samedi 8 janvier 2011

Le rêve chez G. Bachelard



Le rêve chez G. Bachelard



LA PSYCHANALYSE DU FEUGaston BachelardFolio essai
1949
Gaston Bachelard (1884-1962) est un philosophe français hors du commun.Descendant de paysans champenois, petit fils de cordonnier, fils d’un dépositaire de journaux de Bar-sur-Aude, il commença par être surnuméraire des postes tout en préparant le soir sa licence de mathématiques.En 1914 il épouse une institutrice, puis part à la guerre et devient professeur de physique-chimie au collège de Bar-surAude à son retour.Tout en enseignant, il prépare l’agrégation de philosophie et passe son doctorat en 1927.Il devient alors professeur de philosophie à la faculté de Dijon puis à la Sorbonne en 1940.Sa philosophie a un double aspect : « une vertu de clarté et une force de rêve » pour appliquer à lui même ce qu’il dit de la peinture et du langage.Si la première partie de son œuvre concerne les rapports de la science aux hommes, la seconde partie est consacrée à l’imagination, les rêves, les songes.Les philosophes traditionnellement enseignent que l’homme commence par voir, puis se souvient, enfin il imagine.Pour Bachelard, l’homme imagine d’abord, voit ensuite, se souvient à l’occasion.Les rêves, les mythes, les folles imaginations, Bachelard les classe d’après quatre éléments : air, feu, eau, terre.Il écrit ainsi cinq livres célèbres : La psychanalyse du feu, l’eau et les rêves. L’air et les songes. La terre et les rêveries de la volonté. La terre et les rêveries du repos. La psychanalyse du feu est à la fois le premier des cinq ouvrages et le plus facile à aborder, « le plus lisible » , une bonne introduction en somme à l’œuvre de Bachelard.Si l’on interroge des personnes cultivées , voire des savants, et qu’on leur demande ce qu’est le feu, on ne reçoit que des réponses vagues qui répètent les théories philosophiques les plus anciennes et les plus chimériques. Le feu n’est plus un objet scientifique et pourtant sa découverte n’a toujours pas été réellement expliquée, démontrée.La raison est que la question a été posée dans une zone objective impure, où se mêlent les intuitions personnelles et les expériences scientifiques. Les intuitions du feu entraînent des convictions immédiates dans un problème où il ne faudrait que des expériences et des mesures.Ce livre tente d’expliquer du point de vue psychologique comment ce problème de la découverte du feu s’est trouvé évincé de la scène scientifique sans avoir été jamais résolu.Il fera appel pour cela au « complexe de Prométhée » et de la désobéissance sociale, au « complexe d’Empédocle » où la destruction est un changement, au « complexe de Narcisse » et la « sexualisation » du procédé technique de fabrication.Au travers de ce livre Bachelard nous montre qu’il faut briser les élans d’une expression réflexe, psychanalyser les images familières pour accéder aux métaphores et surtout aux métaphores des métaphores.Pour Bachelard, plus que la volonté, plus que l’élan vital, l’Imagination travaille à son sommet comme une flamme.Impossible d’échapper à cette dialectique : avoir conscience de brûler, c’est se refroidir ; sentir une intensité, c’est la diminuer ; il faut être intensité sans le savoir ; telle est la loi amère de l’homme agissant.

Logique du rêve


C'est la grande découverte de Freud: sous des dehors incohérents, le rêve possède bel et bien une logique. Un texte classique déjà centenaire.

 
Le rêve n'est pas un chaos de sons discordants issus d'un instrument frappé au hasard, il n'est pas dépourvu de sens, il n'est pas absurde; pour l'expliquer, il n'est pas nécessaire de supposer le sommeil d'une partie de nos représentations et l'éveil d'une autre. C'est un phénomène psychique dans toute l'acception du terme, c'est l'accomplissement d'un désir. Il doit être intercalé dans la suite des actes mentaux intelligibles de la veille: l'activité intellectuelle qui le construit est une activité élevée et compliquée.
Mais cette notion suscite toute une série de questions. Si le rêve, après analyse, se révèle comme un désir accompli, d'où vient l'aspect étrange et surprenant de cet accomplissement? Quelle modification ont subie nos pensées pour aboutir au rêve tel que nous nous le rappelons au réveil? A quelles règles a obéi cette transformation? D'où vient le contenu représentatif qui a été élaboré en rêve? D'où viennent certains caractères qui nous frappent quand nous analysons un rêve, tels que la contradiction? Le rêve peut-il nous apprendre du nouveau sur notre vie psychique, peut-il corriger les notions et les croyances de la veille?
Nous allons laisser toutes ces questions de côté pour le moment. Nous avons appris que le rêve représente un désir comme accompli. Il convient de nous demander si c'est là un caractère général du rêve ou un cas particulier: le contenu du rêve que nous venons d'analyser (le rêve au sujet d'Irma). En effet, à supposer même que tout rêve ait un sens et une valeur psychologiques, il pourrait se faire que ce sens fût différent dans les différents rêves. Notre premier rêve a été l'accomplissement d'un désir, un autre sera peut-être l'accomplissement d'une crainte, un troisième une réflexion, un quatrième un simple souvenir. La question qui se pose est en somme la suivante: Y a-t-il beaucoup de rêves de désir, n'y a-t-il que des rêves de désir?
Ce caractère des rêves est souvent si apparent que l'on se demande comment le langage des rêves n'a pas été compris dès longtemps. Prenons comme exemple un rêve que je puis provoquer à volonté, qui est en quelque sorte une expérience. Quand j'ai mangé le soir des sardines, des olives ou quelque autre hors-d'œuvre salé, j'ai soif la nuit et je me réveille. Mais j'ai d'abord un rêve, toujours le même: je bois. J'aspire l'eau à grands traits, elle a un goût exquis, je la savoure comme un homme épuisé, je me réveille et dois réellement boire. La raison de ce rêve si simple est la soif que je sens bien au réveil.
La sensation fait naître le désir de boire et le rêve montre ce désir réalisé. Il remplit un rôle que je puis expliquer de la manière suivante. J'ai un sommeil profond et il est rare que je sois réveillé par un besoin. Si je réussis à apaiser ma soif en rêvant que je bois, je n'ai plus à me réveiller pour boire réellement. C'est donc un rêve de commodité. Comme souvent dans la vie, le rêve remplace l'action. Malheureusement, il est plus difficile d'étancher par un rêve une soif réelle qu'une soif de vengeance, comme lorsqu'il s'agissait de mon ami Otto ou du Dr M..., mais l'intention est la même.
Récemment, j'ai eu ce même rêve avec une variante. J'ai eu soif avant de m'endormir et j'ai bu le verre d'eau qui était sur ma table de nuit. Quelques heures plus tard, au milieu de la nuit, j'ai eu soif de nouveau. Il était peu commode de boire cette fois, il fallait me lever et prendre le verre d'eau qui se trouvait sur la table de nuit de ma femme. J'eus un rêve qui convenait aux circonstances: ma femme me donnait à boire dans un vase, une urne étrusque que j'avais rapportée d'un voyage en Italie et que j'avais donnée depuis. Mais le goût de l'eau était si salé (à cause de la cendre sans doute) que je me réveillai. On remarquera combien ce rêve est un effort vers la commodité. Comme son unique but est d'accomplir un désir, il est pleinement égoïste. L'amour de sa propre commodité est difficile à concilier avec les égards pour les autres. La présence de l'urne funéraire est sans doute également l'accomplissement d'un désir. Je regrette de n'avoir plus ce vase, de même qu'il m'est désagréable de ne pouvoir atteindre le verre d'eau qui est à côté de ma femme. De plus, l'urne funéraire va avec la sensation croissante de goût salé, qui, je le sais, m'obligera à me réveiller.
Quand j'étais jeune, j'avais souvent des rêves de cette sorte. J'ai toujours eu l'habitude de travailler tard dans la nuit et j'avais beaucoup de mal à me lever le matin. Je rêvais souvent que j'étais levé et devant ma table de toilette. Au bout d'un certain temps, j'étais bien obligé de constater que je n'étais pas encore levé, mais j'y avais gagné un moment de sommeil. Un de mes jeunes confrères, qui comme moi aime dormir, a fait ce rêve de paresse sous une forme particulièrement amusante. Il habitait assez près de l'hôpital où il allait tous les matins, et sa logeuse avait ordre de le réveiller de bonne heure, mais elle avait toutes les peines du monde à y parvenir. Un matin, il dormait d'un sommeil particulièrement profond. Elle cria: «Monsieur Pepi, levez-vous, faut que vous alliez à l'hôpital!» Le dormeur rêva qu'il était à l'hôpital, dans une chambre, couché dans un lit, avec au-dessus de sa tête une pancarte sur laquelle on pouvait lire: Pepi H., étudiant en médecine, 22 ans, et il se disait en rêve: «Puisque je suis déjà à l'hôpital, je n'ai plus besoin d'y aller.» Il se retourna et continua à dormir. Il avait ainsi reconnu franchement le motif de son rêve.
Voici un autre rêve dont la stimulation agit également pendant le sommeil. Une de mes malades, qui avait subi une opération à la mâchoire, opération qui avait mal réussi, devait porter sur l'ordre de ses médecins, jour et nuit, au niveau de sa joue malade, un appareil réfrigérant. Mais elle avait l'habitude de l'arracher dès qu'elle était endormie. Un jour on m'a prié de lui faire des observations à ce sujet: elle avait de nouveau jeté son appareil par terre. La malade me répondit: «Cette fois vraiment je n'y peux rien, ça a été la suite d'un rêve que j'ai eu la nuit. Je rêvais que j'étais à l'Opéra, dans une loge, et je suivais la représentation avec beaucoup d'intérêt. A la clinique, il y avait M. Karl Meyer, qui se plaignait de terribles maux de tête. Je me suis dit: puisque moi je ne souffre pas, je n'ai pas besoin d'appareil, aussi l'ai-je jeté.» Ce rêve de la pauvre malade est comme une réalisation de l'expression consacrée: «Il y a des plaisirs plus rares.» Le rêve offre un de ces plaisirs. M. Karl Meyer, à qui la dormeuse attribuait ses propres douleurs, était, de tous les jeunes gens qu'elle pouvait se rappeler, celui qui lui était le plus indifférent.
Il est tout aussi facile de découvrir l'accomplissement de désirs dans un certain nombre d'autres rêves chez des gens bien portants. Un ami qui connaît ma théorie et qui l'a communiquée à sa femme me dit un jour: «Il faut que je te dise que ma femme a rêvé hier qu'elle a eu ses règles. Tu sauras sans doute ce que cela signifie.» Bien sûr je le sais. Si cette jeune femme a rêvé qu'elle avait ses règles, c'est parce qu'elle ne les avait pas eues ce mois-là. J'imagine bien qu'elle aurait volontiers joui quelque temps encore de sa liberté avant les misères de la maternité. C'était au fond une manière habile d'annoncer sa première grossesse. [...]
Une jeune femme, qui a été retenue au chevet de son enfant, souffrant de maladie infectieuse, pendant des semaines et séparée du monde, rêve, après la guérison de l'enfant, qu'elle se trouve dans une soirée où elle rencontre entre autres Alphonse Daudet, Paul Bourget et Marcel Prévost, qui sont très aimables avec elle et lui disent des choses très amusantes. Les deux premiers auteurs ressemblent aux portraits qu'elle connaît d'eux; Marcel Prévost, dont elle n'a jamais vu de photographie, ressemble à l'employé du service de désinfection qui, la veille, avait procédé au nettoyage de la chambre du petit malade et qui a été la première visite depuis de longues semaines. On peut traduire ce rêve sans difficulté: il serait grand temps de faire quelque chose de plus amusant que de soigner éternellement des malades.
Ces quelques exemples suffiront peut-être pour montrer que l'on trouve fréquemment, dans des circonstances variées, des rêves que l'on ne peut comprendre que comme des accomplissements de désirs et où cet aspect est très apparent. Ce sont le plus souvent des rêves brefs et simples, qui tranchent d'une manière heureuse sur les grands rêves confus et surchargés qui ont surtout attiré l'attention des auteurs. Il est utile d'étudier de près ces rêves simples. On trouve les formes les plus élémentaires de ces rêves chez les enfants, dont l'activité psychique est moins compliquée que celle des adultes. La psychologie de l'enfant est appelée à rendre à la psychologie de l'adulte les mêmes services que la morphologie et l'embryologie des animaux inférieurs à l'étude des animaux placés plus haut dans l'échelle. Malheureusement, jusqu'à présent, on n'a guère utilisé la psychologie de l'enfant dans ce sens. Les rêves des jeunes enfants sont souvent des réalisations naïves. De ce point de vue, ils sont moins intéressants que les rêves d'adultes. On n'y trouve pas d'énigmes, mais ils sont un argument inappréciable pour prouver que l'essence du rêve est l'accomplissement d'un désir. Voici quelques exemples de rêves de mes propres enfants. [...]
Ma petite fille, quand elle était âgée de 3 ans et 3 mois, a fait un rêve clair. Il avait été inspiré par la beauté du paysage de l'Aussee. L'enfant avait, pour la première fois, fait un voyage sur le lac, et le temps de la promenade lui avait paru très court. Elle ne voulait pas quitter le bateau à l'embarcadère et pleurait à chaudes larmes. Le lendemain matin elle raconta: «Cette nuit j'ai fait une promenade sur le lac.» Il faut espérer que cette fois la promenade aura été assez longue.
Mon fils aîné, alors âgé de huit ans, réalisait déjà en rêve les rêveries de la veille. Il montait avec Achille dans un char, Diomède conduisait le char. Les jours précédents, comme de juste, il s'était passionné pour les légendes grecques que l'on avait données à sa sœur aînée.

