samedi 29 janvier 2011

Le rêve selon Jung



 Alors que Freud est plutôt inspiré par le positivisme scientifique du siècle des lumière, Jung est à la fois un scientifique et un héritier du romantisme. Il fait place à une certaine compréhension intuitive, sa psychologie est une science de l’âme en tant que réalité immatérielle et transcendante. Selon lui, dans l’histoire de l’homme, l’inconscient est antérieur à la conscience, cette dernière va peu à peu submerger l’inconscient mais ne peut le détruire, il continue d’exister. Cet inconscient n’est pas celui de Freud, il est individuel, mais aussi collectif. Il prend racine dans les temps primitifs, il n’est pas formé que du matériel refouler dans une vie. Il contient des archétypes qui sont universels. Ces archétypes, ne s’y méprenons pas, ne sont pas des images qui se transmettent d’une génération à l’autre et qui sont identique à travers l’histoire de l’homme, ce sont des poussées qui revêtissent certaines images selon la culture. Les archétypes sont en fait les composantes de l’architecture mentale innée. Ce sont des prédispositions à caractère dynamique. Ils sont au plan mental ce que sont les instincts au plan biologique. Ils restent inconscient mais envoient des signes, des images. Ils sont universaux mais leurs images sont sous la dépendance de la culture d’un individu et de sa propre histoire. Pour Freud l’inconscient des matériaux refoulés tandis que pour Jung l’inconscient est aussi mythique et universel. Les archétypes se manifestent par des images que l ‘on retrouve dans les mythes, les mythes religieux, les dessins spontanés, les arts, les délires et principalement dans les rêves.
Tandis que Freud accorde au rêve une fonction d’équilibre psychique grâce à la réalisation de désirs refoulés souvent liés à la sexualité infantile, Jung y voit plutôt une fonction de compensation. Dans le monde actuel, un monde où l’objectivité et la rigueur font figures de normes, les hommes tentent de contrôler le plus possible leurs émotions et le rêve compense cette situation en faisant place aux instincts fondamentaux, ce qui a pour effet de rétablir notre équilibre psychique. Le rêve est le langage imagé de la nature, il fait place aux éléments primitifs de notre psychisme. Malgré notre ère plutôt rationaliste et instrumentale, le psychisme humain garde des marques de son passé et de sa lente évolution. Ces marques, les archétypes, qui apparaissent surtout dans les rêves, agissent encore en nous même si historiquement, le conscient est venu submerger l’inconscient dans la vie diurne. Notons que les superstitions et d’autres signes de l’inconscient comme les actes manqués, les créations de l’imaginaire, les réactions émotionnelles qui peuvent paraître déplacées ainsi que les lapsus nous rappellent que nous ne somme pas que conscience et rationalité. Le rêve révèle le contenu de notre inconscient et il fait contrepoids à l’activité éveillée et aux lacunes de la conscience.
Selon Jung, si le rêve peut paraître incohérent ou sans sens, c’est qu’il a son propre langage, il est symbolique et porte en lui-même ses limites. Alors que pour Freud, le récit du rêve camoufle des idées latentes inconscientes, pour Jung, le récit imagé du rêve n’est pas le déguisement d’un message inconscient mais le message inconscient lui-même exprimé dans son propre langage, celui des symboles. Dans la théorie Jungienne, il n’y a pas de censure qui vient transformer les idées inconscientes qui tentent de s’actualiser par le rêve, l’inconscient s’exprime plutôt directement dans le rêve, dans son propre langage.
Dans L’homme à la découverte de son âme (Livre III : Les rêves), Jung consacre près de deux cents pages à l’étude du rêve. Comme nous le verrons, il se positionne et se questionne à plusieurs reprises face à la théorie freudienne du rêve, mais aussi par rapport aux possibilités d’études et aux techniques d’interprétation des rêves dans le cadre de l’analyse.
