jeudi 31 mars 2011

Contenu latent


Le contenu latent est une notion introduite par Freud en 1900, en même temps que celle de contenu manifeste du rêve.
Le contenu latent désigne l’ensemble des significations auquel conduit l’analyse du rêve. Il est le produit du travail d’interprétation : les pensées du rêve (ou contenu latent) sont antérieures à leur traduction manifeste et l’analyse consiste à suivre le parcours inverse du travail du rêve. La mise au jour du contenu latent permet de retrouver une expression plus authentique, plus proche de la vérité, du matériel du rêve (par exemple, un désir de se disculper). Par extension, la notion de contenu latent est appliquée à toute production de l’inconscient. En psychologie projective, l’analyse de la production du sujet vise à dégager ses contenus latents. Mais on utilise le terme de sollicitations latentes pour rendre compte des contenus sous-jacents susceptibles d’être figurés par le matériel manifeste du test même.
En psychanalyse, le contenu latent est le contenu sous-jacent au contenu manifeste du rêve. Il subit le travail du rêve et devient conscient seulement à travers l’interprétation.
La notion de contenu latent, dans la théorie freudienne, est souvent associée au rêve* : elle s’oppose au contenu manifeste, et comprend l’ensemble des représentations inconscientes sous-jacentes au récit manifeste du rêveur. Le contenu latent du rêve est donc le sens symbolique du récit. De même, toute production de l’inconscient possède un sens caché, c’est le contenu latent.Dans un ouvrage écrit en 1899, L'Interprétation des rêves, Freud propose une nouvelle manière d'interpréter les rêves à travers le déterminisme psychique, c'est-à-dire la présence pré-existante de l'idée. Cette dernière utiliserait le rêve pour accéder à la conscience, sans être bloquée par les notions de bien ou de mal, pour faire passer l'idée en refoulant le désir, sans déclencher d'angoisse ou de culpabilité. Ainsi, le rêve serait l'expression camouflée d'un désir, possible à décrypter grâce à une méthodologie simple, qui consiste à connaître les interdits de la société agissant comme des filtres. Culture et éducation participent pleinement au camouflage du fantasme énoncé à travers un contenu latent et un contenu manifeste. Le contenu manifeste est alors le scénario du rêve tel qu'il apparaît dans le souvenir du rêveur, tandis que le contenu latent est l'ensemble des pensées refoulées, à l'origine du rêve mais dont le rêveur n'a pas conscience. Les "rêves typiques" touchent la plupart des gens et sont assez stéréotypés: tomber, être poursuivi, perdre une dent... Les enfants ont des rêves simples et non voilés, car les interdits sont peu nombreux. Pour les adultes, les rêves sont cohérents (bien que non motivés en apparence) ou incohérents et absurdes (les plus longs dans la majorité des cas). Plusieurs mécanismes servent à l'esprit pour constituer ces messages, comme la dramatisation (création d'un contexte narratif ou d'une situation), la figuration (sensations visuelles, rébus, expression imagée du désir...), la condensation (représentation par un seul élément du contenu manifeste d'une multiplicité d'éléments du contenu latent) ou l'inverse dans la dispersion, et enfin le déplacement (élément mineur du contenu manifeste qui acquiert une place centrale par le contenu latent).

 La théorie du rêve a servi de point de départ à la théorie des névroses puisque Freud a assimilé des productions oniriques aux productions névrotiques. Il a montré son intérêt pour les rêves dès le début de sa recherche, dès sa jeunesse il a noté tous ses rêves, dans sa correspondance à Fliess et à Jung. C'est l'étude des rêves qui a provoqué la rupture avec Jung.
I. La différenciation entre le contenu manifeste et le contenu latent
C'est l'apport essentiel de Freud à la théorie du rêve. La vie psychique se modifie au moment du sommeil et elle va fonctionner selon d'autres mécanismes. Le rêve nous arrive avec des caractères d'étrangeté et d'illogisme. Dans un premier temps, c'est ce caractère d'étrangeté qui nous permet de différencier le contenu manifeste et le contenu latent.
1. Le contenu manifeste
Freud : 'Le contenu manifeste désigne le rêve avant qu'il soit soumis à l'investigation analytique tel qu'il apparaît au rêveur qui en fait le récit, par extension on parlera du contenu manifeste de toute production verbalisée du fantasme à l'oeuvre littéraire qu'on se propose d'interpréter selon la méthode analytique.' C'est le rêve tel qu'il se présente, à l'état brut. C'est déjà différent du récit que l'on fait qui est lui-même une interprétation. Ce contenu manifeste a subit un long travail de déguisement qui est appelé le travail du rêve, pour accéder à la signification il faudra identifier le déguisement.
2. Le contenu latent
C'est l'ensemble des significations auxquelles aboutit l'analyse d'une production de l'inconscient, c'est le rêve déchiffré et le contenu latent n'apparaît plus comme un récit en images mais comme une organisation de pensées exprimant un ou plusieurs désirs. Il n'apparaît jamais tel quel à la conscience mais plutôt il se dévoile au fur et à mesure du travail d'interprétation.
Plus le contenu latent est déguisé plus il est loin du contenu manifeste, psychologiquement plus il y a refoulement plus la compréhension consciente est difficile. L'importance du décalage entre les deux contenus renseigne le thérapeute sur l'importance du travail à faire avec l'inconscient. Pour accéder au contenu latent, Freud a mis au point sa technique de libre association, premièrement on réduit le contenu manifeste en séquences constitutives du scénario, deuxièmement on demande au sujet d'associer sur chacune de ses séquences, troisièmement les fils d'association s'entrelacent et aboutissent à une trame de pensées et le rêve latent apparaît progressivement.
La technique psychanalytique consiste à tirer à la conscience les idées latentes à partir du contenu manifeste. C'est ce que Freud a appelé le travail d'interprétation.
II. Le dynamisme du rêve
Nous venons de voir que Freud soutient que le rêve manifeste a un sens latent que peut découvrir le travail psychanalytique et pour découvrir cela Freud va poser une deuxième hypothèse : 'tout rêve après complète analyse se révèle comme la réalisation d'un désir.' Pour justifier cela, il va d'abord prendre des rêves simples comme ceux des enfants c'est-à-dire ceux dont la réalisation du désir se manifeste sans déguisement. Par exemple, un rêve de sa fille âgée de 19 mois qui un matin a des vomissements, elle est mise à la diète pour toute la journée. Dans la nuit suivante, Freud l'entend crier au milieu de son sommeil agité et dans son rêve : 'Anna Freud, fraise, grosse fraise, flan, bouillie.' Interprétation : elle emploie son nom pour exprimer la prise de possession, elle énonce un menu qui comprend tout ce qu'elle aime, le rêve apparaît comme une revanche sur la diète imposée donc il est la réalisation d'un désir insatisfait pendant la veille. Les rêves des enfants appartiennent souvent à cette catégorie qui est celle de réalisation simple de désirs non satisfaits pendant la veille. A partir de l'étude de ces rêves d'enfants, il va tirer toute une série de conclusions :
- Le rêve enfantin compréhensible sans analyse est toujours une réaction à un événement de la veille. Il a un sens compréhensible immédiatement.
- Le rêve enfantin est la réalisation directe non voilée, non déguisée d'un désir non satisfait la veille.
Le rêve apparaît comme un compromis entre le désir et le besoin de dormir. La tendance à dormir est perturbée par le désir qui va exiger satisfaction. Le rêve permet la satisfaction du désir et il va écarter l'excitation perturbatrice qui aurait réveillé le dormeur. Le rêve sauvegarde le sommeil. 'Le rêve est le gardien du sommeil non son ennemi.'
Certains rêves d'adultes appartiennent à cette catégorie, ce sont les rêves provoqués par des besoins vitaux, la faim, la soif et les besoins sexuels. Par exemple, le rêve de banquets plantureux de personnes au régime ; ou les défilés érotiques de prisonniers. Ce ne sont pas la majorité.
La plupart des rêves se présentent déguisés, embrouillés et bizarres. La première hypothèse de Freud va se compliquer et devenir, le rêve est un compromis. Tout en dormant, on satisfait le désir et en satisfaisant le désir on peut continuer à dormir. Le désir est satisfait à un niveau symbolique ou encore fantasmatique. Par l'hypothèse de la censure, il va expliquer la déformation des rêves. La censure désigne une force qui exerce une action inhibitrice à l'égard de certaines tendances qu'elle reposse dans l'inconscient. Au niveau du rêve, on peut repérer cette action sur deux niveaux, des déformations systématiques qui empêche la compréhension, des résistances à l'analyse. Plus la censure est forte plus le rêve est déformé donc plus il est difficile à comprendre et plus difficile est l'intégration du contenu au conscient. La censure tient la place essentielle dans la conception freudienne du rêve. Le rêve n'apparaît plus simplement comme un compromis entre le désir de dormir et le désir perturbateur mais il résulte de l'interférence des trois forces, le désir de dormir, un désir plus ou moins choquant consciemment inhibé et la force de la censure. Le désir choquant ne franchi pas le barrage de la censure et pour se manifester et en même temps laisser le sujet dormir il va exister par des effets indirects et une nouvelle formule exprime la structure du rêve : 'Le rêve est la réalisation déguisée d'un désir refoulé.'
III. les mécanismes d'élaboration du rêve
Le travestissement du rêve est l'effet d'un travil aux mécanismes complexes : la condensation, le déplacement, la figuration, la symbolisation et l'élaboration secondaire.
La condensation : Laplanche et Pontalis : C'est le processus psychique inconscient par lequel des idées et des sentiments d'une personne se trouvent confondus et traduits d'une manière abrégée. Dans le rêve, cette condensation correspond à l'amalgame de plusieurs images en un composé méconnaissable. C'est la condensation qui explique que le contenu manifeste est toujours court par rapport au contenu latent. Le rêve manifeste apparaît comme un extrait incondensé. Freud fait l'analogie avec un portrait composite qui regrouperait en une seule personne les yeux d'une autre, l'habit d'une troisième, de là se composent des êtres étranges pas totalement inconnus mais en réalité c'est un amalgame de plusieurs êtres connus. Au niveau sémantique, la condensation est extrêmement riche puisqu'un seul contenu manifeste peut renvoyer à des quantités d'idées latentes.
Le déplacement : c'est le déplacement de l'affect ou de l'investissement libidinal. Par exemple, l'homme aux loups qui ne pleure pas à la mort de sa soeur mais qui éclate en sanglots sur la tombe de Pouchkine (poète romancier russe). Le rapport entre l'objet réel et l'objet substitutif est le plus souvent symbolique. Le résultat du déplacement est qu'il va apparaître au premier plan du rêve ce qui joue un rôle secondaire dans le contenu latent. Plus la censure est importante plus le déplacement est important.
La dramatisation, la figuration : la plupart des rêves se présentent comme une scène. Le travail de figuration sera de convertir des pensées en un scénario. Cela implique d'exprimer des idées par des images visuelles et de traduire des relations logiques existants entre ces individus. En ce qui concerne la figuration, le sujet apparaît rarement dans les rêve du fait de la censure. Mais la censure va déjouer le processus d'identification dans l'apparition masquée de la personne du rêveur. Cette apparition permet de savoir quelle est la partir psychique du sujet concernée par le rêve. Par exemple, si le héros est un enfant, c'est une partir de lui qui est en train de grandir, partie qui n'a pas encore la majorité adulte. Si c'est un vieillard, idée de fatigue ou de sagesse. Si malade -> propre déficience. Le rapport logique s'exprime par la simultanéité, c'est-à-dire que chaque fois qu'un rêve rapproche deux éléments, il y a un rapport de sens entre les deux. Le deuxième dépend du premier rêve. Ceci est valable pour les deux portions de rêves qui s'enchaînent dont le contenu manifeste est tellement différent qu'on a l'impression qu'il s'agit de deux rêves différents. Les portions de rêves qui s'enchaînent ont toujours entre elles un lien causal.
La symbolisation : le symbole est un mode de représentation indirect ou figuré d'une idée ou d'un contenu psychique. En psychanalyse, on considère comme symbolique toute représentation substitutive et en particulier tout symptôme pathologique est l'expression symbolique d'un désir. Ce mode de représentation se distingue par la contenance du rapport entree le symbolisant et le symbolisé inconscient. Une telle constance se retrouve non seulement chez le même individu tout au long de sa vie mais encore d'un individu à l'autre et également dans les domaines les plus divers et en particulier les mythes, les religions et le folklore. On le retrouve également dans les airs culturels les plus éloignés les uns des autres. On emploie le terme symbolique dans le rêve pour désigner la relation qui  uni contenu manifeste - contenu latent. Dès l'instant où l'on reconnaît à un contenu psychiquee au moins deux significations dont l'une se substitue à l'autre on peut qualifier leurs relations de symbolique. Ce langage symbolique échappe à la conscience individuelle. C'est un moyen d'expression à la disposition de tous au-delà des cultures et des langages. Le champ du symbole freudien est relativement limité et essentiellement sexualisé. C'est à Jung que l'on reconnaît le mérite d'avoir approfondi l'expression symbolique.
L'elaboration secondaire : Freud : c'est le processus par lequel l'esprit du rêveur introduit ses productions oniriques logiques plus ou moins artificielles. Ce remaniement du rêve est destiné à le présenter sous la forme d'un scénario cohérent et compréhensible. Ce travail peut être résumé de la manière suivante, une trame de pensées assemblées pendant le jour ne parvient pas à la réalisation, elle va donc conserver un certain pouvoir d'actions dans l'inconscient et menacer de troubler le sommeil pendant la nuit. Au cours de la nuit, ces pensées réussissent à se relier à des désirs refoulés dans la nuit passée. Grâce à la force fournie par ce soutien inconscient, les pensées diverses peuvent redevenir actives et surgir dans la conscience sous la forme déguisée du rêve. Deux faits se produisent, les pensées ont subit une transformation, un déguisement, des pensées ont réussi à investir la conscience grâce à ce déguisement et une partie de l'inconscient a pu surgir dans le conscient.
Conclusion : ce qui semble original est quele rêve freudien est un signe de la pensée, il exprime psychiquement la pensée. C'est un langage psychique naturel que chacun d'entre nous possédons. Langage indirect, symbolique, censuré, déformé dont l'interprétation est souvent difficile. La compréhension d'un rêve exige avant tout une attitude ouverte de renoncement à toute critique, tout préjugé, tout parti pris intellectuel ou affectif. Certains rêves ne trouvent leur sens que dans une série de plusieurs semainees ou plusieurs mois. Il faut parfois être capable d'interrompre puis de reprendre le travail d'interprétation mais c'est effectivement une voie royale qui nous fait accéder naturellement à la confrontation à l'inconscient, à ses contenus, ses mécanismes. En dehors des productions pathologiques et des activités créatrices nous avons peu de moyens pour accéder aux matériaux de l'inconscient.


