Rêve d’Esther - 1
La coupe fracturée
[…] et Mère se souvint de ce rêve qui était plus qu’un signe, mais une prescience, dans ce rêve Mère tendant à Mélanie une coupe de vin, avant même que Mélanie ait pris la coupe de la main de sa mère, cette coupe se fracturait en deux parties égales, les doigts de Mère, ces doigts de la main droite saignaient sur le cristal de la coupe, elle se réveillait dans une peine aiguë comme si on lui avait arraché avec cette cassure Mélanie, sa fille, c’était donc vrai qu’un jour elle ne verrait plus Mélanie, ne serait plus près d’elle, le joyau de sa vie, bien qu’Esther et sa fille fussent si différentes, Mère n’avait jamais éprouvé comme Mélanie un tel désir d’enfanter, Mai n’avait que six ans et c’était une enfant difficile, ses disparitions fréquentes inquiétaient sa mère, serait-elle un jour complètement disparue comme ce nom, Mai, d’une petite fille disparue, qu’elle portait, Mélanie aurait beaucoup de soucis à cause de cette enfant qu’elle avait tellement désirée, une fille, maman, Esther, j’aurai une fille, on ne pouvait plus réparer la fracture de la coupe, l’augure était là, dans le tremblement de la main droite, la fissure du deuil pliait l’étoffe de la vie, les doigts entaillés par la coupe, les doigts de Mère ne lui faisaient pas mal qu’en rêve […] quand Mélanie aurait tant aimé une enfant caressante et douce, Mélanie avait remarqué, elle qui voyait tout, le tremblement de la main droite, mais elle ne disait rien, elle avait senti l’effritement de la coupe, mes doigts saignaient à torrents sur les bords de la coupe, pensait Mère, comme elle aurait voulu dire à Mélanie, c’est à torrents que mes pensées allaient vers toi, c’était là peut-être aussi des larmes de reconnaissance de t’avoir mise au monde […] dans un autre rêve, était-ce dans des temples anciens, ou un château en Écosse, les proportions de ces lieux étaient écrasantes, on voyait des chambres mortuaires alignées, Mère allait vers l’une d’elles dans des vêtements en fourrure, se dépossédant ainsi de ses fourrures, de ses bijoux, tout en prenant conscience avec effroi qu’elle ne pouvait plus ressortir des lieux, temples ou nefs morbides, Mère s’y trouvait emmurée, dans un autre rêve, elle allait à la recherche de Mai, avec Augustino, Mère et Augustino se perdaient eux-mêmes, au large des côtes polaires, que faisaient-ils si loin, appelant Mai qui ne leur répondait pas, Mai, où es-tu, criait Augustino, c’était le jour des cendres de Jean-Mathieu, dans l’Île qui n’appartient à personne, quand Mai avait disparu après que Caroline l’eut photographiée, on l’appelait le long de l’océan, elle ne répondait pas, on ne l’avait retrouvée que le soir sous les pins australiens, et dans ce rêve, Mai refusait encore de répondre, ils avaient nagé, dans les eaux glaciales, Mère et Augustino, nagé sous des amas de glaces jusqu’à une banquise, sur cette banquise, Augustino vit une armoire, Mai est dans cette armoire, dit Augustino, mais nous n’avons aucune clef pour l’ouvrir, et soudain ils entendaient une voix d’enfant qui suppliait, grand-mère, Augustino, je suis ici, laissez-moi sortir, Mère s’éveillait de la lourdeur de ces songes en pensant qu’elle ne serait plus là, pour éduquer Mai […]
Marie-Claire Blais
Augustino et le chœur de la destruction
Québec 2005 Genre de texte Roman
Contexte
Cet extrait se situe au début de ce roman sans chapitres et d’un seul paragraphe. Mère (Esther) se souvient de cette série de rêves lors de son quatre-vingtième anniversaire.
Notes
Augustino: petit-fils d’Esther et écrivain
Mélanie: fille préférée de Mère (Esther)
Mai: la fille de Mélanie et la petite-fille de Mère (Esther) )
Caroline: grande photographe et amie d’Esther
Jean-Mathieu: conjoint décédé de Caroline.
Texte témoin
Montréal: Boréal, 2005, p. 36-39.