Jung propose d’abord de considérer le rêve, cette curieuse activité s’exerçant involontairement en nous pendant la nuit, au même titre que les autres activités psychiques : l’envisager du point de vue causal et sous l’angle de sa finalité. Du point de vue causal, on s’interroge à propos des données psychiques qui ont précédé puis influencées et causées la formation des images oniriques. On cherche d’où viennent les images du rêve grâce aux souvenirs du rêveur, aux associations qu’il peut faire entre les éléments du rêve et ses souvenirs. Cette recherche de matériaux associatifs que l’on attribut surtout à la théorie freudienne n’est pas du tout niée par Jung mais elle ne doit pas être poussée trop loin selon lui. Jung oppose à la position freudienne, qui prétend que le rêve est la réalisation d’un désir infantile refoulé à caractère sexuel, qu’il qualifie de déterministe, une façon de voir finaliste. Les matériaux associatifs aussi utilisés mais ils sont confrontés à une question : " pourquoi le rêve ? ". Jung met l’accent sur la fonction compensatrice du rêve.
Pour Jung, le rêve rectifie une situation. Il peut bien sûr avoir des compensations psychiques lointaines comme dans la réalisation d’un désir infantile non réalisé ou non réalisable, mais son objet principal est la vie consciente. Cette fonction est envisagée dans une certaine dépendance de l’inconscient envers le conscient. Les pensées et tendances que la vie consciente ne met pas en valeur dans la vie diurne entrent en action pendant le sommeil, alors que les processus conscients font (presque) relâche. Certaines situations diurnes insatisfaisantes peuvent créer des événements psychiques ne pouvant s’actualiser pendant l’éveil à cause d’un refoulement et le rêve compense et rectifie cette situation. Le rêve a pour Jung une fonction plus large que celle de la réalisation d’un désir ou de protection du sommeil comme dans la théorie freudienne. Les compensations sont innombrables comme nous l’avons vu au sujet des archétypes en rapport avec le mode de vie moderne.
Outre la fonction compensatrice du rêve, Jung distingue la fonction prospective du rêve. Il s’agit d’une anticipation d’activité diurne à venir faite par l’inconscient. C’est une préparation, une simulation, une ébauche de la future activité qui perturbe (consciemment ou pas) une personne. Parfois le contenu d’un tel rêve, parce qu’il s’agit du même coup d’un type de rêve, présente une solution à la perturbation ou conflit. Freud aurait probablement pu rétorquer ici que si un événement à venir provoque un conflit psychique, c’est probablement parce qu’il fait renaître inconsciemment des bribes d’un passé non résolut. Si le rêve cherchait à résoudre un conflit, ce ne serait peut-être pas par anticipation mais bien en remplacement d’un souvenir inconscient, marquant et douloureux. La notion de " souvenir écran ", le fait de retrouver un souvenir en remplacement d’un autre plus élémentaire et précoce, pourrait ici être remplacer par une nouvelle notion d’" événement écran ". Pour cela toutefois, il faudrait que le conflit provoqué par l’événement anticipé soit considéré comme " exagéré " et perçu comme l’anticipation de la répétition d’un événement passé. Notons que ce ne sont ici que des hypothèses personnelles. Revenons donc à Jung, selon lui, la fonction compensatrice du rêve servirait à l’équilibre psychique des individus relativement stables à un moment de leur vie tandis que la fonction prospective entrerait plutôt en jeu lorsqu’une personne est en proie à des conflits psychiques passablement importants et que sa conduite est ressentie comme inadaptée.
Il existe aussi, selon Jung, un type de rêve dit " réducteur " mis en lumière par les recherches de Freud. Contrairement à ce que l’on peut croire, Jung ne nie pas l’existence d’une fonction du rêve à travers laquelle le rêve actualise des désirs sexuels infantiles refoulés. Il affirme que cette fonction existe vraiment, mais que Freud " réduit " le rêve en ne considérant que cette fonction. En considérant que la théorie freudienne ne tient compte du rêve que comme la réalisation d’un désir, le but de l’interprétation étant de faire ressortir le matériel inconscient personnel infantile sexuel refoulé, Jung estime que la théorie freudienne est doctrinaire et ne peu rendre compte de la richesse et de la profondeur du psychisme. Remarquons qu’il réduit lui-même un peu la théorie freudienne en la considérant ainsi mais c’est que pour lui, le matériel inconscient et les interprétations oniriques sont variés. Il attire l’attention sur les éléments archaïques de l’inconscient, c’est-à-dire des survivances primitives, phylogénétiques et collectives ainsi que sur le rêve en tant que représentation symbolique d’une situation ponctuelle de l’inconscient d’une personne.
