lundi 31 janvier 2011

Sigmund Freud - La signification occulte des rêves

 

 



Sigmund Freud - La signification occulte des rêves


Que les problèmes posés par la vie onirique se succèdent à perte de vue ne surprendra que celui qui oublie précisément que tous les problèmes de la vie psychique reviennent aussi sous la forme du rêve, accrus de quelques autres qui relèvent de la nature particulière des rêves. Bien des choses que nous étudions sous le rapport du rêve - parce que c’est là qu’elles se révèlent à nous - n’ont pourtant rien - ou peu - à faire avec la spécificité psychique du rêve.
C’est ainsi que, par exemple, la symbolique n’est pas un problème du rêve mais un thème de notre pensée archaïque - de notre " langue fondamentale ", pour reprendre l’excellente formule du paranoïaque Schreber - et elle domine le mythe et le rituel religieux tout autant que le rêve ; c’est à peine s’il reste à la symbolique du rêve la caractéristique de voiler essentiellement le matériel qui a une signification sexuelle ! Le rêve d’angoisse non plus ne doit pas attendre son élucidation de la théorie des rêves, l’angoisse est bien plutôt un problème concernant les névroses, et il ne reste plus qu’à examiner comment l’angoisse peut naître dans les conditions de l’activité onirique.
Je pense qu’il n’en va pas autrement du rapport du rêve avec les prétendues réalités du monde occulte. Mais comme le rêve lui-même a toujours été quelque chose de mystérieux, on l’a étroitement associé à ces autres mystères inexpliqués. Historiquement, il pouvait certes y prétendre à juste titre car, dans les temps originels, lorsque notre mythologie se formait, les images du rêve ont pu avoir leur part dans la genèse des représentations de l’âme.
Il y aurait deux catégories de rêves qui sont à mettre au nombre des phénomènes occultes : les rêves prophétiques et les rêves télépathiques. En faveur de ces deux catégories plaide une masse incommensurable de témoignages, et contre elles l’aversion tenace, le préjugé de la science, si l’on veut.
Qu’il y ait des rêves prophétiques, en ce sens que leur contenu représente quelque mise en forme de l’avenir, cela ne fait pas l’ombre d’un doute ; il reste seulement à se demander si ces prédictions vont coïncider de manière significative avec ce qui se produira effectivement par la suite. J’avoue qu’en l’espèce mon parti pris d’objectivité m’abandonne. qu’un travail psychique quelconque autre qu’un calcul perspicace soit en mesure de prévoir dans le détail le cours des événements à venir, voilà qui, d’une part, contredit trop toutes les espérances et tous les points de vue de la science et qui, d’autre part, correspond trop fidèlement à des désirs ancestraux et bien connus de l’humanité que la critique se doit de rejeter comme autant de prétentions injustifiées.
Je veux donc dire par là que, si l’on met en regard les récits le plus souvent précaires, naïfs et peu crédibles, les illusions mnésiques toujours possibles facilitées par l’affectivité et les quelques heureux hasards qui se présentent nécessairement, on peut s’attendre à ce que le fantôme des rêves prophétiques s’anéantisse. Personnellement, je n’ai jamais fait l’expérience ni entendu parler de quoi que ce soit qui puisse susciter un jugement plus favorable.
Il en est autrement des rêves télépathiques. Ici cependant, remarquons avant toute chose que nul n’a encore prétendu que le phénomène télépathique - l’enregistrement d’un processus psychique chez une personne par une autre par une voie différente de celle de la perception sensorielle - était exclusivement lié au rêve. La télépathie, encore une fois, n’est donc pas le problème du rêve ; nul besoin d’étudier les rêves télépathiques pour y puiser un jugement quant à son existence.
Si l’on soumet les récits ayant trait à des phénomènes télépathiques (inexactement : transfert de pensée) à la même critique que celle qui nous avait servi à nous défendre d’autres affirmations occultes, il nous reste cependant un matériel considérable que l’on ne peut négliger si aisément.
De même, dans ce domaine, on réussit bien plus à collecter observations et expériences personnelles qui viennent justifier une attitude bienveillante à l’égard du problème de la télépathie, encore qu’elles ne puissent suffire pour établir une conviction assise sur des certitudes. On se forme provisoirement l’opinion selon laquelle il se pourrait bien que la télépathie existe effectivement et qu’elle constitue le noyau de vérité de beaucoup d’autres assertions qui, sans elle, seraient incroyables.
On fait certainement bien de défendre avec obstination, en matière de télépathie comme ailleurs, toute position de scepticisme et de ne céder qu’avec réticence à la force des preuves. Je crois avoir trouvé un matériel qui échappe à la plupart des réserves par ailleurs admissibles des prophéties non accomplies de diseurs de bonne aventure professionnels. Malheureusement, seules quelques observations de ce type sont à ma disposition ; deux d’entre elles cependant m’ont laissé une forte impression. Il ne m est pas donné d’en faire part de façon assez détaillée pour qu’elles puissent agir aussi sur autrui. Je dois me borner à mettre en évidence quelques points essentiels.
Les personnes concernées s’étaient donc - en un lieu étranger et par un diseur de bonne aventure étranger qui, ce faisant, se livrait à quelque pratique probablement indifférente - entendu prédire pour une date déterminée quelque chose qui ne s’était pas vérifié. Le terme de la réalisation de la prophétie était passé depuis longtemps. Il était frappant de voir que les personnes, loin d’être railleuses ou déçues, répondaient de leur aventure avec une satisfaction non dissimulée.
Dans le contenu de la prédiction qui leur avait été faite se trouvaient des détails très précis qui paraissaient arbitraires et incompréhensibles et qui n’auraient été justement légitimés que par leur vérification. C’est ainsi, par exemple, que le chiromancien dit à une femme âgée de vingt-sept ans - mais d’apparence beaucoup plus jeune - qui avait retiré son alliance, qu’elle finirait par se marier et qu’elle aurait deux enfants à trente-deux ans. Cette femme avait quarante-trois ans lorsque, devenue gravement malade, elle me raconta ce fait dans son analyse ; elle était restée sans enfants.
A condition de connaître son histoire intime, qui était certainement restée ignorée du " Professeur " dans le hall de l’hôtel parisien, on pouvait comprendre les deux chiffres de la prophétie. Après avoir porté à son père un attachement d’une intensité peu commune, la jeune fille s’était mariée et avait alors ardemment désiré avoir des enfants pour pouvoir substituer son mari à son père. Après de longues années de déception, au seuil de la névrose, elle sollicita la prophétie qui lui promettait le destin de sa mère.
Pour cette dernière, il était exact qu’elle avait eu deux enfants, à trente-deux ans. Ainsi, ce n’est qu’avec l’aide de la psychanalyse qu’il fut possible d’interpréter dans toute leur signification les particularités de l’heureuse nouvelle qui émanait d’une source prétendument extérieure. Mais alors, on ne pouvait mieux élucider la totalité des faits précisés sans aucune équivoque que par l’hypothèse qu’un fort désir inconscient de la consultante - en réalité, le désir inconscient le plus fort de sa vie affective et le moteur de sa névrose en éclosion - s’était manifesté par un transfert direct au diseur de bonne aventure absorbé par des manipulations de diversion.
J’ai également eu l’impression, au fil des essais pratiqués dans le cercle de mes intimes, que le transfert de souvenirs à tonalité fortement affective réussit sans difficulté. Si l’on se risque à soumettre à un travail analytique les idées de la personne sur laquelle le transfert doit se porter, des concordances souvent se feront jour qui, sinon, seraient restées méconnues. Fort de plus d’une expérience, je suis enclin à tirer la conclusion que de tels transferts se réalisent particulièrement bien au moment où une représentation émerge de l’inconscient - ou bien, pour m’exprimer en termes théoriques, dès qu’elle passe du " processus primaire "au " processus secondaire ".
Malgré toute la prudence requise par la portée, la nouveauté et l’obscurité du sujet, j’ai considéré qu’il n’était plus du tout justifié de garder pour moi ces propos relatifs au problème de la télépathie. Tout ceci ne concerne le rêve que dans cette mesure s’il y a des messages télépathiques, il est indéniable qu’ils peuvent aussi atteindre le dormeur et être appréhendés par lui dans le rêve. En effet, si l’on procède par analogie avec du matériel perceptif et idéationnel autre, on ne peut non plus écarter l’idée que des messages télépathiques qui ont été enregistrés durant la journée ne soient soumis à élaboration que dans le rêve de la nuit suivante.
Il n’y aurait pas même à redire si le matériel parvenu par télépathie était, dans le rêve, altéré et transformé au même titre qu’un autre. On aimerait bien, à l’aide de la psychanalyse, augmenter ses connaissances en matière de télépathie et les assurer plus solidement.


P.-S.

Freud, S. (1925/1992). Quelques suppléments à l’interprétation des rêves. In Œuvres complètes, XVII (pp. 185-188). Paris : PUF.