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------Rêve d’Esther - 2
Une brassée de lys
[…] et Mère se souvint encore de ces rêves, chacun de ces rêves n’était-il pas le symbole raffiné jusqu’au sadisme d’une grimpante fin de vie, quelque indice de santé défaillante, ne fallait-il pas craindre plus que tout la sournoiserie de ces rêves, dans l’un d’eux, Mère dormait dans sa chambre, ce sommeil, sieste de fin d’après-midi dans la chaleur languide, aurait été une félicité, si soudain Mélanie n’avait envahi la chambre, puis le lit de Mère avec une suffocante brassée de lys, Mélanie ne les répandait-elle pas autour du visage de Mère, de sa main, avec délicatesse, je ne fais que me reposer eut voulu dire Mère, ne vois-tu pas Mélanie que mes yeux sont ouverts, il est trop tôt pour ces fleurs, elles m’asphyxient, ne pourraient-elles pas mieux éclore près de la Méditerranée, qu’ici où elles vont étouffer avec moi, dans cette chambre, c’est pour toi, maman, avait dit Mélanie, non, non, aurait voulu crier Mère, mais ses lèvres n’émettaient aucun son, et à son réveil, Mélanie n’était pas là, c’était le jour où elle accompagnait Vincent chez le médecin, comment aurait-elle pu être dans cette chambre, auprès de sa mère, la suffocante odeur des lys tigrés, originaires d’Asie, semblait persister, parfois dans les rêves, cette putréfaction dérobait un autre corps que le sien, celui de l’un de ses fils revenant défiguré d’une guerre, se penchant vers lui, elle s’apercevait que ce fils était elle-même, la couleur des yeux était la sienne, les balbutiements du fils devant la douleurs [sic] étaient la sienne, là encore il semblait ardu de s’exprimer par la parole, pour Mère, elle aurait voulu dire à son fils qu’elle avait toujours refusé d’envoyer ses enfants à la guerre, que ce n’était pas elle qui avait fait cela, mais elle demeurait muette, avertie seulement qu’un malheur disproportionné et louche rôdait autour d’elle […]Marie-Claire Blais
Augustino et le chœur de la destruction
Québec 2005 Genre de texte Roman
Contexte
Ce rêve se situe vers le début du roman. Esther, qui fête son quatre-vingtième anniversaire avec ses amis et sa famille, se perd dans le souvenir de ses rêves troublants.
Notes
Mélanie: fille préférée de Mère (Esther)
Les deux fils d’Esther: ceux-ci ne viennent pas à la fête de leur mère. Esther voit rarement ses fils, qui se sont identifiés à leur père lorsque leurs parents ont divorcé. Ils sont tous les deux chirurgiens esthétiques en Californie, tout comme leur père l’était.
Texte témoin
Montréal: Boréal, 2005, p. 45-46.
------------------------------------------------------------------------------------------------------------Rêve de Mélanie
Deux gants de cuir noir
[…] Puis Mélanie se souvint qu’elle avait vu sa mère en rêve pendant la nuit, c’était encore l’un de ces rêves, obsédants, rampants, signifiant peut-être pour Esther la difficulté, l’écueil, Mère invitait Mélanie à dîner dans son pavillon, sur la nappe, les couverts d’usage avaient été remplacés par deux gants de cuir noir, la difficulté, l’écueil, pensait Mélanie quand le visage de sa mère lui apparaissait souriant, serein, parmi les hôtes du soir, Esther s’animant toujours pour quelque discussion où elle était compétente, non, la mère de Mélanie ne manifestait aucune défaillance, sinon ce tremblement de la main droite, lequel était à peine apparent, l’un de ces rêves à oublier, bien que le tableau des deux gants soit inopportun, que Mélanie ne parvienne pas à le dissiper […]Marie-Claire Blais
Augustino et le chœur de la destruction
Québec 2005 Genre de texte Roman
Contexte
Cet extrait se situe vers le début du roman. Mélanie se souvient de ce rêve alors qu’elle est en conversation avec Olivier, qui est un hôte de la soirée organisée en l’honneur d’Esther. Esther est maintenant octogénaire.
Notes
Il y a un lien entre ce rêve et celui d’Esther du début du roman (p. 36-39), dans lequel figure aussi sa main tremblante.
