S.
bonjour,
j'ai rêvé que j'allais à un repas de famille. Une grande table est dressée avec ma famille attablée en train de déjeuner, même des tantes que je n'ai pas vu depuis longtemps.
Je plaisante avec tout le monde en faisant le tour de la table pour saluer tout le monde. J'arrive sur un groupe de religieuses attablées (environ 4 ) à qui je ne peux pas dire bonjour car elle sont en prière silencieuse, tête baissée et yeux fermés. Elles ont été invitées.
Je me sens un peu contrarié de ne pas pouvoir les saluer en me disant "que vont-elles penser de moi, me verront-elles comme une impolie?"
Mohamed Chéguenni :
Bonjour S.,
Pouvez-vous répondre aux questions suivantes:
- Y a-t-il eu récemment un repas chez vous, avec votre famille, ou des amis ?
- De quelle nature sont vos relations avec vos tantes ? Avez-vous eu jadis des problèmes avec elles ? Avez-vous quelque chose à leur reprocher ou ont-elles quelque chose à vous reprocher ?
- Ces tantes évoquent-elles pour vous des problèmes particuliers que vous auriez rencontrés avec d'autres membres de votre famille qui leur sont apparentés ?
- La religion est-elle absente de votre vie ou occupe-t-elle (ou a-t-elle occupé) une place quelconque ?
- Vous reprochez-vous d'avoir commis un acte répréhensible qui vous fait éprouver du remords ?
S. :
Bonjour,
Lundi 15 aout 2011, a fait 1 an que mon père nous a quitté, nous nous sommes effectivement réunis, mais uniquement en parents proches (frère soeur et belle-mère).
En ce qui concerne mes tantes, je n'ai absolument rien à leur reprocher, ce sont justement des tantes avec qui j'ai vécu des merveilleuses vacances dans mon enfance (elles sont jumelles).
Il y avait effectivement ma grand-mère maternelle à cette table assise à côté de mes tantes, avec qui j'éprouve quelques difficultés. Elle est très possessive et je dois souvent lutter pour qu'elle ne m'envahisse pas trop. Pour tout vous dire je la compare souvent à une manthe religieuse si je peux me permettre ce jeu de mots.
Merci de votre prompte réponse.
M.C. :
Bonjour,
Ne disposant pas d'informations nombreuses, je vais donc me contenter de conjectures à propos de la signification de ce rêve : nous assistons dans ce rêve à des retrouvailles familiales dont la fonction semble être de réconcilier les divers membres de cette famille et en particulier la rêveuse avec tout le reste de cette famille. Cette hypothèse suppose donc que notre rêveuse aurait quelques reproches plus ou moins fondés à s'adresser à elle-même et chercherait ainsi à s'attirer la clémence et le pardon de ses proches. Sa ou ses fautes semblent proches du péché pour lesquelles elle escompte donc l'absolution, comme en témoigne l'atmosphère religieuse du rêve : le repas me fait penser à la Cène, les convives, aux douze apôtres, les religieuses, à Jésus et la rêveuse à Juda dont Jésus est conscient des traitres desseins.
La table me conforte dans mon hypothèse car son symbolisme, comme matière d'édification et de réalisation tant physique que spirituelle, se retrouve dans de nombreuses philosophies et religions. Elle exprime la recherche de spiritualité, de communion, de plénitude, d'harmonie avec soi et les autres, comme si notre rêveuse, suite à certaines transgressions qu'il lui appartient de déterminer, était sujette au remords et à la culpabilité qu'elle s'efforce de dissiper grâce à ce rêve. Pour comprendre la force de la signification de la table, il suffit d'évoquer les Chevaliers de la Table ronde, illustrant la quête mystique, ou, comme je le disais, les douze apôtres et la table du Cénacle, les Tables de la loi données à Moïse et devenant la référence morale de tout un peuple, la Table gardée de l'Islam, sur laquelle Allah inscrit la destinée des hommes.
La table possède en outre une valeur affective profonde dans les images du repas partagé, de la fête familiale. Ce que vient chercher notre rêveuse à la table de son rêve est donc ce qui lui fait cruellement défaut dans sa vie : quiétude, accord avec soi, affection, reconnaissance, compagnie, innocence, réconciliation...Les fautes qu'elle cherche à expier semblent parfois remonter bien loin, comme semblent le suggérer les tantes qu'elle n'a pas vues depuis longtemps, et qui ressemblent à des témoins auxquels on appelle pour se disculper. Ce repas de retrouvailles est donc peut-être avant tout le tribunal de l'accusée qu'est la rêveuse. N'oublions pas que la prière est avant tout une supplication adressée à la divinité, comme les quatre religieuses s'adonnaient à cette pratique en faveur de la rêveuse. On me demandera alors pourquoi celle-ci est si gaie et joyeuse dans son rêve alors qu'elle est en proie à un sentiment de culpabilité très douloureux. Deux hypothèses : sa joie est l'expression anticipée du plaisir qu'elle aura d'être pardonnée. Comment sait-elle qu'elle va l'être ? N'oublions pas que tout rêve est une réalisation de désir; en forgeant ce rêve, elle a donc prévu la sentence qui lui agrée puisqu'elle est juge et parti. La deuxième hypothèse est que cette bonne humeur n'est que la représentation inversée de son désarroi et de sa torpeur morale. Si celle-ci étaient patentes dans le contenu manifeste du rêve, celui-ci aurait probablement échoué et donné lieu à un cauchemar.