Rêve et inconscient



L'inconscient est l'instance psychique découverte par Freud et nommée par lui en tant que lieu des représentations qui se sont vu refuser l'accès à la conscience, représentations refoulées qui supportent les désirs inconscients.
Sa théorie constitue l'hypothèse fondatrice de la psychanalyse.
Pour celle-ci, l'inconscient est l'organisation qui gouverne nos pensées, nos désirs, nos actes ; cette instance est porteuse d'un savoir inconscient auquel nous n'avons pas accès si ce n'est à travers ce qu'on appelle les formations de l'inconscient - rêve, lapsus, symptôme, oubli, etc. - qui signent le retour de ce qui fut refoulé et qui se manifestent en dehors de la volonté du sujet ; celui-ci se révèle donc être dirigé à son insu par un réseau articulé de représentations que la conscience ne peut reconnaître siennes.
Donc toutes ces formations sont porteuses d'un savoir mais d'un savoir énigmatique, constitué par un matériel littéral en lui-même dépourvu de signification, savoir qui ne se livre pas comme ça, et qui reste donc à déchiffrer - travail de l'analyse - et c'est cela que Freud a découvert en se prêtant à l'écoute de ses premières patientes hystériques.
Le réseau signifiant préexiste au sujet : à sa naissance, il se trouve pris déjà dans le réseau symbolique de la parenté, de l'alliance et de la nomination, ce qui fait dire à Lacan que "l'inconscient, c'est le désir de l'Autre", l'Autre étant entendu ici comme la chaîne symbolique inconsciente porteuse d'une mémoire qui excède celle du sujet et dans laquelle le sujet est pris . Lacan dira aussi : il s'agit de "l'Autre, lieu de cette mémoire que Freud a découverte sous le nom d'inconscient" (1).
Tout le monde a l'expérience de quelque chose qui lui a échappé, qu'il a commis sans le vouloir, par surprise, de l'ordre du lapsus, acte manqué, oubli, méprise, erreur.
Tous nous rêvons et nos rêves sont pour nous le plus souvent étonnants et incompréhensibles.
Et si l'on vient voir le psychanalyste c'est parce que l'on souffre de symptômes énigmatiques, le plus souvent répétitifs qui sont devenus insupportables et dont la raison ne vient pas à bout.
L'inconscient est donc ce qui surgit comme incongru dans le discours conscient, dans le discours courant que nous croyons maîtriser, ce qui fait effraction dans la parole ou les comportement sur le mode de l'énigme, ce qui se répète contrre la volonté du sujet, ce qui intrigue et questionne : Toutes ces manifestations involontaires et énigmatiques, ces "formations" de l'inconscient, toutes sont des formations langagières, de véritables "créations", de trouvailles, elles relèvent du signifiant, elles sont structurées comme un langage, elles obéissent à ce que Freud nomme le processus primaire de pensée, les mécanismes en oeuvre ici étant la condensation et le déplacement, renvoyant à la métaphore et à la métonymie.
En ce sens, l'inconscient ou plutôt ses formations, c'est ce qui s'écrit dans la parole, ou dans le comportement, mais sous la forme d'une écriture chiffrée et donc à déchiffrer.
Pourquoi ce savoir inconscient ne se livre-t-il pas tout simplement pourquoi nécessite-t-il un travail de déchiffrage ? c'est qu'il avance masqué pour tenter de déjouer la censure en rapport avec ce que nous avons du refouler pour advenir comme sujet, depuis le premier refoulement, appelé refoulement originaire, où l'enfant doit renoncer à être pur objet du désir de la mère, refoulement princeps qui sera suivi par la suite des refoulements secondaires.
L'inconscient donc, à travers ses formations, se donne à déchiffrer, à lire, il est de l'ordre de l'écrit et son écriture est de l'ordre du jeu de lettres : l'inconscient sait introduire une lettre supplémentaire ou la retirer dans une séquence ; il sait organiser des déplacements de césure et faire ainsi émerger une signification différente ; il sait jouer sur l'homophonie, sur l'orthographe différente de mots ou de séquences qui ont le même son et qui se prêtent à la dislocation selon le jeu de "lalangue", où le sujet de l'inconscient cherche à se faire entendre et les formations de l'inconscient à chiffrer le désir ; ici les mots sont traités comme des choses et valent par leur tissage et leurs connexions littérales comme dans la poésie.
Ainsi les éléments de la chaîne inconsciente, font irruption dans la langue parlée sur le mode préférentiel de la lettre, en tant que signe d'un désir interdit. Rappelons le joli lapsus du premier ministre candidat à la Présidence de la République : "je vous souhaite tous mes vieux". C'est pourquoi l'arme interprétative première de l'analyste est celle de l'équivoque signifiante, équivoque grammaticale, logique, homophonique qui permet aussi de déplacer la césure, de faire de nouveaux découpages, de faire apparaître de nouveaux sens sur fond de non-sens (rébus) ."Il est tout-à-fait clair que le symptôme se résout tout entier dans une analyse de langage, parce qu'il est lui-même structuré comme un langage, qu'il est langage dont la parole doit être délivrée" (2).
L'inconscient donc se donne à déchiffrer, à lire : Il "écrit" certes, sous la forme de ces "formations"particulières à chacun, mais ce qu'il a lu auparavant et dont ces formations représentent une sorte de déchiffrage. Dans la Lettre 52 à Fliess, Freud nous dit que dans notre organisation psychique, nous avons tout d'abord affaire aux perceptions ou impressions, sans mémoire, réel antérieur à la symbolisation et qui est la jouissance du corps; ensuite on a les signes de perception, première transcription de ces perceptions, premier nouage du symbolique et du réel, premiers chiffrages de la jouissance dont Lacan dit qu'il se fait à partir de débris langagiers, de bribes, d'alluvions, où se dépose la jouissance, c'est là que se situe la racine du symptôme : ces signes dit Freud ne sont pas susceptibles de conscience et sont articulés selon une association par simultanéité ; donc ici pas de sens, pas de contradiction et pas d'ordre dans le temps, pas de succession mais cependant un premier chiffrage de la jouissance.
Le troisième temps, celui de l'inconscient - i.e. le processus primaire, le couple condensation-déplacement - dont Lacan nous dit qu'il déchiffre cette jouissance préalablement chiffrée ; ici ce ne sont pas des associations par simultanéité qui dominent mais des associations par causalité qui implique la succession dans le temps donc une orientation et déjà une adresse qui vise un Autre : "Faire passer la jouissance à l'inconscient, c'est-à-dire à la comptabilité, c'est en effet un sacré déplacement" dit Lacan dans Radiophonie (3).
La jouissance va être ainsi transplantée du corps vers le langage, vers le terrain de la parole et du discours, c'est à ce niveau que nous retrouvons les formations de l'inconscient qui seront à déchiffrer par le travail de la psychanalyse.
Lacan dans Télévision : "Ce qu'articule comme processus primaire Freud dans l'Ict, ça c'est de moi, mais qu'on y aille et on le verra, ce n'est pas quelque chose qui se chiffre, mais qui se déchiffre. Je dis la Jouissance, elle-même" (4).
LE RÊVE
Quant au rêve, "la voie royale vers l'inconscient", rappelons la lecture révolutionnaire qu'en fit Freud : si le rêve est constitué d'images, ces images sont analogues à celles d'un rébus, ou encore analogues à celles des hyéroglyphes : il s'agit d'une écriture en images, d'une écriture chiffrée qui est à déchiffrer . Le rêve emploie lui aussi pour s'écrire la condensation et le déplacement (métaphore-métonymie) et un rêve s'analysera comme les autres formations de l'inconscient par la méthode freudienne de l'association libre qui déploiera tout un réseau signifiant.
Par ailleurs, le rêve ne comporte pas de connecteurs logiques, c'est à l'interprète de les établir, en sachant que toute assertion peut être retournée, contredite ou corrigée. La vérité comporte plusieurs versants ou encore il n'y a pas d'écriture dernière, il n'y a pas de dernier mot du rêve, même s'il y a une limite à l'interprétation de celui-ci, L'interprétation poussée suffisamment loin, va buter nous dit Freud sur ce point essentiel qu'est l'ombilic du rêve : "tout rêve, nous dit-il, a au moins un endroit où il est insondable, analogue à un ombilic où il est relié avec le non-reconnu", là, les chaînes associatives forment une pelote et n'ont plus ce caractère en réseau qui permet de déduire les pensées latentes ; la condensation y est en défaut et Lacan nous a appris à reconnaître dans cet ombilic, ce non-reconnu, ce qu'on appelle le refoulement originaire . Ce point est un stigmate du réel du sujet (Lacan parle même à ce propos du réel comme le fait d'être né de ce ventre-là, de cette mère-là et pas d'une autre, de ces parents-là et le fait d'être exclu de notre propre origine). Freud nous dit aussi que, d'un endroit plus dense de ce réseau des pensées, s'élève le désir du rêve, à proximité duquel on peut repèrer ce qu'on appelle les holophrases qui sont des sortes de phrases gelées qui peuvent employer une ou plusieurs langues étrangères et où les signifiants sont comme collés et qu'il faut séparer et "réanimer" en les découpant et en les écoutant homophoniquement : (par exemple, 300 francs = 3 enfants). Là c'est le son et non plus l'image qui est refoulé par le son, comme dans l'écriture chinoise.
Tout ceci permet de mieux entendre le bien-fondé et la justesse du titre donné par Lacan à son séminaire de 1976-1977 : l'insu-que-sait de l'une-bévue, l'une-bévue étant la traduction homophonique de Unbewusst, inconscient en allemand.
LE MOT D'ESPRIT
Le mot d'esprit lui aussi construit pour déjouer la censure est facilement accepté par celle-ci, Il opère une agréable levée du refoulement, libérant ainsi l'énergie habituellement utilisée à maintenir celui-ci, ce qui suscite entre autres le plaisir que l'on éprouve à l'écoute d'un mot d'esprit, réconciliant le sujet grammatical et le sujet du désir refoulé sans que l'un ait à chasser l'autre.
Si le rêve est écrit dans une langue privée le mot d'esprit lui est fait pour circuler entre les humains de la même paroisse et il nécessite qu'un tiers vienne l'authentifier par son rire.
Lacan dira en parlant de l'interprétation analytique : "il n'y a que la poésie qui permette l'interprétation... " mais aussi "Nous n'avons rien à dire de beau. C'est d'une autre résonance qu'il s'agit à fonder sur le mot d'esprit... Un mot d'esprit n'est pas beau ; il ne se tient que d'une équivoque." (5)
Pour Freud d'ailleurs, nous rappelle Charles Melman, "il ne s'agissait pas de se réaliser en prenant connaissance dans la cure de cet inconscient mais de renoncer à l'idée de maîtrise et de consentir à advenir comme sujets abolis, divisés par ce savoir inconscient dont nous sommes exclus" (6) et que nous pouvons approcher par le travail de déchiffrage dans la pratique d'une cure analytique : on pourrait dire aussi que le seul lieu où se manifeste ce sujet de l'inconscient, ordinairement muet "aboli", censuré, est celui des formations du dit inconscient.
Le terme inconscient est mal venu, car il pourrait faire croire qu'entre le conscient "ce que nous croyons dire" et l'inconscient "ce que nous ne savons pas que nous disons" quand nous parlons, existe un bord qui les sépare et qu'ils se trouvent répartis d'un côté et de l'autre de ce bord, - dedans, dehors - dessus-dessous, en haut-en bas, devant-derrière - alors que les manifestations de l'inconscient dans le discours effectif, "conscient", "le discours courant" (le disque courcourant) se trouvent être en continuité avec celui-ci, comme le sont l'envers et l'endroit d'une bande de Moebius, le passage de l'un à l'autre ne nécessitant aucun franchissement de bord.