Mélanie est la fille préférée de Mère (Esther).
Texte témoin
Montréal: Boréal, 2005, p. 66.
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Rêve d’Esther - 3
La perruche
[…] il semblait désastreux à Mère d’avoir rêvé à deux sacs de voyage de teinte opaque, que quelqu’un avait entreposés dans la cour de son jardin sur une pelouse rude d’automne, d’hiver qui depuis longtemps n’avait pas été coupée, qu’était-ce que ce chiffre deux esquivant quelques présages, ou ce face à face de Mélanie et sa mère, deux femmes prises en une seule quand surgirait la mort, l’état fané du jardin, de la cour avait incité Mère à appeler Julio, Jenny, Marie-Sylvie, afin qu’ils puissent l’assister dans le débroussaillage, où étaient-ils tous, pourquoi ne répondaient-ils pas, craquait aux fenêtres un vent glacé, ils se sont tous enfuis, même ma fille, et m’ont laissée seule, avait pensé Mère, quand apparut Augustino, l’un de ses oiseaux sur l’épaule, ce n’était pas le perroquet de Samuel, mais une perruche bizarre qui remuait étrangement sur l’épaule d’Augustino, tu m’as appelé, Grand-Mère, demanda Augustino, regarde notre jardin, d’où viennent ces pluies, ce givre sur les feuilles de nos palmiers et pourquoi sont-ils courbés, lorsque Mère et Augustino sortirent dans la cour, la perruche s’envola de l’amical perchoir, mais on aurait dit qu’elle avait désappris à voler, Grand-Mère, ne la laisse pas partir, criait Augustino, où va-t-elle ainsi, elle pourrait se briser les os, à qui serviront ces sacs de voyage, demandait Mère à Augustino, deux, toujours ce chiffre deux, en se réveillant de sa sieste, Mère avait vu près d’elle Augustino, la perruche assagie sur l’épaule, je sors me baigner, dit-il, peux-tu veiller sur elle, Grand-Mère, le temps n’est-il pas trop frais, dit Mère encore dans l’atmosphère du rêve, Mère avait senti contre sa joue le plumage de l’oiseau, sauvée, cette fois encore, pensait-elle, elle avait été sauvée, ces sacs de voyage étaient prêts, pour la visite à ses fils, en Californie […]Marie-Claire Blais
Augustino et le chœur de la destruction
Québec 2005 Genre de texte Roman
Contexte
Cet extrait se situe vers le début du roman. Tout comme dans le cas de ses rêves précédents, Mère est dérangée par ce rêve funèbre qui semble annoncer la mort.
Notes
Augustino: écrivain et petit-fils d’Esther
Mélanie: fille préférée de Mère (Esther)
Julio, Jenny et Marie-Sylvie: les servantes.
Texte témoin
Montréal: Boréal, 2005, p. 73-74.
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Rêve de Caroline - 1
Les concessions
[…] c’est à cette période que je fis un rêve, je recevais de l’Inde une lettre de Charles, cette lettre sur du papier mat n’était pas écrite avec des mots, on y voyait agrafés, tels des signes, des aiguilles, des épingles qui scintillaient comme de fines pièces argentées, mes yeux brûlaient à lire ces symboles, chacune de ces pièces finement ciselées, n’était-elle pas ma concession à Charly, ou si c’était de Charles que parlait cette lettre, chacune de ses concessions à Cyril, ou le nombre qui allait en s’accroissant de nos concessions […]Augustino et le chœur de la destruction
Québec 2005 Genre de texte Roman
Contexte
Ce rêve de Caroline se situe dans la première moitié du roman. Charly donne à Caroline une drogue pour chasser la migraine de celle-ci et l’aider à dormir. Ensuite Caroline fait ce rêve (qui est aussi un souvenir).
Notes
Charles: un ami de Caroline .
Cyril: l’amant de Charles .
Charly: la servante de Caroline.
Texte témoin
Montréal: Boréal, 2005, p. 95.
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Rêve d’Augustino
Roman
Contexte
Ce passage se situe dans la première moitié du roman. Augustino réfléchit au fait que son père, qui est lui aussi écrivain, ne veut pas que son fils écrive, préférant que celui-ci s’engage dans un métier plus pratique.