Le symbolisme du rêve est considéré très différemment si l’on étudie le rêve du point de vue causale (freudien) ou du côté final (jungien). Le " déterminisme " freudien, comme Jung se plaît à nommer le point de vue de Freud sur le rêve, postule l’existence d’une cause générale des rêves : des désirs toujours assez simples et élémentaires qui cherchent à s’actualiser oniriquement. Ces désirs prendraient divers déguisements grâce à l’existence d’une censure, d’où la distinction entre les idées oniriques latentes et le rêve manifeste. C’est dans cette optique que sont généralement considérés les images oniriques d’objets longs comme des symboles phalliques et celles d’objets creux comme symboles féminins. " Le point de vue finaliste, au contraire, voit dans les variations des images oniriques le reflet de situations psychologiques infiniment variées. Il ne connaît pas pour les symboles de significations figées ; pour lui, les images oniriques sont importantes en elles-mêmes, car c’est en elles-mêmes qu’elles portent la signification " (Jung, L’homme à la découverte de son âme, p.203). Les images oniriques sont en quelque sorte des paraboles, elles ne dissimulent rien, elles représentent. Les rêves s’expriment ainsi selon Jung et non pas de façon déguisée.
Pour reprendre un exemple de Jung, une personne fait un rêve et l’un des éléments du rêve est une locomotive. Pour Jung, cette locomotive dans le rêve est vraiment une locomotive, elle n’est pas une façade cachant une signification secrète et inquiétante. L’image de la locomotive porte en elle sa signification, il s’agit simplement de demander au rêveur ce qu’une locomotive évoque pour lui, qu’est ce que c’est pour lui, qu’est ce qu’il en pense et qu’est ce que ca lui rappel.
L’utilisation de symbole fixes mène, selon Jung, à une routinisation de l’analyse onirique et à une dogmatisation dangereuse. Il considère plutôt les symboles sous l’angle de la relativité et en fonction d’une situation consciente ponctuelle. D’ailleurs, il préfère l’idée qu’un symbole soit insaisissable plutôt que de s’appuyer sur des conventions de signes. La signification des symboles doit être recherchée en rapport avec la situation consciente de l’analysant : rechercher ce que ces images signifient pour lui, en renonçant à tout savoir préalable
Jung insiste sur la genèse essentiellement subjective des images oniriques. Selon lui, il est doctrinaire d’attribuer à une forme une signification. En considérant ainsi certains symboles, Jung redoute que l’analyste cherche à inculquer à l’analysant (la personne en analyse) sa propre compréhension d’un rêve. Si le psychanalyste cherche (consciemment ou non) à convaincre l’analysant de quelque chose parce qu’il considère qu’il existe certaines vérités fondamentales dans le rêve, cela ne peut qu’être néfaste pour l’analysant selon Jung puisque la compréhension est éminemment subjective et que c’est celle de l’analysant qui est importante. Une telle attitude ou toute autre interprétation unilatérale de l’analyste basée sur une théorie serait donc caduque puisqu’elle reposerait sur la suggestion, méthode opérante qu’à court terme. Pour Jung, il ne faut pas restreindre à l’avance le sens des rêves, ils peuvent réaliser des désirs refoulés, certes, mais aussi des vœux ou des appréhensions. La seule hypothèse que doit soutenir l’analyste est que le rêve peut donner accès à des données essentielles autrement inaccessibles à la consciente de l’analysant. Ces données ne doivent toutefois pas être préétablies par l’analyste.
En présence d’un rêve, Jung ne cherche pas, d’abord, à le comprendre ou à l’interpréter mais à en établir le contexte. Il ne demande pas à ses patients de " libre associer " véritablement mais plutôt d’associer, certes sans contraintes, mais autour du rêve, en ne s’en éloignant pas trop. Les associations libres révèlent les complexes du patient, certes, mais non le sens du rêve. Pour Jung, le concept de " rêve manifeste " ou de " façade du rêve " instauré par Freud, n’est que la projection d’une incompréhension apparente du rêve. C’est une fois le contexte de chaque image onirique trouvé qu’il est possible de penser à une interprétation. Pour Jung, chaque interprétation onirique sous-entend la question suivante : quelle attitude consciente est compensée par le rêve. Il s’agit d’ailleurs de sa principale règle technique de l’analyse des rêves. La fonction compensatrice du rêve est fondamentale pour lui. Les rapports entre le conscient et l’inconscient sont de nature compensatrice et c’est pourquoi il est indispensable d’avoir une connaissance exacte de la situation consciente qui correspond au rêve avant de penser à une interprétation qui sera en fait une " assimilation au conscient, aussi poussée que possible, des contenus inconscients " (Jung, p.259).