Auteur : Josée Lapeyrère

dimanche 30 janvier 2011

Freud : Exemple d’interprétation d’un rêve : « le repas au saumon manqué »





  
« Vous dites toujours, déclare une spirituelle malade que le rêve est un désir réalisé. Je vais vous raconter un rêve qui est tout le contraire d’un désir réalisé. Comment  accorderez-vous cela à votre théorie? Voici le rêve :
« Je veux donner un dîner mais je n’ai pour toute provision qu’un peu de saumon fumé. Je voudrais aller faire des achats mais je me rappelle que c’est dimanche après-midi et que toutes les boutiques sont fermées Je veux téléphoner à quelques fournisseurs mais le téléphone est détraqué. Je dois donc renoncer au désir de donner un dîner. »
Ce qui vient d’abord à l’esprit de la malade n’a pu servir à interpréter le rêve. J’insiste. Au bout d’un moment comme il convient lorsqu’on a à surmonter une résistance elle me dit qu’elle a rendu visite hier à une de ses amies; elle en est fort jalouse parce que son mari en dit toujours beaucoup de bien. Fort heureusement l’amie est maigre et son mari aime les formes pleines. De quoi parlait donc cette personne maigre ? Naturellement de son désir d’engraisser. Elle lui a aussi demandé : « quand nous inviterez-vous à nouveau ? On mange toujours si bien chez vous. »
Le sens du rêve est clair maintenant. Je peux dire à ma malade : c’est exactement comme si vous lui aviez répondu mentalement : « Oui-da ! », je vais t’inviter pour que tu manges bien, que tu engraisses et que tu plaises encore plus à mon mari !  J’aimerais mieux ne plus donner de dîner de ma vie ! » Le rêve accomplit ainsi le voeu de ne point contribuer à rendre plus belle votre amie. [...] Il ne manque plus qu’une concordance qui confirmerait la solution. On ne sait encore à quoi répond le saumon fumé dans le rêve : « d’où vient que vous évoquez dans le rêve le saumon fumé ? » C’est répond-elle le plat de prédilection de mon amie. »
 
[Freud, L’interprétation des rêves, 1900, Ch 4, PUF1967,  p 133-35]

Psychanalyse : l'interprétation des rêves - Freud, Jung et Lacan



Il existe des techniques permettant de donner du sens aux rêves, et d'aider les thérapeutes à améliorer le bien-être psychologique de leurs patients.

 
 
L'interprétation des rêves est tout-à-fait individuelle et varie selon la culture, l'éducation, l'environnement, ce qui implique un suivi et une bonne connaissance pour être efficace. C'est Sigmund Freud qui en propose une première analyse, mais d'autres chercheurs, comme Carl Jung ou Jacques Lacan, émettront également leurs propres hypothèses.

La psychanalyse selon Freud

Dans un ouvrage écrit en 1899, L'Interprétation des rêves, Freud propose une nouvelle manière d'interpréter les rêves à travers le déterminisme psychique, c'est-à-dire la présence pré-existante de l'idée. Cette dernière utiliserait le rêve pour accéder à la conscience, sans être bloquée par les notions de bien ou de mal, pour faire passer l'idée en refoulant le désir, sans déclencher d'angoisse ou de culpabilité. Ainsi, le rêve serait l'expression camouflée d'un désir, possible à décrypter grâce à une méthodologie simple, qui consiste à connaître les interdits de la société agissant comme des filtres. Culture et éducation participent pleinement au camouflage du fantasme énoncé à travers un contenu latent et un contenu manifeste. Le contenu manifeste est alors le scénario du rêve tel qu'il apparaît dans le souvenir du rêveur, tandis que le contenu latent est l'ensemble des pensées refoulées, à l'origine du rêve mais dont le rêveur n'a pas conscience. Les "rêves typiques" touchent la plupart des gens et sont assez stéréotypés: tomber, être poursuivi, perdre une dent... Les enfants ont des rêves simples et non voilés, car les interdits sont peu nombreux. Pour les adultes, les rêves sont cohérents (bien que non motivés en apparence) ou incohérents et absurdes (les plus longs dans la majorité des cas). Plusieurs mécanismes servent à l'esprit pour constituer ces messages, comme la dramatisation (création d'un contexte narratif ou d'une situation), la figuration (sensations visuelles, rébus, expression imagée du désir...), la condensation (représentation par un seul élément du contenu manifeste d'une multiplicité d'éléments du contenu latent) ou l'inverse dans la dispersion, et enfin le déplacement (élément mineur du contenu manifeste qui acquiert une place centrale par le contenu latent).

La psychanalyse selon Carl Jung

Carl Jung était le disciple de Freud, et travaillait sur le dialogue entre le conscient et l'inconscient, afin d'atteindre la personnalité globale de l'individu. Selon Jung, plusieurs éléments interviennent dans la constitution de l'individu. Ainsi, chacun a une "persona", correspondant à l'image qu'on a de soi et que les autres ont de nous. Cette persona s'appuie sur le statut social, le rôle familial, les diplômes... C'est le visible de l'individu. Mais il existe une part invisible, l'ombre, qui est enfouie dans notre personnalité. La réunion de la persona et de l'ombre correspond au "processus d'individuation". Par ailleurs, Jung distingue l'inconscient individuel de l'inconscient collectif. Le premier repose sur les composantes individuelles, le second est un inconscient commun, hérité de l'évolution humaine dans son ensemble. C'est ce qui le conduit à émettre l'idée de thèmes communs, universels relevés à travers les mythes, les contes, comme la mère ou le sage... Parmi ces archétypes on trouve "l'anima" chez l'homme et "l'animus" chez la femme. L'anima serait, entre autres, la personnification de la nature féminine, qui pousse l'homme vers un certain type de femme.

La psychanalyse selon Jacques Lacan

Jacques Lacan s'appuie lui aussi fortement sur la psychanalyse freudienne pour tenter de réduire la souffrance ou régler les conflits psychiques en analysant mots, rêves et lapsus. L'idée essentielle de Lacan, autant que celle de Freud, est que ce sont les fantasmes infantiles et les événements oubliés de l'enfance qui constituent le contenu de l'inconscient. Ils seraient la cause de nos névroses. La divergence de ces deux courants repose sur la méthode d'analyse: chez Lacan les séances sont variables, chez Freud elles sont toujours identiques. L'un pense que l'inattendu est plus parlant, l'autre que c'est le fait d'avoir des repères qui permet le dialogue. Lacan introduit de nouveaux concepts en s'appuyant sur la pluridisciplinarité: la cybernétique, la théologie, l'ethnologie, la linguistique ou les mathématiques lui servent à enrichir sa réflexion. Parmi ces apports, on trouve ainsi le "stade du miroir", la première perception de moi par l'enfant devant un miroir quand un adulte lui apprend que c'est lui, ou encore celui de "l'objet a" qui expliquerait l'insatisfaction des humains devant la vie amoureuse.

Un outil à utiliser avec précautions

Mais le travail d'interprétation des rêves pose la question de la validité et des précautions à prendre: les spécialistes, dont Freud, estiment qu'il existe plusieurs moyens d'utiliser cette technique. Le premier est d'utiliser la cohérence, c'est-à-dire la meilleure interprétation maximisant la cohérence des éléments du rêve. Mais elle a un inconvénient majeur: ce qui est cohérent n'est pas systématiquement exact. Le second est l'efficacité, c'est-à-dire celle qui aide le patient à aller mieux. Mais là encore, ce n'est pas forcément la bonne, car elle n'est pas forcément l'interprétation exacte des rêves. L'interprétation des rêves dans une optique thérapeutique est donc à laisser aux spécialistes, pour une efficacité réelle..



 

Le rêve, objet énigmatique – La démonstration freudienne



J’ai lu , par
François Sirois, Québec, Presses de l’Université Laval, 2004, 241 p.

On connaît le psychanalyste François Sirois pour son ouvrage
presque encyclopédique sur les Névroses publié aux Presses de
l’Université Laval. Certains auront aussi connu son Parcours de la
musique baroque, sorte de vacance intellectuelle de la psychiatrie.
En ces temps modernes où le cinéma entre en compétition avec les
fantasmagories que comportent nos rêves et où l’électrophysiologie
semble avoir ramené le rêve au REM (phase du sommeil comportant un
sommeil léger et un relâchement musculaire et des mouvements rapides
des yeux), la question du statut du rêve n’est pas sans intérêt. Sirois y
voit une manière fondamentale de présenter le paradigme de la psychanalyse
puisque le rêve (que Freud présentait un peu comme la psychose
que chacun vit durant son sommeil) est une voie privilégiée pour
l’inconscient. L’ouvrage de Sirois se divise en deux parties. La première
porte sur « l’argument de Freud sur le rêve » et la seconde porte sur « les
questions soulevées par la position de Freud sur le rêve ».
Dans la première partie, l’ouvrage aborde le texte princeps sur le
rêve, soit L’interprétation des rêves parus en 1899. Selon Sirois, le rêve
y est présenté comme « le premier terme d’une série de formations
psychiques, d’où sa valeur théorique de paradigme. » Puis, vient une
section qui, à propos du rêve, traite de la méthode de son interprétation,
puis de son travail, puis de sa nature comme réalisation d’un désir.
Dans la deuxième partie, l’auteur aborde d’abord la conception
grecque du rêve, puis élabore autour de la nature de l’objet onirique, de
la vérité du rêve et du « démonique » qui s’y trouve.
Pour comprendre l’entreprise de l’auteur, signalons qu’il fournit en
références bibliographiques plus d’une trentaine d’ouvrages d’Aristote,
et trois de plus de textes de Freud. Les commentateurs d’Aristote y sont
aussi fréquemment cités, à commencer par Saint-Thomas. Donc, il y a
un effort d’éclaircir les concepts d’Aristote que Freud aurait cité 8 fois,
et dans la deuxième partie du livre, on traite peut-être plus d’Aristote
que de Freud. Il faut admettre qu’Aristote est sans doute le premier
philosophe occidental à considérer le rêve hors de tout contexte pour
ainsi dire mystique. L’auteur fait montre d’une érudition et d’une
maîtrise des textes d’Aristote qui font de son livre quelque chose qui
ressemble fort à une excellente thèse doctorale de philosophie. Mais, on
Santé mentale au Québec, 2006, XXXI, 1, 205-207 207
se surprend de voir tant d’attention à Aristote alors que ce dernier ne fait
pas partie du titre et que tout autre philosophe est cité expéditivement.
On sait aussi que Freud a été en contact non seulement avec les textes
d’Aristote, mais aussi avec la philosophie de son temps. De plus, la
psychanalyse a interpellé au premier plan plusieurs grands philosophes
contemporains (notamment en France Sartre, Merleau-Ponty, et
Ricoeur) et en retour, ces philosophes ont parfois jeté un regard lumineux
sur la psychanalyse.
L’entreprise de Freud, reprise systématiquement par Sirois, ressemble
dans un premier temps à une sorte de phénoménologie du rêve
(expression non employée par Sirois) pour ensuite devenir une sorte
d’énergétique du rêve qui ne se comprend que par cette « autre scène »
(expression de Freud non mentionnée par Sirois) qu’est l’inconscient.
Ce dernier, d’après Sirois au terme d’une argumentation serrée, serait
seulement « une qualité ou un état de la représentation psychique » et,
selon le langage aristotélicien, « comme un accident de la représentation
et non pas comme une substance » (p. 177).
Dans la deuxième partie, Sirois en vient entre autres à se confronter
à des contradicteurs de Freud (Politzer, MacIntyre,Wittgenstein,
Raikovic, Sartre), et à tenter de situer l’apport freudien avec l’aide
notamment d’Aristote. Avec bonheur, il cite en détail certains auteurs
évoqués par Freud, comme Artémidore avec son interprétation
linguistique du fameux rêve d’Alexandre, ou encore et surtout, de long
en large, Aristote. Tant qu’à citer aussi abondamment ce dernier
philosophe, il aurait pu donner quelques indications sur les divers
aspects du plaisir chez Aristote puisque, d’après Freud, le rêve vise la
satisfaction du désir et que cette satisfaction est principalement la source
de plaisir, et que, pour Aristote, le plaisir est, en tout cas dans le cadre
de la finalité d’un organe, l’expression éprouvée de son bon fonctionnement.
À la lecture de la deuxième partie, on a parfois le sentiment d’une
apologétique documentée de la psychanalyse qui pourrait bien être le
rêve de François Sirois qui aurait inspiré l’entreprise de cet ouvrage.
Il ne s’agit pas d’un livre destiné à aider à l’interprétation des
rêves, mais bien un ouvrage de type phénoménologique et philosophique
qui devrait bien s’insérer dans la bibliothèque de trois catégories
de lecteurs : (1) les théoriciens de la psychanalyse ;. (2) les philosophes
pour qui, dans la problématique de la psyché, la nature du rêve et de la
conscience rêveuse, est un objet de réflexion ; (3) les hellénistes, à cause
des très importantes références aux auteurs grecs, à Aristote principa-
208 Santé mentale au Québec
lement mais également à Platon et à d’autres, plus littéraires (Homère,
Sophocle, Eschyle, Euripide, Hésiode) : en effet, le texte aborde autant
les songes de Pénélope que le sens de la tragédie chez les grands
dramaturges et chez Aristote. Donc un livre fouillé, érudit à propos de
Freud et d’Aristote, qui requiert constamment l’attention du lecteur.
Hubert Wallot,
psychiatre,
professeur titulaire,
Téluq-Uqam