Notes
Augustino: écrivain et petit-fils d’Esther (Mère).
Texte témoin
Montréal: Boréal, 2005, p. 106.
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Roman
Contexte
Ce rêve, qui se déroule sur cinq pages, se situe au milieu du roman. Il est tard et la petite Mai est au lit tandis que la fête de sa grand-mère continue dehors dans le jardin.
Notes
Mai: fille de Mélanie et petite-fille de Mère (Esther).
Texte témoin
Montréal: Boréal, 2005, p. 134-138.
Rêve de Mai
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roman
Contexte
Ce rêve se situe vers le milieu du chapitre III. Jean Le Maigre et le Septième s’amusent, cachés dans la cave de la maison : Jean Le Maigre «confesse» le Septième et l’accuse de n’avoir pas avoué toutes ses fautes. Ce dernier tire son frère aux cartes et lui prédit qu’il devra entrer au noviciat prochainement. Grand-Mère Antoinette met un terme à leurs jeux, puis les gronde. Plus tard dans la soirée, le Septième rêve qu’il est envoyé, avec son frère, à l’orphelinat.
Notes
Fortuné Mathias, dit le Septième parce qu’il est le septième enfant de la famille. Jean Le Maigre : sixième enfant de la famille. Le trait d'union entre le prénom et le surnom (Jean-Le Maigre) disparaît dans les éditions suivantes.
Édition originale
Une saison dans la vie d’Emmanuel, Montréal, Editions du Jour, 1965, p. 36-37.
Rêve du Septième
JE MENS TU MENS IL MENT
disait le Septième, lorsqu’il ouvrit les yeux, avec, à ses côtés, Jean Le Maigre qui luttait contre les puces. [...] Le Septième s'éloignait maintenant, il longeait les murs de l'orphelinat, il suivait les indications que lui montrait le directeur, d'un doigt cruel : TROIS JOURS SANS PAIN ET SANS EAU - DEFENSE DE TOUSSER - IL N'EST PAS PERMIS DE BOUGER AU LIT - NOUS NE SOMMES PAS RESPONSABLES DES ENFANTS PERDUS - POUR LES PUCES CORRIDOR DE DROITE MAIS ENLEVEZ D'ABORD VOTRE CHEMISE -
Le Septième allait choisir le Salon des Puces, quand il sentit le genou de Jean-Le Maigre qui glissait entre ses jambes.
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roman
Contexte
Cette évocation de rêves se situe vers le début du dernier tiers du chapitre IV. Jean Le Maigre, tuberculeux, est envoyé au noviciat. Cloué au lit, il entreprend d’écrire son autobiographie. Dans une de ses anecdotes, il fait le récit des journées à l’école où Mme Casimir, l’institutrice, refusait de faire du feu pour réchauffer le Septième. Il raconte comment son frère et lui, obsédés par les brasiers et les flammes, ont incendié l’école avant d’être sévèrement réprimandés et enfermés dans une cellule obscure.
Notes
Il : Fortuné Mathias, dit le Septième parce qu’il est le septième enfant de la famille.
Édition originale
Une saison dans la vie d’Emmanuel, Montréal, Editions du Jour, 1965, p. 66.
roman
Contexte
Cette évocation de rêves se situe vers le début du dernier tiers du chapitre IV. Pour punir Jean Le Maigre et le Septième d’avoir incendié l’école, M. le directeur les isole dans une cellule de l’Institution pendant plusieurs jours. Les deux frères redoutent les mauvais traitements du directeur. Jean Le Maigre protège son jeune frère et implore son pardon auprès du bourreau qui menace de le « manger pour dessert ». Il fait ce rêve.
Notes
Je: Jean Le Maigre : narrateur d’un segment autobiographique du récit, sixième enfant de la famille du récit.Mlle Lorgnette : institutrice de Jean Le Maigre et de Fortuné, le Septième.
