dimanche 30 janvier 2011

Freud : Exemple d’interprétation d’un rêve : « le repas au saumon manqué »





  
« Vous dites toujours, déclare une spirituelle malade que le rêve est un désir réalisé. Je vais vous raconter un rêve qui est tout le contraire d’un désir réalisé. Comment  accorderez-vous cela à votre théorie? Voici le rêve :
« Je veux donner un dîner mais je n’ai pour toute provision qu’un peu de saumon fumé. Je voudrais aller faire des achats mais je me rappelle que c’est dimanche après-midi et que toutes les boutiques sont fermées Je veux téléphoner à quelques fournisseurs mais le téléphone est détraqué. Je dois donc renoncer au désir de donner un dîner. »
Ce qui vient d’abord à l’esprit de la malade n’a pu servir à interpréter le rêve. J’insiste. Au bout d’un moment comme il convient lorsqu’on a à surmonter une résistance elle me dit qu’elle a rendu visite hier à une de ses amies; elle en est fort jalouse parce que son mari en dit toujours beaucoup de bien. Fort heureusement l’amie est maigre et son mari aime les formes pleines. De quoi parlait donc cette personne maigre ? Naturellement de son désir d’engraisser. Elle lui a aussi demandé : « quand nous inviterez-vous à nouveau ? On mange toujours si bien chez vous. »
Le sens du rêve est clair maintenant. Je peux dire à ma malade : c’est exactement comme si vous lui aviez répondu mentalement : « Oui-da ! », je vais t’inviter pour que tu manges bien, que tu engraisses et que tu plaises encore plus à mon mari !  J’aimerais mieux ne plus donner de dîner de ma vie ! » Le rêve accomplit ainsi le voeu de ne point contribuer à rendre plus belle votre amie. [...] Il ne manque plus qu’une concordance qui confirmerait la solution. On ne sait encore à quoi répond le saumon fumé dans le rêve : « d’où vient que vous évoquez dans le rêve le saumon fumé ? » C’est répond-elle le plat de prédilection de mon amie. »
 
[Freud, L’interprétation des rêves, 1900, Ch 4, PUF1967,  p 133-35]

Psychanalyse : l'interprétation des rêves - Freud, Jung et Lacan



Il existe des techniques permettant de donner du sens aux rêves, et d'aider les thérapeutes à améliorer le bien-être psychologique de leurs patients.

 
 
L'interprétation des rêves est tout-à-fait individuelle et varie selon la culture, l'éducation, l'environnement, ce qui implique un suivi et une bonne connaissance pour être efficace. C'est Sigmund Freud qui en propose une première analyse, mais d'autres chercheurs, comme Carl Jung ou Jacques Lacan, émettront également leurs propres hypothèses.

La psychanalyse selon Freud

Dans un ouvrage écrit en 1899, L'Interprétation des rêves, Freud propose une nouvelle manière d'interpréter les rêves à travers le déterminisme psychique, c'est-à-dire la présence pré-existante de l'idée. Cette dernière utiliserait le rêve pour accéder à la conscience, sans être bloquée par les notions de bien ou de mal, pour faire passer l'idée en refoulant le désir, sans déclencher d'angoisse ou de culpabilité. Ainsi, le rêve serait l'expression camouflée d'un désir, possible à décrypter grâce à une méthodologie simple, qui consiste à connaître les interdits de la société agissant comme des filtres. Culture et éducation participent pleinement au camouflage du fantasme énoncé à travers un contenu latent et un contenu manifeste. Le contenu manifeste est alors le scénario du rêve tel qu'il apparaît dans le souvenir du rêveur, tandis que le contenu latent est l'ensemble des pensées refoulées, à l'origine du rêve mais dont le rêveur n'a pas conscience. Les "rêves typiques" touchent la plupart des gens et sont assez stéréotypés: tomber, être poursuivi, perdre une dent... Les enfants ont des rêves simples et non voilés, car les interdits sont peu nombreux. Pour les adultes, les rêves sont cohérents (bien que non motivés en apparence) ou incohérents et absurdes (les plus longs dans la majorité des cas). Plusieurs mécanismes servent à l'esprit pour constituer ces messages, comme la dramatisation (création d'un contexte narratif ou d'une situation), la figuration (sensations visuelles, rébus, expression imagée du désir...), la condensation (représentation par un seul élément du contenu manifeste d'une multiplicité d'éléments du contenu latent) ou l'inverse dans la dispersion, et enfin le déplacement (élément mineur du contenu manifeste qui acquiert une place centrale par le contenu latent).