Découverte du sens des rêves



En 1900, Sigmund Freud publie la Traumdeutung, L'Interprétation des rêves, ou mieux, L'Interprétation du rêve ; fondateur de la psychanalyse, l'ouvrage, en explorant le rêve, fourmille de récits et d'interprétations de rêves, en particulier ceux de « l'autoanalyse » de Freud, menée après la mort de son père (octobre 1896).
Désormais sûr de sa découverte de l'inconscient, Freud découvre que les rêves racontés par ses patients au fil des associations libres de la cure le conduisent à la compréhension de leurs symptômes, de leur histoire et de leurs fantasmes. Les rêves réalisent fantasmatiquement des désirs inconscients, ignorés de celui qui rêve. L'analyse y retrouve à la fois un désir actuel et des traces toujours actives des expériences et des désirs de l'enfant que fut jadis le rêveur. L'Interprétation du rêve est la réponse argumentée de Freud à l'énigme du rêve. L'oeuvre, magistrale et touffue, montre le sens et la fécondité de cette étrange activité psychique.
En décrivant le phénomène du rêve, Freud pose et justifie sa définition du rêve comme accomplissement de désir. Mais, sauf dans les rêves des très jeunes enfants, le désir est masqué et déformé, car une censure intervient : les désirs inconscients qui tentent d'émerger se heurtent aux défenses du moi, liées aux forces psychiques qui entraînent le refoulement des désirs susceptibles de susciter du déplaisir - notamment de l'angoisse ou de la culpabilité. Le désir est parfois paradoxal, comme en témoigne le rêve d'une patiente de Freud : « Je veux donner un souper, mais je n'ai rien d'autre en réserve qu'un peu de saumon fumé. Je pense aller faire des achats, mais je me souviens que c'est dimanche après-midi, moment où tous les magasins sont fermés. Je veux alors téléphoner à quelques fournisseurs, mais le téléphone est en dérangement. Il me faut donc renoncer au souhait de donner un souper. » En fait, cette femme préfère ne plus donner de dîner plutôt que d'engraisser une de ses amies dont son mari dit beaucoup de bien...
Les « rêves typiques », souvent récurrents, adviennent à la plupart des gens, de façon stéréotypée : tomber, être poursuivi, perdre une dent, rêver de la mort de personnes que l'on aime... Leur interprétation est simple, mais pauvre. Dans la plupart des cas, au contraire, la compréhension du désir latent suppose de déconstruire les éléments du rêve manifeste : le travail du rêve procède par déplacements, par figurations symboliques (souvent à contenu sexuel), par condensations en rapprochant des contenus qui ont des points de ressemblance. Lorsque, la veille de l'enterrement de son père, Freud voit en rêve une pancarte « on est prié de fermer les yeux », il s'agit à la fois de son père qui vient de fermer définitivement les yeux et d'un appel de Freud à l'indulgence de sa famille : certains avaient désapprouvé le choix d'une cérémonie trop modeste.
Les procédés de formation du rêve sont caractéristiques de tous les phénomènes inconscients. L'étude du rêve conduit ainsi à reconnaître les processus primaires qui régissent la pensée inconsciente, à laquelle nous régressons lors des rêves, et à mieux comprendre les refoulements qui organisent notre vie psychique.

