dimanche 20 février 2011

Rêve et religion (suite)



La croyance à l'origine divine des songes est une croyance universelle. On connait les songes que Zeus envoie à Agamemnon, les songes et les visions qu'accorde Apollon à Delphes, notamment à Oreste. Dans l'orphisme et l'école de Pythagore on enseigne que la communication avec le ciel s'effectue uniquement pendant le sommeil, moment où l'âme s'éveille, doctrine identique qu'on retrouve chez les écrivains juifs et arabes du moyen-âge. Ibn Khaldoun 1332-1406 nous renseigne sur la pratique ritualisée des rêves mantiques chez les musulmans. L'oniromancie babylonienne n'avait rien à apprendre de la Grèce. Le songe prophétique est bien connu chez les Sémites, dont témoigne l'Ecriture Sainte.

Le chamanisme de Sibérie
  • La croyance la plus répandue chez tous les peuples sibériens est que la vie du corps dépend de l'âme. Gardant une certaine autonomie, elle peut s'évader pendant la phase du sommeil, et le rêve témoigne de cette évasion. Cette absence temporaire est sans danger, à condition qu'on ne réveille pas brutalement quelqu'un qui dort. Chez les Xant-Mansi, on dessine un tétras sur les berceaux des nourrissons afin que l'âme de celui-ci ne s'en aille pas trop loin. Si elle se fait prendre par les esprits, la mort est inéluctable, à moins que le chaman intervienne. Cette absence d'âme peut aussi être attribuée à d'autres états proches du rêve comme l'ivresse et la maladie (surtout mentale), d'où la pratique chamanique du rappel de l'âme dans le corps. Enfin, cette absence est définitive en cas de décès.

  • Dans les sociétés chamaniques, certains types de rêves vont apporter la chance au chasseur. S'il rêve de la fille de l'esprit de la Forêt (et des Eaux aussi pour les Selkup), c'est-à-dire du donneur de gibier (donneur de chance), sa chasse sera couronnée de succès. La fille de l'esprit de la Forêt peut apparaître différente à chaque rêve, en vertu de la "pluralité d'entités particulières, localisées". "Elle est toujours très belle et le plus souvent nue, séductrice et exigeante". En échange du gibier, elle demande les plaisirs humains (amour, contes et chants). L'épouse du chasseur devine d'ailleurs au gibier rapporté si son mari a une maîtresse surnaturelle. Il existe un interdit de pratiquer l'acte sexuel avant la chasse, avec son épouse notamment. Mais il est de bon présage d'avoir un rêve où le chasseur désire une femme sylvestre. Mais cette séduction a un prix : à terme elle signifie la mort du chasseur, la fille de l'esprit de la Forêt cherchant à le retenir. Elle le rend fou et le fait mourir. Les Tongouses expliquent les morts violentes des chasseurs par l'amour que leur porte l'ourse. Pour les Turco-mongols, les filles d'esprit doivent tuer les chasseurs pour les avoir comme maris.

  • Toujours en Sibérie, les chamans voient en rêve l'élan ou le renne dont la peau va lui servir à confectionner son tambour. Le rêve lui permet de savoir où le trouver et comment le reconnaître. Il ne lui restera plus qu'à faire part de ces renseignements au chasseur pour que celui-ci aille le tuer. Cette recherche peut durer une année entière. Le tambour est un objet essentiel pour exercer l'activité de chaman. Outre le fait qu'il fait participer la communauté entière, le chaman épouse en quelque sorte son tambour puisqu'il matérialise son alliance surnaturelle avec la fille de l'esprit de la Forêt[16]. C'est dire la fonction sacrée de ce type de rêve.

  • Toujours chez le chaman, certains type de rêve s'inscrivent dans le cadre de l'initiation. Ils se produisent d'ailleurs souvent pendant une maladie. Dans ces rêves, il existe des thèmes récurrents : rencontres avec des figures divines (Dame des Eaux, Seigneur des Enfers, Dame des animaux), esprits-guides, révélations sur les maladies et leur traitement, dépeçage et découpage du corps du chaman.
La Grèce antique
  • Morphée
Dans la mythologie grecque, Morphée désigne les songes. Fils d'Hypnos (le Sommeil) et de Nyx (la Nuit), il est représenté avec des ailes battant rapidement et silencieusement, qui lui permettent de voler et lui confèrent l'ubiquité. C'est en effleurant un dormeur avec une fleur de pavot qu'il lui procure un rêve. Il fut foudroyé par Zeus pour avoir communiqué des secrets aux mortels.
Morphée désigne la forme qui se révèle dans le sommeil, car il peut emprunter la forme qu'il désire. Thanatos, celui qui donne la mort, est le frère jumeau d'Hypnos. La nuit, le voyageur peut boire dans les eaux du Styx, soit à la source de Mnémosyne, et Hypnos le laisse se réveiller, soit à la source du Lhété, et Thanatos le retient dans les Enfers[18]. Selon une autre tradition grecque, le dieu du rêve est Oneiros, moins célèbre de nos jours, mais qui parce que son nom signifie "rêve" nous a lègué une précieuse étymologie.
  • L'oniromancie
Le médecin grec Hippocrate (-400) a consacré un traité aux rapports entre des contenus oniriques et diverses maladies : ainsi, voir en rêve une mer agitée « pronostique l'affection du ventre », voir du rouge témoigne d'une surabondance de sang, etc. Par contre, l'onirocritique s'attachera surtout aux valeurs prémonitoires des données vues en rêve, décodées de façon symbolique à l'aide de diverses « clés des songes » (voir Artémidore).

Vision religieuse
  • Songes et Prophéties
S'il y a parmi vous un prophète, c'est en vision que je me révèle à lui, c'est dans un songe que je lui parle Nb12,6.

Les songes (somnium) et les visions (visio) prophétiques occupent une place importante dans l'ancien et le nouveau testament. Bien que les visions ne soient pas subordonnées au sommeil, comme c'est le cas dans les songes, il n'est pas toujours aisé de différencier les deux dans les textes bibliques.
La prophétie est cependant contraignante et expose le prophète : Livre de Jérémie#Chapitre 20. Inversement, lorsque la prophétie fait défaut, les songes ne sont plus habités par Dieu : ainsi Saül se plaint Et Dieu m'a abandonné et ne me répond plus, ni par les prophètes ni par les songes. Premier livre de Samuel#Premier livre de Samuel 28

Selon Maïmonide 1135-1204, toutes les prophéties et manifestations révélées aux prophètes se font en songe ou en vision, apportées ou non par un ange, que les voies et moyens utilisés soit mentionnés ou non. Selon lui, les révélations s'obtiennent dans une vision, et le prophète en saisit la signification dès son réveil. Pour les non prophètes : nous-mêmes rêvons que nous sommes éveillés et racontons un songe à quelqu'un qui nous l'explique, témoignant de la nécessité d'un interprète[27]. Pour Ibn Khaldoun 1332-1406, il y avait deux types de songes pour rendre compte des écritures saintes : le songe véridique qui est une révélation évidente de la présence divine. Il obligeait au réveil immédiat et son impression était si forte et si durable que le sujet ne pouvait l'oublier. Et le songe ordinaire qui nécessite un effort de remémoration et une interprétation, c'est le prototype du songe symbolique ou allégorique : Joseph est l'interprète des rêves du Pharaon en Egypte Genèse - Crampon#Chapitre 41, idem pour Daniel auprès du roi Nabuchodonosor II à Babylone.

Les prophètes sont les interlocuteurs privilégiés de Dieu, ils sont choisi par Lui. L'état de sommeil permet la suppression des sens corporels, et c'est une des théories fournie par Maïmonide pour expliquer la réception de l'émanation envoyée par Dieu. Sur la base d'une faculté imaginative très développée, la prophétie est une perfection acquise, mais qui peut être troublée par la tristesse, la colère et la fatigue. Pour Ibn Khaldoun, les songes de réelle et totale importance viennent de Dieu et ceux qui demandent à être interprétés viennent des anges.

Entre la prophétie et la divination, la frontière est mince. La Loi Biblique est pourtant claire quand à la divination : Vous ne pratiquerez ni divination ni incantation. Les faux prophètes sont hors la Loi, c'est le Deutéronome qui légifère sur les faux prophètes : Si quelque prophète ou faiseur de songes surgit ... tu n'écouteras pas les paroles de ce prophète ni les songes de ce songeur Deu 13,2-4. Et c'est Jérémie qui y consacre un livret : Livre de Jérémie - Crampon#Chapitre 23
La divination était une abomination chez les prophètes de Yahvé, excepté le cas des Ourim et Thoummim. Parmi les procédés de divination, il y avait : le discours rimé, saj en arabe, marque distinctive du devin (kâhin), sorcellerie, observateurs de corps transparents, d'organes comme le cœur, le foie, les os, les mouvements d'animaux, d'objets (cailloux : cléromancie), l'astrologie ...