Psychanalyse par le rêve éveillé : HISTORIQUE



Psychanalyse par le rêve éveillé

HISTORIQUE
Robert Desoille (1890-1966est le créateur du Rêve-Éveillé 1923, il est initié à une pratique expérimentale d’imageries mentales dont il pressent l’intérêt psychothérapique.
Production imaginaire, expression de l’onirisme éveillé, utilisé dans les années 1930 par Robert Desoille dans un but thérapeutique et auquel il donnera plus tard le nom de "Rêve-Éveillé Dirigé" Mobilisation active de l’imaginaire en situation de relaxation, par des suggestions d’ascensions et de descentes avec le projet d’explorer "l’affectivité subconsciente" et d’atteindre "la partie supérieure de la psyché qui n’est pas uniquement colorée par l’instinct". L’espace imaginaire y apparaît comme une métaphore de l’espace psychique.
Son évolution théorique ira de la sublimation freudienne (1938) à une conception pavlovienne à la recherche de nouveaux stéréotypes dynamiques (1961), en passant par une orientation jungienne de mobilisation des archétypes (1945)
C’est vers les années 1970 qu’un tournant décisif pour le Rêve-Éveillé est pris par les praticiens du GIREP (Groupe International du Rêve-Éveillé en Psychanalyse). Ils prendront en compte l’inconscient freudien dans leur pratique et leur réflexion théorique. Se développe alors une dimension analytique sous le vocable de "RÊVE-ÉVEILLÉ en PSYCHANALYSE".
LA MÉTHODE
La psychanalyse par le Rêve-Éveillé offre la possibilité de vivre un scénario intérieur dans un espace imaginaire.
L’analysant, généralement en position allongée, est invité à dire les images qui s’imposent à lui, à les laisser se développer spontanément, à exprimer ce qu’il ressent dans une expérience qui reste toujours singulière et originale pour chaque patient.
De scénario en scénario et par association libre, la dynamique du passage de l’image aux mots favorisent les processus de prise de sens, de transformation, de symbolisation. La cure comporte deux éléments indissociables et interactifs : la production de Rêve-Éveillé et sa mise en mots, le travail associatif à l’élaboration du sens en lien avec les souvenirs, les rêves nocturnes, les fantasmes, construction et interprétation prenant place de manière métaphorique.
Psychanalyse par sa référence à l’inconscient et aux différents concepts freudiens et post-freudiens. Psychanalyse particulière par ses procédures, et son système relationnel, la dynamique de la cure impliquant l’analyse du transfert. Cette méthode permet à l’analysant de mieux se connaître et de progresser dans la résolution de ses conflits inconscients. Il élargit le champs de l’imaginaire et de l’inconscient. L’ANALYSE PAR LE RÊVE-ÉVEILLÉ SE PRATIQUE EN INDIVIDUEL OU EN GROUPE. La fréquence des séances d’analyse est habituellement de une à deux par semaine.
LES INDICATIONS
L’analyse par le Rêve-Éveillé s’adresse à des sujets :
- ayant des difficultés existentielles et relationnelles,
- souffrant de troubles névrotiques qui revêtent aujourd’hui les formes les plus diverses jusqu’aux pathologies psychosomatiques et aux cas limites,
- selon des procédures particulières aux enfants et aux adolescents pour qui l’abord par le jeu et les images est assez naturel.
Évelyne RIDNIK Psychanalyste du GIREP (Juin 1997) Site personnel d’Évelyne RIDNIK

le premier rêve de Dora


le premier rêve de Dora

mor_tisJe le rappelle, Dora est l'héroïne de la première des cinq psychanalyses. Ce texte de Freud devait d'abord avoir pour titre « Rêve et hystérie ». Deux rêves servent en effet de point d'appui pour décrire l'histoire de cette analyse.
Le premier rêve est un rêve à répétition qui donc d'emblée attire toute la curiosité  de Freud.
« Il y a un incendie dans une maison, me raconte Dora, mon père est debout devant mon lit et me réveille. Je m'habille vite. Maman veut encore sauver sa boite à bijoux, mais papa dit : « je ne veux pas que mes deux enfants et moi soient carbonisés à cause de ta boite à bijoux. » Nous descendons en hâte, et aussitôt dehors, je me réveille. »

Tandis que Freud poursuivait, avec les associations de Dora, le déchiffrage de ce rêve, il lui demanda soudain si elle savait pourquoi on interdisait aux enfants de jouer aux allumettes. Elle répondit bien sûr que c'était à cause du danger d'incendie mais  Freud lui en donna une autre explication : « on craint qu'ils ne mouillent alors leur lit [...] Ils rêveront de feu et essayerons alors de l'éteindre avec de l'eau. »

C'est donc ainsi, à propos de ce rêve, que Freud évoque l'énurésie infantile de Dora et suscite le souvenir de son père venant la réveiller pour lui éviter de mouiller son lit.
Dans les pages qui suivent Freud évoque aussitôt les liens de l'énurésie avec la masturbation infantile.
J'ai pris quelques notes sur l'arrêt de la masturbation et de sa conséquence, l'énurésie, sous l'effet du complexe de castration. Cela éclaire en effet un peu plus   ce que Freud raconte à propos ce premier rêve de Dora et comment son père venait la réveiller pour l'empêcher de mouiller son lit.