La notion de contenu

Le terme contenu désigne l’information transmise à travers le discours. L’école de Palo Alto l’oppose au terme «relation». On distingue deux types de contenu : le contenu manifeste et le contenu latent.

Les notions de contenu manifeste et contenu latent sont empruntées à la psychologie freudienne.

Le contenu manifeste est ce qui est explicitement exprimé : Opinions, croyance… En ce sens, étudier le contenu d’un discours consiste à faire ressortir les thèmes les plus souvent abordés, les mots clés, les prises de position et les arguments invoqués pour les justifier…

Le contenu latent est tout ce qui exprimé de manière implicite. Étudier le contenu latent consiste donc à découvrir le non-dit. L’examen du contenu latent pourrait mettre en lumière la signification de la place accordée à chaque thème, l’absence de certains thèmes dans le discours, les valeurs non exprimées qui semblent découler des prises de position. Cette dernière problématique dépasse le cadre de l’analyse de contenu en tant que tel ; elle relève de l’analyse énonciative.

L’analyse de contenu 
L’analyse de contenu est « une technique de recherche pour la description objective, systématique et quantitative du contenu manifeste des communications, ayant pour but de les interpréter » (Berelson 1952).

Analyser le contenu d’un document ou d’une communication, c’est « rechercher les informations qui s’y trouvent, dégager le sens ou les sens de ce qui y est présenté, formuler, classer tout ce que contient ce document ou cette communication » (Mucchielli 1991).

L’objectif de l’analyse de contenu est donc d’expliquer les activités cognitives du locuteur (ses préférences thématiques, sa position idéologique, son attitude…)

L’analyse de contenu peut être quantitative ou qualitative.

Quantitative : Dans cette forme d’analyse, il est question de calcul de fréquence des éléments de sens identifiés comme pertinents.

Qualitative : A ce niveau, on considère les valeurs particulières des éléments linguistiques et les réseaux de sens. Dans la plupart des analyses de contenu, les deux aspects sont développés parallèlement.

Types d’analyse de contenu
Selon Mucchielli, il existe trois modes d’analyse de contenu :
L’analyse logico-esthétique, qui étudie la structure du discours en relation avec ses effets de sens. Cette analyse porte sur la forme de la communication, qui donne des informations sur l’état d’esprit du locuteur et ses dispositions idéologiques (vocabulaire, longueur des phrases, ordre des mots, figures de style, hésitations…). C’est le cas de l’analyse stylistique du discours.

L’analyse sémantique structurale, qui tend à définir le champ des significations d’un objet dans un ensemble cohérent donné.

Le but consiste à mettre en évidence les principes qui organisent les éléments du discours, de manière indépendante du contenu même de ces éléments. Dans ce type d’analyse on travaille non pas sur le vocabulaire, le lexique ou la thématique du discours, mais sur les principes d’organisation sous-jacents, les systèmes de relations, les règles d’enchaînement, d’association, d’exclusion, c'est-à-dire, toutes relations qui structurent les éléments de manière invariante ou indépendante de ces éléments.

L’analyse logico-sémantique, qui s’en tient au contenu manifeste, ne considérant que le signifié immédiat, accessible. Elle comprend trois moments.

a.- L’analyse thématique, qui permet de déterminer les thèmes développés dans le discours. Le but de cette analyse est de repérer les unités sémantiques qui constituent l'univers du discours. Pour réaliser cette tâche, on procède en deux étapes : La détermination des unités significatives et leur catégorisation.

b.- L’analyse du positionnement, qui permet de mesurer la distance idéologique du locuteur par rapport à ce qu’il dit. Cette analyse porte sur les jugements formulés par le locuteur. On peut calculer la fréquence de ces jugements mais aussi leur direction (jugement positif, négatif ou neutre).

c.- L’analyse fréquentielle, qui permet de comparer la fréquence des thèmes. Il s’agit des énoncés les plus répandus dans le discours des cadres d’entreprises. L’hypothèse est que plus la fréquence d’une idée est élevée, plus cette idée est importante pour le locuteur.

Le choix des unités d’analyse
L’expression linguistique donne lieu à des mots, des syntagmes, des propositions, des phrases,  des paragraphes, des actes de discours … Toutes ces formes peuvent constituer des unités d’analyse, dépendamment des objectifs de l’analyste. Mais selon Mucchielli, « pour l’analyste de contenu, l’essentiel est le sens et non la forme. Son découpage sera en principe autre que celui de la linguistique classique». Autant dire, les unités peuvent être de dimension inégale.

Fort de cette approche, le choix des unités est guidé par deux principes : Le principe communicationnel de l’informativité, qui veut que l’acte de communication apporte au moins une information nouvelle (le propos), et celui psycho-linguistique de la cohérence, qui préconise que toute information nouvelle activée s’appuie sur, au moins, une information ancienne (le thème). C’est-à-dire, chaque fois qu’un locuteur s’énonce, il parle de « quelque chose » et en même temps, dit « quelque chose »  à propos de ce dont il parle.

D’où, l’expression considérée comme unité d’analyse doit comporter deux dimensions : un noyau de sens, constituant le thème, et un indice de positionnement par rapport à ce noyau de sens (le propos).

La catégorisation
Il s’agit ici de la classification des thèmes du discours en fonction de leur apparentement sémantique. En considérant les unités d’analyse, on peut dégager un thème pour chaque unité. Mais quand on considère l’ensemble des thèmes, il doit être possible de les regrouper sous des catégories. Par exemple si on a comme thèmes d’un ensemble d’unités: parler sans contraintes, dire ce qu’on veut, droit à la parole…, on voit bien que ces expressions vont dans le même sens. Aussi au lieu d’avoir trois thèmes, il est préférable de les regrouper sous une catégorie que l’on peut appeler « liberté d’expression ». Ainsi, Pour un discours où il y a des dizaines de thèmes, il peut être possible d’avoir 5 ou 6 grandes catégories.

Étapes de l’analyse de contenu
Choisir un ou quelques discours (corpus)
Formuler des objectifs et/ou des hypothèses
Choisir un échantillon de discours
Préciser le type d’échantillonnage utilisé et le justifier
Déterminer les unités d’analyse
Faire une analyse contextuelle du corpus
Définir les catégories d’analyse en relation aux objectifs/hypothèses
Faire une analyse thématique du corpus pour mettre en évidence les thèmes dominants
Présenter le tableau des résultats mettant en relation les variables étudiées
Interpréter le tableau des résultats.





le texte du rêve de l’Homme aux loups


Ce rêve se trouve p. 190 du gardiner sous le titre « Le rêve et la scène originaire »
« J’ai rêvé qu’il faisait nuit et que je suis couché dans mon lit (les pieds de mon lit étaient tournés vers la fenêtre, devant la fenêtre se trouvait une rangée de vieux noyers. Je sais que c’était l’hiver, quand je rêvais, et la nuit. Tout à coup la fenêtre s’ouvre d’elle-même, et je vois avec grande frayeur que le grand noyer devant la fenêtre quelques loups blancs sont assis. Il y en avait six ou sept. Les loups étaient tout blancs et avaient plutôt l’air de renards ou de chiens de bergers, car ils avaient de de grandes queues comme les renards, et leurs oreilles dressées comme chez les chiens quand ils font attention à quelque chose. Dans une grande angoisse, manifestement d’être mangé par les loups, je criai et me réveillai. Ma bonne d’enfant se précipita vers mon lit, pour voir ce qui était arrivé. Cela dura un bon moment jusqu’à ce que je fusse persuadé que ce n’était qu’un rêve, si naturelle et si nette m’était parue l’image de la fenêtre qui s’ouvre et des loups assis sur l’arbre. Enfin je m’endormis comme délivré d’un danger… »
A propos du texte de ce rêve, il convient de faire deux remarques. La première à propos du fait qu’il n’est que le contenu manifeste du rêve et que ce qui constitue la méthode d’interprétation du rêve en psychanalyse, c’est la recherche de son contenu latent, soit des pensées inconscientes du rêve. C’est le moment où jamais à son propos de retrouver dans l’Interprétation des rêves ce que nous dit Freud du rapport entre ces deux contenus :
Le rêve comme transcription d’une langue dans une autre
« Toutes les tentatives faites jusqu’à présent pour élucider les problèmes du rêve s’attachaient à son contenu manifeste, tel que nous le livre le souvenir, et s’efforçaient d’interpréter ce contenu manifeste […] Nous sommes seul à avoir tenu compte de quelque chose d’autre : pour nous entre le contenu du rêve et les résultats auxquels parvient notre étude, il faut insérer un nouveau matériel psychique, le contenu latent ou les pensées du rêve, que met en évidence notre procédé d’analyse […] De là vient qu’un nouveau travail s’impose à nous. Nous devons rechercher quelles sont les relations entre le contenu manifeste du rêve et les pensées latentes et examiner le processus par lequel celles-ci ont produit celui-là. Les pensées du rêve et le contenu du rêve nous apparaissent comme deux exposés des mêmes faits en deux langues différentes ; ou mieux, le contenu du rêve nous apparaît comme une transcription ( Ubertragung) des pensées du rêve, dans un autre mode d’expression, dont nous ne pourrons connaître les signes et les rêves que quand nous aurons comparé la traduction et l’original ». L’interprétation des rêves, Le travail du rêve, p. 241.
On peut schématiser ainsi ce que Freud nous décrit des rapports entre le contenu latent et le contenu manifeste du rêve, par un double sens. Le sens qui va du contenu latent vers le contenu manifeste est en somme le mode de fabrication du rêve, sa formation (une formation de l’inconscient) ; dans l’autre sens, du contenu manifeste au contenu latent, c’est la technique de son interprétation. Pour le dire d’une autre façon, dans un sens, c’est le chiffrage du rêve, dans l’autre, son déchiffrage.
Tout ce qui accompagne le rêve, lui sert de commentaire, fait partie des pensées latentes du Si on lit maintenant le texte du rêve de l’Homme aux loups, qui est donc son contenu manifeste, on s’aperçoit qu’il est de fait composé de deux parties, une partie qui est à proprement parler le récit du rêve et une seconde partie qui est en quelque sorte le commentaire qui l’accompagne. Par exemple, la dernière phrase qui a été mise en italique par Freud est celle qui mérite toute notre attention : « Dans une grande angoisse, manifestement, d’être mangé par les loups, je criai et me réveillai. »
En effet Freud nous l’indique, tout ce qui accompagne le rêve, ses commentaires, font partie intégrante des pensées latentes du rêve, il nous met donc déjà sur la voie de son interprétation quand il ne nous dévoile pas l’interprétation elle-même (p. 286). « Les commentaires au sujet du rêve, des remarques en apparence innocentes servent souvent à dissimuler de la façon la plus raffinée un fragment de ce qui a été rêvé ; en réalité d’ailleurs, ils le trahissent ». Il en donne deux exemples. Voir fichier joint à propos des lacunes du rêve.
Cette remarque se confirmera, à propos du commentaire de ce rêve des loups, tout à la fin du récit de Freud et encore plus quand, il reprendra, dans son texte beaucoup plus tardif celui d’Inhibition, symptôme, angoisse, les deux phobies de l’Homme aux loups et du Petit Hans, pour l’un, son angoisse sera celle d’être dévoré par le père-loup, pour l’autre, l’angoisse d’être mordu par le père-cheval. Or cette angoisse se lit en clair dès la première formulation de ce rêve. Tout y est déjà dit mais c’est en quelque sorte en marge du texte du rêve.
  