Les possédés, majnûn en arabe, meshugga en hébreu, est un cas particulier puisqu'il fait référence aux jinns, créatures sémitiques qui s'approprient la forme humaine. A l'origine, ils pouvaient être un individu possédé par un esprit amical, et qui plus tard, on été vu comme ceux qui s'unissaient aux humains, comme les fils d'élohim qui prirent les filles des hommes parce qu'elles étaient belles, ou encore comme des aliénés dans leurs délires furieux, des extatiques, ou des épileptiques.

D'après Maïmoïde, Moïse seul fit exception à la règle qui veut que Dieu communique sa volonté à ses prophètes par les songes et les visions : Il n'en est pas ainsi de mon serviteur Moïse, toute ma maison lui est confiée. Je lui parle faca à face dans l'évidence, non en énigmes. Nb 12,7-8.

Bien que les songes ordinaires soient considérés comme des vanités, trompeurs et impurs, dans la vision apocalyptique du livre de Joël, l'effusion de l'esprit se répandra sur toute chair : vos fils et vos filles prophétiseront, vos anciens auront des songes, vos jeunes gens des visions. Joël 3,1.
  • Songes ordinaires et divinatoires, blâmés par les prophètes :
Siracide 34,1-8 : de la vanité des songes, sauf s'ils sont envoyés du Très-Haut.

Jr 29,8 : Dans la lettre adressée par Jérémie aux prêtres, prophètes et peuple déportés de Jérusalem à Babylone par Nabuchodonosor , Yahvé Sabaot prévient de ne point écoutez les songes, ni des prophètes, ni des devins, ni de chacun d'eux, car ils ne sont point envoyés par Lui.
Qohélet = Ecclésiaste 5,2 : car du nombre des tracas vient le songe.
Qohélet = Ecclésiaste 5,6 : Paroles de Qohélet, fils de David, roi de Jérusalem : Car du nombre des songes viennent les vanités et les paroles multipliées.
Lv 19,26 : Vous ne mangerez rien avec du sang ; vous ne pratiquerez ni divination ni incantation.
Dt 13,2-6 : contre les séductions de l'idolâtrie, et des faiseurs de songes. Dans le code Deutéronomique il faut suivre Yahvé et non d'autres Dieux.
Dt 18,9-14 : la Loi interdit la divination, les incantations, la mantique ou la magie.
  • Les démons du rêve
Selon G. Van der Leeuw, partout les démons sont plus anciens que les dieux. Un démon n'est pas nécessairement un être inférieur. Il peut même parfois devenir un dieu. Dans l'animisme, le monde est rempli d'esprits et de démons. À l'origine les démons sont en rapport avec des expériences vécues. Ils résultent de la confrontation aux puissances de la vie. Ils prennent aussi leur source avec les expériences du rêve.
  • Le rêve angoissé, le cauchemar, c'est l'éphialtès, l'empousa et la lamia des grecs, la lamashtu assyro-babylonienne.


Les rêves sexuels avec le démon : c'est l'union entre un démon et un être humain. À l'extrême il est question d'un mariage. Cette représentation du démon est partout présente dans le monde. Ils sont à l'origine de l'incube et du succube, de Lilith, la première femme d'Adam, l'Ardat Lili babylonienne. Mais aussi les Jinns arabo-islamiques, les trollss scandinaves et les fées celtiques. Ceci est à rapprocher de la fille de l'esprit de la forêt des sociétés chamaniques sibériennes (voir ci-dessus). Le chamanisme a été décrit comme étant le premier système religieux. Dans ce cadre, le chaman ne pouvait se soustraire à cette union au risque de mourir. Il n'est pas aberrant de penser que toutes les formes d'unions et de mariages avec des démons nocturnes ne soient en fait qu'une forme postérieure et adaptée (notamment malfaisante) de celles des croyances chamaniques.

Rêve et religion


Dans les sociétés chamaniques
La croyance la plus répandue chez tous les peuples sibériens est que la vie du corps dépend de l'âme. Gardant une certaine autonomie, elle peut s'évader pendant la phase du sommeil, et le rêve témoigne de cette évasion. Cette absence temporaire est sans danger, à condition qu'on ne réveille pas brutalement quelqu'un qui dort.Chez les Xant-Mansi, on dessine un tétras sur les berceaux des nourrissons afin que l'âme de celui-ci ne s'en aille pas trop loin. Si elle se fait prendre par les esprits, la mort est inéluctable, à moins que le chaman intervienne.
Cette absence d'âme peut aussi être attribuée à d'autres états proches du rêve comme l'ivresse et la maladie (surtout mentale), d'où la pratique chamanique du rappel de l'âme dans le corps. Enfin, cette absence est définitive en cas de décès.
Dans les sociétés chamaniques, certains types de rêves vont apporter la chance au chasseur. S'il rêve de la fille de l'esprit de la Forêt (et des Eaux aussi pour les Selkup), c'est à dire du donneur de gibier (donneur de chance), sa chasse sera couronnée de succès. La fille de l'esprit de la Forêt peut apparaître différente à chaque rêve, en vertu de la "pluralité d'entités particulières, localisées"[11]. "Elle est toujours très belle et le plus souvent nue, séductrice et exigeante"[11]. En échange du gibier, elle demande les plaisirs humains (amour, contes et chants). L'épouse du chasseur devine d'ailleurs au gibier rapporté si son mari à une maîtresse surnaturelle.
Il existe un interdit de pratiquer l'acte sexuel avant la chasse, avec son épouse notamment. Mais il est de bon présage d'avoir un rêve où le chasseur désire une femme sylvestre. Mais cette séduction a un prix : à terme elle signifie la mort du chasseur, la fille de l'esprit de la Forêt cherchant à le retenir. Elle le rend fou et le fait mourir. Les Tongouses expliquent les morts violentes des chasseurs par l'amour que leur porte l'ourse. Pour les Turco-mongols, les filles d'esprit doivent tuer les chasseurs pour les avoir comme maris.
Toujours en Sibérie, les chamanes voient en rêve l'élan ou le renne dont la peau va lui servir à confectionner son tambour. Le rêve lui permet de savoir où le trouver et comment le reconnaître. Il ne lui restera plus qu'à faire part de ces renseignements au chasseur pour que celui-ci aille le tuer. Cette recherche peut durer une année entière.
Le tambour est un objet essentiel pour exercer l'activité de chamane. Outre le fait qu'il fait participer la communauté entière, le chamane épouse en quelque sorte son tambour puisqu'il matérialise son alliance surnaturelle avec la fille de l'esprit de la Forêt[12]. C'est dire la fonction sacrée de ce type de rêve.
Toujours chez le chamane, certains type de rêve s'inscrivent dans le cadre de l'initiation. Ils se produisent d'ailleurs souvent pendant une maladie. Dans ces rêves, il existe des thèmes récurrents : rencontres avec des figures divines (Dame des Eaux, Seigneur des Enfers, Dame des animaux), esprits-guides, révélations sur les maladies et leur traitement, dépeçage et découpage du corps du chaman[13].
L'incubation Le Rêve par Pierre Puvis de Chavannes On s'intéressait déjà aux rêves à Sumer (-3000) et dans l'Égypte ancienne (-2500). Le rêve était considéré comme un message envoyé par les dieux. Les malades que la médecine était impuissante à guérir avaient recours à des pratiques d'incubation : ils se rendaient dans un temple dédié au dieu de la médecine (Asclépios dans la mythologie grecque) et s'étendaient sur une peau d'animal pour dormir après avoir reçu les instructions des prêtres leur recommandant d'être particulièrement attentifs à l'aspect qu'aurait le visage du dieu si celui-ci leur apparaissait en rêve. À l'époque romaine, il y avait environ 400 temples de ce genre dans le bassin méditerranéen. Le médecin grec Hippocrate (-400) a consacré un traité aux rapports entre des contenus oniriques et diverses maladies : ainsi, voir en rêve une mer agitée « pronostique l'affection du ventre », voir du rouge témoigne d'une surabondance de sang, etc. Par contre, l'onirocritique s'attachera surtout aux valeurs prémonitoires des données vues en rêve, décodées de façon symbolique à l'aide de diverses « clés des songes » (voir Artémidore).

Dans la mythologie grecque, Morphée désigne les songes. Fils d'Hypnos (le Sommeil) et de Nyx (la Nuit), il est représenté avec des ailes battant rapidement et silencieusement, qui lui permettent de voler. Il fut foudroyé par Zeus pour avoir communiqué des secrets aux mortels.
Morphée désigne la forme qui se révèle dans le sommeil.
Thanatos est le frère jumeau d'Hypnos. La nuit, le voyageur peut boire dans les eaux du Styx, soit à la source de Mnémosyne, et Hypnos le laisse se réveiller, soit à la source du Lhété, et Thanatos le retient dans les Enfers.