Freud dans deux textes "Le déclin du complexe d'Œdipe" et "Quelques conséquences psychologiques  de la différence anatomique entre les sexes", oppose le destin différent des filles et des garçons. Il faut je pense repartir de là :

Les garçons abandonnent leurs liens d'amour et de haine à leurs objets parentaux, du fait du complexe de castration, par peur de perdre leur organe.  Ils abandonnent du même coup la masturbation.
Pour les filles, la forme de leur complexe de castration, à savoir la découverte de leur manque phallique, les pousse au contraire à entrer dans l'Oedipe, c'est à dire à choisir leur père comme objet d'amour.
Avant cette entrée dans l'Œdipe, elles se comportaient exactement comme des garçons, avaient choisi leur mère comme objet d'amour et considéraient leur père comme un rival dans l'amour de leur mère. C'est ce que Freud appellera, un peu plus tard, dans les années 1930,  le pré-Œdipe.
L'activité masturbatoire de la petite fille est liée à ce lien à la mère. Elle est elle aussi abandonnée du fait de complexe de castration mais pas pour les mêmes raisons. C'est, d'après Freud, liée à la notion de l'insuffisance clitoridienne mesurée à l'aune de l'organe viril.
Donc c'est sous l'influence du complexe de castration que la petite fille entre dans l'Œdipe, après avoir renoncé à sa mère, et à la masturbation infantile.
Son envie du pénis se transforme en désir d'obtenir un enfant du père.

Dans ce rêve, de par l'opposition signifiante de l'eau et du feu, Freud commence donc le déchiffrage de ce rêve. Un autre élément de son récit peut    également être mis en évidence : par le fait que ce soit son père  qui réveillait Dora pour l'empêcher de mouiller son lit, ne pourrait-on pas  rajouter qu'il  l'empêchait ainsi de rester  assujettie au désir de sa mère ?