Pour Jung, la méthode de la libre association élaborée par Freud est très utile mais restreint le sens du rêve inutilement : on aboutit immanquablement à un complexe, peu importe le point de départ de la chaîne associative. On peut utiliser pour à cet effet un mot arbitrairement choisi, une page de dictionnaire ou un jeu de carte selon Jung, expériences à l’appui. Les associations doivent être limitées à la périphérie du rêve. Seuls les éléments servant à former le contexte doivent être retenus si l’on veut interpréter le rêve lui-même et non pas le complexe émanent d’associations qui peuvent s’étendre à l’infini et qui rendent le rêve incompréhensible. Les associations doivent donc se limiter à découvrir ce que chaque élément du rêve signifie pour le rêveur.
À titre indicatif, Jung procède de la façon suivante pour analyser un rêve: Il divise une page en trois colonnes. Dans la première, il inscrit le récit du rêve. Dans la deuxième, la plus large, il inscrit le contexte alimenté par les associations du rêveur, c’est à dire ce que signifient les images oniriques pour lui et les liens qu’il peut faire avec sa vie consciente. Dans la troisième, une fois le contexte établi, il note les hypothèses de conclusions qu’il peut établir en tenant compte des liens entre les divers éléments.

Le rêve selon Freud



Freud raconte dans son autobiographie Ma vie et la psychanalyse que dès l’instant où la liberté des associations fut la règle, les malades se mirent spontanément à faire des liens avec leurs rêves de sorte qu’il fut conduit à traiter les rêves comme les autres symptômes évoqués dans le discours. C’est aussi à partir de la mort de son père que Freud commence à s’intéresser à ses propres rêves dans son auto-analyse. En 1900, Freud publie L’interprétation des rêves où tous les éléments essentiels de la théorie psychanalytique se retrouvent : réalité psychique, l’inconscient, le fantasme, la sexualité infantile et le complexe d’œdipe.
Dans L’interprétation des rêves, Freud veut faire une science des rêves, science qui n’est pas lié à la vie organique mais à la vie psychique du rêveur et qui, bien entendu, puisqu’elle une prétention scientifique, ne peut pas faire intervenir des forces surnaturelles, magiques ou religieuses en fin d’explication. Son entreprise est éminemment rationnelle : "  Puise un jour l’intellect – l’esprit scientifique, la raison – accédé à la dictature dans la vie psychique des humains ! Tel est notre vœu le plus ardent " (7e conférence, in Nouvelles Conférences, 1932, tiré de Collectif, p.39). " Freud a toujours considéré son livre, l’Interprétation des rêves (Traumdeutung), […], comme la " pierre angulaire " de l’édifice psychanalytique " (Collectif, p.38). Par exemple, dans Cinq leçons de psychanalyse, p.36, Freud écrit ceci : " J’avoue m’être demandé si, au lieu de vous donner à grands traits une vue d’ensemble de la psychanalyse, je n’aurais pas mieux fait de vous exposer en détail l’interprétation des rêves. Un motif personnel et d’apparence secondaire m’en a détourné. Il m’a paru déplacé de me présenter comme un déchiffreur de songe avant que vous ne sachiez l’importance de cet art dérisoire et suranné. L’interprétation des rêves est, en réalité, la voie royale de la connaissance de l’inconscient, la base la plus sûr de nos recherches, et c’est l’étude des rêves, plus qu’aucune autre, qui vous convaincra de la valeur de la psychanalyse et vous formera à sa pratique. Quand on me demande comment on peut devenir psychanalyste, je réponds : par l’étude de ses propres rêves ".