Constructions (en analyse)


Dans "Constructions en analyse", Freud écrit :  "L'intention du travail analytique est d'amener le patient à lever les refoulements des débuts de son développement... pour les remplacer par des réactions qui correspondent à un état de maturité psychique".
L'analyste ne peut travailler pour cela que sur la matière psychique que lui fournit l'analysant, "des fragments de souvenirs contenus de façon déformée dans les rêves", des souvenirs écrans mais aussi "des idées incidentes qui émergent lorsqu'il se laisse aller à l'association libre" et enfin "des actions plus ou moins importantes du patient à l'intérieur ou à l'extérieur de la situation analytique qui mettent en scène avec l'aide du transfert les souvenirs oubliés et favorisent aussi le retour des affects appartenant au refoulé."
Comment avec tous ces matériaux psychiques pouvons nous retrouver le chemin de ces souvenirs perdus ?
Freud utilise, pour décrire sa démarche une métaphore théâtrale: Le travail psychique consiste en deux pièces distinctes qui se jouent sur deux scènes séparées et concernent deux personnages dont chacun est chargé d'un rôle différent".
Dans ce travail, l'analyste devient en quelque sorte le régisseur chargé de maintenir des liens entre les deux scènes, les deux pièces de théâtre qui s'y jouent et surtout entre les protagonistes du drame. Ainsi pour maintenir cette métaphore, lorsque l'analyste communique à son patient les constructions qu'il a échafaudées, il établit pour un court moment un lien entre les deux scénarios.

Mais ces deux scénarios ne peuvent être les mêmes. Freud le précise ainsi :
« Nous savons tous que l'analysé doit être amené à se remémorer quelque chose qu'il a vécu et refoulé, et les conditions dynamiques de ce processus sont si intéressantes qu'en revanche l'autre partie du travail, l'action de l'analyste, est reléguée à l'arrière-plan ».
A noter que cette action de l'analyste, Lacan l'appellera beaucoup plus tard « l'acte analytique » et ce,  pour lui aussi,  l'opposer radicalement à ce qu'il nommera « la tâche psychanalysante » marquant bien le fait que c'est avant tout l'analysant qui travaille, qui entreprend son analyse. 
Il poursuit, à propos de ce qui est la part de l'analyste dans cette tâche :
De tout ce dont il s'agit, l'analyste n'a rien vécu ni refoulé ; quelle est donc  sa tâche ? Il faut que, d'après les indices échappés à l'oubli, il devine ou plus précisément il construise ce qui a été oublié. La façon et le moment de  communiquer ces constructions à l'analysé, l'explication dont l'analyste les accompagne, c'est là ce qui constitue la liaison entre les deux parties du travail analytique, celle de l'analyste, et celle de l'analysé ».
Plus loin dans son texte, Freud précise où se situe la différence entre la construction et l'interprétation.
« Le terme d'interprétation se rapporte à la façon dont on s'occupe d'un élément isolé du matériel, une idée incidente, un acte manqué etc.. Mais on peut parler de construction quand on présente à l'analysé une période oubliée de sa préhistoire, par exemple en ces termes :  "Jusqu'à votre énième année vous vous êtes considéré comme le possesseur unique de votre mère. A ce moment là un deuxième enfant est arrivé et avec lui une forte déception. Votre mère vous a quitté quelques temps et même après, elle ne s'est plus consacré à vous exclusivement. Vos sentiments envers elle sont devenus ambivalents. Votre père a acquis depuis une nouvelle signification pour vous. ..."(2) Est-ce que nous ne voyons pas apparaître là une élégante mise en perspective de toute la structure d'une névrose? Elle se dessine autour de cette rencontre décisive du désir de la mère, dans une confrontation avec un objet rival qui occupe cette place convoitée d'objet du désir de l'Autre. Normalement le père, c'est sa fonction, est là pour débusquer l'enfant de cette place d'objet métonymique de la mère. De par l'interdit de l'inceste il ne pourra plus être l'unique possesseur mais surtout, si on peut dire, l'unique possédé de sa mère. Dans la névrose, ce désir d'être désiré est en partie maintenu. Il doit devenir interdit,  par tout ce qui se met en jeu dans l'analyse,  autour du désir du psychanalyste en tant que tel.
N'est-ce pas aussi ce que Freud commence à faire avec Ernst, dans le journal de cette analyse,  lorsqu'il reconstruit pour lui, les sources oedipiennes de sa haine du père et de son désir de sa mort, en relation avec ses  désirs sensuels pour les gouvernantes, substituts de  sa mère ? 
Quand on considère l'ensemble de son oeuvre, il est remarquable que Freud a somme toute peu écrit sur la pratique de la psychanalyse, hormis les textes des années 1910 à 1915 qui sont souvent axés sur des conseils pratiques donnés aux jeunes analystes et sur les grands principes de la technique psychanalytique. Dans les toutes dernières années de sa vie, Freud va revenir sur ce sujet dans Constructions en analyse, publié en 1937, et dans Analyse avec fin et analyse sans fin publié aussi la même années.    Dans Constructions en analyse, Freud, fort de sa longue expérience de la pratique psychanalytique, revient sur une question fondamentale qui a trait à la place de la réalité dans le matériel élaboré dans le cours d'une analyse. Dit autrement, et d'une manière plus moderne, la psychanalyse constitue-t-elle un moyen de déterrer un passé enfoui depuis longtemps (comme Freud le croyait à ses débuts) ou une façon de mettre en pensée, en mots, un vécu jusqu'alors ignoré grâce à la construction d'une sorte de mythe individuel dont le rapport historique à la réalité n'est pas la vertu première?
   La question abordée par Freud est cruciale et mérite beaucoup de réflexion, d'autant plus qu'elle tend à nous ramener au débat faisant rage aux États-Unis sur la question des faux souvenirs.
   Un texte d'une grande importance.
Référence: En général, nous conseillons au lecteur de se référer à l'édition française des oeuvres psychanalytiques complètes de Freud qui constitue la traduction la plus récente de ce texte. Les textes étant présentés par ordre chronologique, il sera facile de le trouver s'il est dans un des volumes déjà parus. Ce texte se trouve aussi dans une autre édition dans le livre Résultats, idées, problèmes tome 2 publié aux Presses Universitaires de France dans la collection Psychanalyse.  

mercredi 30 mars 2011

Conscience



Définition du mot Conscience : Capacité de se décrire, de se définir et de choisir
 
n.f. conscience [kɔsjɑs] (lat. conscientia, connaissance)
1.  Perception, connaissance plus ou moins claire que chacun peut avoir du monde extérieur et de soi-même: C'est quelqu'un de sérieux, qui a conscience de ses responsabilités (sens, sentiment). J'ai conscience de mon erreur (= j'en suis conscient, je m'en rends compte).
2.  Sentiment intérieur qui pousse à porter un jugement de valeur sur ses propres actes; sens du bien et du mal: Elle a fait son devoir et peut rentrer chez elle la conscience en paix (esprit). Dire tout ce qu'on a sur la conscience (= se confesser, avouer).

Avoir bonne, mauvaise conscience, n'avoir rien, avoir qqch à se reprocher: Il a mauvaise conscience d'être parti sans tenter une réconciliation. Avoir la conscience large ou élastique, être peu scrupuleux. Cas de conscience cas. Conscience professionnelle, soin avec lequel on exerce son métier. En conscience, honnêtement, franchement. En son âme et conscience, selon son intime conviction: Les jurés jugent en leur âme et conscience. Examen de conscience, recherche sincère et honnête de ses fautes, de ses torts. Liberté de conscience, liberté du culte.
La conscience est la capacité de se percevoir, s'identifier, de penser et de se comporter de manière adaptée. Elle est ce que l'on sent et ce que l’on sait de soi, d’autrui et du monde. En ce sens, elle englobe l’appréhension subjective de nos expériences et la perception objective de la réalité. Par elle, enfin, nous est donnée la capacité d’agir sur nous-même pour nous transformer.
La conscience est la faculté mentale d'appréhender de façon subjective les phénomènes extérieurs (par exemple, sous la forme de sensations) ou intérieurs (tels que ses états émotionnels) et plus généralement sa propre existence. Si je suis triste ou heureux et que je me rends compte que je suis triste ou heureux, par exemple, je prends alors conscience de mes états affectifs. L'un des grands défis des neurosciences cognitives contemporaines est l'étude de ce qu'on appelle les corrélats neuronaux de la conscience , c'est-à-dire les mécanismes qui permettent au cerveau de réaliser cette faculté.
Il ne faut pas confondre la conscience ainsi définie avec la conscience morale qui sera traitée plus bas dans cet article.

Introduction

Il est important de distinguer :
  • La conscience en tant que phénomène mental lié à la perception et la manipulation intentionnelle de représentations mentales, qui comprend :
    1. la conscience du monde qui est en relation avec la perception du monde extérieur, des êtres vivants doués ou non de conscience dans l’environnement et dans la société (autrui).
    2. la conscience de soi et de ce qui se passe dans l’esprit d’un individu : perceptions internes (corps propre), aspects de sa personnalité et de ses actes (identité du soi, opérations cognitives, attitudes propositionnelles).





  • La conscience morale, respect de règles d'éthique.





Le terme conscience est donc susceptible de prendre plusieurs significations, selon le contexte.

Conscience comme représentation du monde et des réactions à celui-ci

Ce premier sens indique une représentation, même très simplifiée, du monde et des réactions par rapport à celui-ci. On parle alors de conscience du monde.
C’est celle qui est évoquée dans des expressions comme perdre conscience, ou, à l'inverse, prendre conscience.
Chez l'homme, les recherches récentes sur plusieurs périodes de l'histoire montrent l'importance du concept de représentation : Voir par exemple Georges Duby (sur le bas Moyen Age), Jean Delumeau (sur la Renaissance), et sur un plan plus épistémologique, les recherches de Michel Foucault relatives à l'épistémè. On évoquera également le philosophe allemand Arthur Schopenhauer qui a consacré une grande partie de sa philosophie à l'étude de cette faculté représentative des animaux et, en particulier, de l'homme dans son oeuvre principale et magistrale, Le monde comme volonté et comme représentation.

 Représentation de sa propre existence

La conscience est "un fait" au sens où Descartes, dans les Méditations Métaphysiques laisse entendre que "l'âme est un rapport à soi". L'examen de la conscience suppose ainsi le doute méthodique comme la façon première d'entrer dans un rapport à soi non erroné.
Dans un sens plus "individualiste", la conscience peut aussi correspondre à une représentation, même très simplifiée, de sa propre existence. On parle alors de conscience de soi, ou de conscience réflexive, en anglais awareness.
On l’attribue au moins aux grands singes hominoïdés comme le sont par exemple les humains, les chimpanzés, les gorilles et les orangs-outans. Il semble assez raisonnable de l'étendre aussi aux dauphins et aux éléphants qui disposent de capacités cognitives et affectives avancées.
La conscience dans ce second sens, implique celle du premier, puisque « se connaître », signifie nécessairement « se connaître dans ses rapports au monde » (y compris d’autres êtres potentiellement doués de conscience). L'inverse en revanche est disputé.

 Relation entre la conscience de soi et la conscience du monde

 La conscience de soi est bien illustrée en médecine, surtout au niveau individuel. C'est en effet une des fonctions "vitales" qui permet de réagir aux situations, de bouger et de parler état de conscience (de la conscience pleine au coma profond) est déterminé par l’état neurologique du patient. 

Forme minimale de conscience du monde

Au niveau de la conscience du monde, les choses peuvent se montrer plus complexes, en impliquant un ensemble de phénomènes liés au contexte sociologique, politique, économique. Le degré minimal de conscience du monde semble celui où on a tout simplement quelque chose à dire sur le monde (la philosophie ne sait dire quoi que ce soit pour le moment (2006) sur une conscience non observable par ses manifestations : Ce dont on ne peut parler, il faut le taire explique Wittgenstein, et pourtant, il y a bien là un point important, essentiel de la philosophie, resté obscur depuis toujours). Un simple capteur de présence possède un début de représentation du monde (présence, absence). Encore faut-il pour l'intégrer dans un schéma de conscience que cette information soit utilisée en aval par quelque chose (déclencheur d'alarme, etc).