S.Freud, Les cinq psychanalyses, P.U.F. 
Posté par Fainsilber

Sommeil et rêve en Égypte antique



Sommeil et rêve
en Égypte antique.
Psychanalyse et oniromancie
[p. 22-31]
Psychiatre, chef de service secteur Draguignan (83G13).
Centre hospitalier de Dracénie, B.P. 249, 83007 Draguignan cedex,
tél. 33(0)494 605 125 – fax 330(0)494 605 805.
Sois un artisan de la parole afin d’être fort, car… la
parole est plus puissante que le combat.
Ptahhotep (anc. empire vers 2360 av J.C.)
Résumé – Les Égyptiens ont poursuivi les techniques divinatoires des rêves initiées par les Assyriens. La
nuit était pleine de danger et le sommeil témoin de ces risques où le monde des humains, des dieux et des
êtres désincarnés pouvaient se rencontrer. Lieu de rencontre des mondes perceptibles et immatériels, le
rêve permettait de connaître le futur et les avis des dieux. Dans l’antiquité, l’incubation et la dormition
dans les temples divins favorisaient cette communication avec les dieux. Les prêtres avaient un rôle
important en tant qu’accompagnateurs et décodeurs du message divin à l’aide de clés des songes.
Freud s’est situé en rupture par rapport à ces croyances populaires. Dans la psychanalyse, les associations
du rêveur sont seules prises en compte pour explorer cette « voie royale » de la connaissance de l’inconscient
du sujet.
Mots-clés – Rêve, Égypte, interprétation, psychanalyse, dormition, incubation, oniromancie.
De même que la mort, la perception du sommeil est un
élément fondamental de la culture d’une société et varie
avec elle.
Il est essentiel d’approcher cette connaissance afin de connaître
la culture des peuples. En Égypte vivait une aristocratie
obsédée par la mort au point de faire construire, de
son vivant, des tombeaux gigantesques comme nous en retrouvons
aujourd’hui quelques vestiges.
Que représentent le sommeil et le rêve pour les Égyptiens
à la période antique ?
Le livre des pyramides
La découverte de Champollion a été l’élément fondamental
pour commencer à comprendre cette civilisation qui
fascinait par l’importance qu’elle accordait aux tombeaux.
Depuis, la conception de la mort chez les Égyptiens a été
beaucoup étudiée et de très nombreux témoignages nous
sont parvenus en particulier des écrits des pyramides. À
l’origine de ces textes, il s’agissait de prières et d’incantations
secrètes réservées aux prêtres et aux initiés qui accompagnaient
le détachement du mort.
Puis la première fois apparue sur la pyramide du roi Ounas
à Saqqarah, ces « textes des pyramides » se sont répandus
sur les parois des tombeaux et des sarcophages royaux et
princiers, puis sur ceux de l’aristocratie des fonctionnaires
héréditaires et fortunés. Progressivement, par une extension
des rites funéraires, des textes ont été inscrits sur de
simples papyrus, « guides de l’au-delà », déposés dans les
tombes pour fournir au défunt des descriptions de différents
endroits de l’au-delà, ainsi que des termes qui aideraient
l’âme du défunt à les traverser en toute sécurité.
De manière un peu abusive, on a appelé ces écrits le « Livre
des morts égyptiens ». Ce nom fait irrémédiablement référence
à un autre document : le Bardo Todol, le Livre des
morts tibétains.
Ces deux textes sont très différents dans leur forme comme
dans leur contenu, pourtant il existe quelques convergences,
en particulier le fait que le prêtre, par sa prière, accompagne
progressivement le défunt dans le détachement
de son enveloppe terrestre.
Pour le sommeil et le rêve, nous ne bénéficions pas de très
nombreux documents, c’est sans doute la raison pour laquelle
il existe peu d’études sur ce sujet mais tout de même,
38 – Psy Cause | 23
des papyrus et des bas-reliefs font percevoir que le sommeil
était une activité indispensable et inquiétante.
Cosmogonie égyptienne
Il nous faut d’abord nous rappeler quels sont les principaux
dieux de l’Égypte antique.
S’étendant sur plus de 5 000 ans et en des lieux divers, les
croyances ont varié dans le temps. Les dieux ont varié selon
les époques et pour une même divinité, les fonctions et
les attributions ont fluctué. De plus, chaque ville avait une
divinité tutélaire avec un culte spécifique.
Bien qu’il existe au moins quatre cosmogonies, la plus connue
est celle de l’ennéade. Elle met en scène 9 dieux principaux.
Atoum est le dieu créateur initial. Il créa Chou et Tefnout
qui enfantèrent Geb, déesse de la terre et Nout, le dieu du
ciel.
Geb et Nout enfantèrent deux couples :
• Osiris et Isis d’un côté,
• Seth et Nephtis de l’autre.
On connaît bien l’histoire de la rivalité de Seth et d’Osiris.
Osiris était le roi de la basse Égypte. Seth, jaloux de son
frère, a fait construire une grande caisse de la taille d’Osiris.
À l’occasion d’un banquet, le concours est lancé de celui
qui s’adaptera le mieux à cette boite. Dès qu’Osiris pénètre
dans la boite, Seth fait refermer rapidement le couvercle,
jette la caisse dans le Nil et prend le pouvoir.
Isis parvient à retrouver son frère et mari et le fait ramener.
Seth, l’ayant appris, fait intercepter le convoi et découpe
Osiris en 14 morceaux éparpillés en Égypte. Isis arrivera à les
retrouver tous sauf un : le pénis, avalé par un gros poisson.
Isis rassemble les morceaux, créant la première momie, et
fabrique une prothèse pénienne. Avec l’aide d’autres divinités,
Isis, par des pratiques magiques, parvient à ramener
Osiris à la vie. Transformée en faucon, elle s’élève au dessus
d’Osiris et se fait féconder. Ainsi fut conçu Horus, le
dieu-roi à tête de faucon. Osiris devint le dieu de la résurrection
des morts.
Après un combat contre Seth pour venger son père et reconquérir
le trône, Horus devint roi d’Égypte.
Ainsi, Horus est le dieu tutélaire de la Basse Égypte, Seth
celui de la Haute Égypte.
Horus représente l’ordre. Les pharaons se réclament de sa
descendance. Ils gouvernaient sous le nom d’Horus : Horus
Ménès, Horus Kheops,…
Seth représente le trouble, l’anarchie.
Chaque jour, le voyage de Rè rappelait le déroulement de
la vie. Au crépuscule, Rè-Horakti, le roi céleste, changeait
d’embarcation, devenait inerte sous la forme du dieu à tête
de bélier et gagnait les eaux souterraines. Il descendait dans
le monde souterrain à l’issue duquel il ressuscitait.
C’était un combat contre le dieu Apophis, serpent maléfique,
et les ennemis terrestres de l’Égypte.
Au matin, l’ordre triomphant surgissait du char de la nuit,
rétabli par le lever du soleil.
Osiris mort.
24 | Psy Cause – 38
La renaissance du jour assurait aux Égyptiens qu’eux aussi
se lèveraient après la mort et occuperaient la place qui leur
revenait dans l’ordre de l’univers.
La société égyptienne
La société égyptienne antique était une société très organisée
et hiérarchisée.
Cette structuration hiérarchique reposait sur des bases économiques
strictes : les crues du Nil.
Dans un milieu où la pluie est pratiquement absente, les
Égyptiens étaient tributaires des crues annuelles du Nil qui
apportaient l’eau et le limon, alluvions qui fertilisait les
champs. Pour limiter les dégâts liés à cette crue, des digues
avaient été construites et l’ouverture de la brèche dans les
digues était sous la responsabilité d’un chef qui devait savoir
donner l’ordre d’ouvrir les digues au bon moment et
avec la bonne ouverture.
Cette confiance dans le chef était essentielle : trop peu d’eau
donnait de mauvaises récoltes, d’où une possible famine,
trop d’eau pouvait noyer les récoltes, voire les habitations.
Cette régulation et cette répartition des arrosages dans les
champs nécessitaient une soumission à l’autorité, à l’ordre
et à la conformité. On comprend l’importance primordiale
d’un bon chef. Quelle meilleure garantie que la filiation
divine !
Effectivement, les périodes troublées furent souvent liées à
de mauvaises récoltes, remettant en question la légitimité
du pharaon.
Le sommeil et la mort
Ce court rappel nous permet de resituer la position essentielle
de la mort dans les préoccupations des Égyptiens et la
place du sommeil. Car la mort et le sommeil sont très proches
pour eux1.
Pendant le sommeil, l’homme plonge dans le Noun, l’océan
primordial d’où tout est sorti, à commencer par Atoum, le
dieu des origines et Apophis sa contrepartie négative. Le
Noun est comme l’eau foetale, la crue annuelle de Nil. Les
pyramides sont un symbole de l’émergence terrestre hors
de l’océan primordial.
Pendant le sommeil, l’homme replonge dans le Noun,
comme un retour de Ra dans la barque qui l’emmène dans
les ténèbres combattre le serpent…
Il existe chez les Égyptiens 3 mondes distincts :
• le monde que nous habitons pendant notre vie terrestre,
• le monde des morts, peuplé de démons, d’êtres désincarnés,
• le monde des dieux.
Le sommeil assure des fonctions essentielles :
• la réparation et la régénération du corps et de l’esprit,
• l’accès au rêve,
• la communication entre les hommes et les dieux,
• l’ouverture d’un pont entre les trois mondes : le monde
d’ici-bas, le monde des morts et le monde des dieux.
Le jour est le règne du monde organisé, le règne de Ra,
réglé par le soleil bienfaisant.
La nuit, les dieux dorment dans leurs temples, les statues
divines sont dans leur naos, coffre de pierre ou de bois. La
nuit représente un monde très menaçant pour les Égyptiens.
C’est le monde des ténèbres, le règne de tous les dangers.
Architecture domestique
Cette conception a des incidences sur la vie quotidienne et
l’organisation architecturale des maisons. On connaît l’agencement
de certains palais et de maisons de notables sous
l’ancien et le moyen empire, moins les maisons du peuple.
La question est souvent de savoir si la maison comportait
un ou deux étages en fonction de la présence d’escaliers ou
de l’épaisseur des murs.
Sans reprendre l’agencement des maisons du peuple, on
peut remarquer que ce qui est considéré comme la chambre
à coucher fait partie de la section privée de la maison.
En effet, une partie de la maison comporte les sections d’accueil
et de réception tournées vers l’extérieur, mais la chambre
et ses annexes sont des espaces reculés : elles ne sont
que très rarement ouvertes sur l’extérieur.
Dans un récit épique, lorsqu’un des protagonistes, Sinouhe
énumère les raisons qui auraient pu pousser le héros de
Retenou à le haïr profondément, il évoque : « Sommesnous
dans le cas où j’aurais ouvert les pièces du fond de sa
maison ? » Cette interrogation montre l’importance de l’intimité
attachée du lieu du sommeil.
Aussi la chambre est-elle située dans la partie la plus reculée
de la maison. On retrouve cette disposition dans le temple
où le naos est dans la profondeur du temple, hors de la
1. Cerny J., Gardiner H., Hieratic ostraca, 1957, pl. XXXVIII, recto, 1. 5-60 cité par Sauneron S. et coll, Les songes et leur interprétation, Paris,
Éd du Seuil, 1956.
Stèle de la famine.
38 – Psy Cause | 25
vue des fidèles, lieu réservé à quelques uns dont le grand
prêtre et le pharaon qui pouvaient partager l’intimité du
dieu.
La chambre est d’ailleurs accompagnée, quand le niveau
de vie le permet, d’une salle de bain et de cabinets d’aisance.
Ce sont des lieux du corps et de l’intime, enveloppés d’un
voile de pudeur.
La chambre n’est pas un lieu de vie car dans les maisons à
étages représentées dans les tombes (maison de Touty Nefer
par exemple), les plafonds sont très bas et il n’est pas très
confortable d’y faire des séjours prolongés en dehors des
moments de sommeil.
Placée en rez-de-chaussée, la chambre ne se distingue pas
des autres pièces par des caractéristiques architecturales en
dehors de sa position et la fréquence d’une alcôve pour
recevoir le lit de l’occupant ou une banquette de briques
