Une vision terrible
C'était en mai quand fleurissent les jardinset que les oiseaux chantent en leur langue;
Bellaude se trouve à l'ombre d'un pin vert.
Une demoiselle lui coiffait ses cheveux,
Aisselenette, la fille du duc Garin,
et plus de douze autres dames l'entouraient.
«Dames, dit Aude, au nom de Dieu, conseillez-moi:
l'autre semaine, vendredi dernier,
je fis un songe en dormant dans mon lit;
écoutez la vision que j'ai eue.
Il me semblait que le monde entier se fendait
et que le soleil obscurcissait sa clarté;
au milieu du ciel jaillit un rayon de feu
qui tomba dans ma bouche et entra en moi;
il me brûla au point que mon cœur éclata;
il me sembla vraiment que je mourais;
quand je fus morte, je me suis réveillée.
J'eus une telle peur à mon réveil
que j'en perdis presque totalement le sens;
cette terreur me fit perdre mes couleurs.
Pour l'amour de Dieu, dames, conseillez-moi!
Qu'est-ce que ce rêve, dames, dites-le-moi!»
Aibelina, la fille du comte Guy, répondit:
«C'est un bon rêve, il vient de Dieu.
Aujourd'hui nous verrons Roland le paladin
et Olivier votre frère également.»
Pendant que les dames parlaient ainsi,
la Bellaude regarda sur le chemin
et vit venir un pèlerin qui se hâtait.
Il les salua et Bellaude lui dit:
«Frère soldat, dites-moi la vérité:
si vous venez d'auprès du puissant saint Jacques,
êtes-vous passé par Espagne la grande?
Apprenez-nous ce que font les douze pairs;
écoutons des nouvelles du paladin Roland!
— Cela fait quatre jours en vérité
que je suis passé par Espagne la grande
où j'ai vu morts Olivier et Roland
et tant d'autres que j'en ai le cœur douloureux.
Je suis venu à grandes étapes, à marche forcée,
et je vais m'en aller en France la vaillante
porter de mauvaises nouvelles à ceux qui s'y trouvent.
1160 | Anonyme | Ronsasvals |
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