Forme minimale de conscience de soi

La conscience de soi, comme la conscience du monde (René Dubos dirait « agir local / penser global ») n'est jamais complète. Une question qui s'en déduit - puisque toutes sont incomplètes - est « quel est le degré minimal de conscience de soi imaginable ? ». Descartes y répond par son célèbre « Je pense, donc je suis ». Les sciences cognitives s'intéressent à détailler le sens "opérationnel" de cette phrase (voir Antonio Damasio, Daniel Dennett...).
On connaît la formule de Socrate, tirée de l'oracle de Delphes : « connais-toi toi même », qui montre qu'une mauvaise connaissance de soi a un impact sur la connaissance du monde et réciproquement - puisque nous faisons partie du monde. En fait, la conscience de soi désigne la conscience de phénomènes particuliers reliés au concept de soi.

La notion de culture

On pourrait aussi rapprocher la notion de conscience du monde de celle de culture, en tant que cette dernière est un système de représentation. Le mot culture est souvent perçu en langue française dans une acception individuelle avec une connotation « intellectuelle » (ce terme n'étant pas toujours perçu positivement), encore qu'il existe des sens collectifs : culture d'entreprise, culture française, culture de masse, ...
En allemand, les deux sens sont donnés par des mots différents : Bildung et Kultur.

Les aspects de la conscience

 Pluralité de manifestations

Outre les deux sens principaux déjà vus, le concept de conscience a de nombreux sens ou manifestations que l’on peut s’efforcer de distinguer, bien que dans certains cas, ces différences soient surtout des différences de degrés :
  • La conscience comme sensation : tout être doué de sensibilité, voire un système automatique, peut être dit, dans une certaine mesure, « conscient » de son environnement, puisqu'il répond à des stimuli ; c'est ce qu'on désigne sous le nom de « conscience du monde ».
  • la conscience spontanée, sentiment intérieur immédiat ; certains philosophes de l’Antiquité (par exemple les Stoïciens) parlent de toucher intérieur  ;
  • on peut distinguer une étape supérieure, en signifiant par le mot conscience un état d’éveil de l’organisme, état différent du précédent en ce sens qu’il ne comporte pas de passivité de la sensibilité (cf. en anglais, le mot wakefulness, vigilance, alerte, ou awareness); en ce sens, il n’y a pas de conscience dans l’état de sommeil profond ou dans le coma ;
  • Conscience de soi : la conscience est la présence de l’esprit à lui-même dans ses représentations, comme connaissance réflexive du sujet qui se sait percevant. Par cette présence, un individu prend connaissance, par un sentiment ou une intuition intérieurs, d’états psychiques qu’il rapporte à lui-même en tant que sujet. Cette réflexivité renvoie à une unité problématique du moi et de la pensée, et à la croyance, tout aussi problématique, que nous sommes à l’origine de nos actes ; ce dernier sens est une connaissance de notre état conscient aux premiers sens. Le domaine d’application est assez imprécis et il comporte des degrés : s’il s’agit d’une conscience claire et explicite, les enfants qui ne parlent pas encore ne possèdent sans doute pas la conscience en ce sens ; s’il s’agit d’un degré moindre de conscience, d’une sorte d’éveil à soi, alors non seulement les enfants peuvent être considérés comme conscients mais aussi certains animaux.
  • un autre sens du mot conscience a été introduit par le philosophe Thomas Nagel : il s’agit de la conscience pour un être de ce que cela fait d’être ce qu’il est.
  • la conscience comme conscience de quelque chose (conscience transitive, opposée à l’intransitivité du fait d’être conscient). Cette conscience renvoie à l’existence problématique du monde extérieur et à notre capacité de le connaître ;
  • la conscience intellectuelle, intuition des essences ou des concepts.
  • la conscience phénoménale, en tant que structure de notre expérience.
  • À un degré conceptuellement plus élaboré peut exister ou non la "« conscience morale », définissable comme la compréhension et prise en charge par l'individu des tenants et aboutissants de ses actes pour la collectivité et les générations futures.
Dans l’ensemble de ces distinctions, on peut noter une conception de la conscience comme savoir de soi et perception immédiate de la pensée, et une autre comme sentiment de soi impliquant un sous-bassement obscur et un devenir conscient qui sont, en général, exclus de la première conception. La conscience morale, quant à elle, désigne le sujet du jugement moral de nos actions. De cette conscience-là, on dit aux enfants qu'elle nous permet de distinguer le bien du mal. Voir plus bas.

Questions fondamentales liées à la conscience

Il existe de nombreuses théories qui s’efforcent de rendre compte de "ce phénomène". À partir de ces théories, on peut mettre en avant quelques groupes de questions fondamentales :
  • Quelle est la nature de la conscience (et, par suite, son origine et son développement) ?
  • Quelles sont ses caractéristiques ? Où se trouve le siège de la conscience ? Y a-t-il un siège de la conscience?
  • Quel est son mode d’existence ? Comment peut-elle exister à partir d’entités non-conscientes ?
  • Quelle est sa fonction ? A-t-elle une causalité propre et, si oui, de quelle nature ?
  • Quelles relations la conscience entretient-elle avec les autres phénomènes de la réalité, physiques et mentaux ?
En résumé, il s’agit de décrire la conscience, de découvrir sa cause et de déterminer son rôle et sa valeur.
Ce sujet fait l’objet des travaux de Daniel Dennett, Antonio Damasio et Jean-Pierre Changeux, ainsi que des sciences cognitives.
Le modèle du spectateur cartésien est remis en cause car, comme le fait remarquer Daniel Dennett, on ne peut expliquer la conscience par la conscience : expliquer exige que l’explication ne fasse pas appel elle-même à une compréhension de ce qu’on souhaite justement expliquer (« To explain means to explain away »). En d’autres termes, on n’aura expliqué la conscience que lorsque cela aura été fait en termes ne faisant pas intervenir le mot ni le concept de « conscience ». Sinon, on tombe dans un argument circulaire (voir l’article : sophismes). On remarquera que Daniel Dennett, remet en cause le modèle du "spectateur cartésien" avec une explication elle-même de type "circulaire"
Il semble que ces questions soient à mettre en rapport avec le cogito de Descartes, replacé dans son contexte, et avec la notion de représentation du monde. Descartes conçut sa philosophie en réaction au modèle géocentrique, incarné par les "aristotéliciens" et la scolastique décadente de son époque, et en fonction du modèle héliocentrique qui émergeait avec les observations faites par Galilée.

 Disciplines concernées

 

Dans le langage courant, le concept de conscience peut être opposé à l’inconscience, à l’inattention, à la distraction, au divertissement, etc.
Lorsqu'il s'agit de l'étudier, c'est avant tout la philosophie qui a été et est concernée.
Il existe un regard épistémologique sur la conscience, défendu entre autres par la sophrologie caycédienne, à savoir que la conscience est une force intégratrice de tout : l'inconscient, le subconscient et le conscient.
La psychanalyse parle d'inconscient qui peut être vu individuellement (conception de Freud ), ou collectivement (conception de Carl Gustav Jung : inconscient collectif).
Outre la psychanalyse et la médecine, l’étude de la conscience concerne plusieurs disciplines, comme la psychologie, la psychiatrie, la philosophie de l'esprit et la philosophie de l'action. Elle est aussi liée au langage (verbal ou non), donc à la philosophie du langage.
Depuis des millénaires, les pratiquants de la méditation transmettent de maître à disciple une pratique qui donne accès à une prise de conscience (de la conscience). Cette approche est souvent très différente de celle des scientifiques occidentaux.

Histoire

La philosophie bouddhique étudie elle aussi la conscience, vijñāna et en analyse les différentes formes et fonctions. Il s'agit alors de l'un des constituants de la personne, skandhas, distinct de la perception, samjñā ; cependant, si vijñāna est traduit par conscience, et que le terme désigne bien une connaissance, le concept bouddhiste ne recouvre pas exactement la conscience telle qu'elle est thématisée dans la pensée occidentale.
Il n’existe aucun concept strictement comparable à celui de conscience dans la philosophie de la Grèce antique : l'être de Parménide  pourrait s'en rapprocher.
Chez certains auteurs romains, le mot latin prend une dimension morale dérivée du droit, exprimant le fait de se prendre soi-même pour témoin.
Ce n’est qu’au XVIIe siècle que le terme devient un fondement de la réflexion sur l’esprit.
Le concept de conscience n’a été isolé de sa signification morale qu’à partir de John Locke, dans son Essai sur l’entendement humain. Avant lui le mot conscience n’a jamais le sens moderne.)  En particulier, Descartes ne l’emploie quasiment jamais en ce sens, bien qu’il définisse la pensée comme une conscience des opérations qui se produisent en nous (cf. les Principes de la philosophie, 1644). NB: le petit Robert attribue à Malebranche (1676) la définition de conscience comme "connaissance immédiate de sa propre activité psychique", alors de l'Essai de Locke date de 1689.
C’est le traducteur de Locke, Pierre Coste, qui a introduit l’usage moderne du mot conscience (donc en français, mais le sens du mot consciousness était bien sûr tout aussi nouveau), associé à l’idée d’un soi-même dont la conscience exprime l’identité.

Caractéristiques de la conscience

La conscience présente certains traits caractéristiques :
  • Le rapport au moi ;
  • la subjectivité : la conscience que j’ai de moi-même est distincte de celle d’autrui ;
  • la structure phénoménale ;
  • la mémoire ;
  • la disponibilité, ou liberté de la conscience à l’égard des objets du monde ;
  • la temporalité ;
  • la sélectivité ;
  • l’intentionnalité : toute conscience est conscience de quelque chose, est tournée vers autre chose qu’elle-même : « la conscience n’a pas de dedans, elle n’est rien que le dehors d’elle-même. » (Sartre).
  • l’unité ou synthèse de l’expérience ;

Conscience de soi

La conscience s’accompagne de souvenirs, de sentiments, de sensations et de savoir que nous rapportons à une réalité intérieure que nous nommons moi. Cette conscience est appelée conscience de soi, et est structurée par la mémoire et l’entendement. Elle est en ce sens une unité synthétique sous-jacente à tous nos comportements volontaires. Les éléments qu’elle contient, souvenirs, sentiments, jugements, dépendent d’un contexte culturel, ce qui fait de la conscience de soi une réalité empirique changeante et multiple. L’unité et la permanence du moi ne sont donc pas garanties par l’unité, peut-être seulement nominale, de la conscience.
Le cogito cartésien ("je pense donc je suis") tend à exprimer l'état de conscience de celui qui s'exprime. Autrement dit le sujet, disant "Je" exprime une conscience de lui-même (Ego), en termes de savoir (raisonnement - entendement). Le "Je pense" est interactif. Il implique et nécessite, pour être exprimé, la conscience de soi. La conclusion d'être pourrait dès lors paraître redondante. Toutefois, elle vient exprimer l'état et la relation sensitive. "Je pense donc je suis" peut donc se décliner en "Je sais que je ressens donc j'existe".

Le rapport en première personne

L’introspection est une méthode d’investigation de la conscience qui vient, généralement, la première à l’esprit. C’est un fait que nous pensons tous avoir un accès privilégié à notre esprit, accès dont la conscience serait l’expression. Mais l’investigation de notre vie mentale n’est certainement pas suffisante pour élaborer une théorie étendue de la conscience : « on ne peut pas, disait Auguste Comte, se mettre à la fenêtre pour se regarder passer dans la rue ». Le sujet ne peut en effet s’observer objectivement puisqu’il est à la fois l’objet observé et le sujet qui observe, d’autant que la conscience se modifie elle-même en s’observant. Toute psychologie impliquerait donc d’examiner la conscience à la troisième personne, même s'il faut alors se demander comment il est possible d’observer ainsi la conscience de l’extérieur.
Le stade du miroir (se reconnaître dans un miroir) est souvent, considéré comme une étape essentielle de la conscience de soi, réservé à l'humain. Mais si ce stade est atteint vers l'âge d'un an et demi-deux ans chez l'homme, certains chimpanzés expérimentés, certains autres grands singes, éléphants, dauphins, perroquets et pies, sont capables de se reconnaître dans un miroir, comme l'a montré le test du miroir en éthologie .

Courant de conscience

L’idée de conscience de soi pose le problème de l’unité d’un sujet, d’un moi ou d’une conscience. On peut très généralement distinguer deux types d’hypothèses :
  • la conscience est l’expression d’une unité interne − le je du je pense ; cette unité peut être comprise de différentes manières :
    • unité d’un individu − le sujet pensant, voire « l’âme » (par exemple chez Descartes);
    • unité transcendantale − le sens interne comme conscience de mes contenus de conscience comme m’appartenant (Kant).
  • la conscience n’est qu’une liaison d’agrégats d’impressions (Hume) qui peut être décrite comme une suite plus ou moins cohérente de récits concernant un sujet purement virtuel − le moi. Aussi, « quand mes perceptions sont écartées pour un temps, comme par un sommeil tranquille, aussi longtemps je n’ai plus conscience de moi et on peut dire vraiment que je n’existe pas » (Hume, Traité de la nature humaine, I). Selon cette thèse, le moi est autre.