samedi 29 janvier 2011

Le rêve selon Jung



 Alors que Freud est plutôt inspiré par le positivisme scientifique du siècle des lumière, Jung est à la fois un scientifique et un héritier du romantisme. Il fait place à une certaine compréhension intuitive, sa psychologie est une science de l’âme en tant que réalité immatérielle et transcendante. Selon lui, dans l’histoire de l’homme, l’inconscient est antérieur à la conscience, cette dernière va peu à peu submerger l’inconscient mais ne peut le détruire, il continue d’exister. Cet inconscient n’est pas celui de Freud, il est individuel, mais aussi collectif. Il prend racine dans les temps primitifs, il n’est pas formé que du matériel refouler dans une vie. Il contient des archétypes qui sont universels. Ces archétypes, ne s’y méprenons pas, ne sont pas des images qui se transmettent d’une génération à l’autre et qui sont identique à travers l’histoire de l’homme, ce sont des poussées qui revêtissent certaines images selon la culture. Les archétypes sont en fait les composantes de l’architecture mentale innée. Ce sont des prédispositions à caractère dynamique. Ils sont au plan mental ce que sont les instincts au plan biologique. Ils restent inconscient mais envoient des signes, des images. Ils sont universaux mais leurs images sont sous la dépendance de la culture d’un individu et de sa propre histoire. Pour Freud l’inconscient des matériaux refoulés tandis que pour Jung l’inconscient est aussi mythique et universel. Les archétypes se manifestent par des images que l ‘on retrouve dans les mythes, les mythes religieux, les dessins spontanés, les arts, les délires et principalement dans les rêves.
Tandis que Freud accorde au rêve une fonction d’équilibre psychique grâce à la réalisation de désirs refoulés souvent liés à la sexualité infantile, Jung y voit plutôt une fonction de compensation. Dans le monde actuel, un monde où l’objectivité et la rigueur font figures de normes, les hommes tentent de contrôler le plus possible leurs émotions et le rêve compense cette situation en faisant place aux instincts fondamentaux, ce qui a pour effet de rétablir notre équilibre psychique. Le rêve est le langage imagé de la nature, il fait place aux éléments primitifs de notre psychisme. Malgré notre ère plutôt rationaliste et instrumentale, le psychisme humain garde des marques de son passé et de sa lente évolution. Ces marques, les archétypes, qui apparaissent surtout dans les rêves, agissent encore en nous même si historiquement, le conscient est venu submerger l’inconscient dans la vie diurne. Notons que les superstitions et d’autres signes de l’inconscient comme les actes manqués, les créations de l’imaginaire, les réactions émotionnelles qui peuvent paraître déplacées ainsi que les lapsus nous rappellent que nous ne somme pas que conscience et rationalité. Le rêve révèle le contenu de notre inconscient et il fait contrepoids à l’activité éveillée et aux lacunes de la conscience.
Selon Jung, si le rêve peut paraître incohérent ou sans sens, c’est qu’il a son propre langage, il est symbolique et porte en lui-même ses limites. Alors que pour Freud, le récit du rêve camoufle des idées latentes inconscientes, pour Jung, le récit imagé du rêve n’est pas le déguisement d’un message inconscient mais le message inconscient lui-même exprimé dans son propre langage, celui des symboles. Dans la théorie Jungienne, il n’y a pas de censure qui vient transformer les idées inconscientes qui tentent de s’actualiser par le rêve, l’inconscient s’exprime plutôt directement dans le rêve, dans son propre langage.
Dans L’homme à la découverte de son âme (Livre III : Les rêves), Jung consacre près de deux cents pages à l’étude du rêve. Comme nous le verrons, il se positionne et se questionne à plusieurs reprises face à la théorie freudienne du rêve, mais aussi par rapport aux possibilités d’études et aux techniques d’interprétation des rêves dans le cadre de l’analyse.
Jung propose d’abord de considérer le rêve, cette curieuse activité s’exerçant involontairement en nous pendant la nuit, au même titre que les autres activités psychiques : l’envisager du point de vue causal et sous l’angle de sa finalité. Du point de vue causal, on s’interroge à propos des données psychiques qui ont précédé puis influencées et causées la formation des images oniriques. On cherche d’où viennent les images du rêve grâce aux souvenirs du rêveur, aux associations qu’il peut faire entre les éléments du rêve et ses souvenirs. Cette recherche de matériaux associatifs que l’on attribut surtout à la théorie freudienne n’est pas du tout niée par Jung mais elle ne doit pas être poussée trop loin selon lui. Jung oppose à la position freudienne, qui prétend que le rêve est la réalisation d’un désir infantile refoulé à caractère sexuel, qu’il qualifie de déterministe, une façon de voir finaliste. Les matériaux associatifs aussi utilisés mais ils sont confrontés à une question : " pourquoi le rêve ? ". Jung met l’accent sur la fonction compensatrice du rêve.
Pour Jung, le rêve rectifie une situation. Il peut bien sûr avoir des compensations psychiques lointaines comme dans la réalisation d’un désir infantile non réalisé ou non réalisable, mais son objet principal est la vie consciente. Cette fonction est envisagée dans une certaine dépendance de l’inconscient envers le conscient. Les pensées et tendances que la vie consciente ne met pas en valeur dans la vie diurne entrent en action pendant le sommeil, alors que les processus conscients font (presque) relâche. Certaines situations diurnes insatisfaisantes peuvent créer des événements psychiques ne pouvant s’actualiser pendant l’éveil à cause d’un refoulement et le rêve compense et rectifie cette situation. Le rêve a pour Jung une fonction plus large que celle de la réalisation d’un désir ou de protection du sommeil comme dans la théorie freudienne. Les compensations sont innombrables comme nous l’avons vu au sujet des archétypes en rapport avec le mode de vie moderne.
Outre la fonction compensatrice du rêve, Jung distingue la fonction prospective du rêve. Il s’agit d’une anticipation d’activité diurne à venir faite par l’inconscient. C’est une préparation, une simulation, une ébauche de la future activité qui perturbe (consciemment ou pas) une personne. Parfois le contenu d’un tel rêve, parce qu’il s’agit du même coup d’un type de rêve, présente une solution à la perturbation ou conflit. Freud aurait probablement pu rétorquer ici que si un événement à venir provoque un conflit psychique, c’est probablement parce qu’il fait renaître inconsciemment des bribes d’un passé non résolut. Si le rêve cherchait à résoudre un conflit, ce ne serait peut-être pas par anticipation mais bien en remplacement d’un souvenir inconscient, marquant et douloureux. La notion de " souvenir écran ", le fait de retrouver un souvenir en remplacement d’un autre plus élémentaire et précoce, pourrait ici être remplacer par une nouvelle notion d’" événement écran ". Pour cela toutefois, il faudrait que le conflit provoqué par l’événement anticipé soit considéré comme " exagéré " et perçu comme l’anticipation de la répétition d’un événement passé. Notons que ce ne sont ici que des hypothèses personnelles. Revenons donc à Jung, selon lui, la fonction compensatrice du rêve servirait à l’équilibre psychique des individus relativement stables à un moment de leur vie tandis que la fonction prospective entrerait plutôt en jeu lorsqu’une personne est en proie à des conflits psychiques passablement importants et que sa conduite est ressentie comme inadaptée.
Il existe aussi, selon Jung, un type de rêve dit " réducteur " mis en lumière par les recherches de Freud. Contrairement à ce que l’on peut croire, Jung ne nie pas l’existence d’une fonction du rêve à travers laquelle le rêve actualise des désirs sexuels infantiles refoulés. Il affirme que cette fonction existe vraiment, mais que Freud " réduit " le rêve en ne considérant que cette fonction. En considérant que la théorie freudienne ne tient compte du rêve que comme la réalisation d’un désir, le but de l’interprétation étant de faire ressortir le matériel inconscient personnel infantile sexuel refoulé, Jung estime que la théorie freudienne est doctrinaire et ne peu rendre compte de la richesse et de la profondeur du psychisme. Remarquons qu’il réduit lui-même un peu la théorie freudienne en la considérant ainsi mais c’est que pour lui, le matériel inconscient et les interprétations oniriques sont variés. Il attire l’attention sur les éléments archaïques de l’inconscient, c’est-à-dire des survivances primitives, phylogénétiques et collectives ainsi que sur le rêve en tant que représentation symbolique d’une situation ponctuelle de l’inconscient d’une personne.
Le symbolisme du rêve est considéré très différemment si l’on étudie le rêve du point de vue causale (freudien) ou du côté final (jungien). Le " déterminisme " freudien, comme Jung se plaît à nommer le point de vue de Freud sur le rêve, postule l’existence d’une cause générale des rêves : des désirs toujours assez simples et élémentaires qui cherchent à s’actualiser oniriquement. Ces désirs prendraient divers déguisements grâce à l’existence d’une censure, d’où la distinction entre les idées oniriques latentes et le rêve manifeste. C’est dans cette optique que sont généralement considérés les images oniriques d’objets longs comme des symboles phalliques et celles d’objets creux comme symboles féminins. " Le point de vue finaliste, au contraire, voit dans les variations des images oniriques le reflet de situations psychologiques infiniment variées. Il ne connaît pas pour les symboles de significations figées ; pour lui, les images oniriques sont importantes en elles-mêmes, car c’est en elles-mêmes qu’elles portent la signification " (Jung, L’homme à la découverte de son âme, p.203). Les images oniriques sont en quelque sorte des paraboles, elles ne dissimulent rien, elles représentent. Les rêves s’expriment ainsi selon Jung et non pas de façon déguisée.
Pour reprendre un exemple de Jung, une personne fait un rêve et l’un des éléments du rêve est une locomotive. Pour Jung, cette locomotive dans le rêve est vraiment une locomotive, elle n’est pas une façade cachant une signification secrète et inquiétante. L’image de la locomotive porte en elle sa signification, il s’agit simplement de demander au rêveur ce qu’une locomotive évoque pour lui, qu’est ce que c’est pour lui, qu’est ce qu’il en pense et qu’est ce que ca lui rappel.
L’utilisation de symbole fixes mène, selon Jung, à une routinisation de l’analyse onirique et à une dogmatisation dangereuse. Il considère plutôt les symboles sous l’angle de la relativité et en fonction d’une situation consciente ponctuelle. D’ailleurs, il préfère l’idée qu’un symbole soit insaisissable plutôt que de s’appuyer sur des conventions de signes. La signification des symboles doit être recherchée en rapport avec la situation consciente de l’analysant : rechercher ce que ces images signifient pour lui, en renonçant à tout savoir préalable
Jung insiste sur la genèse essentiellement subjective des images oniriques. Selon lui, il est doctrinaire d’attribuer à une forme une signification. En considérant ainsi certains symboles, Jung redoute que l’analyste cherche à inculquer à l’analysant (la personne en analyse) sa propre compréhension d’un rêve. Si le psychanalyste cherche (consciemment ou non) à convaincre l’analysant de quelque chose parce qu’il considère qu’il existe certaines vérités fondamentales dans le rêve, cela ne peut qu’être néfaste pour l’analysant selon Jung puisque la compréhension est éminemment subjective et que c’est celle de l’analysant qui est importante. Une telle attitude ou toute autre interprétation unilatérale de l’analyste basée sur une théorie serait donc caduque puisqu’elle reposerait sur la suggestion, méthode opérante qu’à court terme. Pour Jung, il ne faut pas restreindre à l’avance le sens des rêves, ils peuvent réaliser des désirs refoulés, certes, mais aussi des vœux ou des appréhensions. La seule hypothèse que doit soutenir l’analyste est que le rêve peut donner accès à des données essentielles autrement inaccessibles à la consciente de l’analysant. Ces données ne doivent toutefois pas être préétablies par l’analyste.
En présence d’un rêve, Jung ne cherche pas, d’abord, à le comprendre ou à l’interpréter mais à en établir le contexte. Il ne demande pas à ses patients de " libre associer " véritablement mais plutôt d’associer, certes sans contraintes, mais autour du rêve, en ne s’en éloignant pas trop. Les associations libres révèlent les complexes du patient, certes, mais non le sens du rêve. Pour Jung, le concept de " rêve manifeste " ou de " façade du rêve " instauré par Freud, n’est que la projection d’une incompréhension apparente du rêve. C’est une fois le contexte de chaque image onirique trouvé qu’il est possible de penser à une interprétation. Pour Jung, chaque interprétation onirique sous-entend la question suivante : quelle attitude consciente est compensée par le rêve. Il s’agit d’ailleurs de sa principale règle technique de l’analyse des rêves. La fonction compensatrice du rêve est fondamentale pour lui. Les rapports entre le conscient et l’inconscient sont de nature compensatrice et c’est pourquoi il est indispensable d’avoir une connaissance exacte de la situation consciente qui correspond au rêve avant de penser à une interprétation qui sera en fait une " assimilation au conscient, aussi poussée que possible, des contenus inconscients " (Jung, p.259).
Pour Jung, la méthode de la libre association élaborée par Freud est très utile mais restreint le sens du rêve inutilement : on aboutit immanquablement à un complexe, peu importe le point de départ de la chaîne associative. On peut utiliser pour à cet effet un mot arbitrairement choisi, une page de dictionnaire ou un jeu de carte selon Jung, expériences à l’appui. Les associations doivent être limitées à la périphérie du rêve. Seuls les éléments servant à former le contexte doivent être retenus si l’on veut interpréter le rêve lui-même et non pas le complexe émanent d’associations qui peuvent s’étendre à l’infini et qui rendent le rêve incompréhensible. Les associations doivent donc se limiter à découvrir ce que chaque élément du rêve signifie pour le rêveur.
À titre indicatif, Jung procède de la façon suivante pour analyser un rêve: Il divise une page en trois colonnes. Dans la première, il inscrit le récit du rêve. Dans la deuxième, la plus large, il inscrit le contexte alimenté par les associations du rêveur, c’est à dire ce que signifient les images oniriques pour lui et les liens qu’il peut faire avec sa vie consciente. Dans la troisième, une fois le contexte établi, il note les hypothèses de conclusions qu’il peut établir en tenant compte des liens entre les divers éléments.

