lundi 3 janvier 2011

Rêve de Berthe


Rêve de Berthe
Un serpent lui fait boire son venin
Cette nuit-là, alors qu’elle dormait, elle eut un songe dans lequel elle vit Satan qui ressemblait à un serpent et qui voulait lui faire boire de son mauvais venin. C’est alors qu’est descendue la grande vertu du ciel pour la défendre. Le lendemain, elle raconte au moine Garsent :
« Moine, écoutez mon songe. De qui peut-il venir? La nuit j’ai vu Satan qui ressemblait à une couleuvre, et qui me donnait à boire de son mauvais venin, quand Dieu descendit du ciel. Et Satan s’enfuit sous un chêne.
— Dame, moult lui déplaît la sainte œuvre que tu accomplis et le grand bien que tu fais aux pauvres gens. Que Dieu t’en garde, qui peut lier et délier! »
[...]
Tandis qu’on va le quérir :
Comtesse, dit le moine Garcin, vous pouvez voir se vérifier votre songe. Oncques n’en vîtes-vous un qui s’explique mieux. Satan, c’est le gars menteur qui voulait vous brouiller avec le comte et vous faire vergogne, et il se sauve, comme le diable.

Anonyme
Girart de Roussillon
France   1100 Genre de texte
Chanson de geste
Contexte
Berte, épouse du comte Girart et sœur de la reine Élissent, a entrepris, après la mort de son fils, d’aider les pauvres en leur cédant ses biens. Elle rêve un soir que Satan cherche à lui faire avaler son venin et que Dieu, descendu du ciel pour la défendre, fait s’enfuir le diable. Le moine Garsant explique à la dame que ses bonnes actions irritent Satan. Plus tard, le rêve de Berte se concrétise lorsqu’un imposteur tente de la brouiller avec Girart avant de s’enfuir.
Texte original
La nuit songet un songe en son durment :
Que vit un satanas, samblant serpent,
Qui de son mau venin, loc de piument,
La volie abeurar, quant li descent
Li grant vertuz d’es ciel, qui l’en defent.
O deman o content monge Garsent.
« Monge, augaz mon songe ; de qu’el pot meure?
Qu’a veü un satan, samblant coloure,
Ki de son mal venim me tenptat soure,
Quem volie abeurar en vas de coure,
Quant de devers lo cel prest manne ploure ;
E lo satan s’en fuit desoz un roure.
– Donne, quar lamanest iste sainte ovre
E lo grant ben que fas a ca gent povre.
Deus te gart, ki te pot liar e solvre! » [...] La contesse apelet Garsant lo monge :
« Donzele, or pues veer de vostre songe.
Anc non veïstez nul qui melz s’esponge :
Li satan(a)s est li garz e sa mencoinge,
Qui vol mesclar au duc e fair vergoinge,
E co qui’il se movave qu’il nos esloinge.

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