Conscience du monde extérieur

Selon Husserl, qui reprend un concept médiéval, toute conscience est conscience de quelque chose. Cela suppose que la conscience soit un effort d’attention qui se concentre autour d’un objet. Cette concentration est structurée par l’expérience ou par des catégories a priori de l’entendement, structures que l’on considère parfois comme les fondements de toute connaissance du monde extérieur. Dans l’idéalisme moderne la conscience est ainsi la source et l’origine de la science et de la philosophie.

Structure phénoménale de la conscience

À la question de savoir quelles relations la conscience entretient avec la réalité en général, une description phénoménologique répond que celle-ci a une structure spatiale et temporelle, structure qui est une organisation des concepts qui concernent notre expérience du monde et nous-mêmes en tant qu’acteurs de ce monde.

Conscience morale

C’est le sens premier du mot « conscience », que l’on trouve chez Cicéron et Quintilien, et qui, dans la langue française reste sans concurrence jusqu’au XVIIe siècle (voir plus haut − section histoire).
La conscience psychologique est souvent évoquée comme une lumière, la conscience morale comme une voix : si la première nous « éclaire », la seconde nous « parle ». La conscience morale désigne en effet le sentiment intérieur d’une norme du bien et du mal qui nous dit comment apprécier la valeur des conduites humaines, qu’il s’agisse des nôtres ou de celles d’autrui. C’est aussi le démon que Socrate suivait et qui l'amena à se faire condamner par la cité.
Cette « voix » de la conscience, qui se fait entendre dans l’individu est pourtant, selon Rousseau, la même en tout homme. Malgré la diversité et la variabilité des mœurs et des connaissances, elle est "universelle" : elle est en nous la voix de la nature, car « quoique toutes nos idées nous viennent du dehors, les sentiments qui les apprécient sont au-dedans de nous, et c’est par eux seuls que nous connaissons la convenance ou disconvenance qui existe entre nous et les choses que nous devons respecter ou fuir » (Émile, Livre IV). Tel un instinct, mais pourtant signe de notre liberté, elle ne nous trompe jamais, pour peu qu’on l’écoute vraiment : « Conscience ! Conscience ! Instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré d’un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l’homme semblable à Dieu, c’est toi qui fais l’excellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui m’élève au-dessus des bêtes, que le triste privilège de m’égarer d’erreurs en erreurs à l’aide d’un entendement sans règle et d’une raison sans principe » (ibid.).
Entendue ainsi, dit Alain, la conscience est « le savoir revenant sur lui-même et prenant pour centre la personne humaine elle-même, qui se met en demeure de décider et de se juger. Ce mouvement intérieur est dans toute pensée ; car celui qui ne se dit pas finalement : « que dois-je penser ? » ne peut pas être dit penseur. La conscience est toujours implicitement morale ; et l’immoralité consiste toujours à ne point vouloir penser qu’on pense, et à ajourner le jugement intérieur. On nomme bien inconscients ceux qui ne se posent aucune question d’eux-mêmes à eux-mêmes » (Définitions, dans Les Arts et les Dieux).
Pour Alain, il n’y a donc pas de morale sans délibération, ni de délibération sans conscience. Souvent la morale condamne, mais lorsqu’elle approuve, c’est encore au terme d’un examen de conscience, d’un retour sur soi de la conscience, de sorte que « toute la morale consiste à se savoir esprit », c’est-à-dire « obligé absolument » : c’est la conscience et elle seule qui nous dit notre devoir.
La question demeure cependant de savoir quelle origine attribuer à la conscience morale. Car si pour Rousseau « les actes de la conscience ne sont pas des jugements, mais des sentiments »(ibid.), il n’en sera plus ainsi pour Kant, qui considérera au contraire la conscience morale comme l’expression de la raison pratique − et encore moins pour Bergson, qui verra en elle le produit d’un conditionnement social, ou pour Freud, qui la situera comme l’héritière directe du surmoi (Le Malaise dans la culture, VIII), instance, pourtant, en majeure partie, inconsciente.
En d'autres termes, nous pouvons dire que la conscience morale désigne le jugement moral de nos actions (définition donnée par les professeurs de lycée généraux en classe de terminale).

Représentations allégoriques de la conscience

On trouve dans la mythologie, la littérature et le cinéma plusieurs représentations allégoriques de la conscience.
  • "L'œil de Caïn" dans "la conscience" de Victor Hugo .
  • Minos qui juge Socrate symbolise en partie la conscience dans "rêveries d'un païen mystique" de Louis Ménard.
Socrate: Salut à toi, Minos. Ceux qui ont été injustement condamnés par les vivants se présentent avec confiance devant ton tribunal, juge des morts.
Minos: Je ne suis pas ton juge, Socrate, ni celui des autres hommes. La conscience humaine se juge elle-même selon ses actes.
  • Jiminy Cricket, un cricket, qui est la conscience de Pinocchio dans le dessin animé de Walt Disney (1940), adapté du conte pour enfants de l´écrivain italien Carlo Collodi.

La conscience comme forme de justice

Crime et Châtiment de Dostoïevski évoque une forme d'auto justice. La punition qu'inflige la conscience de Raskolnikov à lui même est pire que la prison ou le camp de travail.
Le vrai châtiment de Raskolnikov n’est pas le camp de travail auquel il est condamné, mais le tourment qu’il endure tout au long du roman.
C'est le même thème qu'aborde Victor Hugo dans son poème "la conscience" cité plus haut.

Fonctions de la conscience

  • Régulation du comportement et interface avec le monde extérieur : selon la théorie de l’access consciousness, l’état de conscience est un accès à une information susceptible d’être utile à l’organisme et de le guider. La conscience est donc un état indépendant à la fois de ce que cela fait d’être conscient de telle ou telle chose et de toute idée de structure phénoménale.
  • Fonction sociales

Les théories de la conscience

Les questions de savoir ce qui caractérise la conscience, quelles sont ses fonctions et quels rapports elle entretient avec elle-même ne préjugent pas nécessairement du statut ontologique qu’il est possible de lui donner. On peut, par exemple, considérer que la conscience est une partie de la réalité qui se manifeste dans des états de conscience tout en étant plus qu’une simple abstraction produite à partir de l’adjectif « conscient ». Cette thèse réaliste (au sens de la philosophie médiévale, voir Réalisme et nominalisme) n’a plus beaucoup de défenseurs de nos jours. L’une des raisons en est que l’investigation purement descriptive ne rend pas nécessaire ce genre d’hypothèses réalistes.
  • La conscience s'étudie par ses manifestations. Une école de pensée, le behaviorisme, se propose d'ailleurs de n'étudier que les manifestations elles-mêmes, sans chercher à poser l'hypothèse d'une conscience sous-jacente et bien difficile à définir.
  • Dualisme
  • Physicalisme
  • La conscience du point de vue matérialiste : voir page de discussion.
  • L’approche de Timothy Leary avec ses 8 circuits.
  • Le principe d'auto-conscience, de conscience pure dont témoigne l'écrivain Stephen Jourdain.
  • Autres théories cognitives (Douglas Hofstadter, Daniel Dennett, Antonio Damasio, Gerald Edelman, Giulio Tononi).
et même des approches totalement physiques, comme celle de Jean-Pierre Changeux, selon lequel les percepts et les concepts constituent des entités physiques se traduisant par des connexions physiques et logiques de neurones, qu’il entend mettre en évidence; c’est déjà le cas pour les percepts.
Article détaillé : Science et conscience.
Le concept de conscience n'est donc plus exclusivement utilisé par la philosophie ou la psychologie, des chercheurs d'autres disciplines comme la sociologie ou l'anthropologie s'intéressent à ce concept en lui donnant d'autres sens, à partir souvent de résultats d'enquêtes ou d'observations directes et participantes. Par exemple, des chercheurs sous la direction d'Alfredo Pena-Vega et de Nicole Lapierre ont étudié l'émergence d'une conscience européenne chez des jeunes vivant en Poitou-Charente. Comment la construction européenne est-elle perçue ? La conscience européenne passe-t-elle par une conscience planétaire ? Le concept de conscience acquiert ici une dimension politique, sociale et culturelle.

Science et conscience

On appelle conscience le sentiment, la perception, la connaissance plus ou moins claire que l’être humain a de lui-même, de sa propre existence, ainsi que du monde extérieur.
L'étude de ce phénomène a été longtemps négligé sur le plan scientifique, faute d'outils conceptuels et expérimentaux, tandis qu'il faisait l'objet d'intenses débats dans les domaines de la métaphysique ou de la religion. En ce début du XXIe siècle, s'il n’existe pas encore d’explication complète de la conscience, les neurosciences apportent de nombreuses informations sur ce phénomène de l'esprit.
Dans les années 1980, les études du phénomène de la conscience concernaient surtout l'attention. Actuellement, les recherches en neurosciences sur la conscience sont basées sur des analyses statistiques d'activités cérébrales, l'imagerie cérébrale, et l'étude de cas particuliers où les états de consciences sont altérés en raison de lésions cérébrales, d'épilepsie, de blessures ou d'interventions chirurgicales. Les résultats de ces études suggèrent que la conscience est un phénomène complexe, qui émerge de l'interaction entre plusieurs régions et processus cérébraux.
Le phénomène de “conscience” est le résultat de processus cognitifs de haut niveau. Sa fonction serait le contrôle supérieur des activités cérébrales les plus complexes. La “conscience” n'existerait que chez les primates ayant un degré élevé d'encéphalisation et elle apparaîtrait progressivement au cours du développement, consécutivement à la maturation des réseaux neuronaux du néocortex, qui connectent entre elles les aires associatives polymodales.
Les structures neurales dont l'organisation spécifique serait à l'origine du phénomène de "conscience" seraient un ou des réseaux de circuits spécialisés, phylogénétiquement récents, localisés dans les aires frontales et dans les aires corticales associatives postérieures (précunéus et gyrus cingulaire postérieur) de l'hémisphère dominant ou langagier.
Cet article présente les études scientifiques du phénomène appelé “conscience”. Pour l'approche philosophique, consulter l’article conscience.

Définition de la conscience 

En comparant les données expérimentales provenant d'animaux, de personnes en bonne santé et de patients ayant des troubles de la conscience, il est possible de caractériser différents états et niveaux de consciences.

États de conscience

Article détaillé : État de conscience.
Parmi les états de conscience, on peut distinguer des états normaux, des états altérés (par des maladies, des traumatismes ...) et des états modifiés (par des psychotropes ...).

États normaux

Les états normaux de conscience existent à l'état d'éveil et cessent durant le sommeil.
Dans l'état normal, on distingue plusieurs niveaux de conscience. Les principaux niveaux sont :
  • La conscience primaire
  • La conscience réflexive
  • La conscience de soi.
Les états normaux sont caractérisés par un fonctionnement normal du métabolisme cérébral, et par l'intégrité des structures impliquées dans la conscience (formation réticulée, thalamus, cortex frontal, gyrus cingulaire et précunéus).

États altérés

Article détaillé : État altéré de conscience.
Les états altérés de conscience sont consécutifs à des traumatismes, des lésions ou des maladies qui ont endommagés la structure cérébrale.
Les principaux états altérés sont :
  • L'évanouissement.
  • La conscience minimale (fluctuation ou forte diminution de l'état de conscience).
  • L'état végétatif (existence d'un état d'éveil, mais sans perception. Le métabolisme cérébral est diminué parfois jusqu'à 70% du niveau normal).
  • Le coma (absence de conscience, d'éveil, de sensibilité et de motilité, avec une conservation relative des fonctions réflexes et végétatives).

États modifiés 

Article détaillé : État modifié de conscience.
Les états modifiés de conscience sont en général transitoires, et proviennent de la consommation de substances psychotropes, ou d'activités particulières (hypnose, transe, méditation ...),
Durant ces états, les sensations, les perceptions, les émotions et le psychisme sont modifiés.