séchées qu’il suffisait de recouvrir d’un natte pour en faire
un lit. On trouve parfois ce dispositif dans les pièces de
réception également.
La décoration des pièces est faite de peinture blanche. Il
existe rarement des peintures murales. Quand elles existent,
elles sont disposées dans les pièces de réception.
Des éléments de décoration murale des chambres n’ont été
retrouvés que dans quelques palais.
Le rêve
Le mot égyptien qui désigne le rêve est un dérivé du verbe
signifiant « veiller » ou « s’éveiller ». La nuit, ayant perdu le
sentiment des choses terrestres, le dormeur s’éveille, par le
songe, aux perceptions d’un univers différent2.
Le sommeil est un intermédiaire indispensable pour recevoir
le rêve. Le rêve peut être reçu également pendant la
journée (par exemple lors d’une sieste post-prandiale : rêve
du prince Thoutmosis sous le sphinx, cf. infra).
Le rêve est le réveil sur les autres mondes. Il entrouvre la
porte sur le monde des dieux et des démons, des êtres désincarnés
et des morts. C’est une levée de barrière entre
ces différentes catégories.
Le voyage du rêve peut aussi être un voyage spatial.
C’est une vision réelle, non pas une production fantasmatique
issue de l’imaginaire. Elle entraîne l’adhésion du sujet
comme peut l’être dans notre culture les hallucinations dans
les psychoses.
« Le dieu a créé les rêves pour indiquer la route au dormeur
dont les yeux sont dans l’obscurité3. »
Cette perméabilité entre ces mondes a des conséquences
majeures. Pendant le rêve, le dormeur essaie de trouver de
l’aide, de résoudre des problèmes ou d’avoir un aperçu sur
le futur.
Pendant le sommeil aussi, le dormeur est vulnérable et des
succubes, démons malveillants, peuvent s’approcher du
dormeur sans défense et lui faire subir des outrages jusqu’à
les engrosser de leur semence empoisonnée.
Contre tous ces dangers, des protections sont nécessaires.
Aussi, il existait des textes de protection sur des papyrus ou
sur des repose-tête avec une représentation de Bes, le dieu
protecteur.
Voici un exemple de texte à réciter après avoir fait des rêves
effrayants :
À réciter par un homme à son réveil, au lieu même où il se
trouve : « Viens à moi, viens à moi, ma mère Isis. Vois, j’ai
eu des visions loin de toi en ta cité. Me voici, mon fils Horus
: révèle ce que tu as vu, afin que ces menaces éparses
dans tes rêves puissent disparaître, et le feu s’attaquer à celui
qui t’effraie. Vois, je suis venue chasser tes maux, et extirper
tout ce qui est pernicieux ! Salut à toi, ô rêve propice
qu’on voit de nuit ou de jour. Bannies sont toutes les visions
pernicieuses que Seth, fils de Nout, a créées. Tout autant
que Rê est protégé de ses ennemis, je suis moi-même égale-
2. Sauneron S., op. cit., p 20.
3. Livre de sagesse écrit en démotique : Papyrus Insinger, 32, 33 : F. Lexa, Enseignements moraux d’un scribe égyptien du premier siècle après J.-C.,
I, Paris, 1926, p. 103, cité par Sauneron S., op. cit., p. 54.
Bes, le dieu Protecteur.
26 | Psy Cause – 38
ment protégé de mes ennemis ! » Cette formule est à réciter
par l’homme qui s’éveille, au lieu même où il se trouve,
après avoir reçu un peu de pain, et quelques légumes imprégnés
de bière et de myrrhe. On en oindra son visage, et tous
les mauvais rêves qu’il a eus seront conjurés.4 »
Deux types de rêves
On peut considérer deux types de rêves : les rêves spontanés
et les rêves provoqués.
Parmi les rêves spontanés on distingue :
• rêves à caractère prophétique, dont le sens est immédiatement
compréhensible ou qui méritent une interprétation
symbolique,
• rêves ordinaires qui nécessitent une interprétation pour
leur compréhension.
Les rêves provoqués qui ont eu un grand succès dans le
monde gréco-romain.
1- Les rêves spontanés
a- Les rêves à caractère prophétiques ou de
compréhension immédiate
Parmi ceux-ci, on peut citer :
– Le songe du roi Djoser, constructeur de la première pyramide
de Sakkarah, qui fut inscrit sur la stèle dite de la famine
au sommet de l’île Fehel qui domine les cataractes du
Nil :
Pendant que j’étais endormi, en vie et joyeux, je trouvais le
dieu debout devant moi. Je l’apaisais de louanges et lui offrit
des prières en sa présence. Il se révéla avec un visage
amical et il déclara : « Je suis Khnoum, ton créateur. Mes
bras sont autour de toi pour modeler ton corps et pour guérir
tes membres. Je t’attribue les pierres précieuses et les pierres
dures qui ont existé depuis le commencement et avec
lesquelles aucun travail n’a encore été fait, de façon à construire
des temples, à restaurer ce qui est ruiné, et tailler des
naos, faisant ce que l’on doit faire pour son seigneur. Car je
suis le seigneur créateur. Je suis celui qui s’est créé lui-même,
Noun, le très grand, qui vint à l’existence au commencement,
au désir duquel l’inondation se lève de façon à accomplir
l’oeuvre de mon ordre, pendant que chaque homme
est conduit à son devoir. Je suis Tenen, père des dieux, Shou
le grand, contrôleur de la terre. Les deux cavernes sont dans
une chambre en dessous de moi, où se trouvent les sources
qu’il m’appartient d’ouvrir. Je connais l’inondation, son flot
est sur les cultures, son flot confère la vie à chaque narine,
le flot est sur les terres cultivées jusqu’au retrait et la terre
est fertilisée. Je verserai pour toi l’inondation sans une seule
année d’absence ou d’insuffisance sur le pays entier, et toutes
les plantes croîtront et plieront sous leurs fruits. Renenut
sera la première sur toutes choses et toutes choses seront
produites par millions au travers des années. Les paysans
pensent dans leurs coeurs avec leurs seigneurs : les années de
famine sont passées, celles pendant lesquelles exista le manque
dans les greniers. Toute l’Égypte viendra dans la campagne,
la campagne brillera et l’orge sera coupée. La joie
sera dans les coeurs plus qu’il ne fut jamais5. »
Plus loin dans ce récit, il décrète un nouvel impôt afin de
remettre en état et d’entretenir les temples des dieux…
– Le songe du prince Thoutmosis, fils de Aménophis II qui
devint Thoutmosis IV. Il laissa une célèbre stèle érigée au
pied du sphinx de Gizeh.
Un jour parmi les autres, le prince royal était venu se promener,
à l’heure de midi ; il s’assit à l’ombre de ce grand
dieu (le grand sphinx) et le sommeil et le rêve s’emparèrent
de lui, au moment où le soleil était à son plus haut point. Il
constata que la majesté de ce dieu sacro-saint parlait de sa
propre bouche, comme un père qui s’adresse à son fils :
« Regarde-moi, jette les yeux sur moi, ô mon fils Thoutmosis,
Je suis ton père, Harmakhis-Khépri-Rê-Toum. Je t’accorde
ma royauté sur terre, à la tête de vivants. Tu porteras
donc couronne blanche et couronne rouge sur le trône de
Geb, le dieu héritier ; à toi sera le pays, dans sa longueur et
dans sa largeur ainsi que tout ce sur quoi l’oeil du seigneur
universel répand sa lumière. Tu recevras les aliments des
deux terres, ainsi qu’un abondant tribu de tout pays étranger,
et une durée de vie comportant un long terme d’années…
Mon visage est tourné vers toi et mon coeur vole vers toi,
vois l’état où je suis, et mon corps douloureux, moi, le
maître du plateau de Gizah ! Le sable du désert sur lequel
je trône s’avance vers moi, aussi dois-je te confier la réalisation
de mes voeux, car je sais que tu es mon fils qui va
me protéger : approche, vois, je suis avec toi et je suis ton
guide ! »
À peine eut-il achevé ces mots que le prince s’éveilla, parce
qu’il venait d’entendre ce discours. Il reconnu que ce fut les
paroles de ce dieu, et il garda le silence en son coeur6.
Je ne vais pas tenter une analyse de ces rêves. Je me bornerai
à attirer votre attention sur l’aspect sociologique et même
la fonction politique de ceux-ci. Ils n’ont pas été trouvés
inscrits au fond d’une tombe ou sur un papyrus, encore
moins sur un quelconque ostracon. Ils ont été gravés sur
des stèles, bien en évidence pour marquer le pouvoir du
pharaon. C’était un acte d’importance. Une cérémonie et
une grande fête en présence du pharaon ont pu être organisées
pour célébrer l’inscription de ces stèles.
Le premier rêve, celui du roi Djoser sur la stèle dite de la
famine, plus long, est explicite. C’est un véritable discours
démagogique, assurant l’abondance pour tous tant qu’il
règnera. Plus loin, sous le motif d’entretenir les temples, il
légitime de nouveaux impôts.
4. Josset P., Le sommeil et le rêve en Mésopotamie et Égypte antique, 04-2002, p 60-61, cité par Sauteron, Les songes et leur interprétation, p. 21
extrait de papyrus Chester Beatty n° III, 10,10 sq. Alan Gardiner : Hieratic papyri in the British Museum, third series, vol I Text p. 19.
5. Josset P., op cit., p. 64-65.
6. Josset P., op cit., p. 65-66.
38 – Psy Cause | 27
Le deuxième songe est également une légitimation divine
du pouvoir du pharaon sur les deux royaumes d’Égypte.
En effet, Thoutmosis n’était pas l’héritier en droite ligne
du trône. Il promet une certaine aisance intérieure, des revenus
pour lui et donc pour tous les Égyptiens et une longue
vie, gage de stabilité politique car souvent les luttes de
successions créaient des troubles sanglants.
Les rois ne sont pas les seuls à utiliser les productions oniriques.
Un autre groupe de puissants, les prêtres, ont aussi
utilisé les rêves, pas seulement par les techniques de divination
ou d’incubation, mais pour leur propre compte
comme ce rêve du prêtre Pchérenptah.
C’est la femme du prêtre qui s’exprime :
Trois fois, j’avais été enceinte de lui, sans jamais mettre au
monde de garçon : rien que des filles ! Aussi adressai-je une
prière, avec mon mari, à la majesté de ce dieu sacro-saint,
grand de miracles, dont les entreprises réussissent, ce dieu qui
donne un fils à qui n’en a pas, Imhotep, fils de Ptah. Il entendit
notre prière, et il exauça les supplications de mon mari. Il
vint au chevet du grand prêtre, en songe, et il lui dit : « Qu’on
entreprenne une grande construction dans tel secteur de la
ville de Memphis, où repose mon corps, et je t’en récompenserai
en t’accordant un garçon. » Pcherenptah s’éveilla sur ces
mots, et se prosterna devant ce dieu sacro-saint7.
Et le temple a été construit. Pchérenptah devait être un
dignitaire important. À la différence des pharaons, ce n’est
pas lui qui parle, c’est sa femme.
Sa femme et lui ont invoqué Imhotep, fils de Ptah, le dieu
de la médecine. On retrouve Ptah dans son nom. Sans doute
ce nom n’était-il pas le fruit du hasard mais lié à la divinité
implorée.
b- Les rêves ordinaires et les clés des songes
Les clés des songes poursuivent le sens initié par les Mésopotamiens
de l’oniromancie, interprétation ou divination
des rêves, à l’origine des clés des songes.
Elles présentent un intérêt car elles montrent la richesse du
symbolisme dans les interprétations et entrouvre une porte
sur le fonctionnement de l’inconscient des Égyptiens.
Les Égyptiens avaient élaboré des clés des songes. Il semble
bien que les Mésopotamiens les aient précédé dans cette
démarche et il n’est pas surprenant qu’on retrouve la même
structure explicative dans ce qu’on peut appeler deux
méthodologies.
Par exemple, dans le Papyrus Chester Beatty III datant du
moyen empire (période ramesside) la clé des songes a la
structure suivante :
Si un homme se voit en rêve en train de …, c’est bon signe,
cela signifie que…
Ou : c’est mauvais, cela signifie que…
Comme dans toutes les clés des songes, on ne sait en fait
rien de l’individu mais on peut appréhender certains modes
de pensée collective. Cela nécessite de bien connaître
la culture, le vocabulaire et ses valeurs phonétiques. Les
Égyptiens avaient un réel sens de l’humour, les associations