Le rêve dans le surréalisme


L'homme se retrouve inadapté dans cette société du XIXème qui a perdu ses repères. Il adopte une atttitude incertaine, souvent pessimiste et même désespérée, une tristesse sans cause précise et sans remède qu'on appellera le "mal du siècle". L'homme se réfugie dans les larmes, dans le rêve avec une fascination pour le macabre, l'hallucination, le fantastique. C'est un voyage pour les mondes irréels et imaginaires. L'homme est aspiré vers l'infini, vers l'ailleurs.
En rupture avec les siècles classiques ayant pour valeurs la logique, la clarté, la raison , les romantiques explorent les forces de la nuit et de l'imaginaire : rêveries, fantastique, hallucinations, folie.
L'homme est brumeux, le monde est noir, le ciel est sombre ;
Les formes de la nuit vont et viennent dans l'ombre ;
Et nous, pâles, nous contemplons.
Nous contemplons l'obscur, l'inconnu, l'invisible.
Nous sondons le réel, l'idéal, le possible,
L'être, spectre toujours présent.
Nous regardons trembler l'ombre indéterminée.
Nous sommes accoudés sur notre destinée,
L'œil fixe et l'esprit frémissant.
Nous épions des bruits dans ces vides funèbres ;
Nous écoutons le souffle, errant dans les ténèbres,
Dont frissonne l'obscurité...
Victor Hugo. – Les Contemplations – 1856

Heinrich Fussli artiste d’origine Suisse est peut-être le peintre le plus significatif du sublime, mouvement préromantique. De retour en Angleterre, devenue sa patrie définitive il y développe une importance activité littéraire et picturale, dans le cadre d’une inspiration préromantique, visionnaire et hallucinée, qui influence William Blake et la culture romantique anglaise.
L'œuvre de Fussli, où l’esthétique du sublime trouve une de ses expressions les plus intenses est chargée d’une inquiétude palpitante (cauchemar 1781, Francfort, musée Goethe). Une certaine ambiguïté et un léger érotisme caractérisent la période la plus tardive de l’artiste (la débutante, londres, tate gall). Son penchant pour les sujets pathétiques ou terrifiants, il s'approprie l'oeuvre de Michel Ange, et la fantaisie équivoque des maniéristes du XVI° siècle. Il prend pour sujet aussi bien Homère que Shakespeare,Milton, et Thomas Gray. Il réalisera surtout des dessins énergiques, animés de corps hypertrophiés et d'une sensualité vénéneuse. Rentré en Angleterre il reste fidèle à cette psychologie des ténèbres et réalise des chef d'oeuvres comme son Cauchemar de 1781. Au contraire de David il cherche des perspectives ouverte, et recherche chez le héros l'action violente et la musculature athlétique et chez la femme un surcroit de féminité. Il peint les moments violents traverssés par l'action des poètes tragiques et des grandes épopées. Il met en place au file de ses toiles un univers bizarre à l'imagination éffrénée. En 1778-1779 il réalise Le serment des trois suisses, cette oeuvre commémore l'émancipation helvétique. Guillaume Tell remplace Titedive et Plutarque et l'Histoire romaine devient l'histoire Suisse. L'imagination et la sensibilité l'emportent sur la raison. On estime que la sensibilité est un fluide plus sûr que la raison, car l'esprit humain se modifie avec le temps, tandis que le cœur ne change pas. Ces deux qualités toutes personnelles – l'imagination et la sensibilité – tournent naturellement l'homme vers lui-même d'où un certain égocentrisme.
cauchemar, les incubes de Fussli
" Cauchemar, les incubes"
1781, Francfort, musée Goethe


le cauchemar de Fussli
" Le Cauchemar "
1792, Collection privée
Fussli, avant la publication des eaux-fortes de Goya ouvre la voie du rêve avec le Cauchemar dont il existe plusieurs versions : la première est peinte en 1781 et exposée à l'Institut des arts de Detroit et les deux autres versions sont ultérieures (1790). Comment définir le cauchemar sinon comme un rêve qui tourne mal ? Le mot vient du vieil allemand mahra qui signifie étalon et se confond avec le radical mar, mourrir. On en trouve la trace dans les traditions populaires germaniques et anglo-saxonnes, où rêver d'un cheval est un présage de mort prochaine. Le fait est, en tout cas, qu'il place une tête de cheval fantômatique au centre de Cauchemar, son tableau le plus célèbre, dont il donne six réplique entre 1781 et 1792. Elle apparaît au dessus d'une femme endormie, couchée sur le dos et sur la poitrine de laquelle est assis un kobold (génie familier de la mythologie germanique). Cette œuvre picturale plonge le spectateur dans le monde des rêves les plus sombres. Il assiste à une scène onirique effrayante vécue par la dormeuse qui apparaît au centre du tableau. Le thème du cauchemar offre une double lecture : il désigne le type de rêve que le personnage féminin est en train de subir et il fait référence aux deux créatures nocturnes qui l'assaillent et qui, selon les légendes populaires, sont une incarnation du cauchemar. Cette œuvre démontre l'intérêt du peintre pour les notions philosophiques, car le tableau révèle une véritable esthétique du sublime dont les fondements théoriques sont ceux d'Edmund Burke exposés dans le traité A Philosophical Enquiry (1751). Dans le Cauchemar, la spécificité du sublime de Burke se lit dans trois champs qui dépendent à la fois du visuel et de l'émotionnel : l'obscurité, la gamme de couleurs sombres et l'impression de terreur chez la dormeuse. Chez Füssli comme chez Burke, le sublime est rattaché au sentiment d'effroi et donc à l'expérience de l'homme. Il n'est plus considéré comme dépendant de Dieu ni comme l'égal du superlatif du beau. Dans le tableau, c'est bien le sujet humain qui se soumet à la terrible vision. Deux sortes de sublime se distinguent dans le Cauchemar : un sublime du bien et un sublime du mal qui dépendent étroitement de la dychotomie angoisse-désir propre à l'onirisme du tableau. Le sublime du mal permet de mettre en lumière la dimension immorale de l'œuvre, tandis que le sublime du bien est lié à l'idée que l'irréel est source de plaisir terrible -- ce que Burke nomme « delightful horror. Le Cauchemar est un lieu où cohabitent des notions opposées : le visible et l'imperceptible, le sujet humain et le sujet animal, la représentation du réel et de l'irréel s'y côtoient. Le tableau aurait pour origine la passion amoureuse de Füssli pour la belle Anna Landolt, dont il fait le portrait et que son père refuse de lui donner en mariage. Et afin d'exorciser son cauchemar, il peindra en 1793 un tableau dans lequel figurent deux jeunes filles endormies avec, à l'arrière plan, le cheval qui fuit par une fenêtre ouverte, emportant au loin le cauchemar d'autres dormeurs.

John Anster Fitzgerald : Le Rêve : Le rêve de l'artiste - La période victorienne - Palais californien de la Légion d'Honneur


John George Naish : Le Rêve : Elves and Fairies : A Midsummer Night's Dream - La période victorienne - Palais californien de la Légion d'Honneur


Jean-Baptiste Edouard Detaille : Le Rêve (1888), peinture à l'huile sur toile


George Clausen : Le Rêve : Rêves diurnes - Peinture européenne - Musée d'art de Philadelphie


Pablo Ruiz Blasco y Picasso (Picasso) : Le Rêve : Le Réveur - Peinture européenne moderne - Metropolitan Museum of Art


Maurice Denis : Le Rêve (1890), peinture à l'huile sur toile


Henri Matisse : Le Rêve

Modèle : Le Rêve

Date : 1935

Matériaux : Peinture à l'huile sur toileAcquisition : Centre Georges Pompidou

Ludwig von Hofmann : Le Rêve : Rêve - Secessionen und Jahrhundertwende - Alte Nationalgalerie


Puvis de Chavannes : Le Rêve : La Richesse : L'Amour : La Gloire : Le Rêve - Collection Moreau-Nélaton - Musée d'Orsay


Rêve et surréalisme



L'origine du mouvement.


Le surréalisme est un mouvement littéraire et artistique du XXème siècle, né après la Première Guerre mondiale ; ce mouvement succède au dadaïsme. Le principe repose sur le refus de toutes les constructions logiques de l'esprit et sur les valeurs de l'irrationnel, de l'absurde, du rêve, du désir et de la révolte. Ses trois fondateurs sont André Breton, Philippe Soupault et Louis Aragon.
Le mot « surréalisme » a été choisi en hommage à Apollinaire qui, peu avant sa mort, avait signé un drame considéré comme "surréaliste". La notion de surréalisme a été définie par André Breton, en 1924, dans son oeuvre "Le manifeste du surréalisme":
Automatisme psychique pur par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale.