Niveaux de conscience 

En comparant en particulier les capacités cognitives de différentes espèces animales, il apparaît différents niveaux de conscience :
  • La conscience primaire (consciousness), au sens général, qui serait l'état le plus primaire et le plus basique du phénomène de conscience (représentation consciente de l'environnement et du corps du sujet).
La plupart des animaux sont limités à ce niveau de conscience.
  • La conscience introspective ou réflexive, qui correspondrait à une représentation consciente des représentations (être conscient d'avoir conscience).
  • La conscience de soi (self-awareness), qui serait un état supérieur de conscience, où le psychisme accède à une connaissance claire et immédiate, non seulement de son activité, mais en plus de son identité propre et singulière, et tel que l'auteur de sa propre activité (capacité du sujet à se percevoir comme étant l'auteur de ses pensées).
Seul les hominidés et les dauphins auraient accès à ce niveau de conscience.
(remarque : la conscience de soi est à distinguer de la reconnaissance de soi (self-recognition), capacité cognitive – généralement inconsciente – d'un organisme à se reconnaître à partir d'informations sensorielles olfactives, auditives, visuelles, ...)

Conscient & Inconscient

L'étude de la conscience met en évidence un fait remarquable : la plupart des processus du système nerveux sont inconscients
C'est le cas de tous les processus réalisés par la moelle épinière et le tronc cérébral :
  • Tous les processus du système nerveux autonome (respiration, digestion, thermorégulation, osmorégulation …).
  • Tous les processus dits “réflexes” (réflexe d'étirement croisé, réflexe stapédien, réflexe de préhension …).
Mais c'est également le cas de nombreux processus cérébraux effectués par les structures plus complexes du prosencéphale, dont tout particulièrement le néocortex
  • Tous les processus dits "automatiques" (lecture, conduite d'un véhicule …)
  • La capacité de perception et de localisation d'un stimulus tactile.
  • Les ajustements précis des mouvements liés à la coordination visuo-motrice.
  • La “décision” de l'exécution d'un acte moteur.
  • Certains processus cérébraux liés à des réactions émotionnelles de peur.
  • La reconnaissance des visages est un processus au moins partiellement inconscient.
Par ailleurs on observe que :
  • Le cerveau de patients ayant une héminégligence traite cependant l'information visuelle présentée dans le champ «négligé»
  • Après lésion du cortex visuel, le cerveau reste capable de localiser inconsciemment des objets dans le champ visuel (phénomène de la “vision aveugle”).
  • Dans la pathologie de la prosopagnosie, la reconnaissance consciente d'un visage est impossible, mais les réactions physiologiques indiquent que le visage vu est inconsciemment reconnu.
  • Certaines données montrent qu'apparemment le traitement du stimulus perçu emprunte le même chemin, que la perception soit "consciente" ou "inconsciente".
Les expériences les plus intéressantes concernent la prise de décision. Par exemple, des personnes devaient appuyer sur un bouton dès qu'elles ressentaient un stimulus tactile :
« Alors que 500 ms sont nécessaires pour répondre consciemment à un stimulus tactile d'une intensité proche du seuil, il suffit de 100 ms pour donner une réponse motrice (appuyer sur un bouton) à ce même stimulus. Toutefois, le sujet aura l'impression d'avoir appuyé sur le bouton après avoir senti le stimulus, référant ainsi son mouvement à une expérience consciente ultérieure." »
Toutes ces données, provenant de personnes normales et de cas cliniques, montrent que la conscience n'est pas nécessaire pour la plupart des processus cérébraux.
« La conscience ne peut à aucun moment être considérée comme une étape nécessaire à l'accomplissement de certaines opérations, ni comme l'attribut systématique de certains secteurs du fonctionnement mental. »
Ces données montrent l'existence d'une dissociation entre les processus cérébraux et la conscience Le phénomène de “conscience” n'interviendrait pas dans le fonctionnement des processus cérébraux mais aurait une fonction cognitive supérieure de contrôle de l'action en cours. D'après Libet B. :
« Le processus “conscient” de l'action, conséquence secondaire du processus “inconscient” initial, pourrait avoir pour fonction, selon, d'autoriser la poursuite, ou au contraire de suspendre l'action en cours de préparation. »

Neurobiologie de la conscience

En analysant les données expérimentales (EEG …) et cliniques (coma …), les régions cérébrales suivantes seraient impliquées dans l'état de “conscience” :
  • La formation réticulée
  • Le thalamus (apparemment les noyaux intralaminaires)
  • Le cortex préfrontal
  • Le gyrus cingulaire postérieur
  • Le précunéus et le cortex rétrosplénial
Les connexions fonctionnelles entre les régions cérébrales suivantes seraient également impliquées dans la “conscience” :
  • Entre le cortex préfrontal gauche et le précunéus
  • Entre les noyaux thalamiques intralaminaires et le précunéus
En tenant compte des connaissances actuelles sur les fonctions respectives de ces différentes régions, il semble possible de regrouper ces structures neurales en deux grands types : 1) les structures qui auraient une fonction d'activation du cortex cérébral, et 2) les structures directement impliquées dans la genèse du phénomène de “conscience”.
Les structures qui auraient une fonction d'activation du cortex cérébral, à savoir la formation réticulée pontique et les noyaux intralaminaires du thalamus, appartiennent à un système relativement bien connu, le système activateur ascendant.
Ces structures ne seraient pas directement impliquées dans le processus de “conscience”, mais auraient un rôle indirect, par l'activation généralisée du néocortex. Un haut niveau d'activité du cortex serait une condition nécessaire mais non suffisante à l'émergence de l'état de “conscience”.
Les structures directement impliquées dans la genèse du phénomène de “conscience” semblent toutes être des structures corticales associatives, organisées en réseaux.
Les données provenant de l'étude de cerveaux dédoublés après section du corps calleux (Split brain) indiquent que les régions corticales les plus cruciales à l'état de “conscience” seraient situées dans l'hémisphère dominant ou langagier .
Ces donnés, couplées à celles obtenues sur des patients en état de coma et montrant l'importance des connexions fonctionnelles entre le précunéus et le cortex préfrontal gauche et l'importance du précunéus et du gyrus cingulaire postérieur, semblent indiquer que les structures clés de l'état de “conscience” seraient un ou des réseaux de circuits spécialisés localisés dans les régions préfrontales et corticales associatives postérieures de l'hémisphère dominant ou langagier.
Enfin, des données expérimentales obtenues sur des sujets en état de repos indiquent que certaines des régions cérébrales impliquées dans la “conscience” seraient phylogénétiquement récentes.
Toutes ces données permettent de supposer, avec une bonne probabilité d'exactitude, que le phénomène de “conscience” serait dépendant de réseaux spécifiques associant les régions cérébrales les plus récentes et complexes, c'est-à-dire les aires corticales associatives polymodales, dans l'hémisphère dominant.
En conclusion, la conscience n'existerait que chez les primates ayant un système nerveux très développé et elle apparaîtrait progressivement dans l'enfance, consécutivement au développement des réseaux de neurones connectant entre elles les régions les plus complexes du cerveau (aires associatives polymodales). Sous toutes réserves, la fonction de la conscience serait le contrôle supérieur des activités cérébrales les plus complexes.
Il semblerait, en fonction des données actuellement disponibles, que les structures neurales dont l'organisation spécifique serait à l'origine du phénomène de conscience seraient un ou des réseaux de circuits spécialisés, phylogénétiquement récents, localisés dans les régions frontales (cortex frontal) et dans les régions corticales associatives postérieures (précunéus et gyrus cingulaire postérieur) de l'hémisphère dominant ou langagier (l'hémisphère gauche chez 95% des personnes).
Au niveau fonctionnel, pour qu'il puisse exister la conscience d'un objet spécifique, il faudrait, à la fois, que le module cérébral qui traite de cet objet soit intensément et durablement actif (durée supérieure à 250 ms), et, en plus, que les réseaux de circuits spécialisés localisés dans les régions frontales et corticales associatives postérieures de l'hémisphère dominant ou langagier soient également et simultanément actif.
Pour donner un exemple, la vision consciente d'un objet impliquerait une activité intense et supérieure à 250 ms dans le cortex occipital (qui est le cortex visuel) et également dans le réseau impliqué dans la conscience (le cortex frontal, ainsi que le précunéus et le gyrus cingulaire postérieur de l'hémisphère dominant).

Monisme matérialiste ou dualisme ?

Plusieurs approches existent.
L'une, issue du matérialisme, ne postule pas de projet divin ou autre dans la conscience. Cette approche est bien représentée par Richard Dawkins.
Une autre admet, dans différentes variantes, l'existence d'un éventuel monde immatériel, ou d'un "monde des idées". C'est celle de Denys Turner, Sir John Eccles, Roland Omnès ou Alain Connes.
Une troisième est celle de Daniel Dennett.
Pour être complet, il convient de citer aussi celle de Roger Penrose, pour l'originalité de ses vues qui se démarquent des trois précédentes (il admet l'existence d'un monde des idées, tout en le faisant entrer dans un cadre physique/mathématique, donc in fine matérialiste).
Les approches hors matérialisme pur restent considérées à ce jour, 2006, comme marginales.

Contexte matérialiste

L’hypothèse où tout ce qui est observé dans l’univers peut s’expliquer sans faire appel à une intervention divine ou spirituelle est appelée matérialisme. Dans cette conception, tout ce qui existe est formé de matière. La science opère dans un cadre matérialiste. D'après le darwinisme, l’être humain est le produit d'un processus d’évolution par sélection naturelle. On peut donc supposer que la conscience est un caractère ayant été acquis car il apportait un avantage sélectif. Au cours de l'évolution, elle serait devenue nécessaire pour assurer la survie en milieu hostile.
Le scientifique, dans sa tentative d’expliquer la conscience, la définit comme étant une fonction du cerveau. Il existe alors deux possibilités :
  • Le cerveau étant considéré comme un simple système de traitement de l'information, la conscience serait alors ce qui pilote son fonctionnement.
  • Il existe des propriétés de la matière que les scientifiques n’ont pas encore découvertes et qui peuvent expliquer le phénomène de la conscience.

La conscience en tant que logiciel

Cette possibilité est très utilisée dans les films de science-fiction où l’on présente, par exemple, des ordinateurs qui absorbent pendant un certain temps les connaissances de certaines personnes dont le corps reste inanimé durant le temps du transfert.(exemple Avatar )
Des chercheurs comme Ray Kurzweil ont envisagé la possibilité d'une survie de l’être humain par le transfert de l’ensemble de son contenu mental dans des réseaux de neurones artificiels dans la perspective que la conscience suivrait ce transfert. Dans de tels scénarios, la conscience est perçue comme un logiciel qui aurait la capacité de quitter le corps pour être transféré sur un autre support, ordinateur ou corps artificiel.
Cette hypothèse amène une question : un logiciel peut être recopié. Que se passerait-il si le logiciel conscience était dupliqué sur plusieurs supports en plusieurs exemplaires ? Si la conscience est un logiciel, il devient possible de créer des ordinateurs conscients (à titre d'exemple, le roman : Destination vide). Si un programmeur pouvait créer un ordinateur si puissant qu'il en devienne conscient, que serait-il capable de faire ? Un programme informatique est une suite d’instructions. La suite d’instructions va-t-elle créer dans l’ordinateur qu'il soit conscient de sa propre existence ? Ou ne sera-t-il capable que de mimer la conscience ?
Cette approche pose un certain nombre de problèmes fondamentaux, soulevés notamment par Roger Penrose.
De la même manière qu'un système formel est fondamentalement limité dans les propositions qu'il peut démontrer (voir Théorème de Gödel), une machine de Turing (sur laquelle un logiciel s'exécute) est également fondamentalement limitée : un ensemble important de problèmes ou de propositions seront inaccessibles à un logiciel donné. Or l'esprit humain se distingue précisément par sa capacité à constamment dépasser ses limites.
De plus, toujours à l'image d'un système formel où tout théorème se ramène en dernière analyse à un axiome (et donc, avec celui-ci, à une tautologie), un logiciel ne peut "créer" ou "inventer" autre chose que ce qui est contenu dans ses données initiales ou dans ses règles d'inférence logique. Tel ne semble pas être le cas (bien au contraire) de l'esprit humain.
On peut noter également les échecs récurrents de l'intelligence artificielle à émuler une conscience, même élémentaire, malgré des puissances de calcul toujours en croissance exponentielle.

La conscience en tant que propriété de la matière

Dans l'hypothèse où la conscience n'est pas un logiciel mais en restant dans la perspective matérialiste, il reste l’hypothèse qu’il existe des propriétés de la matière que les scientifiques n’ont pas encore découvertes. Ces propriétés permettraient à la matière, dans une certaine configuration, de générer le phénomène de la conscience. La mécanique quantique semble à l’heure actuelle être la théorie la plus favorable à la naissance d’une hypothèse pouvant expliquer comment la matière peut générer le phénomène de la conscience car :
  • Les phénomènes quantiques permettent d'envisager d'implémenter des "algorithmes" qui seraient non implémentables sur des machines de Turing, qui possèdent les limitations soulignées au paragraphe précédent (voir aussi ordinateur quantique).
  • L'aspect non encore totalement élucidé de la décohérence quantique permet d'imaginer que celle-ci pourrait être influencée par des paramètres cachés, qui pourraient être source de conscience (l'état des neurones serait ainsi influencé par ces paramètres cachés)
Johnjoe Mac Fadden pense que la conscience est une propriété des champs électromagnétiques généré par le cerveau humain .
Roger Penrose explore la possibilité que la conscience puisse être générée par des superpositions quantiques à grande échelle, notamment situées dans les microtubules constitutifs du cytosquelette des neurones.