par assonances sont fréquentes. Les Égyptiens aimaient les
doubles sens, les homophonies et les jeux de mots.
Si un homme se voit en rêve :
Voyant un serpent, BON, cela signifie provisions,
La bouche pleine de terre, BON, c’est manger (les biens) de
ses concitoyens,
Regardant par la fenêtre, BON, c’est que dieu entendra son
cri,
Mangeant de la viande d’âne, BON, cela signifie sa promotion,
Faisant l’amour avec sa soeur, BON, c’est que quelque chose
lui sera transmis,
Faisant l’amour avec une femme, MAUVAIS, cela signifie
deuil
Faisant l’amour avec une gerboise, MAUVAIS, un procès sera
intenté contre lui,
Faisant l’amour avec un milan, MAUVAIS, un procès lui
sera intenté,
Son lit prenant feu, MAUVAIS, cela signifie le rapt de sa
femme8.
7. Josset P., op cit., p. 72-73.
8. Josset P., op cit., p. 82.
Imhotep.
28 | Psy Cause – 38
De même, concernant une femme :
Si une femme embrasse son mari, elle aura du chagrin,
Si un cheval s’unit à elle, elle sera violente avec son mari,
Si un âne s’unit à elle, elle sera punie d’une grande faute,
Si un bouc s’unit à elle, elle mourra promptement,
Si un bélier s’unit à elle, Pharaon sera plein de bonté pour
elle,
Si un Syrien s’unit à elle, elle pleurera car elle laissera un
esclave s’unir à elle9.
On retrouve là une position d’inversion de sens (le mari),
la force et la violence du cheval, le bélier est support
d’Amon-Ra, protecteur de la puissance pharaonique.
Quand à la dernière proposition, elle est le fait de l’ostracisme,
voire de la xénophobie des Égyptiens à l’encontre
de leurs voisins.
Concernant les naissances :
Si elle met a monde un chat, elle aura beaucoup d’enfants,
Si elle met a monde un chien, elle aura un garçon,
Si elle met au monde un âne, elle aura un enfant idiot,
Si elle met au monde un crocodile, elle aura beaucoup d’enfants10.
Dans cette série d’interprétation, des qualités différentes
sont attribuées aux animaux. Les chats et les crocodiles sont
très prolifiques, de plus, les crocodiles ont une connotation
religieuse. La violence et l’impétuosité des chiens sont
soulignées. L’âne avait déjà la connotation que nous lui
connaissons…
2- Rêves provoqués : incubation et dormition
Il existait des rêves provoqués pour entrer en relation avec
une divinité afin de recueillir son avis. Cet avis concernait
soit la résolution d’une difficulté (stérilité, construction d’un
temple, traduction,…) soit la guérison d’une maladie, c’est
le rêve curatif lié aux temples-sanatoriums.
La personne, ou un de ses proches s’il ne pouvait se déplacer,
se rendait dans le temple du dieu pour y recevoir en
rêve l’avis de la divinité. L’incubation est l’opération de
mise en condition qui permet recevoir cet avis divin.
Les pèlerins dormaient à proximité du temple où réside le
dieu qu’ils sollicitaient.
Le séjour comprenait une préparation pour être en mesure
de recevoir l’avis de la divinité. On peut définir la dormition
comme l’endormissement dans la piété.
Ces rites de dormition comportaient notamment une préparation
psychologique qui les mettait en état de recevoir
les messages issus des rêves.
Les prêtres jouaient un grand rôle dans ce travail de préparation
qui pouvait durer plusieurs jours avant que la
réponse ne s’ébauche. Ils recevaient les plaintes des malades
et la description de leurs symptômes. Ils accompagnaient
les pèlerins dans leurs prières et leurs recherches.
9. Josset P., op cit., p. 85.
10. Josset P., op cit., p. 87.
11. Griffith F., Thormson H., The demotic magical papyrus of London and Leiden, Oxford, 1921, p. 43-51: in par Sauneron S., op cit.
Ils avaient également une fonction d’éclairage et d’interprétation
de ces rêves. Ces séjours pouvaient durer plusieurs
jours.
Cette technique a été très répandue dans le monde grec
dont nous avons de nombreux témoignages et pour lequel
nous connaissons les principaux lieux de dormition. Nous
avons par contre peu de témoignages concernant l’Égypte.
Il apparaît que ces techniques ont été plus fréquentes à partir
des Ptolémées, cependant on ignore encore si ces rites
ont été importés ou s’ils préexistaient à l’arrivée d’Alexandre
de Macédoine.
Ces pratiques ont eu une grande importance dans la culture
helléniste. D’ailleurs, on peut s’interroger sur une corrélation
avec la fréquence des lieux de cultes orthodoxes
consacrés à la dormition de la Vierge.
Un papyrus démotique présente les pratiques de dormition
effectuées dans l’oratoire du dieu Bes à Abydos :
« Tu te rends dans une pièce sombre et propre, dont la façade
s’ouvre au sud, et tu la purifies avec de l’eau additionnée
en Natron. Puis tu prends une lampe blanche, neuve, en
laquelle n’entre ni terre rouge ni eau de gomme, et tu y
introduis une mèche propre, et tu l’emplis de vraie huile,
après avoir, au préalable, écrit ce nom et ces figures sur la
mèche, avec une encre additionnée de myrrhe. Et tu poses
cette lampe sur une brique neuve, devant toi, après avoir
saupoudré le sol sous elle de sable ; et tu prononces ces
formules au-dessus de la lampe, en les répétant jusqu’à sept
fois. Tu répands l’encens devant la lampe, et tu regardes la
lampe ; quand tu aperçois le dieu, au voisinage de la lampe,
tu t’étends sur une natte de roseau, sans adresser la parole à
qui que ce soit. Alors le dieu te répond en rêve… (suit le
détail des formules et de hymnes à réciter au cours des opérations
préliminaires, ainsi que la description de la pommade
dont les yeux du dormeur doivent être enduits11). »
Le sanctuaire de Deir El Bahari aurait été également un
lieu de pèlerinage. Le grand temple de Deir El Bahari a été
construit par la reine Hatchepsout, cette reine-pharaon a
fasciné et fascine bien des égyptologues par sa singularité.
Son accession au pouvoir puis son règne de 1490 à 1468
ont été une période de paix et de quiétude apparente. Dans
ce cirque de la montagne thébaine, il y avait déjà le tombeau
du roi Montouhotep (XIe dynastie) dont le temple
comprenait un péristyle à plusieurs niveaux.
Construit à côté de celui-ci, le temple érigé par Hatchepsout
est encore plus imposant par ses trois terrasses reliées
par des rampes en pente douce. Imhotep et Amenhotep,
fils de Hapou, sont représentés dans leurs niches contre la
falaise. Ils étaient les messagers des requêtes adressées aux
dieux mais pouvaient aussi être les messagers des décisions.
Certains auteurs considèrent que ces terrasses ont pu accueillir
de nombreux pèlerins venus demander aux dieux
de les aider dans leurs souffrances physiques et morales par
38 – Psy Cause | 29
des techniques de divination impliquant la dormition voire
l’oracle à la période ptolémaïque.
Plus tard, un monastère copte s’était installé dans ce temple.
On n’a pas de témoignage concernant leur activité.
Rêve et psychanalyse
Il pourrait être tentant de voir dans la fonction des prêtres
une forme de psychothérapie. Il serait cependant abusif d’y
voir un stade précurseur de la psychanalyse.
On sait que Freud était un grand amateur d’objets antiques
et particulièrement de statuettes égyptiennes. Il avait même
converti en antiquités le montant de son prix Goethe de la
ville de Francfort12.
Les photos de son cabinet de travail à la Berggasse de même
que celles de son bureau d’exil londonien témoignent de
cet attrait pour les antiquités égyptiennes.
Alain de Mijolla a parlé de « livre égyptien de Freud » à
propos de L’interprétation du rêve13.
Effectivement, on retrouve parmi les très nombreuses références
et citations de l’ouvrage, une note ajoutée à l’édition
de 1914 (alors que l’édition originale est datée de
1900). Cette note concerne Hérophile14, médecin d’Alexandrie
vivant à l’époque ptolémaïque et qui distinguait trois
types de rêves :
• les rêves envoyés par les dieux,
• les rêves naturels « qui apparaissent quand l’âme se crée
l’image de ce qui lui est profitable et de ce qui va arriver »,
• les rêves mixtes qui « apparaissent d’eux-mêmes du fait
que s’approchent des images, lorsque nous voyons ce que
nous souhaitons15 ».
C’est selon Freud la première conception considérant le
rêve comme la manifestation du désir du dormeur.
Le travail sur le rêve a traversé toute l’oeuvre de Freud, de
la Traumdeutung, L’interprétation du rêve, jusqu’aux « Nouvelles
suites des leçons d’introduction à la psychanalyse »,
conférences qu’il avait écrites faute de pouvoir les prononcer
en raison de son état de santé, et même dans son Abrégé
de psychanalyse posthume.
Dès la Traumdeutung, la démarche de Freud est à l’opposé
de l’oniromancie traditionnelle. Contrairement à cette tradition,
il n’interprète pas les éléments à partir d’une clé des
songes, mais se base uniquement sur les éléments du dormeur
qui construit sa propre chaîne associative pour discerner
le sens latent du rêve. Expérimentant lui-même cette
technique : « J’ai commencé à en isoler tous les détails [du
rêve], rompant ainsi les liens qui les attachaient les uns aux
autres ; ensuite, partant de chacun de ces détails, j’ai suivi
les associations d’idées qui s’offraient à moi. J’ai obtenu par
ce moyen un ensemble de pensées et de réminiscences parmi
lesquelles je reconnaissais bon nombre d’éléments essentiels
à ma vie intime16. »
12. Freud S., « Lettre à Hermann du 28.2.1936 », dans Chronique la plus brève. Carnets intimes 1929-1939, Paris, Albin Michel, 1992.
13. A. de Mijolla, « De la science à l’interprétation des rêves, sur le chemin en France du “livre égyptien” de Freud », Colloque Centenaire de
l’interprétation des rêves, Paris, 28-30 mai 1999.
14. Pulcini M., « Hérophile, un médecin d’Alexandrie » dont Freud dit qu’il fut le premier à affirmer que le rêve est la réalisation du désir, Revue
Psy Cause, dans ce numéro, p. 9-16.
15. Freud S., OEuvres complètes IV, Paris, PUF, note p. 167-168.
16. Freud S., Le rêve et son interprétation, Paris, Gallimard, 1925.
Deir El Bahari.
30 | Psy Cause – 38
Après les travaux sur l’hystérie, la Traumdeutung est le point
d’encrage de la théorie analytique. Freud introduit une rupture
épistémophilique avec l’interprétation populaire des
rêves.
Dans les « Cinq leçons sur la psychanalyse », il écrit : « Je
n’ai du reste jamais rien constaté qui confirme la valeur
prophétique d’un rêve17 », aussi il se place sur un autre champ
de connaissance, totalement étranger à l’oniromancie.
Par la suite, il n’a pas varié sur ce sujet. Même s’il reste
dubitatif sur la transmission de pensée, les recherches entreprises
par la suite l’ont confirmé dans cette démarche
initiale concernant le rêve. « J’estime donc que, si l’on confronte
la non-fiabilité, la crédulité, et la non-crédibilité de
la plupart des comptes rendus avec la possibilité d’illusions
mnésiques facilitées par l’affectivité et avec la nécessité de
quelques heureux hasards, on peut bien s’attendre à ce que
le fantôme de rêve de bonne aventure prophétique se dissolve
dans le néant18. »
Conclusion
Par ce rapide survol de la fonction du sommeil et du rêve
en Égypte antique, on a vu que les Égyptiens avaient une
grande crainte des ténèbres de la nuit.
Le rêve permettait la perméabilité entre les mondes des
vivants, des dieux et des esprits désincarnés.
Ils ont reçu des Assyriens les techniques d’oniromancie basées
sur des croyances populaires et ont élaboré des clés
des songes.
Parmi les techniques de résolution des souffrances physiques
et morales, ils pratiquaient l’incubation, technique de
mise en condition pour approcher la divinité qui s’exprime
dans le rêve.
Freud s’est situé en rupture par rapport à ces techniques
populaires. Dans la psychanalyse, les associations du rêveur
sont seules prises en compte pour explorer cette
« voie royale » de la connaissance de l’inconscient.