Pour les surréalistes, la pire des conventions est celle du langage pour qui reflète les modes de pensée, le système des valeurs et l'organisation d'une société. Le principe premier du surréalisme est de remettre en cause cette convention et de créer de nouveaux rapports entre les mots. Il s'agit donc de refuser l'image classique de la baeté, liée au "bon goût", au sens des proportions, des symétries et des consonances.

Le mouvement surréaliste repose donc sur la volonté de libérer l'homme des morales qui le contraignent et des académismes qui l'empêchent d'agir, c'est-à-dire nuisent à la force créatrice.Souvent, les écrivains surréalistes se libèrent de la contrainte du sens dans leurs productions littéraires ; c'est ainsi que le groupe surréaliste s'adonnait au jeu du « cadavre exquis », jeu qui consiste à écrire des phrases « au hasard, chaque participant donnant un seul élément de phrase [...] sans connaître les autres ».
Le surréalisme ne va cesser d'accueillir de nouveaux artistes et écrivains. Les membres les plus actifs du groupe sont André Breton, Louis Aragon, Antonin Artaud, René Crevel, Robert Desnos, Paul Eluard, Michel Leiris, Benjamin Péret, Philippe Soupault, Roger Vitrac et René Char.Contestations, discussions, rivalités sont au sein du groupe des éléments moteur de la création.

La peinture surréaliste.
Tout d'abord, les cubistes ont disloqué les formes, modifié la perception des objets. Puis ce fut au tours des surréalistes qui ont continué cette façon de peindre, jusqu'à aller dans la provocation. Par exemple, Dali a souvent donné une image choquante de la femme, quant à Magritte, le titre de ses oeuvres n'avaient aucun rapport avec le sujet représenté, comme sa célèbre toile "Ceci n'est pas une pipe". Puis les peintres adaptent à la peinture les pratiques surréalistes, en créant par exemple des oeuves collectives. Ils inventent ainsi des cadavres exquis picturaux, et chaque peintre peint un coin de la toile sans voir ce que les autres ont dessiné.

L'appel au rêve et à l'inconscient.
Le surréalisme n'est pas seulement un mode d'écriture, il déborde du simple cadre littréraireet même artistique pour s'étendre à toutes les activités du vécu. Il est une forme d'activité mentale. La forme d'activité onirique de la pensée pour les surréaslites est essentielle, d'où ce slogan surréaliste :" Parents, racontez vos rêves à vos enfants! ". Pour les surréalistes, le songe pourrait être une solution aux grandes questions de la vie. En effet, le rêve se développe dans la plus totale liberté d'imagination et sans être perturbé par la contradiction, car il est à l'écoute de l'inconscient. Ainsi, le surréalisme entretient des relations profondes avec la psychanalyse. Les textes de Sigmund Freud, un grand psychanaliste sont traduits en France en 1916 et chacune de ces publications ou presque est commentée dans les revues du surréalisme. La publication de récits de rêves dans la Revue surréaliste est un des points de rencontre avec le freudisme.

Les thèmes abordés.
Les thèmes représentés sont liés au fantastique et au merveilleux. On y retrouve bien souvent la représentation de l'amour fou, avec la femme, puis le rêve et ses associations étranges.On retrouve des allégories, des figures mythologiques, des symboles. Le surréalisme, dans un domaine artistique ou littéraire, est donc complètement décalé de l'image classique.

Interview Michel Jouvet



A propos de Michel Jouvet
Michel Jouvet est membre de l’Académie des sciences depuis 1977. Il est Professeur émérite à l’Université Claude Bernard de Lyon et été directeur de recherches au CNRS. Il est membre de comités de lecture de nombreuses revues scientifiques de haute tenue (Brain Research, Biochemical Pharmacology, International Journal of Neuroscience, etc.)
Auteur de plus de 400 articles dans le domaine de la Neurobiologie, il a publié des ouvrages devenus de véritables références.
Il a reçu la Médaille d’Or du CNRS en 1989 ainsi que de nombreuses autres prestigieuses distinctions.






Pour expliquer le sommeil et les rêves d'un point de vue scientifique, nous nous baserons sur une interview de Michel Jouvet, sur Canal Académie, radio académique sur Internet. Celle-ci se divise en deux parties.

 

« 1959 : Michel Jouvet et son équipe réalisent des expériences sur le chat, en vue d’étudier son comportement. C’est alors qu’ils découvrent ce que Michel Jouvet appellera le "3ème état du cerveau" : le chat, à l’instar de l’homme, il le démontrera, ne connaît pas que l’éveil et le sommeil.

On imagine alors que les rêves s’insèrent dans une phase de sommeil léger, de pré-réveil en quelque sorte. Michel Jouvet démontre qu’il n’en est rien : les rêves surviennent dans une troisième phase distincte. C’est le sommeil paradoxal. La recherche dédiée au sommeil s’en voit révolutionnée. En 3 ans, près de 80% des connaissances actuelles sur la question est découvert.

Dans cette première partie, Michel Jouvet explique comment, au XVIIIème siècle, des botanistes ont découvert le mécanisme de l’horloge interne, mais également, de quelle manière celle-ci régule la vie des êtres vivants.
Une distinction doit être établie entre nous, mammifères, qu’on dit "homéothermes" et les animaux à sang froid, dits "poïkilothermes" qui ne connaissent pas le mécanisme de l’horloge interne.

Le sommeil apparaît comme un mécanisme d’une grande complexité !Phénomène cyclique, il présente une alternance entre des phases de sommeil dit profond, et à ondes lentes (on parle aussi de sommeil orthodoxe), d’une durée approchant les 90 minutes chez l’homme, et des phases de sommeil à ondes électriques rapides. Pendant ces phases courtes de 20 minutes subsistent des mouvements occulaires importants.
Mais, étrangeté de l’organisme, le tonus musculaire devient inexistant. On comprend mieux les paroles de Cocteau : "le sommeil n’est pas un lieu sûr", car l’être vivant, presque paralysé, se retrouve alors dans une position de grande vulnérabilité.

Voilà pourquoi Michel Jouvet qualifie sa découverte de sommeil paradoxal : il ne s’agit véritablement ni d’une phase de sommeil classique, ni de l’éveil, mais d’un "troisième état du cerveau". L’homme rêve, son organisme présente les mêmes caractéristiques que lors de l’éveil, mais il ne "vit" pas son rêve, et reste parfaitement immobile.
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Voici l'interview :