Le rêve selon Freud



Freud raconte dans son autobiographie Ma vie et la psychanalyse que dès l’instant où la liberté des associations fut la règle, les malades se mirent spontanément à faire des liens avec leurs rêves de sorte qu’il fut conduit à traiter les rêves comme les autres symptômes évoqués dans le discours. C’est aussi à partir de la mort de son père que Freud commence à s’intéresser à ses propres rêves dans son auto-analyse. En 1900, Freud publie L’interprétation des rêves où tous les éléments essentiels de la théorie psychanalytique se retrouvent : réalité psychique, l’inconscient, le fantasme, la sexualité infantile et le complexe d’œdipe.
Dans L’interprétation des rêves, Freud veut faire une science des rêves, science qui n’est pas lié à la vie organique mais à la vie psychique du rêveur et qui, bien entendu, puisqu’elle une prétention scientifique, ne peut pas faire intervenir des forces surnaturelles, magiques ou religieuses en fin d’explication. Son entreprise est éminemment rationnelle : "  Puise un jour l’intellect – l’esprit scientifique, la raison – accédé à la dictature dans la vie psychique des humains ! Tel est notre vœu le plus ardent " (7e conférence, in Nouvelles Conférences, 1932, tiré de Collectif, p.39). " Freud a toujours considéré son livre, l’Interprétation des rêves (Traumdeutung), […], comme la " pierre angulaire " de l’édifice psychanalytique " (Collectif, p.38). Par exemple, dans Cinq leçons de psychanalyse, p.36, Freud écrit ceci : " J’avoue m’être demandé si, au lieu de vous donner à grands traits une vue d’ensemble de la psychanalyse, je n’aurais pas mieux fait de vous exposer en détail l’interprétation des rêves. Un motif personnel et d’apparence secondaire m’en a détourné. Il m’a paru déplacé de me présenter comme un déchiffreur de songe avant que vous ne sachiez l’importance de cet art dérisoire et suranné. L’interprétation des rêves est, en réalité, la voie royale de la connaissance de l’inconscient, la base la plus sûr de nos recherches, et c’est l’étude des rêves, plus qu’aucune autre, qui vous convaincra de la valeur de la psychanalyse et vous formera à sa pratique. Quand on me demande comment on peut devenir psychanalyste, je réponds : par l’étude de ses propres rêves ".
Pour Freud le rêve est source de connaissance de soi. Il est la voie royale de la connaissance de l’inconscient. Mais qu’est ce que l’inconscient ? Pour bien comprendre nous nous servirons de la première topique de Freud, c’est-à-dire, de sa première conceptualisation de l’appareil psychique. Le but de l’appareil psychique est alors de réguler et de diminuer les tensions auxquels il est confronté par l’expérience de vie d’abord puis par les souvenirs et sentiments. Freud suppose deux systèmes indépendants, soit le préconscient/conscient et l’inconscient. Le conscient est ce dont nous avons conscience, c’est la partie du psychisme qui permet l’apprentissage, le jugement et il prend la réalité en considération. Le préconscient contient quant à lui des pensées ou des expériences que nous n’avons pas à la conscience mais qui sont accessibles et deviennent conscient au besoin. L’inconscient est quant à lui le siège des pulsions primaires et sexuelles, des désirs inavoués parce qu’inacceptables socialement et des sentiments et souvenirs refoulés parce que trop pénibles. Le refoulement est le processus par lequel un souvenir ou une pensée passe du préconscient à l’inconscient. Ce souvenir devient inaccessible à cause de la censure qui existe entre le préconscient/conscient et l’inconscient. C’est cette censure qui deviendrait plus perméable pendant le sommeil et qui permettrait l’actualisation de certains souvenirs et désirs.
Pour Freud, le sommeil est un état où le dormeur ne veut rien savoir du monde extérieur et si le rêve existe, c’est qu’il a une fonction. C’est le moment où le psychisme se retire dans son monde et où il tente de réaliser un désir, un désir qui était refoulé et donc, la plupart du temps, incompatible avec les idées éveillées du rêveur. Pour Freud, le rêve est le gardien du sommeil, c’est le rêve qui nous permet de rester endormis puisqu’en réalisant les désirs, il supprime le psychisme de ses excitations.
Notons que la réalisation du désir est déguisée. Le désir inconscient et consciemment indésirable qui cherche à s’actualiser dans le rêve passe par la censure et subit des transformations dans son passage par la censure pour prendre forme dans le récit du rêve qui est accessible à la conscience. C’est à cause de ses transformations que le rêve paraît absurde à première vue. Freud distingue d’ailleurs le contenu manifeste du rêve des idées oniriques latentes. Le contenu manifeste du rêve est le rêve tel qui nous apparaît, il est le récit imagé plus ou moins ordonné ou compréhensible au premier regard. Les idées oniriques latentes est le message de l’inconscient. Pour le découvrir et se persuader de leur existence, il faut utiliser la technique d’interprétation des rêves élaborée par Freud. Il suffit de prendre chacun des éléments du rêve et de chercher à quoi ils nous font penser. D’associations en associations à partir des éléments du rêve des liens surgirons et nous pourront remonter au désir. Le désir remonte parfois à la petite enfance mais peut se trouver réactualiser en désir plus récent. On parle alors de souvenir écran puisque le désir retrouvé en cache un autre. Dans une lettre adressée à Wilheim Fliess, datée du 12 juin 1900, il considère que c’est en 1895, par l’analyse du rêve d’une des ses ancienne patiente, " l’injection faite à Irma ", qu’il a compris le mystère du rêve, c’est-à-dire que tout rêve est la réalisation d’un désir. Les cauchemars ne contredisent pas cette théorie puisque le désir qui tente de se réaliser appartient à l’inconscient. Ce n’est donc pas nécessairement un désir agréable puisqu’il a été refoulé à un moment. Sa réactualisation dans le rêve peut provoquer de l’effroi à cause d’une ratée de la censure.
Pour transformer le désir inconscient en son expression onirique, la censure utilise deux principaux processus : la condensation et le déplacement. La condensation est l’association de plusieurs éléments inconscients en un seul élément de rêve. Un seul élément peut-être la concentration de plusieurs significations ou idées, parfois même contradictoires entre elles. Le déplacement se produit quand un élément inconscient se déguise en un autre (l’élément du rêve) à cause de certaines similitudes (physiques, d’écriture, causales, etc.) comme dans une métaphore. Il arrive aussi qu’un élément inconscient se déguise en son contraire dans le rêve. Ces éléments inconscients peuvent être des restes diurnes, c’est–à-dire les résidus inconscients des journées précédantes (pensées, sentiments, etc.) ou des traces mnésiques, c’est-à-dire des marques de son passé infantile, des souvenirs marquants et importants au moment où ils ont étés vécus. Les éléments du rêve peuvent aussi prendre source dans des expériences somatiques provoquées par des stimulations physiques internes (maux, douleurs, etc.) ou externes (chaleur, senteur, sons, etc.).
Enfin, pour Freud, le rêve n’a un sens que pour son rêveur et est produit par son propre inconscient individuel, lié à son histoire infantile et moins lointaine. Il n’est donc pas question d’attribuer un sens à un rêve de quelqu’un d’autre que soi sauf peut-être pour le psychanalyste qui entend les associations de l'analysant. Un même rêve chez deux personnes aura des significations différentes. Toutefois, " pour représenter symboliquement la castration, le rêve emploie […] la coupe des cheveux, la perte d’une dent [...]. Un grand nombre d’animaux (souris, poisson, serpent) servent aussi ordinairement à symboliser les organes génitaux (Freud, Interprétation des rêves, p. 296-307). Freud ne se réfère pas à des clefs de songes qui identifieraient des significations univoques à des images oniriques mais en ce qui concerne certains symboles, il semble leur attribuer d’ambler, grâce à son expérience, une connotation sexuelle. Notons que l’inconscient, qui cherche s’exprimer dans les rêves, cherche aussi à s’exprimer dans les actes manqués et les lapsus ainsi que dans les symptômes névrotiques.