Pour Freud le rêve est source de connaissance de soi. Il est la voie royale de la connaissance de l’inconscient. Mais qu’est ce que l’inconscient ? Pour bien comprendre nous nous servirons de la première topique de Freud, c’est-à-dire, de sa première conceptualisation de l’appareil psychique. Le but de l’appareil psychique est alors de réguler et de diminuer les tensions auxquels il est confronté par l’expérience de vie d’abord puis par les souvenirs et sentiments. Freud suppose deux systèmes indépendants, soit le préconscient/conscient et l’inconscient. Le conscient est ce dont nous avons conscience, c’est la partie du psychisme qui permet l’apprentissage, le jugement et il prend la réalité en considération. Le préconscient contient quant à lui des pensées ou des expériences que nous n’avons pas à la conscience mais qui sont accessibles et deviennent conscient au besoin. L’inconscient est quant à lui le siège des pulsions primaires et sexuelles, des désirs inavoués parce qu’inacceptables socialement et des sentiments et souvenirs refoulés parce que trop pénibles. Le refoulement est le processus par lequel un souvenir ou une pensée passe du préconscient à l’inconscient. Ce souvenir devient inaccessible à cause de la censure qui existe entre le préconscient/conscient et l’inconscient. C’est cette censure qui deviendrait plus perméable pendant le sommeil et qui permettrait l’actualisation de certains souvenirs et désirs.
Pour Freud, le sommeil est un état où le dormeur ne veut rien savoir du monde extérieur et si le rêve existe, c’est qu’il a une fonction. C’est le moment où le psychisme se retire dans son monde et où il tente de réaliser un désir, un désir qui était refoulé et donc, la plupart du temps, incompatible avec les idées éveillées du rêveur. Pour Freud, le rêve est le gardien du sommeil, c’est le rêve qui nous permet de rester endormis puisqu’en réalisant les désirs, il supprime le psychisme de ses excitations.
Notons que la réalisation du désir est déguisée. Le désir inconscient et consciemment indésirable qui cherche à s’actualiser dans le rêve passe par la censure et subit des transformations dans son passage par la censure pour prendre forme dans le récit du rêve qui est accessible à la conscience. C’est à cause de ses transformations que le rêve paraît absurde à première vue. Freud distingue d’ailleurs le contenu manifeste du rêve des idées oniriques latentes. Le contenu manifeste du rêve est le rêve tel qui nous apparaît, il est le récit imagé plus ou moins ordonné ou compréhensible au premier regard. Les idées oniriques latentes est le message de l’inconscient. Pour le découvrir et se persuader de leur existence, il faut utiliser la technique d’interprétation des rêves élaborée par Freud. Il suffit de prendre chacun des éléments du rêve et de chercher à quoi ils nous font penser. D’associations en associations à partir des éléments du rêve des liens surgirons et nous pourront remonter au désir. Le désir remonte parfois à la petite enfance mais peut se trouver réactualiser en désir plus récent. On parle alors de souvenir écran puisque le désir retrouvé en cache un autre. Dans une lettre adressée à Wilheim Fliess, datée du 12 juin 1900, il considère que c’est en 1895, par l’analyse du rêve d’une des ses ancienne patiente, " l’injection faite à Irma ", qu’il a compris le mystère du rêve, c’est-à-dire que tout rêve est la réalisation d’un désir. Les cauchemars ne contredisent pas cette théorie puisque le désir qui tente de se réaliser appartient à l’inconscient. Ce n’est donc pas nécessairement un désir agréable puisqu’il a été refoulé à un moment. Sa réactualisation dans le rêve peut provoquer de l’effroi à cause d’une ratée de la censure.
Pour transformer le désir inconscient en son expression onirique, la censure utilise deux principaux processus : la condensation et le déplacement. La condensation est l’association de plusieurs éléments inconscients en un seul élément de rêve. Un seul élément peut-être la concentration de plusieurs significations ou idées, parfois même contradictoires entre elles. Le déplacement se produit quand un élément inconscient se déguise en un autre (l’élément du rêve) à cause de certaines similitudes (physiques, d’écriture, causales, etc.) comme dans une métaphore. Il arrive aussi qu’un élément inconscient se déguise en son contraire dans le rêve. Ces éléments inconscients peuvent être des restes diurnes, c’est–à-dire les résidus inconscients des journées précédantes (pensées, sentiments, etc.) ou des traces mnésiques, c’est-à-dire des marques de son passé infantile, des souvenirs marquants et importants au moment où ils ont étés vécus. Les éléments du rêve peuvent aussi prendre source dans des expériences somatiques provoquées par des stimulations physiques internes (maux, douleurs, etc.) ou externes (chaleur, senteur, sons, etc.).