Solenne Robin : (…) On dit parfois que c’est le mal du siècle, on dort trop, pas assez, mal, trop tard ou trop tôt. Et si on théorie au fond, qu’en connaît-on vraiment ? En effet, pourquoi dormons-nous ? Pour se reposer direz-vous. Oui, mais pourquoi rêvons-nous ? Et que se passe-t-il vraiment lors du sommeil ? Pour nous en parler, j’accueille aujourd’hui Michel Jouvet qui nous fait l’honneur de sa présence. (…) C’est l’un des plus grands neurobiologistes au monde, et le pionnier incontesté de l’hypno-onirologie : c’est-à-dire la science du sommeil et des rêves. Michel Jouvet, et merci d’être parmi nous.
Michel Jouvet : Bonjour (…)
Solenne Robin : (…) Dans un premier temps, j’aimerais que nous évoquions succinctement le concept-même du sommeil. (…) Pourquoi dormons-nous ? Pourquoi dormons-nous la nuit, et pourquoi pas le jour ? (…)
Michel Jouvet : Eh bien, c’est une longue histoire qui remonte à plusieurs milliards d’années (…). Notre sommeil est l’intégration de très nombreux mécanismes qui sont apparus dès le début des êtres vivants. Alors, qu’est-ce qui est d’abord apparu chez les êtres vivants, et pourquoi ? Il est apparu une horloge. C’est un concept qui a été découvert pas tellement récemment, et il a été découvert par un grand savant qui avait chez lui des « mimosas pudica » : des plantes qu’on trouve dans les pays chauds, le jour elles étendent leurs feuilles, et le soir, elles se rétractent comme ça. (…) Il voyait ce mimosa se fermer le soir, et il s’est dit « Est-ce que c’est dû au fait qu’il fait nuit ? » ou bien, il a fait l’expérience évidente : il a mis le mimosa dans son cabinet, (…), il était donc dans l’obscurité. Il a ouvert l’armoire à midi, le mimosa était comme s’il était en plein soleil, et il a ouvert à minuit, et il était comme s’il faisait nuit. (…) Il a eu l’idée extraordinaire de penser qu’à l’intérieur de cette plante, il y avait une horloge. (…) Tous les êtres vivants ont une horloge interne. Le chat est un des rares animaux qui n’ait vraiment pas d’horloge circadienne (24h). (…) Pourquoi est-ce qu’on a une horloge ? C’est une invention fantastique, sans ça il n’y aurait pas eu de vie possible. Au moins dans des conditions difficiles. (…)
Solenne Robin : Donc c’est valable également pour l’humain ?
Michel Jouvet : C’est valable pour nous, et nous notre horloge, on sait où elle est. C’est quelque chose qui est tout petit – à peu près une grosse tête d’épingle- qui est juste en arrière des yeux. Alors, parce que normalement cette horloge, elle doit être en rapport avec la lumière, pour se re-synchroniser comme on dit. Donc il y a deux petits noyaux qu’on appelle les noyaux hypothalamiques qui sont juste là (…), et qui vont pouvoir commander des tas d’hormones qui sont situés dans l’hypothalamus. Figurez-vous, voilà, à quoi ça sert chez l’homme ? L’Homme d’il y a , disons, cent mille ans. (…) Il y a cent mille ans, il fallait que le matin, au réveil, les hommes et les femmes soient dans les meilleures conditions pour aller chasser des « horribles » animaux qui étaient autour d’eux… Donc il fallait que tous les muscles soient en parfait état. C’est la cortisone qui fait ça. Pour mettre en jeu, à 6h du matin, la cortisone, il faut que tous les systèmes qui vont préparer ça, se mettent à préparer 6h avant. Alors à minuit, au moment où le sommeil est le plus profond, au moment où la température du corps est la plus basse, il y a des tas de systèmes qui se mettent en jeu avec des hormones qui vont (…) agir sur les muscles, si bien qu’à 6h du matin, vous êtes en pleine forme. (…)
Tous les phénomènes en rapport avec l’horloge biologique se sont énormément compliqués et est apparu un sommeil d’abord très particulier que l’on n’a pas très bien connu, sauf à partir du moment où on a pu enregistrer l’activité électrique du cerveau. C’est ce qu’on appelle l’électrophysiologie. Notre cerveau fabrique de l’électricité – c’est du microvolt, du millionième de volt- et c’est seulement quand il y a eu des amplificateurs qui sont apparus après la guerre que l’on a pu enregistrer relativement bien l’activité électrique du cerveau, et surtout, que l’on a pu enregistrer toute la nuit, pour voir comment ça se passait. Personne ne l’avait fait. On l’avait fait un petit peu chez les animaux, mais pas chez l’Homme. Les premiers investigateurs se sont aperçu que le sommeil était extrêmement divers au point de vue de l’activité électrique cérébrale. Il y avait des espèces de phases. Quand on est éveillé, on a un rythme très régulier (…). Lorsqu’on s’endort –l’endormissement-, quand le sommeil est très léger, quand on ferme les yeux, c’est l’époque où on a ce qu’on appelle des hallucinations hypnagogiques : quelques personnes lorsqu’elles s’endorment qui voient soit des éléphants roses soit des motifs géométriques de couleur. (…) On sait qu’on s’endort. Ca, c’est le sommeil très léger, avec une activité rapide.
Solenne Robin : Rapide, mais quand même plus lente que l’éveil ? 
Michel Jouvet : Non non non ! C’est pareil que l’éveil intense. Je veux dire, du rythme Gamma. gamma, ça veut dire rapide. Donc en ce moment, on a une activité gamma. Le reste du temps, on va avoir une activité alpha si on pense à rien. (…) Le sommeil très léger dure à peu près une dizaine de minutes, puis on voit apparaître une autre forme de sommeil. Vont apparaître des ondes très particulières qui ont été découvertes par les premiers explorateurs du sommeil. Comme c’étaient des américains et des anglais, ils ont dit que c’était une activité de « spindle » (fuseau) : ça monte, ça redescend. Ces petites ondes qui augmentent, qui augmentent, et puis qui redescendent sont caractéristiques de l’entrée dans un sommeil plus profond, on dit le stade 2. Et puis après, le sommeil va devenir de plus en plus profond, les gens peuvent commencer à ronfler –bien qu’ils ne sachent pas qu’ils ronflent puisque leur conscience a disparu- et on va voir apparaître (…) des ondes lentes. On a appelé ça l’activité delta. (…) C’est le moment du sommeil le plus profond. Et la grande surprise : (…) on voit réapparaître tout à coup -après 10 minutes de gamma, 30 minutes de phase 2, puis 30 à 40 minutes de stade profond-, souvent il y a un arrêt respiratoire et on voit réapparaître du gamma : comme si le sujet était éveillé. Et ça dure à peu près 20 minutes, et après tout va recommencer : donc c’est un système cyclique. (…) Et ceci se reproduit à peu près 4 ou 5 fois dans la nuit.
Solenne Robin : On considérait à ce moment-là qu’il y avait comme un moment d’éveil, un moment de sommeil, un moment de demi-éveil demi-sommeil ?
Michel Jouvet : C’est ça. Ils [les scientifiques] travaillaient avec un psychologue qui avait étudié des enfants, qui avait remarqué qu’il y avait des mouvements oculaires différents pendant la nuit. Donc quand vous avez un sommeil lent [phase 2], vous avez des mouvements très difficiles à voir. On ne les voit pas, on peut les enregistrer. Si vous avez des enfants, et que vous puissiez très doucement leur lever les paupières, vous verrez que les yeux vont se balancer vers le bas, donc vous verrez que le blanc des yeux.
Au moment où il y a cette phase de gamma [phase 3], il y a des mouvements des yeux rapides, dans tous les sens. (…) En réveillant les sujets à ce moment-là, ils se souviennent à 80 % d’un rêve avec beaucoup de détails (…). D’où l’idée que l’activité onirique, c’est un demi-éveil au cours de la nuit. (…) Il y a du sommeil profond ; on rêve pas. Il y a un sommeil très léger : on rêve.
(…) On venait de découvrir un système d’éveil dans le cerveau. (…) Le système d’éveil est activé : c’est l’éveil. Et il y a des moments où il se repose : c’est le sommeil. Donc il y avait un seul système qui expliquait tout. Parce que une des grandes bases de la recherche scientifique, c’est d’essayer d’expliquer quelque chose par ce qu’il y a de plus simple. (…) Vous avez ce système (…) au-dessous du cortex qui dégringole jusque dans le moelle : il y a tout une tige. On avait montré que si on lésait certains endroits de cette tige, les animaux ne pouvaient plus être éveillés : ils étaient comateux. Mais que sur un animal endormi, quand on stimulait cet endroit, ça le réveillait. Si on détruit : il n’y a plus d’éveil ; si on stimule : il y a de l’éveil. (…)
Le sommeil est passif. C’est-à-dire qu’au bout d’un moment, la formation réticulée [le système] au bout d’un moment, est fatigué. Et il fait nuit, on commence à penser à l’horloge : c’est le sommeil. (…) Personne n’avait réussi à montrer que des lésions pouvaient provoquer une insomnie. Si vous avez un système de sommeil actif : si vous le stimulez, vous faites dormir l’animal, si vous le détruisez, vous avez une insomnie. Un seul système et tout était expliqué.
Solenne Robin : Alors, c’est là que vous intervenez ?
Michel Jouvet : Oui. A ce moment-là, je m’intéressais de savoir si Pavlov avait raison. Pavlov, c’est lui qui pensait que le sommeil était un phénomène actif.
(…)
Solenne Robin : Pour résumer, l’activité électrique est importante, l’activité musculaire est nulle, et l’activité oculaire est importante.
(…)
Alors quelque part, c’est un sommeil [le sommeil paradoxal] qui n’est pas dit sommeil profond mais qui est très profond ?
Michel Jouvet : Alors comme il avait été attribué à du sommeil léger par les américains, nous on s’est dit « Mais non, ils se sont fichus de nous ! ». Ils ont cru que c’était comme l’endormissement. (…) C’est un état différent.
Solenne Robin : Alors paradoxal, c’est un terme que vous avez inventé.
Michel Jouvet : Oui, paradoxal parce que tout indiquait qu’on était éveillé, alors qu’il s’agit d’un sommeil très profond, puisqu’il n’y a pas d’activité musculaire. (…) On est passés à trois états dans le cerveau : l’éveil qui est dû à l’activité de la formation réticulaire, le sommeil avec ondes lentes – le sommeil dit orthodoxe-, et le sommeil paradoxal, qui lui vient d’un endroit très ancien du système nerveux, et qui correspond à l’activité onirique.
(…)
Solenne Robin : (…) Donc tous les homéothermes ont un sommeil paradoxal et des rêves. (…) En minutes par jour, combien de temps une vache rêve-t-elle ?
Michel Jouvet : L’homme, c’est 100. La vache, c’est 15 minutes. Le cheval, c’est pareil. (…) C’est le chat qui, avec 200 minutes par jour, semble être « le gagnant ». (…) Les oiseaux ont un sommeil paradoxal très court. Pour une poule, ça dure 20 secondes. (…) On en a plus quand on est jeunes, et il y a un repoussé vers la puberté.