La psychanalyse selon Carl Jung

Carl Jung était le disciple de Freud, et travaillait sur le dialogue entre le conscient et l'inconscient, afin d'atteindre la personnalité globale de l'individu. Selon Jung, plusieurs éléments interviennent dans la constitution de l'individu. Ainsi, chacun a une "persona", correspondant à l'image qu'on a de soi et que les autres ont de nous. Cette persona s'appuie sur le statut social, le rôle familial, les diplômes... C'est le visible de l'individu. Mais il existe une part invisible, l'ombre, qui est enfouie dans notre personnalité. La réunion de la persona et de l'ombre correspond au "processus d'individuation". Par ailleurs, Jung distingue l'inconscient individuel de l'inconscient collectif. Le premier repose sur les composantes individuelles, le second est un inconscient commun, hérité de l'évolution humaine dans son ensemble. C'est ce qui le conduit à émettre l'idée de thèmes communs, universels relevés à travers les mythes, les contes, comme la mère ou le sage... Parmi ces archétypes on trouve "l'anima" chez l'homme et "l'animus" chez la femme. L'anima serait, entre autres, la personnification de la nature féminine, qui pousse l'homme vers un certain type de femme.

La psychanalyse selon Jacques Lacan

Jacques Lacan s'appuie lui aussi fortement sur la psychanalyse freudienne pour tenter de réduire la souffrance ou régler les conflits psychiques en analysant mots, rêves et lapsus. L'idée essentielle de Lacan, autant que celle de Freud, est que ce sont les fantasmes infantiles et les événements oubliés de l'enfance qui constituent le contenu de l'inconscient. Ils seraient la cause de nos névroses. La divergence de ces deux courants repose sur la méthode d'analyse: chez Lacan les séances sont variables, chez Freud elles sont toujours identiques. L'un pense que l'inattendu est plus parlant, l'autre que c'est le fait d'avoir des repères qui permet le dialogue. Lacan introduit de nouveaux concepts en s'appuyant sur la pluridisciplinarité: la cybernétique, la théologie, l'ethnologie, la linguistique ou les mathématiques lui servent à enrichir sa réflexion. Parmi ces apports, on trouve ainsi le "stade du miroir", la première perception de moi par l'enfant devant un miroir quand un adulte lui apprend que c'est lui, ou encore celui de "l'objet a" qui expliquerait l'insatisfaction des humains devant la vie amoureuse.

Un outil à utiliser avec précautions

Mais le travail d'interprétation des rêves pose la question de la validité et des précautions à prendre: les spécialistes, dont Freud, estiment qu'il existe plusieurs moyens d'utiliser cette technique. Le premier est d'utiliser la cohérence, c'est-à-dire la meilleure interprétation maximisant la cohérence des éléments du rêve. Mais elle a un inconvénient majeur: ce qui est cohérent n'est pas systématiquement exact. Le second est l'efficacité, c'est-à-dire celle qui aide le patient à aller mieux. Mais là encore, ce n'est pas forcément la bonne, car elle n'est pas forcément l'interprétation exacte des rêves. L'interprétation des rêves dans une optique thérapeutique est donc à laisser aux spécialistes, pour une efficacité réelle..



 

Le rêve, objet énigmatique – La démonstration freudienne



J’ai lu , par
François Sirois, Québec, Presses de l’Université Laval, 2004, 241 p.

