Vision de Baruch
La forêt et la vigne
XXXV Et je m’en allai, moi, Baruch, jusqu’au lieu saint et, m’étant assis parmi les ruines, je pleurai et je dis :
«Ô mes yeux, soyez des fontaines,
paupières de mes yeux, une source de larmes!
Comment, en effet, pourrai-je gémir assez sur Sion,
comment m’attristerai-je assez sur Jérusalem?
Car, en ce lieu où je suis maintenant prosterné,
le grand prêtre autrefois offrait les saintes offrandes
et présentait la fumée des parfums aux odeurs agréables.
Mais maintenant notre fierté est changée en poussière,
l’aspiration de nos âmes, en poudre!»
XXXVI Lorsque j’eus dit cela, je m’endormis là et j’eus dans la nuit une vision. Voici qu’une forêt était plantée dans une plaine et de hautes montagnes l’entouraient avec des pics rocheux, et la forêt s’étendait sur un vaste espace. Et voici qu’en face d’elle s’éleva une vigne sous laquelle coulait tranquillement une source. Mais cette source arriva jusqu’à la forêt, elle se transforma en flots puissants et ses flots inondèrent cette forêt, ils déracinèrent en un instant la multitude de cette forêt et renversèrent toutes les montagnes autour d’elle. Et la grandeur de la forêt fut abaissée, et le sommet des montagnes fut abaissé. Cette source devint tellement forte qu’elle ne laissa rien de cette immense forêt si ce n’est un unique cèdre. Quand elle eut abattu même celui-ci, et qu’elle eut détruit et déraciné l’immensité de cette forêt, au point de n’en rien laisser et de rendre sa place introuvable, alors cette vigne vint, avec la source, en paix et grande tranquillité; elle approcha d’elle le cèdre qui avait été abattu. Et je vis : voici que la vigne ouvrit la bouche et parla. Elle dit au cèdre : N’es-tu pas le cèdre qui reste de la forêt mauvaise? Par tes mains le mal se continuait et s’accomplissait durant toutes ces années et jamais le bien; tu dominais sur tout ce qui ne t’appartenait pas, et tu n’avais pas pitié de ce qui t’appartenait; tu étendais ton pouvoir sur tous ceux qui étaient loin de toi, et ceux qui s’approchaient de toi, tu les tenais dans les filets de ton impiété. Tu exaltais toujours ton âme, comme s’il était impossible qu’elle fût déracinée. Mais maintenant ton temps s’est précipité et ton heure est venue. Va donc, toi aussi, cèdre, à la suite de la forêt partie devant toi, deviens poudre avec elle et que votre poussière se mélange. Dormez maintenant dans l’angoisse et reposez dans le tourment, jusqu’à ce que vienne ton temps dernier, où tu viendras de nouveau pour être encore plus tourmenté.»
XXXVII Après cela, je vis ce cèdre qui brûlait et la vigne qui croissait; elle, et tout ce qui l’entourait, devint un champ plein de fleurs qui ne se flétrissent pas. Quant à moi, je m’éveillai et je me levai.
XXXVIII Je priai et je dis : «Seigneur, mon Seigneur! En tout temps tu éclaires ceux qui marchent avec intelligence. Ta loi est vie, ta sagesse est droiture. Fais-moi donc connaître la signification de cette vision. Car tu sais que mon âme s’applique en tout temps à ta Loi et que depuis mes premiers jours je ne me suis pas éloigné de ta sagesse.»
Signification de la vision
XXXIX Il répondit et me dit : «Baruch, voici la signification de la vision que tu as vue. Quand tu as vu une forêt immense qu’entouraient des montagnes hautes et abruptes, en voici l’explication. Voici que des jours viennent où sera ruiné ce royaume, qui autrefois a ruiné Sion, et il sera soumis à celui qui doit venir après lui. Mais de nouveau, après un temps, celui-ci sera ruiné et il en viendra un troisième; celui-là aussi dominera en son temps, puis sera ruiné. Après cela, il en viendra un quatrième, dont la puissance sera dure et mauvaise, plus encore que celle des autres qui l’ont précédé; il gouvernera pendant de longs temps et s’élèvera plus que les cèdres du Liban. Par lui, la vérité sera dissimulée; près de lui se réfugieront tous ceux qui sont souillés d’impiété, comme les bêtes sauvages se réfugient et se glissent dans la forêt. Et il arrivera, quand sera venu le temps de sa fin et de sa chute, alors sera révélée la primauté de mon Messie, qui est semblable à la source et à la vigne; lorsqu’il sera révélé, il déracinera son immense assemblée. Quant au cèdre élevé que tu as vu, qui restait seul de cette forêt, et aux paroles que tu as entendu la vigne lui adresser, en voici l’explication :XV «Le dernier chef qui restera alors vivant quand sera détruite la multitude de ses assemblées, on le liera et on l’amènera sur le mont Sion; mon Messie lui fera reproche de toutes ses impiétés, il rassemblera et mettra devant lui toutes les œuvres de ses assemblées. Puis il le tuera et protégera le reste de mon peuple, qui se trouvera alors au lieu que j’ai choisi. Et sa primauté se maintiendra pour toujours, jusqu’à ce que soit fini le monde de corruption et que soient achevés les temps qui ont été annoncés. Voilà ta vision et voilà sa signification.»
Baruch
Livre de l’Apocalypse de Baruch, fils de Néria (II Baruch)
Palestine 600 Genre de texte Notes
Ce texte est extrait d’une Bible syriaque du VIe ou du VIIe siècle, provenant du monastère de Deir es Suriani, dans le désert du Wadi Natroun, en Égypte. (Notice, p. 1474)
Texte témoin
La Bible : écrits intertestamentaires. Édition publiée sous la direction d'André Dupont-Sommer et Marc Philonenko. Paris : Gallimard, Coll. Bibliothèque de la Pléiade, 2002, 1987, p. 1508-11.
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