" Le concept du sommeil est le but même de l'évolution, car il facilite l'intégration de nombreux mécanismes. "
" La question du rêve est un puissant fond. "
" Il reste tellement d'inconnus qui ouvrent sur tellement de choses."

Extrait Wikipédia de l'article "Narcolepsie". Phases détaillées du sommeil.
Normalement quand un individu est éveillé les ondes électriques du cerveau émises par les neurones du cortex  et observées sur un tracé EEG montrent un rythme régulier de 8 cycles par seconde (8 Hz) lors d'un état tranquille à plus de 100 cycles par seconde (100 Hz) lors d'une activité intense.
Quand une personne normale s'endort ces ondes électriques du cerveau émises par les neurones du cortex changent de rythme et d'ampleur. Lors d'une nuit de sommeil le cerveau passe plusieurs fois par 4 phases différentes (les trois que nous allons décrire, plus de multiples moments très brefs de "micro-réveil"). Au moment de l'endormissement survient une phase de sommeil lent léger (de 3 à 7 Hz, ondes peu amples) accompagnée d'une relaxation musculaire progressive du corps, puis une phase de sommeil lent profond (0,5 à 2 Hz, ondes très amples) accompagnée d'une relaxation musculaire importante du corps, ce qui montre la profondeur de l'état de sommeil mental et de l'état de sommeil physique. La personne normale s'endort en environ 15 minutes, durée que l'on nomme la "latence à l'endormissement". Environ 90 minutes plus tard, et très rarement avant 45 minutes, chez la personne normale les ondes cérébrales entrent soudain dans une activité plus rapide, quasi identique au sommeil lent léger (de 3 à 7 Hz), mais avec une absence totale de tonus musculaire, une respiration irrégulière, des variations brusques de la pression artérielle, des mouvements très rapides des yeux, et il y a souvent une érection des zones érectiles : pénis chez l'homme, clitoris et mamelons chez la femme. Or malgré cette activité physique brusquement intense la personne dort toujours aussi profondément et le réveil est difficile ! C'est le Professeur Michel Jouvet qui a découvert cet état du sommeil appelé à juste titre sommeil paradoxal. C'est lors de cette période que se produisent le plus fréquemment des rêves.
Solenne Robin :  (…) Nous l’avons abordé dans le premier volet de cette émission. C’est Michel Jouvet qui a découvert le sommeil paradoxal, c’est même lui qui lui a donné ce nom. (…) Pendant des années, on pensait qu’il y avait le sommeil et l’éveil, avec une alternance activité – récupération. Les chercheurs pensaient que le rêve correspondait tout simplement à un état de sommeil léger. En fait, il n’en est rien : il existe un troisième état du cerveau, le sommeil paradoxal. Alors pourquoi on l’a appelé paradoxal ? C’est très simple : parce que le cerveau est dans un état similaire à l’éveil (l’activité cérébrale reste forte, les ondes sont rapides), mais l’homme est bel et bien endormi et on observe une suppression totale de l’activité musculaire. (…) Alors que se passe-t-il chez le chat, lorsque pendant son sommeil paradoxal, on crée une lésion pour que ses membres ne soient plus paralysés ? Alors, Michel Jouvet, expliquez-nous tout ça.

Michel Jouvet : (…) On savait que dans le pont –c’est-à-dire c’est endroit qui est au-dessus du bulbe- venaient tous les signes du sommeil paradoxal, c’est-à-dire un système qui venait activer le cortex comme pendant l’éveil mais par des mécanismes différents de l’éveil. On s’est dit qu’il devait y avoir un système qui bloquait les muscles. (…)

Solenne Robin : Alors vous voulez dire que dans ce qui permet que l’activité musculaire s’arrête, on crée une lésion.

Michel Jouvet : C’est à partir de là qu’on a défini le comportement onirique.

Solenne Robin : Donc le chat vit son rêve ?

Michel Jouvet : Exactement, il vit son rêve. Il y a trois grands types de comportement : la chasse avec ses fameux gestes. Il cherche des proies qui n’existent pas. Et en plus, si vous mettez un chat à jeun depuis trois jours et que vous mettez à ce moment-là un morceau de viande dans leur cage, ils n’y touchent absolument pas. Ils sont littéralement pris par la machinerie onirique –nous également à ce moment-là- et alors ils vont chasser une souris imaginaire, puis quelquefois (…) il y a une activité de peur. C’est très facile à voir : les poils qui se hérissent, la queue qui commence à se dresser, et après les oreilles qui se mettent en arrière, c’est l’attaque. C’est extraordinaire, parce qu’on voit tous ces stades-là, ça dure à peu près 3-4 minutes. (…) Alors on a jamais vu chez des chats, ce comportement sexuel. Les chattes qui sont en chaleur se mettent à plat avec la queue de côté. Et ça on l’a pas vu. C’est pour ça qu’on s’est dit que Freud, il se moquait du monde, parce qu’il y avait aucune chose sexuelle à ce moment-là. Mais lorsqu’on a eu découvert l’érection bien plus tard… Il y a certainement quelque chose de sexuel dans le rêve. C’est ça qu’on appelle comportement onirique.
Alors vous allez dire, est-ce qu’on a vu ça chez l’homme ? Bien-sûr !

(…)

Solenne Robin : (…) Juste avant le réveil du matin, on est en sommeil paradoxal. Ce qui pourrait expliquer les érections matinales.

(…) [Chez l’homme], la lésion se crée par l’absorption d’une quantité trop importante d’alcool.

Michel Jouvet : C’est ça. Alors on prend ces gens, on les met à part avec des électrodes. Puis à un moment, le Monsieur se met à taper sur son oreiller, le prend, le tape et tout. A ce moment-là, on enregistre, il y a beaucoup de muscles. On réveille le Monsieur : « Qu’est-ce que vous faites ? » - « Je me battais avec un ours. »

Solenne Robin : Donc on est dans un comportement onirique comme celui du chat qu’on a vu tout à l’heure ?

Michel Jouvet : Exactement. Et alors maintenant, il y a certaines drogues qui arrêtent ça très bien. Mais il semble que chez le quart ou la moitié de ces personnes, au bout de 5 ou 6 ans, on les voit évoluer vers la maladie de Parkinson.

Solenne Robin : (…) Alors on a tendance à dire que les gens qui sont somnambules, c’est parce qu’ils rêvent.

Michel Jouvet : Bien-sûr. Et justement, ça a été l’idée dès le départ. D’abord, ça a été très difficile, les expériences sont pas faciles à faire. Quand vous prenez quelqu’un qui a des crises de somnambulisme, en général, c’est un adolescent. Mais il suffit qu’on le change d’endroit pour qu’il en fasse plus. Donc il a fallu se mettre dans la tête qu’il fallait aller enregistrer les gens chez eux.

(…)

Michel Jouvet : (…) Donc l’entrée dans le sommeil est normale, et très souvent, c’est au moment où ils auraient dû avoir –donc une heure et demi après l’endormissement- une activité rapide du rêve, on n’a pas du tout ça. On continue à avoir des ondes lentes et on voit le sujet qui va se lever. Il y en a même un qui s’est levé, qui est allé vers le réfrigérateur, qui s’est servi un du lait, et qui a voulu sortir. A ce moment, on lui a dit « Hey, qu’est-ce que tu fais ? » … Il savait pas ! Pas de souvenir du tout. Donc le somnambulique, il peut avoir une espèce de conscience fine, mais étant donné qu’il a des ondes lentes, il semble que le système qui enregistre la mémoire, ne marcherait pas. Ce qui explique que le somnambulique perde totalement le souvenir de ce qu’il fait.

Solenne Robin : Donc le somnambulisme intervient dans des moments de sommeil lent ?
Michel Jouvet : Exactement, ce qui explique qu’il peut toujours avoir du tonus.

Solenne Robin : Donc un somnambule n’est pas en sommeil paradoxal ?

Michel Jouvet : Non.

Solenne Robin : Et de la même manière, quelqu’un qui bouge beaucoup dans son sommeil, il est en sommeil lent ?

Michel Jouvet : Exactement. Parce que vous pouvez pas bouger, par définition, pendant le sommeil paradoxal. Alors le somnambulisme, maintenant, on sait pas bien comment ça se passe parce qu’on n’a jamais vu un chat somnambulique. Donc le grand problème, c’est que si ça apparaît chez les enfants, ça devrait disparaître vers 15-16 ans. Si ça continue, vaudrait mieux aller voir un hypnologue.  Parce que si vous habitez au 15ème étage…

(…)

Solenne Robin : Est-ce qu’on peut rêver pendant le sommeil lent ?