On connaît le psychanalyste François Sirois pour son ouvrage
presque encyclopédique sur les Névroses publié aux Presses de
l’Université Laval. Certains auront aussi connu son Parcours de la
musique baroque, sorte de vacance intellectuelle de la psychiatrie.
En ces temps modernes où le cinéma entre en compétition avec les
fantasmagories que comportent nos rêves et où l’électrophysiologie
semble avoir ramené le rêve au REM (phase du sommeil comportant un
sommeil léger et un relâchement musculaire et des mouvements rapides
des yeux), la question du statut du rêve n’est pas sans intérêt. Sirois y
voit une manière fondamentale de présenter le paradigme de la psychanalyse
puisque le rêve (que Freud présentait un peu comme la psychose
que chacun vit durant son sommeil) est une voie privilégiée pour
l’inconscient. L’ouvrage de Sirois se divise en deux parties. La première
porte sur « l’argument de Freud sur le rêve » et la seconde porte sur « les
questions soulevées par la position de Freud sur le rêve ».
Dans la première partie, l’ouvrage aborde le texte princeps sur le
rêve, soit L’interprétation des rêves parus en 1899. Selon Sirois, le rêve
y est présenté comme « le premier terme d’une série de formations
psychiques, d’où sa valeur théorique de paradigme. » Puis, vient une
section qui, à propos du rêve, traite de la méthode de son interprétation,
puis de son travail, puis de sa nature comme réalisation d’un désir.
Dans la deuxième partie, l’auteur aborde d’abord la conception
grecque du rêve, puis élabore autour de la nature de l’objet onirique, de
la vérité du rêve et du « démonique » qui s’y trouve.
Pour comprendre l’entreprise de l’auteur, signalons qu’il fournit en
références bibliographiques plus d’une trentaine d’ouvrages d’Aristote,
et trois de plus de textes de Freud. Les commentateurs d’Aristote y sont
aussi fréquemment cités, à commencer par Saint-Thomas. Donc, il y a
un effort d’éclaircir les concepts d’Aristote que Freud aurait cité 8 fois,
et dans la deuxième partie du livre, on traite peut-être plus d’Aristote
que de Freud. Il faut admettre qu’Aristote est sans doute le premier
philosophe occidental à considérer le rêve hors de tout contexte pour
ainsi dire mystique. L’auteur fait montre d’une érudition et d’une
maîtrise des textes d’Aristote qui font de son livre quelque chose qui
ressemble fort à une excellente thèse doctorale de philosophie. Mais, on
Santé mentale au Québec, 2006, XXXI, 1, 205-207 207
se surprend de voir tant d’attention à Aristote alors que ce dernier ne fait
pas partie du titre et que tout autre philosophe est cité expéditivement.
On sait aussi que Freud a été en contact non seulement avec les textes
d’Aristote, mais aussi avec la philosophie de son temps. De plus, la
psychanalyse a interpellé au premier plan plusieurs grands philosophes
contemporains (notamment en France Sartre, Merleau-Ponty, et
Ricoeur) et en retour, ces philosophes ont parfois jeté un regard lumineux
sur la psychanalyse.
L’entreprise de Freud, reprise systématiquement par Sirois, ressemble
dans un premier temps à une sorte de phénoménologie du rêve
(expression non employée par Sirois) pour ensuite devenir une sorte
d’énergétique du rêve qui ne se comprend que par cette « autre scène »
(expression de Freud non mentionnée par Sirois) qu’est l’inconscient.
Ce dernier, d’après Sirois au terme d’une argumentation serrée, serait
seulement « une qualité ou un état de la représentation psychique » et,
selon le langage aristotélicien, « comme un accident de la représentation
et non pas comme une substance » (p. 177).
Dans la deuxième partie, Sirois en vient entre autres à se confronter
à des contradicteurs de Freud (Politzer, MacIntyre,Wittgenstein,
Raikovic, Sartre), et à tenter de situer l’apport freudien avec l’aide
notamment d’Aristote. Avec bonheur, il cite en détail certains auteurs
évoqués par Freud, comme Artémidore avec son interprétation
linguistique du fameux rêve d’Alexandre, ou encore et surtout, de long
en large, Aristote. Tant qu’à citer aussi abondamment ce dernier
philosophe, il aurait pu donner quelques indications sur les divers
aspects du plaisir chez Aristote puisque, d’après Freud, le rêve vise la
satisfaction du désir et que cette satisfaction est principalement la source
de plaisir, et que, pour Aristote, le plaisir est, en tout cas dans le cadre
de la finalité d’un organe, l’expression éprouvée de son bon fonctionnement.
À la lecture de la deuxième partie, on a parfois le sentiment d’une
apologétique documentée de la psychanalyse qui pourrait bien être le
rêve de François Sirois qui aurait inspiré l’entreprise de cet ouvrage.
Il ne s’agit pas d’un livre destiné à aider à l’interprétation des
rêves, mais bien un ouvrage de type phénoménologique et philosophique
qui devrait bien s’insérer dans la bibliothèque de trois catégories
de lecteurs : (1) les théoriciens de la psychanalyse ;. (2) les philosophes
pour qui, dans la problématique de la psyché, la nature du rêve et de la
conscience rêveuse, est un objet de réflexion ; (3) les hellénistes, à cause
des très importantes références aux auteurs grecs, à Aristote principa-
208 Santé mentale au Québec
lement mais également à Platon et à d’autres, plus littéraires (Homère,
Sophocle, Eschyle, Euripide, Hésiode) : en effet, le texte aborde autant
les songes de Pénélope que le sens de la tragédie chez les grands
dramaturges et chez Aristote. Donc un livre fouillé, érudit à propos de
Freud et d’Aristote, qui requiert constamment l’attention du lecteur.
Hubert Wallot,
psychiatre,
professeur titulaire,
Téluq-Uqam