Enfin, pour Freud, le rêve n’a un sens que pour son rêveur et est produit par son propre inconscient individuel, lié à son histoire infantile et moins lointaine. Il n’est donc pas question d’attribuer un sens à un rêve de quelqu’un d’autre que soi sauf peut-être pour le psychanalyste qui entend les associations de l'analysant. Un même rêve chez deux personnes aura des significations différentes. Toutefois, " pour représenter symboliquement la castration, le rêve emploie […] la coupe des cheveux, la perte d’une dent [...]. Un grand nombre d’animaux (souris, poisson, serpent) servent aussi ordinairement à symboliser les organes génitaux (Freud, Interprétation des rêves, p. 296-307). Freud ne se réfère pas à des clefs de songes qui identifieraient des significations univoques à des images oniriques mais en ce qui concerne certains symboles, il semble leur attribuer d’ambler, grâce à son expérience, une connotation sexuelle. Notons que l’inconscient, qui cherche s’exprimer dans les rêves, cherche aussi à s’exprimer dans les actes manqués et les lapsus ainsi que dans les symptômes névrotiques.

Freud et le rêve



Nous sommes au coeur de la psychanalyse, l'interprétation des rêves est la voie royale qui mène à la connaissance de l'inconscient.' La théorie du rêve à servit de point de départ à la théorie des névroses puisque Freud a assimilé des productions oniriques aux productions névrotiques. Il a montré son intérêt pour les rêves dès le début de sa recherche, dès sa jeunesse il a noté tous ses rêves, dans sa correspondance à Fliess et à Jung. C'est l'étude des rêves qui a provoqué la rupture avec Jung.
I. La différenciation entre le contenu manifeste et le contenu latent
C'est l'apport essentiel de Freud à la théorie du rêve. La vie psychique se modifie au moment du sommeil et elle va fonctionner selon d'autres mécanismes. Le rêve nous arrive avec des caractères d'étrangeté et d'illogisme. Dans un premier temps, c'est ce caractère d'étrangeté qui nous permet de différencier le contenu manifeste et le contenu latent.
1. Le contenu manifeste
Freud : 'Le contenu manifeste désigne le rêve avant qu'il soit soumis à l'investigation analytique tel qu'il apparaît au rêveur qui en fait le récit, par extension on parlera du contenu manifeste de toute production verbalisée du fantasme à l'oeuvre littéraire qu'on se propose d'interpréter selon la méthode analytique.' C'est le rêve tel qu'il se présente, à l'état brut. C'est déjà différent du récit que l'on fait qui est lui-même une interprétation. Ce contenu manifeste a subit un long travail de déguisement qui est appelé le travail du rêve, pour accéder à la signification il faudra identifier le déguisement.
2. Le contenu latent
C'est l'ensemble des significations auxquelles aboutit l'analyse d'une production de l'inconscient, c'est le rêve déchiffré et le contenu latent n'apparaît plus comme un récit en images mais comme une organisation de pensées exprimant un ou plusieurs désirs. Il n'apparaît jamais tel quel à la conscience mais plutôt il se dévoile au fur et à mesure du travail d'interprétation.
Plus le contenu latent est déguisé plus il est loin du contenu manifeste, psychologiquement plus il y a refoulement plus la compréhension consciente est difficile. L'importance du décalage entre les deux contenus renseigne le thérapeute sur l'importance du travail à faire avec l'inconscient. Pour accéder au contenu latent, Freud a mis au point sa technique de libre association, premièrement on réduit le contenu manifeste en séquences constitutives du scénario, deuxièmement on demande au sujet d'associer sur chacune de ses séquences, troisièmement les fils d'association s'entrelacent et aboutissent à une trame de pensées et le rêve latent apparaît progressivement.
La technique psychanalytique consiste à tirer à la conscience les idées latentes à partir du contenu manifeste. C'est ce que Freud a appelé le travail d'interprétation.
II. Le dynamisme du rêve
Nous venons de voir que Freud soutient que le rêve manifeste a un sens latent que peut découvrir le travail psychanalytique et pour découvrir cela Freud va poser une deuxième hypothèse : 'tout rêve après complète analyse se révèle comme la réalisation d'un désir.' Pour justifier cela, il va d'abord prendre des rêves simples comme ceux des enfants c'est-à-dire ceux dont la réalisation du désir se manifeste sans déguisement. Par exemple, un rêve de sa fille âgée de 19 mois qui un matin a des vomissements, elle est mise à la diète pour toute la journée. Dans la nuit suivante, Freud l'entend crier au milieu de son sommeil agité et dans son rêve : 'Anna Freud, fraise, grosse fraise, flan, bouillie.' Interprétation : elle emploie son nom pour exprimer la prise de possession, elle énonce un menu qui comprend tout ce qu'elle aime, le rêve apparaît comme une revanche sur la diète imposée donc il est la réalisation d'un désir insatisfait pendant la veille. Les rêves des enfants appartiennent souvent à cette catégorie qui est celle de réalisation simple de désirs non satisfaits pendant la veille. A partir de l'étude de ces rêves d'enfants, il va tirer toute une série de conclusions :
- Le rêve enfantin compréhensible sans analyse est toujours une réaction à un événement de la veille. Il a un sens compréhensible immédiatement.