Édition originale
Une saison dans la vie d’Emmanuel, Montréal, Editions du Jour, 1965, p. 68-69.
roman
Contexte
Cette évocation de rêves se situe vers la fin du chapitre IV. Rêve de Jean Le Maigre. Tuberculeux, celui-ci est en proie à de fortes fièvres mais refuse de rester cloué au lit. Suivant le conseil du curé, Grand-Mère Antoinette l’envoie au noviciat. Là, Jean Le Maigre est confié aux soins du Frère Théodule. Déprimé, il sent sa mort approcher et perd rapidement goût à la vie.
Notes
Jean Le Maigre : narrateur d’un segment autobiographique du récit, sixième enfant de la famille du récit.
Édition originale
Une saison dans la vie d’Emmanuel, Montréal, Editions du Jour, 1965, p. 73.
Rêves de Jean Le Maigre
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roman
Contexte
Ce rêve se situe vers le début du deuxième tiers du chapitre V. Grand-Mère Antoinette, au chevet de son ami Horace qui rend l’âme petit à petit, se remémore sa vie avec Napoléon, qui est mort. Elle croit que, du purgatoire, Napoléon lui en veut de lui avoir survécu.
Notes
Grand-Père Napoléon : mari défunt de Grand-Mère Antoinette, qui est la grand-mère maternelle de la famille protagoniste du récit.
Édition originale
Une saison dans la vie d’Emmanuel, Montréal, Editions du Jour, 1965, p. 80.
roman
Contexte
Cette vision se situe au début du chapitre V.Héloïse, enfant très pieuse, est envoyée au couvent. La nuit, son esprit se laisse emporter par l’extase amoureuse : elle reçoit la visite régulière d’un Epoux imaginaire.
Notes
Héloïse : jeune pensionnaire au couvent, enfant de la famille du récit. L’Epoux ou le Bien Aimé désignent ce même amant imaginaire qui visite Héloïse pendant la nuit.
Édition originale
Une saison dans la vie d’Emmanuel, Montréal, Editions du Jour, 1965, p. 77-78.
roman
Contexte
Ce rêve se situe à la fin du chapitre V.Après avoir visité sa famille, Héloïse se prépare à rentrer au couvent, excitée et bouleversée, à la fois, de revoir son «Epoux», en rêve, dans ses nuits solitaires. Assise sur son lit, devant le désordre de sa chambre, elle se remémore le rêve qu’elle a fait la nuit précédente.
Notes
Héloïse : jeune pensionnaire au couvent, enfant de la famille du récit. Elle rêve à l’Epoux à plus d’une reprise. Ces rêves d’amour ont précédemment été évoqués dans le récit.
Édition originale
Une saison dans la vie d’Emmanuel, Montréal, Editions du Jour, 1965, p. 85-87.
Premier rêve d’Héloïse
A nouveau, elle ouvrait la grille du couvent, accompagnée de Soeur Georges-Du Courroux qui lui remettait une clef pour sa cellule, en lui recommandant de ne pas recevoir son confesseur pendant la nuit, et de ne pas réciter ses prières à voix haute afin de ne pas éveiller la Supérieure. Humblement, Héloïse baissait la tête en disant : « Oui, Ma Soeur, Oui, Ma Mère » d’une voix enfantine. A la chapelle, les Novices, plutôt que de chanter les vêpres, un cierge à la main comme elles en avaient l’habitude le jour de Pâques, remplissaient la chapelle de clameurs rieuses, d’applaudissements surpris, et leur coiffe négligemment rejetée sur l’épaule, dévoilaient une à une, en passant devant Héloïse dans une danse amusée, de longues chevelures brunes et blondes, que la coiffe avait longtemps tenues captives dans ses fils noirs.
Héloïse elle-même dut se découvrir pour se joindre à ses compagnes, et c’est avec la même douceur sacrilège qu’elle sentit ses cheveux libres flotter autour de son cou, agréablement se dérouler sur ses épaules leurs boucles chaudes couleur de maïs. Mais son confesseur interrompit cet élan de bien-être, lorsque se dirigeant vers l’autel il écarta sèchement les religieuses sur son passage et dit :
-- C’est le tour de SOEUR HELOISE DES MARTYRES ET DU SANG VERSE, de faire une confession publique... Je possède ici tous les documents de sa condamnation. La Révérende Mère Supérieure m’a remis toutes ses lettres. Que la bonne Mère Héloïse consente à se faire couper les cheveux en paix. Et je lui donnerai ma bénédiction.