André Maurois, dans Les Silences du colonel Bramble, compare le fonctionnement de la conscience à un ministère : chaque soir ses employés le quittent pour aller dormir, reviennent le matin, sont renouvelés intégralement tous les quarante ans par le jeu des départs en retraite, et pourtant il s'agit bien du même ministère sans qu'il existe pour autant d'âme immatérielle du ministère.

Contexte spiritualiste

La difficulté à expliquer la conscience dans un contexte matérialiste conduit à l’hypothèse que la conscience est, peut-être, la caractéristique de quelque chose qui n'est pas matériel.
Cette nouvelle conception permet d’éviter certaines des difficultés rencontrées dans le contexte matérialiste, mais pose d'autres problèmes théoriques car elle implique qu’il existe une partie de l’existentiel qui n’a pas encore été abordée par la physique.
L’avantage d’une telle conception est de se dire que si la conscience n’appartient pas au corps physique, elle peut ainsi survivre au renouvellement matériel évoqué plus haut. Et si la conscience survit au renouvellement matériel du corps, il y a des chances qu’elle survive à la destruction finale de celui-ci qu’est la mort physique. On peut aussi supposer que la conscience après la mort réintègre un autre corps puisque certains hypnotiseurs prétendent avoir amené certaines personnes à se rappeler leurs vies précédentes sous hypnose.
Un des problèmes soulevés par une conception spirituelle de la conscience est de savoir comment celle-ci communique avec le corps physique. Comment la volonté peut-elle agir sur le corps en induisant des influx nerveux dans les nerfs. Sir John Eccles, prix Nobel de physiologie en 1963, invoque la mécanique quantique en postulant l’hypothèse selon laquelle l’esprit interviendrait en modifiant la probabilité d’émission du transmetteur chimique. Le champ de probabilité en physique quantique par l’indétermination qu’il génère au niveau physique permettrait au monde spirituel de contrôler le monde physique

Autres considérations

Rapport entre la conscience et l'écoulement du temps

Tout le monde a très probablement remarqué le fait suivant :
  • Lorsqu’on vit une expérience désagréable, le temps semble s’écouler plus lentement.
  • Lorsqu’on vit une expérience agréable, le temps semble s’écouler plus rapidement.
Cette constatation nous mène à nous poser une question fondamentale. Puisque l’écoulement du temps nous paraît si différente selon les moments, qu’en est-il de l’écoulement réel du temps indépendamment de nous ?
Nous avons une sensation de l’écoulement du temps, mais cette sensation étant différente selon les moments, nous pouvons penser que l’écoulement du temps que nous croyons réelle n’est peut-être qu’une illusion, une sensation programmée dans notre cerveau. À quelle vitesse le temps peut-il s’écouler si nous-mêmes avons une perception si variable de son écoulement ?
Frank Tipler introduit une notion de temps subjectif qui se distingue du temps physique. Selon Tipler, une unité de temps subjectif correspond à une information traitée (l'esprit étant considéré comme un système de traitement). La sensation d'écoulement du temps serait donc différente selon la quantité d'information que l'esprit humain est en mesure de traiter et donc dépendrait du stade d'évolution de celui-ci.
Des considérations en théorie des cordes amènent à penser que le temps physique ne s'écoule pas. La conscience parcourrait le temps qui est figé, un peu comme une voiture parcourt une route.
La situation se complique lorsque l'on se place dans le cadre de la théorie d'Everett. Dans ce cadre, l'évolution du monde n'est pas linéaire mais arborescente. À chaque instant l'évolution emprunte simultanément toutes les possibilités prévues par la mécanique quantique, et on peut alors légitimement se poser la question de savoir ce qu'il advient de la conscience individuelle. Notre conscience se divise-t-elle aussi pour coexister simultanément dans des mondes parallèles ? Paul Jorion répond négativement à cette question. Selon lui, la conscience emprunterait le chemin d'évolution qui est le plus favorable pour elle.

Histoire de l'étude de la conscience

Descartes localisait la conscience dans la glande pinéale.
Sigmund Freud localisait la conscience sur la couche externe du cerveau. La couche interne, selon lui, correspondait à l’inconscient.
Plus récemment le prix Nobel Roger Sperry, après avoir sectionné le corps calleux et la commissure antérieure reliant les deux hémisphères du cerveau dans le but de soulager les personnes atteinte de l’épilepsie, constata une forme de dédoublement de la conscience. Une des deux consciences était verbale et analytique et semblait correspondre à l’hémisphère gauche du cerveau. L’autre conscience, plus subjective, semblait correspondre à l’hémisphère droit du cerveau. Roger Sperry en déduisit que la conscience n'est pas localisée à un endroit particulier dans le cerveau. Selon lui, c’est comme si toutes les parties du cerveau y contribuaient en concert.

La notion de conscience en philosophie


Le mot français conscience souffre d'une ambiguïté dont semblent indemnes ses équivalents dans d'autres langues. Il y a d'une part le sens moral, dominant jusqu'au XVIe siècle, correspondant à conscience dans la langue anglaise (allemand: Gewissen), sens qu'on trouve dans des expressions comme «avoir bonne - ou mauvaise - conscience», «en votre âme et conscience», «avoir la conscience tranquille», «conscience professionnelle», «objection de conscience», «cas de conscience». La conscience, en ce sens, c'est la propriété qu'aurait l'esprit humain de distinguer immédiatement et spontanément le bien du mal; pour qui en défend l'existence, la conscience morale se manifesterait entre autres sous la forme de la voix morale qui défend ou commande, par laquelle nous jugerons de la valeur morale de nos actes futurs, ou par ce retour à soi par lequel nous évaluons nos actes passés, dans la joie (la conscience «en paix»: satisfaction morale) ou la douleur (le remords). Mais peut-être cette conscience morale n'a-t-elle rien de spontané ni d'inné chez ceux qui en seraient dotés: peut être n'est-elle qu'une intériorisation, dans le cas des éducations morales réussies, des normes morales extérieures.


Le second sens est dominant en philosophie depuis Descartes, et c'est à lui que les lignes suivantes se limiteront: il correspond à l'anglais consciousness et à l'allemand Bewusstsein, se trouve dans des expressions comme «avoir, prendre, perdre conscience» et dérive plus nettement du latin scire qui signifie «savoir». Le problème philosophique central est précisément de savoir ce que sait celui qui «a conscience», autrement dit quelle connaissance la conscience nous livre, et quelle en est la valeur.




Description de la conscience




«Qu'est-ce que la conscience ?» demandait Bergson. Et il répondait: «Vous pensez bien que je ne vais pas vous définir une chose aussi concrète, aussi constamment présente à l'expérience de chacun de nous» (l'Énergie spirituelle). La conscience semble en effet à ce point une donnée immédiate qu'il semble impossible de la résoudre en éléments plus simples et donc de la définir sans pétition de principe. On ne saurait assimiler des formules comme «la conscience est la connaissance ou l'intuition qu'a l'esprit de ses états et de ses actes» à des définitions puisque cette «connaissance» ou cette propriété réflexive (ses actes) supposent la conscience plus qu'ils ne l'expliquent. Mais, à défaut de la définir, on peut au moins la décrire. Celui qui perd conscience perd ainsi deux choses: la connaissance de ce qui lui est extérieur, le monde, et de ce qu'il est lui-même. Corollairement, avoir conscience, c'est avoir à la fois conscience du monde et de soi, c'est-à-dire tout uniment de la présence du monde à soi et de sa propre présence au monde; la prise de conscience enfin (qu'elle soit celle d'un individu, d'une classe sociale ou d'un peuple), c'est encore la reconnaissance de l'identité de sa place dans une situation objective donnée. La conscience ne s'épuise donc ni dans la conscience réflexive de soi, ni dans la conscience «transitive» d'autre chose, puisqu'elle est la relation indissoluble qui les lie. Telle est la donnée immédiate telle qu'elle s'offre à l'évidence.




La conscience comme première certitude : le Cogito




C'est cette valeur d'immédiate et d'évidence absolue qui fait de la conscience, selon Descartes, le premier maillon de toutes les vérités dans l'ordre de la connaissance certaine. Pour qui cherche en effet «quelque chose de ferme et de constant dans les sciences» et a donc pour cela méthodiquement rejeté «toutes les choses que peuvent être révoquées en doute» (Méditations métaphysiques, I), «je suis, j'existe» apparaît comme la première des vérités indubitables, car elle surgit non pas contre le doute et en dépit de lui, mais au sein et à cause du doute lui-même: plus je m'efforce de douter que je suis, plus la conscience que j'ai de ce doute me confirme mon existence et m'empêche donc d'en douter.


La conscience est donc d'abord conscience d'une existence : la mienne, «moi». Mais Descartes montre dans la suite de la Deuxième méditation qu'on peut parvenir à l'essence de ce moi ainsi dégagé et qu'il est et se limite à cette conscience même. «Qu'est-ce donc que je suis ? Une chose qui pense. Qu'est-ce qu'une chose qui pense ? C'est-à-dire une chose qui doute, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi, et qui sent.» De là deux thèses: d'une part, la conscience est conçue comme une substance, subsistant indépendamment du corps et subsistant identique à soi quels que soient ses «modes» (perception, imagination, jugement, volonté, etc.); d'autre part, la conscience et la pensée sont conçues comme identiques («Par le nom de pensée, j'entends tout ce qui se fait en nous de façon que nous en soyons conscients et pour autant que nous ayons conscience» - Réponses aux deuxièmes objections), ce qui ôte a priori tout sens à l'idée de pensée inconsciente. C'est contre l'une ou l'autre de ces deux thèses cartésiennes que se sont élaborées la majorité des conceptions ultérieures de la conscience.




La conscience est-elle une substance ?


Contre l'indépendance de la conscience et du corps se sont élevés tous les matérialistes, à la suite de Gassendi, qui objectait déjà à Descartes: «Il vous faut prouver que ce corps grossier et pesant ne contribue en rien à votre pensée quoique néanmoins vous n'ayez jamais été sans lui... et partant que vous pensez indépendamment de lui» (Cinquièmes objections). La conscience est ainsi, selon lui, un effet étroitement dépendant du cerveau. Contre la permanence substantielle de la conscience se sont élevés tous les empiristes à la suite de Hume: «Il y a certains philosophes qui imaginent que nous avons à tout moment la conscience intime que nous appelons notre moi... Pour ma part, je ne peux me saisir, moi, en aucun moment sans une perception et je ne peux rien observer que la perception» (Traité de la nature humaine, I, 4, vi). La conscience ne me livre jamais un moi pur et nu, elle n'est qu'un faisceau d'impressions. Mais c'est surtout la conception phénoménologique de la conscience qui semble rompre définitivement avec la conception cartésienne d'une conscience-substance.


Reprenant à son maître, le psychologue allemand Brentano, le concept d'intentionnalité, Husserl en fait la caractéristique essentielle de la conscience: «C'est l'intentionnalité qui caractérise la conscience au sens fort.» Par intentionnalité, il faut entendre «cette propriété qu'ont les vécus d'être conscience de quelque chose... Ainsi une perception est perception de, par exemple d'une chose, un jugement est jugement d'un état de choses: une évaluation, d'un état de valeur; un souhait porte sur un état de souhait, ainsi de suite» (Idées directrices pour une phénoménologie, I, 84). La conscience ainsi conçue n'est plus une chose permanente dans le temps, fermée sur elle-même et régie par le principe d'identité, mais toujours déjà une relation, ouverture à autre chose. Comme le commente Sartre: «La conscience et le monde sont donnés d'un coup». Ainsi, «la conscience s'est purifiée, elle est claire comme un grand vent, il n'y a plus rien en elle sauf un mouvement pour se fuir, un glissement hors de soi; [...] car la conscience n'a pas de "dedans": elle n'est rien que le dehors d'elle-même, et c'est cette fuite absolue, ce refus d'être substance qui la constituent comme une conscience» (Situations, I).