Michel Jouvet : Alors ça, c’est devenu un problème où il y a deux écoles. (…) Alors au début, tout le monde disait : 80 % des souvenirs de rêve pendant le sommeil paradoxal, et moins de 20 % pendant le sommeil lent. Et puis on a vu arriver, du fait du freudisme et des psychanalystes, de plus en plus d’articles disant que « Non, tout ça, c’est de la rigolade, quand on réveille des gens, ils se souviennent de leur rêve très bien, même pendant le sommeil lent. » Alors on a dit « Très bien. ». Si vous vous couchez à 10h, vous rêvez entre 11h30 et minuit grosso modo. Si on vous réveille à 1h, pendant le sommeil à ondes lentes, vous pouvez très bien vous souvenir du rêve que vous avez eu avant. (…) Quand vous réveillez certains sujets au début de la nuit, après la phase d’endormissement avec activité rapide, il y a toujours des petites hallucinations hypnagogiques , il y a des sujets qui vont vous dire « Ah bah oui, je crois bien que je rêvais que j’étais dans un laboratoire où on étudiait mon sommeil. » Alors, est-ce que c’est un rêve ? Alors que quand vous le mettez dans le sommeil paradoxal, il va vous raconter (…) un type qui regarde un jeu de tennis où les mouvements de ses yeux allaient avec la balle.
(…) Les souvenirs de rêves obtenus pendant le sommeil paradoxal sont quasiment toujours en couleurs, alors que dans l’autre cas, non.

(…)
C’est-à-dire que les rêves pendant le sommeil lent sont beaucoup plus en rapport avec la situation.
(…) Maintenant, le sommeil est étudié essentiellement en Amérique.
(…)

Solenne Robin : Je voudrais aborder un autre problème. Vous avez beaucoup étudié pendant vos études, l’aspect énergétique du sommeil. Rêver semble dépenser beaucoup d’énergie. Mais alors si on alterne les moments où on dort d’un sommeil profond et qu’on récupère de l’énergie, pourquoi diable aller le consommer dans l’instant d’après, en rêvant ?

Michel Jouvet : (…) Moi je pense que dans l’évolution, si le sommeil paradoxal est arrivé, c’est qu’il avait une fonction. Ma théorie, on ne peut pas prouver qu’elle est vraie mais je crois pas qu’on puisse prouver qu’elle est fausse. Elle est la suivante : les animaux qui ne rêvent pas (les poissons, les amphibiens, les reptiles [à sang froid]) ont également une chance par rapport à nous, c’est que leur cerveau repousse.

(…) [Michel Jouvet explique dans cette partie les expériences faites par un psychologue sur des jumeaux. Les résultats de l’un des couples sont contés par le scientifique, qui nous explique que même en ayant vécu séparément, les jumeaux connaissent le même parcours, s’habillent de la même façon.]

Comment admettre, étant donné que le cerveau pendant la journée est changé par le milieu, comment se fait-ils qu’ils restaient ensemble, sinon qu’il y a un système de re-programmation qui marche au moment où c’est le plus facile à faire, c’est-à-dire au cours du sommeil. L’hypothèse possible serait que le rêve servirait –même si on est loin d’en avoir la preuve- à notre individuation. Deux vrais jumeaux sont le même individu. Normalement, dans des milieux différents, ils devraient très rapidement diverger. Or, ils sont identiques. Donc il faut admettre que pendant la journée, tout ce qui a été échangé par l’environnement, est repris la nuit, pour remettre les gens dans leur individualité. C’est l’hérédité psychologique. (…) Alors il y a très peu de gens qui ont étudié les rêves des jumeaux, mais cela m’est arrivé une fois. J’ai un collègue qui a un frère jumeau, (…) et un jour l’un d’eux à commencé à raconter un rêve qu’il faisait. (…) Et l’autre a terminé le rêve. Alors l’autre dit « Comment ça se fait que tu saches ça ? On n’en a jamais parlé ! ». Donc ils avaient fait le même rêve.

A quoi sert le rêve ?




Si nous partons du principe que le rêve est la figuration d’un désir accompli, si nous ramenons son obscurité aux changements que la censure fait subir au matériel refoulé, il n’est pas difficile de trouver la fonction du rêve. Celui-ci appartient comme le gardien du sommeil qui protège le sommeil de la personne.
Freud aborde d’abord l’exemple des enfants. Tout d’abord, il faut noter que le sommeil est produit par une résolution de dormir, qui est soit imposée à l’enfant, soit prise sur la base de la fatigue. Ce sommeil ne devient possible qu’après suppression des stimuli extérieurs qui pourraient donner à l’appareil psychique d’autres buts que le sommeil. Mais comment faire face aux stimuli intérieurs qui eux aussi nous empêchent de dormir ? Freud prend l’exemple d’une mère qui endort son enfant : celui-ci ne cesse d’exprimer des besoins : un câlin, un baiser, encore un, et encore un autre, il voudrait encore jouer. Mais ces désirs sont ajournés, et l’enfant doit dormir. C’est ici qu’intervient le rêve : l’enfant visualise tout ce qu’il aurait aimé faire, et peut ainsi dormir paisiblement. Ce procédé est particulièrement efficace car l’enfant n’a pas encore acquis la faculté de distinguer la réalité de la fantaisie. L’adulte qui lui, a appris à ne pas désirer d’une telle façon, sait mettre de côté ses envies et les contourner, ce qui justifie le fait qu’il y ait une plus petite présence de rêves d’accomplissement de désirs. C’est donc ce désir de dormir qui pousse le refoulement à se relâcher.
Cependant, il existe dans le rêve des cas limites où il ne peut plus conserver sa fonction de préservation du sommeil contre une interruption : c’est le rêve d’angoisse. Dans ce cas-là, le rêve permet de suspendre le sommeil « au bon moment ». Il agit comme un veilleur de nuit qui prend soin que les habitants ne soient pas réveillés. Si le rêve n’arrive pas à bout de troubles inquiétants, il préfère réveiller le dormeur en créant des images d’angoisse, un cauchemar. Et le rêve peut aussi jouer le rôle de gardien lorsque le dormeur est sujet à des stimuli extérieurs. Ces-derniers seront entendus par le dormeur, qui soit se réveillera, soit subira des transformations dans son rêve. Il peut supprimer le stimulus en rêvant par exemple d’une situation totalement incompatible avec celui-ci. Ou cas plus fréquent, le stimulus extérieur peut subir une réinterprétation qui le met en lien avec un désir
Si nous partons du principe que le rêve est la figuration d’un désir accompli, si nous ramenons son obscurité aux changements que la censure fait subir au matériel refoulé, il n’est pas difficile de trouver la fonction du rêve. Celui-ci appartient comme le gardien du sommeil qui protège le sommeil de la personne.
Freud aborde d’abord l’exemple des enfants. Tout d’abord, il faut noter que le sommeil est produit par une résolution de dormir, qui est soit imposée à l’enfant, soit prise sur la base de la fatigue. Ce sommeil ne devient possible qu’après suppression des stimuli extérieurs qui pourraient donner à l’appareil psychique d’autres buts que le sommeil. Mais comment faire face aux stimuli intérieurs qui eux aussi nous empêchent de dormir ? Freud prend l’exemple d’une mère qui endort son enfant : celui-ci ne cesse d’exprimer des besoins : un câlin, un baiser, encore un, et encore un autre, il voudrait encore jouer. Mais ces désirs sont ajournés, et l’enfant doit dormir. C’est ici qu’intervient le rêve : l’enfant visualise tout ce qu’il aurait aimé faire, et peut ainsi dormir paisiblement. Ce procédé est particulièrement efficace car l’enfant n’a pas encore acquis la faculté de distinguer la réalité de la fantaisie. L’adulte qui lui, a appris à ne pas désirer d’une telle façon, sait mettre de côté ses envies et les contourner, ce qui justifie le fait qu’il y ait une plus petite présence de rêves d’accomplissement de désirs. C’est donc ce désir de dormir qui pousse le refoulement à se relâcher.
Cependant, il existe dans le rêve des cas limites où il ne peut plus conserver sa fonction de préservation du sommeil contre une interruption : c’est le rêve d’angoisse. Dans ce cas-là, le rêve permet de suspendre le sommeil « au bon moment ». Il agit comme un veilleur de nuit qui prend soin que les habitants ne soient pas réveillés. Si le rêve n’arrive pas à bout de troubles inquiétants, il préfère réveiller le dormeur en créant des images d’angoisse, un cauchemar. Et le rêve peut aussi jouer le rôle de gardien lorsque le dormeur est sujet à des stimuli extérieurs. Ces-derniers seront entendus par le dormeur, qui soit se réveillera, soit subira des transformations dans son rêve. Il peut supprimer le stimulus en rêvant par exemple d’une situation totalement incompatible avec celui-ci. Ou cas plus fréquent, le stimulus extérieur peut subir une réinterprétation qui le met en lien avec un désir refoulé, le prive de sa réalité et l’intègre alors comme un matériel psychique onirique. Freud donne l’exemple d’un dormeur qui rêverait d’avoir écrit une comédie, accueillie avec beaucoup d’enthousiasme : on applaudit à tout rompre. Ici, le rêveur aura réussi à continuer son sommeil, jugeant au réveil qu’on avait dû battre un tapis ou un matelas. N’a-t-on pas déjà entendu le réveil se transformer en une douce mélodie dans notre rêve ? Ou encore, une voix suave qui susurre votre prénom alors qu’il s’agit en fait d’un membre de votre famille qui répète votre prénom pour que vous vous réveilliez ?

