donnée! Beuve gît sur son lit à Barbastre. Il a eu un songe dont il est effrayé et dans lequel il avait pris un sanglier sous Barbastre. Il avait abattu la bête qui s’était arrêtée sous lui, quand trente vautres surgirent, courant et s’élançant vers lui. Ils lui enlevèrent sa prise et il en eut de la colère. Il tira son épée et s’en alla à leur rencontre et aussitôt les tua tous, les massacra, les découpa. C’est alors que deux lions surgissent d’une forêt branchue, s’en prennent à son bras nu et en font voler l’épée.
Lorsque le duc voit cela, il en est beaucoup effrayé. Il s’étendit dans le lit, comme un baron, mais les cordes s’étaient rompues et le lit s’était renversé. Les gardes qui devaient le garder accoururent et lui demandèrent : « Sire duc, qu’avez-vous? »
— Seigneurs, dit Beuve, je saurai bien vous le conter. Où sont Girart et Gui? Faites-les chercher. Et aussi Richier, mon chambellan, dit-il. Je leur dirai mon songe, il sera alors expliqué.  »

Anonyme
Le siège de Barbastre
France   1200 Genre de texte
Chanson de geste
Notes
Beuve et ses deux fils, Girart et Guielin, sont faits prisonniers par les païens et emmenés à Barbastre, en Aragon ; mais, avec l’aide d’un neveu hostile à l’émir, ils se rendent vite maîtres de la ville où ils seront eux-mêmes assiégés par l’armée sarrasine. Après de longs mois d’affrontements, la victoire est assurée aux Français par la rescousse armée de leurs parents et du roi Louis. Girart épouse Malatrie, la fille de l’émir et s’établit à Cordoue.
Texte original Oiez quele aventure Jesu lor a doné!
Bueves gist en Barbatre, en un lit tregité,
Si a songié un songe dont il est esfreé
Que il desoz Barbatre avoit pris un sengler,
Sa venoison desfet, sor lui s’est aresté,
Quant trente viautre saillent, corant et abrivé,
Sa venoison li tolent, n’ot en lui c’aïrer.
Ill a trete l’espee, encontre aus est alez,
Ja les eüst toz morz, ocis et decopez,
Quant dui lions li saillent fors d’un bruillet ramé,
Seu pranent au bras nu, le branc en font voler.
Quant l’a veü li dus, molt en fu esfreez ;
Lors s’estandi el lit, par vertu, come ber,
Les cordes sont ronpues et li liz est versez.
Les gardes i corurent qui le doivent garder,
Et li ont demendé : « Sire dus, que avez?
– Seignor, ce a dit Bueves, bien le vos sai conter.
Ou es Girart et Gui? car les fetes mender.
Richier, mon chanberlanc, fet il, car i alez.
Si lor dirai mon songe, ja sera averé.  »

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