- Le rêve enfantin est la réalisation directe non voilée, non déguisée d'un désir non satisfait la veille.
Le rêve apparaît comme un compromis entre le désir et le besoin de dormir. La tendance à dormir est perturbée par le désir qui va exiger satisfaction. Le rêve permet la satisfaction du désir et il va écarter l'excitation perturbatrice qui aurait réveillé le dormeur. Le rêve sauvegarde le sommeil. 'Le rêve est le gardien du sommeil non son ennemi.'
Certains rêves d'adultes appartiennent à cette catégorie, ce sont les rêves provoqués par des besoins vitaux, la faim, la soif et les besoins sexuels. Par exemple, le rêve de banquets plantureux de personnes au régime ; ou les défilés érotiques de prisonniers. Ce ne sont pas la majorité.
La plupart des rêves se présentent déguisés, embrouillés et bizarres. La première hypothèse de Freud va se compliquer et devenir, le rêve est un compromis. Tout en dormant, on satisfait le désir et en satisfaisant le désir on peut continuer à dormir. Le désir est satisfait à un niveau symbolique ou encore fantasmatique. Par l'hypothèse de la censure, il va expliquer la déformation des rêves. La censure désigne une force qui exerce une action inhibitrice à l'égard de certaines tendances qu'elle reposse dans l'inconscient. Au niveau du rêve, on peut repérer cette action sur deux niveaux, des déformations systématiques qui empêche la compréhension, des résistances à l'analyse. Plus la censure est forte plus le rêve est déformé donc plus il est difficile à comprendre et plus difficile est l'intégration du contenu au conscient. La censure tient la place essentielle dans la conception freudienne du rêve. Le rêve n'apparaît plus simplement comme un compromis entre le désir de dormir et le désir perturbateur mais il résulte de l'interférence des trois forces, le désir de dormir, un désir plus ou moins choquant consciemment inhibé et la force de la censure. Le désir choquant ne franchi pas le barrage de la censure et pour se manifester et en même temps laisser le sujet dormir il va exister par des effets indirects et une nouvelle formule exprime la structure du rêve : 'Le rêve est la réalisation déguisée d'un désir refoulé.'
III. les mécanismes d'élaboration du rêve
Le travestissement du rêve est l'effet d'un travil aux mécanismes complexes : la condensation, le déplacement, la figuration, la symbolisation et l'élaboration secondaire.
La condensation : Laplanche et Pontalis : C'est le processus psychique inconscient par lequel des idées et des sentiments d'une personne se trouvent confondus et traduits d'une manière abrégée. Dans le rêve, cette condensation correspond à l'amalgame de plusieurs images en un composé méconnaissable. C'est la condensation qui explique que le contenu manifeste est toujours court par rapport au contenu latent. Le rêve manifeste apparaît comme un extrait incondensé. Freud fait l'analogie avec un portrait composite qui regrouperait en une seule personne les yeux d'une autre, l'habit d'une troisième, de là se composent des êtres étranges pas totalement inconnus mais en réalité c'est un amalgame de plusieurs êtres connus. Au niveau sémantique, la condensation est extrêmement riche puisqu'un seul contenu manifeste peut renvoyer à des quantités d'idées latentes.
Le déplacement : c'est le déplacement de l'affect ou de l'investissement libidinal. Par exemple, l'homme aux loups qui ne pleure pas à la mort de sa soeur mais qui éclate en sanglots sur la tombe de Pouchkine (poète romancier russe). Le rapport entre l'objet réel et l'objet substitutif est le plus souvent symbolique. Le résultat du déplacement est qu'il va apparaître au premier plan du rêve ce qui joue un rôle secondaire dans le contenu latent. Plus la censure est importante plus le déplacement est important.