Freud et le rêve



Nous sommes au coeur de la psychanalyse, l'interprétation des rêves est la voie royale qui mène à la connaissance de l'inconscient.' La théorie du rêve à servit de point de départ à la théorie des névroses puisque Freud a assimilé des productions oniriques aux productions névrotiques. Il a montré son intérêt pour les rêves dès le début de sa recherche, dès sa jeunesse il a noté tous ses rêves, dans sa correspondance à Fliess et à Jung. C'est l'étude des rêves qui a provoqué la rupture avec Jung.
I. La différenciation entre le contenu manifeste et le contenu latent
C'est l'apport essentiel de Freud à la théorie du rêve. La vie psychique se modifie au moment du sommeil et elle va fonctionner selon d'autres mécanismes. Le rêve nous arrive avec des caractères d'étrangeté et d'illogisme. Dans un premier temps, c'est ce caractère d'étrangeté qui nous permet de différencier le contenu manifeste et le contenu latent.
1. Le contenu manifeste
Freud : 'Le contenu manifeste désigne le rêve avant qu'il soit soumis à l'investigation analytique tel qu'il apparaît au rêveur qui en fait le récit, par extension on parlera du contenu manifeste de toute production verbalisée du fantasme à l'oeuvre littéraire qu'on se propose d'interpréter selon la méthode analytique.' C'est le rêve tel qu'il se présente, à l'état brut. C'est déjà différent du récit que l'on fait qui est lui-même une interprétation. Ce contenu manifeste a subit un long travail de déguisement qui est appelé le travail du rêve, pour accéder à la signification il faudra identifier le déguisement.
2. Le contenu latent
C'est l'ensemble des significations auxquelles aboutit l'analyse d'une production de l'inconscient, c'est le rêve déchiffré et le contenu latent n'apparaît plus comme un récit en images mais comme une organisation de pensées exprimant un ou plusieurs désirs. Il n'apparaît jamais tel quel à la conscience mais plutôt il se dévoile au fur et à mesure du travail d'interprétation.
Plus le contenu latent est déguisé plus il est loin du contenu manifeste, psychologiquement plus il y a refoulement plus la compréhension consciente est difficile. L'importance du décalage entre les deux contenus renseigne le thérapeute sur l'importance du travail à faire avec l'inconscient. Pour accéder au contenu latent, Freud a mis au point sa technique de libre association, premièrement on réduit le contenu manifeste en séquences constitutives du scénario, deuxièmement on demande au sujet d'associer sur chacune de ses séquences, troisièmement les fils d'association s'entrelacent et aboutissent à une trame de pensées et le rêve latent apparaît progressivement.
La technique psychanalytique consiste à tirer à la conscience les idées latentes à partir du contenu manifeste. C'est ce que Freud a appelé le travail d'interprétation.
II. Le dynamisme du rêve
Nous venons de voir que Freud soutient que le rêve manifeste a un sens latent que peut découvrir le travail psychanalytique et pour découvrir cela Freud va poser une deuxième hypothèse : 'tout rêve après complète analyse se révèle comme la réalisation d'un désir.' Pour justifier cela, il va d'abord prendre des rêves simples comme ceux des enfants c'est-à-dire ceux dont la réalisation du désir se manifeste sans déguisement. Par exemple, un rêve de sa fille âgée de 19 mois qui un matin a des vomissements, elle est mise à la diète pour toute la journée. Dans la nuit suivante, Freud l'entend crier au milieu de son sommeil agité et dans son rêve : 'Anna Freud, fraise, grosse fraise, flan, bouillie.' Interprétation : elle emploie son nom pour exprimer la prise de possession, elle énonce un menu qui comprend tout ce qu'elle aime, le rêve apparaît comme une revanche sur la diète imposée donc il est la réalisation d'un désir insatisfait pendant la veille. Les rêves des enfants appartiennent souvent à cette catégorie qui est celle de réalisation simple de désirs non satisfaits pendant la veille. A partir de l'étude de ces rêves d'enfants, il va tirer toute une série de conclusions :
- Le rêve enfantin compréhensible sans analyse est toujours une réaction à un événement de la veille. Il a un sens compréhensible immédiatement.
- Le rêve enfantin est la réalisation directe non voilée, non déguisée d'un désir non satisfait la veille.
Le rêve apparaît comme un compromis entre le désir et le besoin de dormir. La tendance à dormir est perturbée par le désir qui va exiger satisfaction. Le rêve permet la satisfaction du désir et il va écarter l'excitation perturbatrice qui aurait réveillé le dormeur. Le rêve sauvegarde le sommeil. 'Le rêve est le gardien du sommeil non son ennemi.'
Certains rêves d'adultes appartiennent à cette catégorie, ce sont les rêves provoqués par des besoins vitaux, la faim, la soif et les besoins sexuels. Par exemple, le rêve de banquets plantureux de personnes au régime ; ou les défilés érotiques de prisonniers. Ce ne sont pas la majorité.
La plupart des rêves se présentent déguisés, embrouillés et bizarres. La première hypothèse de Freud va se compliquer et devenir, le rêve est un compromis. Tout en dormant, on satisfait le désir et en satisfaisant le désir on peut continuer à dormir. Le désir est satisfait à un niveau symbolique ou encore fantasmatique. Par l'hypothèse de la censure, il va expliquer la déformation des rêves. La censure désigne une force qui exerce une action inhibitrice à l'égard de certaines tendances qu'elle reposse dans l'inconscient. Au niveau du rêve, on peut repérer cette action sur deux niveaux, des déformations systématiques qui empêche la compréhension, des résistances à l'analyse. Plus la censure est forte plus le rêve est déformé donc plus il est difficile à comprendre et plus difficile est l'intégration du contenu au conscient. La censure tient la place essentielle dans la conception freudienne du rêve. Le rêve n'apparaît plus simplement comme un compromis entre le désir de dormir et le désir perturbateur mais il résulte de l'interférence des trois forces, le désir de dormir, un désir plus ou moins choquant consciemment inhibé et la force de la censure. Le désir choquant ne franchi pas le barrage de la censure et pour se manifester et en même temps laisser le sujet dormir il va exister par des effets indirects et une nouvelle formule exprime la structure du rêve : 'Le rêve est la réalisation déguisée d'un désir refoulé.'
III. les mécanismes d'élaboration du rêve
Le travestissement du rêve est l'effet d'un travil aux mécanismes complexes : la condensation, le déplacement, la figuration, la symbolisation et l'élaboration secondaire.
La condensation : Laplanche et Pontalis : C'est le processus psychique inconscient par lequel des idées et des sentiments d'une personne se trouvent confondus et traduits d'une manière abrégée. Dans le rêve, cette condensation correspond à l'amalgame de plusieurs images en un composé méconnaissable. C'est la condensation qui explique que le contenu manifeste est toujours court par rapport au contenu latent. Le rêve manifeste apparaît comme un extrait incondensé. Freud fait l'analogie avec un portrait composite qui regrouperait en une seule personne les yeux d'une autre, l'habit d'une troisième, de là se composent des êtres étranges pas totalement inconnus mais en réalité c'est un amalgame de plusieurs êtres connus. Au niveau sémantique, la condensation est extrêmement riche puisqu'un seul contenu manifeste peut renvoyer à des quantités d'idées latentes.
Le déplacement : c'est le déplacement de l'affect ou de l'investissement libidinal. Par exemple, l'homme aux loups qui ne pleure pas à la mort de sa soeur mais qui éclate en sanglots sur la tombe de Pouchkine (poète romancier russe). Le rapport entre l'objet réel et l'objet substitutif est le plus souvent symbolique. Le résultat du déplacement est qu'il va apparaître au premier plan du rêve ce qui joue un rôle secondaire dans le contenu latent. Plus la censure est importante plus le déplacement est important.
La dramatisation, la figuration : la plupart des rêves se présentent comme une scène. Le travail de figuration sera de convertir des pensées en un scénario. Cela implique d'exprimer des idées par des images visuelles et de traduire des relations logiques existants entre ces individus. En ce qui concerne la figuration, le sujet apparaît rarement dans les rêve du fait de la censure. Mais la censure va déjouer le processus d'identification dans l'apparition masquée de la personne du rêveur. Cette apparition permet de savoir quelle est la partir psychique du sujet concernée par le rêve. Par exemple, si le héros est un enfant, c'est une partir de lui qui est en train de grandir, partie qui n'a pas encore la majorité adulte. Si c'est un vieillard, idée de fatigue ou de sagesse. Si malade -> propre déficience. Le rapport logique s'exprime par la simultanéité, c'est-à-dire que chaque fois qu'un rêve rapproche deux éléments, il y a un rapport de sens entre les deux. Le deuxième dépend du premier rêve. Ceci est valable pour les deux portions de rêves qui s'enchaînent dont le contenu manifeste est tellement différent qu'on a l'impression qu'il s'agit de deux rêves différents. Les portions de rêves qui s'enchaînent ont toujours entre elles un lien causal.
La symbolisation : le symbole est un mode de représentation indirect ou figuré d'une idée ou d'un contenu psychique. En psychanalyse, on considère comme symbolique toute représentation substitutive et en particulier tout symptôme pathologique est l'expression symbolique d'un désir. Ce mode de représentation se distingue par la contenance du rapport entree le symbolisant et le symbolisé inconscient. Une telle constance se retrouve non seulement chez le même individu tout au long de sa vie mais encore d'un individu à l'autre et également dans les domaines les plus divers et en particulier les mythes, les religions et le folklore. On le retrouve également dans les airs culturels les plus éloignés les uns des autres. On emploie le terme symbolique dans le rêve pour désigner la relation qui  uni contenu manifeste - contenu latent. Dès l'instant où l'on reconnaît à un contenu psychiquee au moins deux significations dont l'une se substitue à l'autre on peut qualifier leurs relations de symbolique. Ce langage symbolique échappe à la conscience individuelle. C'est un moyen d'expression à la disposition de tous au-delà des cultures et des langages. Le champ du symbole freudien est relativement limité et essentiellement sexualisé. C'est à Jung que l'on reconnaît le mérite d'avoir approfondi l'expression symbolique.
L'elaboration secondaire : Freud : c'est le processus par lequel l'esprit du rêveur introduit ses productions oniriques logiques plus ou moins artificielles. Ce remaniement du rêve est destiné à le présenter sous la forme d'un scénario cohérent et compréhensible. Ce travail peut être résumé de la manière suivante, une trame de pensées assemblées pendant le jour ne parvient pas à la réalisation, elle va donc conserver un certain pouvoir d'actions dans l'inconscient et menacer de troubler le sommeil pendant la nuit. Au cours de la nuit, ces pensées réussissent à se relier à des désirs refoulés dans la nuit passée. Grâce à la force fournie par ce soutien inconscient, les pensées diverses peuvent redevenir actives et surgir dans la conscience sous la forme déguisée du rêve. Deux faits se produisent, les pensées ont subit une transformation, un déguisement, des pensées ont réussi à investir la conscience grâce à ce déguisement et une partie de l'inconscient a pu surgir dans le conscient.
Conclusion : ce qui semble original est quele rêve freudien est un signe de la pensée, il exprime psychiquement la pensée. C'est un langage psychique naturel que chacun d'entre nous possédons. Langage indirect, symbolique, censuré, déformé dont l'interprétation est souvent difficile. La compréhension d'un rêve exige avant tout une attitude ouverte de renoncement à toute critique, tout préjugé, tout parti pris intellectuel ou affectif. Certains rêves ne trouvent leur sens que dans une série de plusieurs semainees ou plusieurs mois. Il faut parfois être capable d'interrompre puis de reprendre le travail d'interprétation mais c'est effectivement une voie royale qui nous fait accéder naturellement à la confrontation à l'inconscient, à ses contenus, ses mécanismes. En dehors des productions pathologiques et des activités créatrices nous avons peu de moyens pour accéder aux matériaux de l'inconscient.

Extrait du cours de Mme M-C Brunet

vendredi 28 janvier 2011

L'anthropologie des rêves



Réalité quotidienne et universelle, étroitement liée à la mémoire et à l'imagination, et par de là à la culture, le rêve occupe pourtant une place marginale dans l'histoire de l'anthropologie. L'anthropologie du rêve ne se limite pas à l'expérience privée du rêve, elle interroge aussi les différents moments de sa mise en œuvre sociale. En effet, chaque ensemble culturel à sa propre façon de percevoir le rêve que ce soit un Signe du corps ou un signe des dieux, message ancestral, voyage de l'esprit, de l'âme ou du double, tentation démoniaque, expression du désir refoulé, simple chimère ou encore seule Réalité. Dans leurs contextes culturels et sociaux spécifiques, les théories, les classifications et les grilles d'exégèse oniriques ont certes toute valeur de vérité, cela n'exclut aucunement la possibilité d'en dégager des principes généraux.

         Pour cette partie, nous avons décidé, après avoir longuement hésité, de nous appuyer sur l'exemple d'une ethnie d'Amérique du nord, les Dénés Tha.
Nos hésitations provenaient de l'ethnie sur laquelle s'appuyer car l'exemple des Aborigènes d'Australie semblait parfaitement convenir mais il est apparu que ce dernier était trop extrême car chez les Aborigènes d'Australie le rêve prend le pas sur la réalité pour devenir la Réalité.












Chez les Dénés le rêve est perçu comme un élément clef de la construction de l'identité et du processus  de
socialisation de la personne.
Car les rêves sont le fait de tous les membres de la communauté, qu'ils soient jeunes ou vieux, hommes ou femmes. On en parle, on en discute, et  leur importance s'exprime dans les relations sociales qui s'établissent autour de leur traitement. L'importance des rêves se perçoit aussi dans les modèles d'interprétation onirique, en effet chez les Dénés le rêve n'est pas seulement un événement personnel ; en tant qu'événement narratif, il acquiert une portée sociale évidente ; en tant que vecteur privilégié des rapports avec le surnaturel, il fait partie du domaine politique en exprimant la répartition des pouvoirs-médecines, en particulier les pouvoirs chamaniques et les pouvoirs de chasse.

Dans les différents dialectes septentrionaux, les Dénés désignent les rêves, les visions ou les apparitions spontanées et les impressions obtenues durant les états de transes volontaires par les mêmes termes. Mais le rêve ordinaire qui se produit durant le sommeil et plus précisément durant le sommeil paradoxal est de loin le mode dominant de l'ensemble de ces pratiques, même dans le travail chamanique, les termes dénotant le sommeil remplaçant souvent dans les récits une mention explicite du rêve. Le rêve est défini comme une faculté que les êtres humains partagent avec les animaux et les autres entités, qui ont eux aussi accès aux dons qui découlent du rêve.