Avec cette humilité terrible qui menace le rêveur le plus insouciant, le plus fier, et qui entoure les plus beaux songes, les délires les plus innocents d’une ombre vaguement honteuse, d’un trouble plus ou moins précis -- assise auprès de ses compagnes qui étouffaient de rire dans leurs bancs, Héloïse pleurait doucement. Il lui semblait que toutes l’avaient trahie, que son Confesseur lui-même, qui, à ce moment-là, lisait devant ces religieuses devenues méchantes et frivoles ces lettres ridiculement secrètes qu’Héloïse avait écrites à plusieurs de ses compagnes pour mendier du secours ou quelque austère affection -- il lui semblait que cet homme qu’elle avait aimé, lui aussi, dans le même secret audacieux et tendre -- s’amusait à l’humilier comme les autres. Ne riait-il pas cruellement? N’imitait-il pas la voix de sa détresse en lisant à Soeur-Georges du Courroux, d’une voix faussement amoureuse :
O Soeur Georges-Du Courroux sous votre Céleste baiser
Je défaille et je meurs...
et à Soeur Philomène de la Patience qui rougissait d’orgueil, ces mots fiévreux :
Bien-Aimée Soeur Philomène vous dont le coeur ruisselle
de miséricorde, veuillez absoudre ma passion...
Lui aussi, avait le pouvoir de la torturer et de lui inspirer une honte infinie... Héloïse pleurait, pleurait, ne trouvant nulle épaule pour la réconforter, elle qui avait été heureuse quelques instants plus tôt en dansant dans la chapelle ensoleillée. (Ses sanglots ne réveillèrent pas la Supérieure qui dormait d’un sommeil lourd, accroupie contre le mur, le visage renversé sur la poitrine.) L’âme d’Héloïse avait été mise à nu, non seulement son âme, mais son corps (n’avait-on pas coupé ses cheveux devant tout le monde, rasé sa tête? Elle touchait sa nuque raide, son crâne dépouillé...) et ses passions les plus silencieuses, ses amours les plus contenues, l’avaient reniée d’une manière dégradante. Peu à peu, le jour tomba, la lumière s’assombrit entre les vitraux de la chapelle, Héloïse respirait à nouveau.
Bercée par sa misère quotidienne, reconnaissante soudain, elle ouvrit les yeux, retrouva les murs gris de sa chambre...
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roman
Contexte
Ce rêve se situe à la fin du chapitre V.Après une visite dans sa famille, Héloïse se prépare à rentrer au couvent où elle est pensionnaire, excitée et bouleversée, à la fois, de revoir son « Epoux », en rêve, dans ses nuits solitaires. Pour échapper à la tristesse et au désordre de sa chambre, elle laisse son esprit la transporter à nouveau dans le rêve d’amour qu’elle a fait la nuit précédente.
Édition originale
Une saison dans la vie d’Emmanuel, Montréal, Editions du Jour, 1965, p. 88.
roman
Contexte
Ce rêve se situe vers la fin du chapitre VII, dernier chapitre du roman.Le Septième, employé dans une manufacture de souliers est, à la demande du Frère Théodule, mis sous sa protection. Ce dernier lui propose un jour de l’accompagner lors d’une marche nocturne. Il lui fait alors de choquantes confidences et l’incite à le fouetter, comme dans le rêve qu’il a fait la nuit précédente.
Notes
Théodule Crapula : religieux, instituteur de Fortuné, le Septième, et de Jean Le Maigre, frère de ce dernier.Fortuné Mathias, le Septième : septième enfant de la famille.
Édition originale
Une saison dans la vie d’Emmanuel, Montréal, Editions du Jour, 1965, p. 126.
Le rêve de Théo Crapula
-- Vous me fouettiez, oui, vous me fouettiez jusqu’au délire et j’étais heureux, je vous demandais de me fouetter plus encore... Vous étiez mon juge, mon maître...
Le Septième recommença à bailler. Ce n’est pas ma faute si vous faites des mauvais rêves, Monsieur.