La dramatisation, la figuration : la plupart des rêves se présentent comme une scène. Le travail de figuration sera de convertir des pensées en un scénario. Cela implique d'exprimer des idées par des images visuelles et de traduire des relations logiques existants entre ces individus. En ce qui concerne la figuration, le sujet apparaît rarement dans les rêve du fait de la censure. Mais la censure va déjouer le processus d'identification dans l'apparition masquée de la personne du rêveur. Cette apparition permet de savoir quelle est la partir psychique du sujet concernée par le rêve. Par exemple, si le héros est un enfant, c'est une partir de lui qui est en train de grandir, partie qui n'a pas encore la majorité adulte. Si c'est un vieillard, idée de fatigue ou de sagesse. Si malade -> propre déficience. Le rapport logique s'exprime par la simultanéité, c'est-à-dire que chaque fois qu'un rêve rapproche deux éléments, il y a un rapport de sens entre les deux. Le deuxième dépend du premier rêve. Ceci est valable pour les deux portions de rêves qui s'enchaînent dont le contenu manifeste est tellement différent qu'on a l'impression qu'il s'agit de deux rêves différents. Les portions de rêves qui s'enchaînent ont toujours entre elles un lien causal.
La symbolisation : le symbole est un mode de représentation indirect ou figuré d'une idée ou d'un contenu psychique. En psychanalyse, on considère comme symbolique toute représentation substitutive et en particulier tout symptôme pathologique est l'expression symbolique d'un désir. Ce mode de représentation se distingue par la contenance du rapport entree le symbolisant et le symbolisé inconscient. Une telle constance se retrouve non seulement chez le même individu tout au long de sa vie mais encore d'un individu à l'autre et également dans les domaines les plus divers et en particulier les mythes, les religions et le folklore. On le retrouve également dans les airs culturels les plus éloignés les uns des autres. On emploie le terme symbolique dans le rêve pour désigner la relation qui  uni contenu manifeste - contenu latent. Dès l'instant où l'on reconnaît à un contenu psychiquee au moins deux significations dont l'une se substitue à l'autre on peut qualifier leurs relations de symbolique. Ce langage symbolique échappe à la conscience individuelle. C'est un moyen d'expression à la disposition de tous au-delà des cultures et des langages. Le champ du symbole freudien est relativement limité et essentiellement sexualisé. C'est à Jung que l'on reconnaît le mérite d'avoir approfondi l'expression symbolique.
L'elaboration secondaire : Freud : c'est le processus par lequel l'esprit du rêveur introduit ses productions oniriques logiques plus ou moins artificielles. Ce remaniement du rêve est destiné à le présenter sous la forme d'un scénario cohérent et compréhensible. Ce travail peut être résumé de la manière suivante, une trame de pensées assemblées pendant le jour ne parvient pas à la réalisation, elle va donc conserver un certain pouvoir d'actions dans l'inconscient et menacer de troubler le sommeil pendant la nuit. Au cours de la nuit, ces pensées réussissent à se relier à des désirs refoulés dans la nuit passée. Grâce à la force fournie par ce soutien inconscient, les pensées diverses peuvent redevenir actives et surgir dans la conscience sous la forme déguisée du rêve. Deux faits se produisent, les pensées ont subit une transformation, un déguisement, des pensées ont réussi à investir la conscience grâce à ce déguisement et une partie de l'inconscient a pu surgir dans le conscient.
Conclusion : ce qui semble original est quele rêve freudien est un signe de la pensée, il exprime psychiquement la pensée. C'est un langage psychique naturel que chacun d'entre nous possédons. Langage indirect, symbolique, censuré, déformé dont l'interprétation est souvent difficile. La compréhension d'un rêve exige avant tout une attitude ouverte de renoncement à toute critique, tout préjugé, tout parti pris intellectuel ou affectif. Certains rêves ne trouvent leur sens que dans une série de plusieurs semainees ou plusieurs mois. Il faut parfois être capable d'interrompre puis de reprendre le travail d'interprétation mais c'est effectivement une voie royale qui nous fait accéder naturellement à la confrontation à l'inconscient, à ses contenus, ses mécanismes. En dehors des productions pathologiques et des activités créatrices nous avons peu de moyens pour accéder aux matériaux de l'inconscient.

Extrait du cours de Mme M-C Brunet