Chez les Dénés le rêve se présente sous de multiple facettes, ainsi comme nous l'avons écrit précédemment il permet l'accès aux pouvoirs « surnaturels » tel que les pouvoirs chamaniques et les pouvoirs de chasse mais aussi aux pouvoirs moins définis mais tout aussi reconnus  qui en tant que mode de communication le rêve permet le contact avec diverses entités ainsi, c'est par le rêve que le chasseur reçoit des indications sur le gibier disponible, qu'une future mère fait connaissance avec son enfant à peine conçu, que les morts entrent en contact avec les vivants, les esprits avec les humains ou encore que les membres d'une communauté gardent le contact avec les absents.

Au sein de la société le chaman est un individu qui rêve mieux et va plus loin que les autres, c'est une question de degré plutôt que de nature. C'est au cours du rêve que les futurs chamans font connaissance avec leurs esprits et qu'ils reçoivent le savoir dont ils auront besoin. C'est aussi en rêve que les chamans rencontrent leurs auxiliaires, qu'ils découvrent les problèmes de leurs clients et tentent de les résoudre. Autrefois l'apprenti chaman était censé obtenir des chants durant ses rêves, le chant étant considéré comme partie intégrante du pouvoir chamanique, une manifestation de l'esprit auxiliaire. Le nouveau chaman, homme ou femme, réveillait alors toute sa famille si ce n'est tout le campement, pour que le chant soit entendu, répété et appris avant qu'il ne s'efface de la mémoire du novice. Par contre le rêve dont le contenu appel a une réaction de la communauté est répandu par les proches et les amis du rêveur  et devient rapidement un objet de discussion, un sujet d'inquiétude ou une occasion de réjouissance, selon les cas. Les prémonitions sont prises très au sérieux, ainsi la femme qui rêve qu'un malheur menace une expédition de cueillette prévue pour le lendemain va faire part de ses craintes à ses compagnes afin que certaines précautions soient prises ; de même, la personne qui se sent malade ou affaiblie demandera à ses voisins l'aide  dont elle à besoin par l'intermédiaire d'un rêve  exprimant son désarroi face au travail qui l'attend. Dans les deux exemples ici présentés le rêve devient le langage au travers duquel s'expriment à la fois l'individu et la communauté. Chacun construit son propre code onirique  en fonction de ses expériences personnelles antérieures. Pour ces personnes habitué au partage de leurs rêves, les versions individuelles du pays sont peuplées de caractères plus ou moins familiers, de figure composant des paysages intérieurs plus riches les uns que les autres, mais toujours différents.

Dans la culture Dénée le rêve est défini comme un mode d'existence distinct de l'état d'éveil ordinaire en ce sens où il déplace le lieu de la conscience, ou de la perception, du corps vers l'esprit, différent de celui de l'état d'éveil ordinaire en effet un deuxième esprit complète la définition dénée de l'être humain. Durant le rêve l'esprit acquiert le pouvoir de communiquer avec d'autres esprits et de se déplacer dans l'espace spirituel, cet espace étant aussi celui des animaux, des morts et d'autres entités invisibles. Le rêve est traité comme une expérience en soi, il n'est pas perçu comme un reflet passif de la réalité, mais plutôt comme une façon de participer à la réalité. Les actions commises en rêves sont considérées comme pouvant avoir des conséquences directes sur la réalité. Le rêve n'est pas perçu comme une image ou une représentation de la réalité, il la prolonge et constitue une autre façon de la vivre.
CONCLUSION
Il nous faut donc bien avouer notre ignorance considérable lorsque nous étudions le sommeil et le rêve. Même si intuitivement nous devinons que l’un des rôles du sommeil est d’économiser l’énergie cérébrale, nous savons aussi qu’il prépare les conditions suffisantes à l’apparition du rêve. Mais pourquoi l’évolution nous a-t-elle construit un cerveau qui périodiquement, au cours du sommeil, est soumis à une machinerie qui délivre des images fantasques, paralyse notre tonus musculaire, supprime la plupart des régulations homéostasiques? Nous connaissons beaucoup de comment sans que cela nous autorise à connaître le pourquoi puisque nous sommes incapables de déceler des modifications évidentes au niveau du comportement, du cerveau ou de l’organisme lorsque nous supprimons durablement le sommeil paradoxal ou le rêve chez l’animal ou chez l’homme. Avons-nous été une génération d’aveugles depuis 1960 ?

Pas tout à fait car justement, la psychanalyse nous a aidé en créant ses propres concepts qui répondent aux problèmes scientifiques et en développant ses propres méthodes d’interprétation.
Évidemment, ne reposant sur aucune base rationnelle et sûre, elle disparaîtra lorsque la science percera le grand mystère du rêve. Et alors, la prochaine génération, aveugle à sa propre cécité, s’étonnera de notre aveuglement.

L'interprétation selon Jung



Jung avait coutume de poser une simple question, à ses patients qui se débattaient dans des problèmes d'apparence insolubles :
" Et que disent vos rêves ? "

Il racontait alors combien il était frappé de lire sur leur visage une expression de perplexité mêlée d'étonnement, comme si pour eux il était évident que le rêve ne représentait rien de sérieux, rien qui en tout cas soit digne d'attention.
     Tout à l'inverse, Jung y accordait le plus grand crédit, et allait même jusqu'à affirmer que le rêve contient le diagnostic, le pronostic et le traitement.
Après Freud, Jung voit dans le rêve la voie royale pour aller à la rencontre de l'inconscient.
     Le rêve, en compensant une attitude consciente trop unilatérale, constitue souvent une invitation à élargir notre personnalité en accueillant les contenus de l'inconscient.












En effet, Jung pencherait vers une hypothèse selon laquelle le rêve serait le gardien du sommeil. Il fait place à une certaine compréhension intuitive, sa psychologie est une science de l'âme en tant que réalité immatérielle et transcendante.
Selon Jung, si le rêve peut paraître incohérent ou sans sens, c'est qu'il a son propre langage. Un langage Symbolique et limité. Alors que pour Freud, le récit du rêve cache des idées chroniques inconscientes.
Pour Jung, le récit imagé du rêve ne peut être le déguisement d'un message inconscient mais bien le message inconscient lui-même exprimé dans un langage de symboles.
Ils peuvent nous révéler un sens caché à nos épreuves, à nos souffrances. Les symboles qu'ils recèlent nous permettent d'entrevoir des voies nouvelles là où notre moi ancien restait bloqué et stagnait dans des problèmes apparemment sans issue. Ils nous guident vers la découverte de notre créativité vivante.


















Cette gravure alchimique illustre, selon Jung, la relation de transfert qui se noue sur le plan inconscient entre analyste et analysant.
C'est aussi l'image du dialogue qui s'instaure entre notre moi conscient et l'inconscient.













Un autre point sur lequel se base Jung sur son étude du rêve est la symbolique. En effet, le point de vue finaliste Jungien, qui succède à la théorie freudienne se fonde sur le fait que les images oniriques sont le reflet de situations psychologiques très variées. Il considère que les symboles pendant l'activité onirique n'ont pas de sens secret.

Dans la théorie Jungienne, l'inconscient s'exprime directement dans le rêve, dans son propre langage, sans l'intervention de refoulements qui viennent transformer les idées inconscientes qui tentent de s'actualiser par le rêve.
Contrairement à Freud qui interprète les rêves comme des désirs refoulés, Jung pense que c'est plutôt le contexte qui est à l'origine de l'activité onirique.
Jung propose d'abord de considérer le rêve comme une activité s'exerçant involontairement en nous pendant la nuit. Outre la fonction compensatrice du rêve qui relie le conscient et l'inconscient, Jung distingue la fonction prospective du rêve.
Nous avons vu que Freud accordait au rêve une fonction d'équilibre psychique grâce à la réalisation de désirs refoulés souvent liés à la sexualité infantile alors que pour Jung le rêve est plus que l'expression du désir :
- Il contient un sens prospectif, c'est-à-dire tourné non seulement vers le passé mais vers le devenir global de la personnalité.
Il s'agit d'une anticipation d'activité diurne à venir faite par l'inconscient. C'est une préparation, une simulation de la future activité qui perturbe (consciemment ou pas) une personne.

C'est d'ailleurs parce qu'il a souligné cette dimension "prospective" de l'inconscient que Jung a dû se séparer de Freud. Il est donc porteur d'un dynamisme de changement intérieur, d'un processus de transformation de la personnalité présent dans l'inconscient, que Jung a appelé "processus d'individuation".
Nos rêves sont donc des balises qui éclairent et jalonnent notre cheminement intérieur. Ils émanent d'une sorte d'intelligence secrète à l'œuvre au plus profond de nous et, tel un fil d'Ariane, nous guident vers un renouvellement de notre être, vers une métamorphose intérieure.
Si le rêve cherchait à résoudre un conflit, ce ne serait peut-être pas par anticipation mais bien en remplacement d'un souvenir inconscient, marquant et douloureux.

D'après Jung, la fonction compensatrice du rêve servirait à l'équilibre psychique
des individus relativement stables à un moment de leur vie tandis que la fonction prospective entrerait plutôt en jeu lorsqu'une personne est en proie à des problèmes psychiques et que sa conduite est ressentie comme inadaptée.

Par exemple, lorsque Jung interprète un rêve il procède de la façon suivante : il divise une page en trois colonnes :
- Dans la première, il inscrit le récit du rêve.
- Dans la deuxième, la plus large, il inscrit le contexte alimenté par les associations du rêve, c'est à dire ce que signifient les images oniriques pour lui et les liens qu'il peut faire avec sa vie consciente.
- Dans la troisième, une fois le contexte établi, il note les hypothèses de conclusions qu'il peut établir en tenant compte des liens entre les divers éléments.

Cette définition Jungienne des archétypes et leur caractère inné s'accorde avec la "programmation génétique des comportements instinctifs", proposée par M. Jouvet comme fonction du sommeil paradoxal lors de la maturation cérébrale :
"Tout comme le corps humain est une collection complète d'organes, de même nous trouvons dans l'esprit une organisation (fonctionnelle) analogue... L'archétype est une tendance instinctive naturelle, aussi marquée que l'impulsion qui pousse l'oiseau à construire son nid, et les fourmis à s'organiser en colonies.
Si le caractère inné des archétypes étonne, que dire de la complexité des fonctions symbiotiques des insectes, car la plupart d'entre eux ne connaissent pas leurs parents, et n'ont reçu d'enseignement d'aucune sorte."

Ainsi, la neurobiologie moderne et la conception Jungienne du psychisme, de l'inconscient et du rêve se complètent pour décrire le sommeil paradoxal et le rêve comme une fonction psycho-physiologique naturelle.










« C'est la possibilité de réaliser un rêve qui rend la vie intéressante. »

L'alchimiste Paulo Coelho



















La fontaine mercurielle, dans cette gravure
alchimique, représente
l'inconscient, fontaine de vie, matrice de renaissance, source du renouvellement intérieur de la personnalité.