Le rêve est donc ce qui permet de s'adapter aux événements qui surviennent pendant le sommeil. Le rêve endort, le rêver permet de rester endormi, mais le rêve réveille aussi le dormeur quand il le faut, dans le but de nous préserver.
refoulé, le prive de sa réalité et l’intègre alors comme un matériel psychique onirique. Freud donne l’exemple d’un dormeur qui rêverait d’avoir écrit une comédie, accueillie avec beaucoup d’enthousiasme : on applaudit à tout rompre. Ici, le rêveur aura réussi à continuer son sommeil, jugeant au réveil qu’on avait dû battre un tapis ou un matelas. N’a-t-on pas déjà entendu le réveil se transformer en une douce mélodie dans notre rêve ? Ou encore, une voix suave qui susurre votre prénom alors qu’il s’agit en fait d’un membre de votre famille qui répète votre prénom pour que vous vous réveilliez ?

Le rêve est donc ce qui permet de s'adapter aux événements qui surviennent pendant le sommeil. Le rêve endort, le rêver permet de rester endormi, mais le rêve réveille aussi le dormeur quand il le faut, dans le but de nous préserver.

Le rêve et ses représentations : une analyse



Précédemment, nous nous sommes intéressé aux notions définies par Freud qui permettent la création du rêve. Dans un second temps, nous allons nous pencher sur la représentation onirique, autrement dit le contenu manifeste en lui-même. Comment les rêves apparaissent-ils ? Pourquoi sont-ils si incompréhensibles ? Que représentent-ils ? En un mot, nous étudierons l’analyse du rêve. Pour comprendre cette partie, il est utile de se rappeler des deux notions principales du travail du rêve : la condensation qui réunit les pensées par analogie, pour en former une image nouvelle ; le déplacement dite transvaluation des valeurs psychiques qui énonce que les détails sont souvent plus importants que les figurations claires et visibles.
Comme nous l’avons dit, et nous avons tous eu le loisir de s’en rendre personnellement compte, les rêves sont bien souvent absurdes, et on peut presque avoir envie de rire si on a la chance de se souvenir d’un d’entre eux. Pourquoi j’ai rêvé que je parlais à une salade ? Pourquoi cette girafe me lançait-elle des arbres ? Cela trouve une réponse simple : le rêve fonctionne par allégories. Une transformation particulière vise à changer les pensées du rêve en comparaisons et métaphores, symboles, une sorte de langage poétique et imagé. Ainsi, nous pouvons dire que le blanc représente la pureté, le rouge pourrait symboliser la passion, et le gris pourrait être l’expression de la tristesse. Le rêve va donc se servir de ces symboles pour exprimer les pensées du rêve. Nous verrons plus tard pourquoi cette transformation est nécessaire.
Malgré tout, on peut se demander pourquoi les rêves sont principalement des images que l’on visualise. Si les pensées sont transformées en images, c’est bien parce que le contenu du rêve consiste le plus souvent en situations visualisables. En effet, il va exploiter des souvenirs qui remontent bien souvent à l’enfance, et va les mélanger à des bribes visuelles de la journée précédente.
Mais revenons sur les symboles. Ceux-ci peuvent être classés en deux catégories : les symboles « presque » universels et les symboles personnels qui se rapprochent plus de l’analyse psychanalytique du rêve.
Freud précise que les personnes d’une même communauté linguistique et culturelle ont bien souvent les mêmes symboles, et qu’un rêve peut parfois être expliqué sans être analysé, c’est-à-dire qu’il ne s’agit plus que d’une sorte de traduction et il n’est pas utile de demander au rêveur qu’elles étaient ses pensées incidentes. Freud donne donc quelques exemples de la symbolique du rêve –ou « langage du rêve »– . L’empereur et l’impératrice (le roi et la reine) seraient l’image des parents, les chambres figureraient des femmes, les entrées et les sorties représenteraient les orifices corporels. Et c’est à cette occasion, qu’il nous fait part de sa théorie selon laquelle le rêve comporte de nombreuses allusions sexuelles. Il donne d’autres exemples de symboles tels que les armes pointues, des troncs d’arbres, des bâtons ou encore des cravates pour représenter les parties génitales masculines, ou encore des armoires, des coffrets, des voitures, des fourneaux pour remplacer le corps féminin. L’escalier et l’ascension représenteraient de manière universelle l’acte sexuel. Freud nuance malgré tout cela en ajoutant que tout une série de symboles oniriques sont bisexuels, c’est-à-dire qu’il faut prendre en compte le contexte pour savoir s’ils représentent une chose ou l’autre. Et il ajoute que les symboles peuvent être personnels. Ceux-ci se façonnent selon notre évolution, selon notre socialisation, et donc par extension, notre milieu social. Ainsi, il donne l’exemple d’un agriculture pour qui la représentation de l’acte sexuel peut être présenté comme l’action de la semence.


Ceci nous amène donc à deux autres phénomènes qui influent sur la représentation du contenu manifeste : le refoulement et la censure.
Lorsqu’on analyse un rêve, il est toujours étonnant de voir ce qu’il signifie, et de voir quelles pensées surprenantes inconscientes il exprime. Les évidences qui se créent sont déplaisantes, et on met une certaine énergie psychique à les effacer, mais l’analyse du rêve ne fait que nous les imposer inexorablement. Cela signifie donc que l’on subit continuellement les « attaques » d’un phénomène spécial qui empêche les idées inconscientes d’entrer dans le conscient : cet état particulier est appelé le refoulement. Freud établit alors « une liaison causale entre l’obscurité du contenu du rêve et l’état de refoulement de certaines pensées du rêve, leur incapacité d’accéder à la conscience » et conclut que « le rêve doit être obscur pour ne pas trahir les pensées prohibées ». Si nous nous rappelons que les rêves de la première catégorie sont des simples accomplissements de désirs, nous pouvons alors dire que les rêves de la deuxième et troisième catégories sont des « accomplissements voilés de désirs refoulés », qui sont cachés par la censure. Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’on a l’habitude de croire que l’avenir montré par le rêve est le futur qui devrait se produire, alors qu’en fait, il s’agit du futur que l’on voudrait inconsciemment voir arriver.
Mais revenons à la censure, qui est le principe-même du refoulement. Lorsqu’on est à l’état conscient, celle-ci ne laisse passer que ce qui est agréable, que ce qu’on se laisse entendre. Or, lors du sommeil, cette censure est relâché quelque peu, et des bribes de pensées refoulées réussissent à passer et à s’intégrer au contenu du rêve. Il faut cependant bien insister sur le fait que la censure n’est pas entièrement relâchée. C’est ainsi que les pensées déplaisantes seront transformées en compromis, selon le schéma « Refoulement – relâchement de la censure – formation d’un compromis ». Lorsque l’état d’éveil est rétabli, la censure est à son tour rétablie, et des expériences montrent que l’oubli du rêve tient en partie de là : elle cherche « à présent à détruire ce qui lui a été arraché au temps de sa faiblesse ». Mais l’oubli tient aussi du fait que le rêve n’est pas relié à la mémoire à long terme. Il faut donc l’écrire ou le dire, pour pouvoir s’en souvenir presque pleinement. Lorsqu’on fait l’analyse de ses rêves, il n’est pas rare de voir ressurgir des passages que l’on pensait oubliés. Ces fragments arrachés à l’oubli et donc à la censure sont les liens les plus directs vers la signification des rêves.
Et cette censure nous ramène une fois de plus aux désirs érotiques. On ne peut pas qualifier ces rêves de rêves sexuels à proprement parler, car les rêves sexuels définissent ceux qui sont explicitement représentés, donc ceux qui n’ont pas subi de censure. Ceux-ci offrent de nombreux éléments déconcertants par le choix des personnes dont ils font des objets sexuels, et par la suppression de toutes les valeurs morales mises en place durant l’éveil. Cependant, l’analyse montre qu’un très grand nombre d’autres rêves qui ne trahissent rien d’érotique contiennent des allusions sexuelles dans leur contenu latent. Pourquoi une importante présence de symboles sexuels dans nos rêves ? Si l’on se base sur la théorie selon laquelle les rêves sont les révélateurs de l’inconscient, si le sommeil est le libérateur de pensées bloquées par la censure morale, quoi de plus réprimé par l’éducation que les pulsions sexuelles inacceptables dans la vie civilisée ?