LA PSYCHANALYSE PAR LE REVE-EVEILLE



LA PSYCHANALYSE PAR LE REVE-EVEILLE
_______________________
La psychanalyse par le RE a été initiée par Desoille en 1925. Après sa mort en 1966, les praticiens qui lui ont succédés et qui se sont regroupés au sein du  Girep –Groupe Internationale du Reve Eveillé en Psychanalyse- ont permis à cette pratique d’évoluer grâce à leurs recherches théorico-clinique.
Le RE au sein d’une cure psychanalytique classique est une manifestation onirique à l’état de veille qui permet d’aborder l’inconscient. Desoille en donne la définition suivante dans Théorie et pratique du rêve éveillé dirigé (1961) « Le rêve-éveillé, état intermédiaire et nuancé entre l’état de veille et l’état de sommeil, entre le physiologique et le psychique est par essence, le reflet de ce réservoir inépuisable où le sujet a accumulé, depuis sa naissance, ses angoisses, ses craintes, ses désirs, ses expériences, lesquels demeurent, en tout état de cause et face au monde extérieur, les facteurs déterminants de son comportement ». Cette définition rejoint celle de l’inconscient et de ses fonctionnements telle que décrit par Freud. Dans la pratique du RE, le passage par l’image, plus proche des formations inconscientes que le langage verbal permet l’émergence d’un passé refoulé, des affects qui l’accompagnent et des conflits intra-psychiques.
L’approche de l’inconscient par la cure rêve-éveillé demande un aménagement particulier afin de permettre au patient la possibilité de vivre un scénario intérieur et de le laisser se déployer sur la scène de l’imaginaire. Les RE se pratiquent au sein d’une cure et après quelques entretiens préliminaires. Dans une position allongée ou de détente, le patient est invité à laisser venir les images qui s’imposent à lui, de les laisser se déployer et à les dire ainsi que les affects qui les accompagnent. Dans l’espace imaginaire ou espace du rêve dans lequel il est invité à se déplacer, le patient peut ressentir les sensations corporelles de «son corps imaginaire» et le voir se mouvoir sous différentes formes. Ainsi peut être ressenti et dit colères, joies, émotions, souffrance, plaisir…
Le thérapeute à l’écoute, note la production imagée toujours singulière du patient, évite le développement des souvenirs ou de l’intellectualisation par l’invitation d’un retour à l’image et souligne les ressentis du rêvant afin de l’aider à s’impliquer émotionnellement. C’est ainsi que le thérapeute conduit le rêve mais évite d’intervenir. En début de cure, il est parfois utile « d’amorcer » les images par une induction imagée en relation avec le développement de la cure.
Dans un second temps, le thérapeute relit les notes prises pendant la séance RE, demande au patient d’associer librement ainsi qu’il pourrait le faire à l’occasion d’un rêve nocturne ou d’une rêverie,  favorise le passage de l’image aux mots et permet ainsi le processus de prise de sens, de transformation, de symbolisation et de sublimation.
Dans la psychanalyse par le rêve-éveillé, la fréquence des séances est de une à deux par semaine.
La psychanalyse par le rêve éveillé s’adresse à toutes personnes ayant des troubles névrotiques ; des souffrances existentielles ou des problèmes relationnels. 
Je privilégie cette méthodologie pour les patients souffrant de troubles du comportement alimentaire, d’addictions ou de troubles psychosomatiques.
Ces pathologies du corps sont une indication pour cette méthodologie du fait que les RE, dans la régression de la cure,  sont comme des miroirs dans lesquels les analysant se ressentent, se voient agir et se décrivent. Ils sont surpris de ces images qui remontent à un temps d’avant le langage et qui parlent d’un corps fantasmé, remémoré, transformé et chargé d’affects auquel ils n’avaient jamais eu accès. S’en suivra les associations et la prise de sens propre à toute forme de travail analytique.
C’est dans ce même espace imaginaire, qu’au fil des différents RE le corps pourra se reconstruire.  

                                                                                                 Evelyne Ridnik

Les théories du rêve



Psychologie clinique : CM n°3&4

L’investigation de l’inconscient : le rêve

Les théories du rêve :

Les théories métaphysiques :

Avant la connaissance scientifique, l’humanité s’est inventé un modèle explicatif du monde relevant d’une pensée irrationnelle. Le sommeil, comme le rêve demeure un mystère. La première théorie était que le rêve permet d’expliquer l’existence humaine et relève de l’activité de l’âme de l’homme endormi. Les sociétés grecques, romaines et indoues voient dans les rêves une manifestation divine ou encore démoniaque et toutes les sociétés étudient une interprétation culturelle du rêve. On va distinguer les rêves prémonitoires des rêves de catastrophe. Freud découvre ces théories culturelles et cherche à trouver la méthode qui lui permet d’émettre une théorie scientifique du rêve.
Les théories psychologiques :
Maury voit dans le rêve un lien entre la veille et le sommeil qui prolonge l’activité vitale du sujet. Le contenu du rêve varierait en fonction de l’âge, du sexe et de la culture. Le rêve exprime l’expérience vécue et le contenu de la mémoire. L’oubli évoque la notion de censure du rêve. Le rêve, au niveau psychologique, apparaît comme étranger au rêveur et implique des sensations sensorielles et culturelles, bien que le rêve ignore les exigences morales.
Les avancées des neuro-biologistes :
Les biologistes vont étudier les stimuli endogènes (à l’intérieur du corps) comme étant la source du rêve, ce qui pose tout de suite la question : le rêve relève-t-il du domaine de la biologie ou de la psychologie comme discipline ?
Ils distinguent quatre sources : les excitations sensorielles externes, les stimulations sensorielles internes, les stimulations somatiques (troubles physiques) internes et les troubles de fonctionnement organique (besoin urinaire par exemple).
La théorie psychanalytique :
Freud a emprunté à l’hypnose la clinique de la parole : l’allongement (divan) et l’étude de la mémoire. Le rêve lui donne la clef d’accès aux souvenirs et au passé. Pour lui, le rêve permet l’accomplissement d’un désir inconscient refoulé. Il s’agit de repérer le contenu latent pour le rendre manifeste et lui donner un sens.
Le rêve selon Freud :
La structure du rêve :
C’est à travers sa patiente Irma et bien d’autres que Freud élabore le travail du rêve en 1900 dans son écrit L’interprétation des rêves. Le rêve intègre les impressions vécues le jour précédent, il choisit la mémoire éveillée et les faits qui échappent à la conscience (choses banales par exemples). Le rêve dispose des impressions d’enfance, les faits de l’époque, considérés comme oubliés en période de veille. Ainsi le rêve émane de différentes sources des faits récents, infantiles et somatiques. Le rêve est donc un texte à reconstruire et interpréter. Il s’agit d’emblée pour Freud, de l’accomplissement déformé d’un désir refoulé. Les restes diurnes sont des éléments de l’état de vielle qui s’intègrent dans le récit du rêveur et les associations libres. Pour Freud, les restent diurnes sont entrepreneurs du rêve et la force pulsionnelle anime le désir inconscient.
Les diverses catégories du rêve :
Freud distingue :
-          des rêves clairs et raisonnables qui sont assez typiques (exemple : rêve d’exhibition qui exprime un plaisir interdit de l’enfant de se dénuder).
-          des rêves clairs comme typiques mais ayant un sens étonnant (exemple : rêve de la mort d’une personne chère sans chagrin ni pleurs, qui exprime le désir inconscient de cette mort).
-          des rêves typiques absurdes mais obscurs (exemple : un étudiant rêve qu’il doit passer un examen mais la situation est inversée et il se voit à la place du professeur ; c’est une réactivation des peurs enfantines ou des punitions subies dans l’enfance autour des examens ou échec scolaires).
-          des rêves absurdes et obscurs (exemple : le rêveur rêve d’une manière répétitive quelqu’un qui est déjà mort et cette personne est représentée par des détails et non pas forcément par la personne entière ; il s’agit ici d’un rêve Oedipien)
Le travail du rêve :
Pour interpréter le rêve il faut le remanier de façon à le présenter sous la forme d’un scénario cohérent et compréhensible. Les différents fantasmes inconscients alimentent l’élaboration secondaire et agissent comme une censure. Le travail se poursuit par des mécanismes de défense.
Le refoulement :
Opération de censure qui repousse dans l’inconscient des représentations jugées inacceptables ou indésirables par le sujet. Les tabous culturels rentrent en considération dans le processus du refoulement.
La condensation :
Fragments du rêve qui restent lors du réveil. Cette condensation s’opère par omission dans une restitution incomplète du rêve.
Le déplacement :
Déplacement d’une représentation intense sur d’autres qui le sont moins originellement et qui sont reliées à une chaîne associative toujours dans une perspective économique et énergétique.
Les processus de figurabilité du rêve :
Ce sont ces processus qui permettent d’interpréter les rêves. On va, pour cela, repérer la figuration des symboles (exemple :  les rêves à connotation sexuelle peuvent être symbolisés par le fait de monter et descendre l’escalier ; les rêves de castration, par la perte de dent ou de cheveux ; les rêves phalliques, par des objets masculins). Il s’agit d’une question de symbolisation dans le rêve qui emprunte des éléments culturels connus du rêveur.
L’interprétation psychanalytique :
Dans le rêve, l’effet de la censure comme résistance, introduit par les souvenirs enfantins, s’accompagne d’une régression (émotionnelle). Ce processus permet à Freud de découvrir l’inconscient : « nous donnons le nom d’inconscient, le système placé en arrière : il ne saurait accéder à la conscience si ce n’est en passant par le pré-conscient. Durant ce passage le processus d’excitation se plie à certaines modifications. » Le rêve met en scène les processus primaires et secondaires et le mécanisme de refoulement. Lewin parle d’écran du rêve : tout rêve se projette sur un écran blanc inaperçu du rêveur et qui symbolise le sein maternel tel que l’enfant l’hallucine dans le sommeil qui suit le nourrissage. Le rêve est le gardien du sommeil.