Je suis encore interpellé par le fait que les religieuses sont au nombre de quatre. Sachant que le 4 manifeste universellement et depuis les temps les plus reculés, le solide, le tangible, le définissable, il me conforte dans l'interprétation préalablement donnée : en effet, appliqué au plan intérieur, ses significations sont alors la certitude, l'immuabilité et la permanence. Dans le rêve, le 4 est extérieur à la rêveuse. J'en déduis donc que tout ce qu'il symbolise lui est extérieur et que par conséquent les contraires de ces caractères extérieurs sont à l'intérieur de notre rêveuse : en somme, elle est sujette à l'incertitude, l'absence d'immuabilité, autrement dit le changement permanent, l'instabilité, l'absence de quiétude, donc l'inquiétude (littéralement, elle est en quête de tous ce qui lui extérieur, symbolisé par les religieuses priant pour qu'elle retrouve tout cela.
Rappelons-nous que l'invariabilité qui semble faire cruellement défaut à la rêveuse et dont le manque est vécu par elle comme une aliénation, cette invariabilité disais-je est bien rendue par l'expression physique du 4, le carré, qui demeure toujours le même et ne subit aucune déformation. On peut le retourner, de bas en haut ou de gauche à droite, sans qu'il ne se transforme (à l'inverse du triangle, par exemple, plus dynamique). Ainsi, le 4 évoque la stabilité parfaite, la sécurité absolue. A ce titre, on peut évoquer les quaternaires généraux qui expriment tous cette idée de base ou de complétude : les quatre éléments (terre, eau, air, fe qui permettraient de tout expliquer et d'échapper à l'ignorance, donc à l'incertitude et à une forme d'insécurité intellectuelle et physique); les quatre pointe cardinaux qui sont des repères par excellence. Ne dit-on pas "perdre le nord" pour quelqu'un qui a perdu la tête et donc d'une certaine façon tous ses repères ? Les quatre saisons, dont le retour régulier exprime l'harmonie, la prévisibilité, donc l'assurance et la sécurité puisque les lendemains ne sont pas incertains; les 4 phases de la lune; les 4 âges planétaires (or, argent, airain, fer);les 4 règnes (minéral, végétal, animal, humain, qui semblent installer au sommet de la hiérarchie des êtres et l'assurer ainsi qu'il est dominateur.
D'une manière plus générale, le quatre apparaît comme le nombre de la structure, notamment familiale (le père, la mère, la fille, le fils) thème largement exploité par la publicité, ce qui nous ramène au rêve et révéler que notre rêveuse ne parvient pas ou plus à trouver sa stabilité hors du cercle familial qu'elle s'efforce de regagner pour cela dans son rêve. Le quatre incarne aussi en psychanalyse, le cadre, l'établissement des limites et interdits ainsi que le père dans sa fonction de régulateur. J'ai appris à ce sujet que le père de la rêveuse les a quittés depuis un an. Sa disparition serait ainsi celle des repères fondamentaux de la rêveuse, provoquant alors une destabilisation que seules les retrouvailles représentées par le rêve permettraient de surmonter. On peut encore se demander ceci : si la rêveuse n'éprouvait fondamentalement que de la pitié et du chagrin suite au départ de son père (je ne sais pas s'il est décédé ou seulement parti), ces sentiments compréhensibles et irréprochables ne devraient pas donner lieu à de la honte, que l'on éprouve quand on s'est comporté de façon impolie. Or notre rêveuse se considère bel et bien comme une éventuelle impolie. Elle a donc bien quelque chose à se reprocher. Les quatre religieuses seraient alors aussi la personnification de sa conscience morale à laquelle elle redoute de s'adresser de peur de voir en face ses propres transgressions.
En résumé, je pense, sous toute réserve, que par ce rêve, la rêveuse tente de rétablir en elle-même et avec sa famille, l'équilibre qu'elle a perdu par sa faute suite à des comportements délictueux.
Mohamed Chéguenni