La conscience et ses illusions




C'est contre l'autre aspect de la thèse cartésienne que se sont élevés tous ceux qui ont refusé de faire de la conscience un moyen fiable, transparent et immédiat de connaissance, que ce soit de soi ou du monde. À l'identité de la pensée et de la conscience, Leibniz oppose la distinction de la perception et de l'aperception: «Il ne s'ensuit pas de ce qu'on ne s'aperçoit pas de la pensée qu'elle cesse pour cela... Je dis bien plus: il reste quelque chose de toutes nos pensées passées et aucune n'en saurait jamais être effacée complètement... Toutes les impressions ont leur effet, mais tous les effets ne sont pas toujours notables... En un mot, c'est une grande source d'erreurs de croire qu'il n'y a aucune perception dans l'âme que celle dont on s'aperçoit» (Nouveaux essais, II, 1). La conscience n'est donc qu'une connaissance partielle, et la pensée la déborde de toutes parts, qu'elle soit perception, mémoire ou impression. Encore n'est-elle pas vraiment trompeuse pour Leibniz, comme elle l'est pour Spinoza, pour qui la conscience n'est qu'un effet (la conscience est seconde par rapport à l'idée dont elle est conscience) et non une cause première, ce qui ne peut manquer d'en faire un lieu d'illusion: se croyant source des effets - en particulier sur le corps - dont elle ignore les causes, la conscience se croit libre.


C'est cette même illusion qu'en des sens différents dénoncent Nietzsche et Marx: pour Nietzsche, «une pensée ne me vient pas quand je veux mais quand elle veut»; la conscience n'est donc là encore qu'un effet dont nul n'est maître, en tout cas pas moi; d'ailleurs, «la conscience du moi est le dernier trait qui s'ajoute à l'organisme quand il fonctionne déjà parfaitement, elle est presque superflue» (Posthumes). Pour Marx aussi, la conscience est plutôt produite que productrice: elle est «un produit social et demeure telle aussi longtemps que les hommes existent» (Idéologie allemande); car «ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence; c'est inversement leur existence sociale qui détermine leur conscience» (Préface de la Critique de l'économie politique).


Mais c'est Freud sans doute qui, avec sa nouvelle conception de l'inconscient, lieu non pas marginal mais central de la vie psychique, achève de chasser la conscience du trône où l'avait placée Descartes. Tel serait le dernier des trois grands démentis que, selon Freud, la science aurait infligés à l'égocentrisme et à la mégalomanie humaine: l'héliocentrisme copernicien avait chassé l'homme de la place centrale qu'il croyait occuper dans l'univers; l'évolutionnisme darwinien de la place qu'il croyait être la sienne dans l'ordre des créatures terrestres: désormais, «le moi n'est pas seulement maître dans sa propre maison, il en est réduit à se contenter de renseignements rares et fragmentaires sur ce qui se passe, en dehors de sa conscience dans sa vie psychique» (Introduction à la psychanalyse, III, 18).




L'approche psychanalytique de la conscience




La théorie métapsychologique freudienne accorde à la conscience un rôle essentiel comme repère situant les phénomènes psychiques. Dans sa première topique, Freud organise autour de la conscience les trois instances de l'Inconscient, du Préconscient et du Conscient.


La conscience est liée à ce que Freud appelle «le système perception-conscience». C'est une fonction périphérique de l'appareil psychique qui reçoit les informations du monde extérieur et celles venant des souvenirs et des sensations internes de plaisir ou de déplaisir. Le caractère immédiat de cette fonction perceptive entraîne une impossibilité pour la conscience de garder une trace durable de ces informations. Elle les communique au préconscient, lieu d'une première mise en mémoire. La conscience perçoit et transmet des qualités sensibles. Freud emploie des formules comme «indice de perception, de qualité, de réalité» pour décrire la teneur des opérations du système perception-conscience.


Sur le plan économique, la conscience dispose d'une énergie libre et mobile capable d'investir avec plus ou moins d'intensité des éléments externes ou internes. C'est le mécanisme de l'attention.


Sur le plan dynamique, la conscience intervient dans les processus de pensée, à entendre comme reviviscence des souvenirs, raisonnements ou élaborations à partir des représentations psychiques. Selon Freud la prise de conscience des processus de pensée dépend de leur association avec des «restes verbaux» pris comme nouvelles perceptions. C'est à cette fonction qu'il est fait appel dans la cure analytique qui s'efforce de mobiliser des éléments inconscients pour les ramener à la conscience. Ainsi le patient pourra «perlaborer», c'est-à-dire retravailler ces éléments après leur remémoration, leur construction dans l'analyse, leur répétition dans le transfert et leur interprétation par le thérapeute. Si la conscience joue un rôle important dans la dynamique des conflits psychiques (évitement conscient des perceptions désagréables), sa place dans le mécanisme de la cure reste un thème majeur de réflexion. 


Freud, L'inquiétante étrangeté et autres essais : psychique et conscience

«Le psychique en toi ne coïncide pas avec ce dont tu es conscient ; ce sont deux choses différentes que quelque chose se passe en ton âme et que tu en sois par ailleurs informé. Je veux bien concéder qu'à l'ordinaire, le service de renseignements qui dessert ta conscience suffit à tes besoins. Tu peux te bercer de l'illusion que tu apprends tout ce qui revête une certaine importance. Mais dans bien des cas, par exemple dans celui d'un conflit pulsionnel de ce genre, il est en panne, et alors ta volonté ne va pas plus loin que ton savoir. Mais dans tous les cas, ces renseignements de ta conscience sont incomplets et souvent peu sûrs ; par ailleurs, il arrive assez souvent que tu ne sois informé des évènements que quand ils se sont déjà accomplis et que tu ne peux plus rien y changer. Qui saurait évaluer, même si tu n'es pas malade, tout ce qui s'agite dans ton âme et dont tu n'apprends rien, ou dont tu es très mal informé? Tu te comportes comme un souverain absolu, qui ne descend pas dans la rue pour écouter la voix du peuple. Entre en toi-même, dans tes profondeurs, et apprends d'abord à te connaître, alors tu comprendras pourquoi tu dois devenir malade, et tu éviteras peut-être de le devenir.» (Freud, L'inquiétante étrangeté et autres essais, "une difficulté de la psychanalyse" 1917,


Le psychisme humain vu comme un appartement (1916)

Nous assimilons donc le système de l'inconscient à une grande antichambre dans laquelle les tendances psychiques se pressent, tels des êtres vivants. À cette antichambre est attenante une autre pièce, plus étroite, une sorte de salon, dans lequel séjourne la conscience. Mais à l'entrée de l'antichambre, dans le salon veille un gardien qui inspecte chaque tendance psychique, lui impose la censure et l'empêche d'entrer au salon si elle lui déplaît. Que le gardien renvoie une tendance donnée dès le seuil ou qu'il lui fasse repasser le seuil après qu'elle a pénétré dans le salon, la différence n'est pas bien grande et le résultat est à peu près le même. Tout dépend du degré de sa vigilance et de sa perspicacité.
Cette image a pour nous cet avantage qu'elle nous permet de développer notre nomenclature. Les tendances qui se trouvent dans l'antichambre réservée à l'inconscient échappent au regard du conscient qui séjourne dans la pièce voisine. Elles sont donc tout d'abord inconscientes. Lorsque, après avoir pénétré jusqu'au seuil, elles sont renvoyées par le gardien, c'est qu'elles sont incapables de devenir conscientes : nous disons alors qu'elles sont refoulées. Mais les tendances auxquelles le gardien a permis de franchir le seuil ne sont pas devenues pour cela nécessairement conscientes; elles peuvent le devenir si elles réussissent à attirer sur elles le regard de la conscience. Nous appellerons donc cette deuxième pièce : système de la préconscience. Le fait pour un processus de devenir conscient garde ainsi son sens purement descriptif. L'essence du refoulement consiste en ce qu'une tendance donnée est empêchée par le gardien de pénétrer de l'inconscient dans le préconscient. Et c'est le gardien qui nous apparaît sous la forme d'une résistance, lorsque nous essayons, par le traitement analytique, de mettre fin au refoulement.
Introduction à la psychanalyse, trad. S. Jankélévitch.

Le moi n'est pas maître dans sa propre maison (1917)

L'homme, quelque rabaissé qu'il soit au-dehors, se sent souverain dans sa propre âme. Il s'est forgé quelque part, au cur de son moi, un organe de contrôle qui surveille si ses propres émotions et ses propres actions sont conformes à ses exigences. Ne le sont-elles pas, les voilà impitoyablement inhibées et reprises. La perception intérieure, la conscience, rend compte au moi de tous les processus importants qui ont lieu dans l'appareil psychique, et la volonté, guidée par ces renseignements, exécute ce qui est ordonné par le moi, corrigeant ce qui voudrait se réaliser de manière indépendante (...).
Dans certaines maladies, et, de fait, justement dans les névroses que nous étudions, il en est autrement. Le moi se sent mal à l'aise, il touche aux limites de sa puissance en sa propre maison, l'âme. Des pensées surgissent subitement dont on ne sait d'où elles viennent ; on n'est pas non plus capable de les chasser. Ces hôtes étrangers semblent même être plus forts que ceux qui sont soumis au moi; ils résistent à toutes les forces de la volonté qui ont déjà fait leurs preuves, restent insensibles à une réfutation logique, ils ne sont pas touchés par l'affirmation contraire de la réalité.
La psychanalyse entreprend d'élucider ces cas morbides inquiétants, elle organise de longues et minutieuses recherches, elle se forge des notions de secours et des constructions scientifiques, et, finalement, peut dire au moi: «Il n'y a rien d'étranger qui se soit introduit en toi, c'est une part de ta propre vie psychique qui s'est soustraite à ta connaissance et à la maîtrise de ton vouloir. C'est d'ailleurs pourquoi tu es si faible dans ta défense; tu luttes avec une partie de ta force contre l'autre partie, tu ne peux pas rassembler toute ta force ainsi que tu le ferais contre un ennemi extérieur.(...)
La faute, je dois le dire, en revient à toi. Tu as trop présumé de ta force lorsque tu as cru pouvoir disposer à ton gré de tes instincts sexuels et n'être pas obligé de tenir compte le moins du monde de leurs aspirations. Ils se sont alors révoltés et ont suivi leurs propres voies obscures afin de se soustraire à la répression, ils ont conquis leur droit d'une manière qui ne pouvait plus te convenir. (...)
Le psychique ne coïncide pas en toi avec le conscient: qu'une chose se passe dans ton âme ou que tu en sois de plus averti, voilà qui n'est pas la même chose (...). Qui pourrait, même lorsque tu n'es pas malade, estimer tout ce qui se meut dans ton âme dont tu ne sais rien ou sur quoi tu es faussement renseigné ? Tu te comportes comme un monarque absolu qui se contente des informations que lui donnent les hauts dignitaires de la cour et qui ne descend pas vers le peuple pour entendre sa voix. Rentre en toi-même profondément et apprends d'abord à te connaître, alors tu comprendras pourquoi tu vas tomber malade, et peut-être éviteras-tu de le devenir. »
C'est de cette manière que la psychanalyse voudrait instruire le moi. Mais les deux clartés qu'elle nous apporte: savoir, que la vie instinctive de la sexualité ne saurait être complètement domptée en nous et que les processus psychiques sont en eux-mêmes inconscients, et ne deviennent accessibles et subordonnés au moi que par une perception incomplète et incertaine, équivalent à affirmer que le moi n'est maître dans sa propre maison.
Une difficulté de la psychanalyse, Essais de psychanalyse appliquée, trad. Marie Bonaparte et Mme E. Marty.

Texte de Freud: le surmoi et le désir (le désir)


Freud montre ici que  la conscience morale est elle-même le produit du désir.  Le surmoi est en effet dérivé du complexe d'Oedipe


Aussi longtemps que nous avions à nous consacrer à l'étude du refoulé dans la vie psychique, nous n'éprouvions pas le besoin de partager l'anxiété de ceux qui se préoccupaient de savoir où nous avions laissé ce qu'il y a de supérieur en l'homme. Maintenant que nous nous risquons à l'analyse du moi,nous pouvons répondre à tous ceux qui, ébranlés dans leur conscience éthique, se sont récriés qu'il doit pourtant y avoir dans l'homme un être supérieur : certainement, et voici cet être supérieur, l'idéal du moi ou surmoi, la représentance de notre relation aux parents. Petits enfants, nous avons connu, admiré, redouté ces êtres supérieurs, plus tard, nous les avons pris en nous-mêmes.
L'idéal du moi est donc l'héritier du complexe d'Œdipe et, de _fait, l'expression des plus puissantes motions et des plus  importants destins de la libido du ça. Par son édification, le moi a assuré son emprise sur le complexe d'Œdipe et, en même temps, il s'est lui-même soumis au ça. Tandis que le moi est essentiellement représentant du monde extérieur, de la réalité, le surmoi se pose en face de lui comme mandataire du monde intérieur, du ça. Les conflits entre le moi et l'idéal refléteront en dernière analyse, nous sommes maintenant prêts à l'admettre, l'opposition entreréel et psychique, monde extérieur et monde intérieur".

SIGMUND FREUD, Le Moi et le Ça (1923), Éd. Payot, coll. « Petite Bibliothèque », trad. J. Laplanche, 1981, pp. 248-249.