Rêve de Gérardin
Attaqué par trois léopards
Ils marchent donc vers la cour, les malheureux orphelins, emmenant avec eux une belle compagnie. Huon dit à son frère Gérardin :— Gérard, par Dieu qui ne ment pas, nous allons à Paris servir le meilleur roi qui ait jamais existé au pays de France, et il faut toujours se réjouir en l’honneur d’un homme de bien : chante, cher frère, tu réjouiras notre cœur.
— Je n’en ferai rien, répond Gérardin; car cette nuit, tandis que je dormais, j’ai fait un songe qui m’a consterné : il me semblait — je vous dis la vérité — que j’étais attaqué par trois léopards qui m’arrachaient le cœur de la poitrine; vous échappiez au danger, mais je subissais un sort cruel. Par Dieu, retournons à Bordeaux auprès de notre mère, qui nous a élevés tendrement.
Anonyme
Huon de Bordeaux
France 1260 Genre de texte Chanson de geste
Contexte
Huon et Gérard, les deux fils de Seguin, le défunt duc de Bordeaux, se rendent à la cour à la demande de Charlemagne. Gérard, à la suite d’un cauchemar, craint qu’ils ne soient attaqués sur leur chemin, ce que nie Huon. Comme le songe l’avait présagé, les deux frères tombent dans une embuscade tendue par Amauri et son complice Charlot, le fils de Charlemagne. Gérard est grièvement blessé, mais Huon tue Charlot, dont il ignore l’identité.
Notes
Autour de la chanson de Huon de Bordeaux (10553 v.), écrite en pays picard entre 1260 et 1268 (M. Rossi), s’est constitué dans la seconde moitié du XIIIe siècle un cycle de 32 000 vers.
Texte original Or vont a cort li dolant orfelin,
Bele est la route que mainnent li mescin.
Hues apele son frere Gerardin :
« Gerars, biau frere, por Diu qui ne menti,
Nous en alons a le court, a Paris,
Le millor roi viseter et servir
Que onques fust en France le païs
Et de preudomme se doit on esbaudir :
Cante, biau frere, por nos cors esjoïr. »
- « Non ferai, frer, ce respont Gerardins;
Anuit, par nuit, quant je fui endormis,
Songai un songe dont je sui asoplis :
Il me sanloit, loiaument le vous di,
Que trois lupart m’avoient asailli,
Si me traioient le cuer de sous le pis;
Vous escapiés, mais j’estoie honnis.
Pour Dieu, ralons a Bourdele le cit,
A nostre mere, qui souef nous nori. »
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