Le rêve dans la Bible



La Bible a donné ses lettres de noblesses au rêve, en en faisant le lieu, par exemple, de la révélation à Joseph de sa future pseudo-paternité.
Les lettres de noblesse données à l’érotisme par le saint livre furent également accordées dans le Cantique des Cantique, épopées amoureuse qui ne fait pas léconomie dallusions plus que précises !
St Augustin, dans ses célèbres Confessions, relate même ses éjaculations nocturnes un phénomène affublé du titre non-anodin de pollution .
On ne contrôle pas ses rêves, donc il n’est pas question de se sentir coupable.
Si cétait si simple !
Il peut arriver que des femmes rêvent quelles se font violer : cela peut saccompagner dune excitation intense, difficile à accepter au réveil.
Il faut savoir que tous les rêves ou fantasmes sont acceptables dans la mesures où ils ne sont PAS la réalité.
Certes, l’esprit conscient condamne sans réserve toute violence dans la sexualité, tout abus de force ou de pouvoir.
Et néanmoins, la volonté farouche dun homme qui veut à tout prix arriver à ses fins peut se frayer un passage vers une certaine excitation féminine, à condition dêtre expurgée de toute pesanteur concrète.
Mais comme il est difficile de lavouer, et surtout de faire coller cela avec ses valeurs..
Certains chercheurs ont voulu prendre le contre-pied des psychanalystes friands dinterprétation des rêvesen prétendant que lactivité cérébrale pendant le sommeil se purgeait dun coup dune sorte de trop-plein, et que les rêves pouvaient nêtre quune sorte de poubelle du mental.
Ce à quoi les psy répondirent que lon apprend beaucoup dune personne en analysant le contenu de sa poubelle.
Dis moi ce que tu jettes, je te dirai qui tu es.
Parfois, l’excitation onirique disparaît complètement au réveil, provoquant une grande déception.
Ceux qui sont à la recherche de sensations fortes ou dont le désir est vacillant ne trouveront donc pas forcément ce quils cherchent dans les rêves érotiques.
Les rêves érotiques nont souvent rien à voir avec les images dont nous sommes submergés.
Ni même avec des scènes complaisamment décrites dans la littérature du même nom.
Non, ce qui fait la force du rêve érotique, cest une sensation indicible, un vécu inexplicablement intense qui vient chercher le rêveur dans ce quil a de plus sensible :
- Un sentiment amoureux bizarrement sans support personnel dans un rêve, on nest pas forcément amoureux dune personne particulière
- Une impression de découvrir ce quon attendait plus, on ce quon cherchait depuis toujours
- Une connexion avec un sentiment très animal, presque archaïque.
Souvent, le rêve érotique laisse au réveil une impression diffuse de Vie, plutôt joyeuse.
Cest en cela qu’il est bienvenu, et que son occurrence est de bon pronostic quant à la santé mentale de la personne.
Hélas, il ne peut être prescrit, par aucun médecin, chaman ni gourou.
A l’image de la spontanéité de la sexualité, il ne se laisse pas enfermer, et encore moins instrumentaliser.
Rêveurs de tous les pays, désaltérez-vous délicatement à la rosée que lérotisme aura déposé certaines nuits sur les fleurs de votre désir !
Docteur Christophe Marx

Qu’est-ce que le rêve éveillé ?



Le rêve éveillé est une technique d’exploration douce, naturelle et très efficace de l’inconscient. L’inconscient s’exprime de manière privilégiée par le langage des rêves, c’est-à-dire par des images symboliques chargées d’énergies psychiques vivantes (appelées “Archétypes”). Ces images apparaissent spontanément durant les rêves nocturnes, mais elles peuvent aussi apparaître en état de relaxation profonde alors même que la conscience n’est pas endormie. Dans cet état modifié de conscience, il est possible d’établir un contact lucide et direct avec le subconscient, pour l’observer et le libérer de ses blocages. Les images symboliques permettent simultanément d’établir un contact vivant avec le supra-conscient, là où siègent les énergies vives, créatrices et guérisseuses de l’âme, indispensable à une vie réussie...
 
Les rêves éveillés sont accessibles à tous et sont passionnants à expérimenter sur soi-même. Il en existe plusieurs formes : les rêves éveillés “dirigés” dont le scénario est préparé à l’avance pour explorer et soigner une région déterminée du subconscient et les rêves éveillés “spontanés et interactifs” basés sur l’association libres d’images mentales, afin de déverrouiller les énergies psychiques profondes.
 
Ses effets intérieurs
 
Le rêve éveillé permet d’identifier clairement, et avec une grande précision, les schémas inconscients négatifs qui empêchent une personne d’être pleinement épanouie, sereine et rayonnante dans sa vie. Grâce à cette technique remarquable, il est possible d’entreprendre les transformations nécessaires pour se libérer des structures inconscientes aliénantes et retrouver naturellement l’estime de soi, la confiance et l’énergie créatrice ...
 
... De voyages intérieurs en voyages intérieurs, le langage symbolique des rêves et des grands archétypes universels se dévoile, ce qui permet, non seulement de comprendre le sens de ses propres rêves et de ceux de ses proches (enfants, conjoint, patients...), mais aussi de comprendre le sens caché des mythes, des légendes et des contes de toutes les traditions, puisque ceux-ci reposent toujours sur un ou plusieurs grands archétypes de l’inconscient ...
 
Ses applications thérapeutiques
 
Les techniques de rêves éveillés (avec les techniques de thérapies verbales), sont les principaux outils de thérapie que la psychologie transpersonnelle (nouvelle branche de la psychologie humaniste qui intègre les dimensions spirituelles en psychologie) met quotidiennement en oeuvre. Divers scénarios de rêves éveillés sont à la disposition du thérapeute pour traiter les problèmes de couple, de conflits relationnels (avec un parent, un enfant, un collègue), les problèmes personnels (timidité, complexe d’infériorité, manque de confiance en soi), les problèmes de dépendance (à la nourriture, à la sexualité, à l’alcool, aux drogues, etc.), les problèmes existentiels (face à la maladie, à la mort, au divorce, au sens de la vie...). Il existe également des techniques de traitement approfondi de l’inconscient par le rêve éveillé spontané et interactif, qui permet de conduire avec les personnes concernées de véritables psychanalyses de longue durée orientée vers le transpersonnel.
Par Jean-Pierre Le GOUGUEC,
Co-fondateur et formateur en psychologie transpersonnelle de l’Institut Privé de Sciences Humaines de Nantes (France).