Découverte du sens des rêves



En 1900, Sigmund Freud publie la Traumdeutung, L'Interprétation des rêves, ou mieux, L'Interprétation du rêve ; fondateur de la psychanalyse, l'ouvrage, en explorant le rêve, fourmille de récits et d'interprétations de rêves, en particulier ceux de « l'autoanalyse » de Freud, menée après la mort de son père (octobre 1896).
Désormais sûr de sa découverte de l'inconscient, Freud découvre que les rêves racontés par ses patients au fil des associations libres de la cure le conduisent à la compréhension de leurs symptômes, de leur histoire et de leurs fantasmes. Les rêves réalisent fantasmatiquement des désirs inconscients, ignorés de celui qui rêve. L'analyse y retrouve à la fois un désir actuel et des traces toujours actives des expériences et des désirs de l'enfant que fut jadis le rêveur. L'Interprétation du rêve est la réponse argumentée de Freud à l'énigme du rêve. L'oeuvre, magistrale et touffue, montre le sens et la fécondité de cette étrange activité psychique.
En décrivant le phénomène du rêve, Freud pose et justifie sa définition du rêve comme accomplissement de désir. Mais, sauf dans les rêves des très jeunes enfants, le désir est masqué et déformé, car une censure intervient : les désirs inconscients qui tentent d'émerger se heurtent aux défenses du moi, liées aux forces psychiques qui entraînent le refoulement des désirs susceptibles de susciter du déplaisir - notamment de l'angoisse ou de la culpabilité. Le désir est parfois paradoxal, comme en témoigne le rêve d'une patiente de Freud : « Je veux donner un souper, mais je n'ai rien d'autre en réserve qu'un peu de saumon fumé. Je pense aller faire des achats, mais je me souviens que c'est dimanche après-midi, moment où tous les magasins sont fermés. Je veux alors téléphoner à quelques fournisseurs, mais le téléphone est en dérangement. Il me faut donc renoncer au souhait de donner un souper. » En fait, cette femme préfère ne plus donner de dîner plutôt que d'engraisser une de ses amies dont son mari dit beaucoup de bien...
Les « rêves typiques », souvent récurrents, adviennent à la plupart des gens, de façon stéréotypée : tomber, être poursuivi, perdre une dent, rêver de la mort de personnes que l'on aime... Leur interprétation est simple, mais pauvre. Dans la plupart des cas, au contraire, la compréhension du désir latent suppose de déconstruire les éléments du rêve manifeste : le travail du rêve procède par déplacements, par figurations symboliques (souvent à contenu sexuel), par condensations en rapprochant des contenus qui ont des points de ressemblance. Lorsque, la veille de l'enterrement de son père, Freud voit en rêve une pancarte « on est prié de fermer les yeux », il s'agit à la fois de son père qui vient de fermer définitivement les yeux et d'un appel de Freud à l'indulgence de sa famille : certains avaient désapprouvé le choix d'une cérémonie trop modeste.
Les procédés de formation du rêve sont caractéristiques de tous les phénomènes inconscients. L'étude du rêve conduit ainsi à reconnaître les processus primaires qui régissent la pensée inconsciente, à laquelle nous régressons lors des rêves, et à mieux comprendre les refoulements qui organisent notre vie psychique.