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Sa grand-mère
[…] si Augustino se sentait inexpérimenté pour décrire une emprise du dehors de sa vie qui lui semblait inexorable, lui qui vivait à l’abri de tout conflit dans la maison de ses parents, ce qui chamboulait davantage toutes ses pensées, c’était ce rêve, lequel semblait aussi réel, palpable que l’histoire des missiles qu’écrivait Augustino, ce rêve dont il pouvait sentir le poids sous ses yeux ensommeillés, il avait vu sa grand-mère avec la certitude qu’elle tendait vers lui ses bras, d’une autre vie, et Augustino en venant vers elle qui n’était plus, bien qu’elle fût la même pourtant, toute menue depuis qu’il était si grand, avait eu l’impression de pleurer longuement sur son épaule, en lui disant, ne pars pas, ma chère grand-mère raffinée, ou si elle était là toujours aussi tendre, n’était-ce pas dans un diaphane brouillard, se remémorant ce rêve, Augustino sentait couler les larmes sur ses joues, serait-ce vrai, un jour, que sa grand-mère ne serait plus près de lui, adorant son petit-fils autant qu’elle le contraignait […]Augustino et le chœur de la destruction
Québec 2005 Genre de texte Roman
Contexte
Ce passage se situe dans la première moitié du roman. Augustino réfléchit au fait que son père, qui est lui aussi écrivain, ne veut pas que son fils écrive, préférant que celui-ci s’engage dans un métier plus pratique.
Notes
Augustino: écrivain et petit-fils d’Esther (Mère).
Texte témoin
Montréal: Boréal, 2005, p. 106.
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Augustino et le chœur de la destruction
Québec 2005 Genre de texte Roman
Contexte
Ce rêve, qui se déroule sur cinq pages, se situe au milieu du roman. Il est tard et la petite Mai est au lit tandis que la fête de sa grand-mère continue dehors dans le jardin.
Notes
Mai: fille de Mélanie et petite-fille de Mère (Esther).
Texte témoin
Montréal: Boréal, 2005, p. 134-138.
Rêve de Mai
La chair de l’huître
[…] et se tournant plusieurs fois dans son lit, Mai revit son rêve, peut-être était-il aussi réel que la photographie d’un sombre bouquet dans son cadre, sur le mur, il y avait sur le quai des cueilleurs d’huîtres d’une taille anormalement grande, Mai n’avait jamais vu des hommes d’une telle corpulence tous à l’œuvre, comme l’avait été le pêcheur de la barque bleue, dans l’Île qui n’appartient à personne, penché sur ses mollusques, avant que Mai ne vienne le surprendre et qu’il lui dise, viens avec moi sous les pins australiens, Mai savait que ces hommes étaient la représentation agrandie et multipliée du pêcheur; sous la chair de l’huître, pensait-elle, était la vie, la perle nacrée si précieuse dont avait parlé le pêcheur, ce n’étaient tous que de grossiers pêcheurs maniant de leurs mains inhospitalières cette abondance du golfe, dont Mai voyait l’échancrure d’eau vaseuse, d’une trouble couleur, nageait dans ces coquilles une substance calcaire qui était la vie, et ce nouvel être vivant, même sous sa première forme organique, calcaire, ne demandait-il pas à ces hommes la circonspection, une attention prudente de tous les instants, tous ils étaient concepteurs de vies, et avec eux on avait aussi le pouvoir de se multiplier et de vivre, comme eux on entrait dans le vaste cycle de la naissance jusqu’à la mort, et c’était le mystère que Mai avait déchiffré, sachant qu’elle n’en parlerait à personne, car ce mystère était une source de frayeur, d’attirance aussi, si bien qu’un jour elle céderait au jeune bien rasé et drôle qui entrait par la fenêtre de sa chambre, ou déchirait de son canif les fleurs de la photographie de Robert Mapplethorpe, en disant, me voici, c’est moi que l’on recherche, puis-je m’asseoir sur ton lit, même si tu vois derrière moi le grillage de la prison d’État où ils m’ont séquestré, je suis revenu, il lui dirait, je suis ton père, je viens te kidnapper et t’emmener loin de ce pays, veux-tu me suivre, Daniel et Mélanie ne sont pas tes véritables parents, c’est moi, j’ai suivi la petite Ambre de neuf ans, elle était à bicyclette, c’était au Texas, ils ont retrouvé son corps quatre jours plus tard, dans un fourré, malgré toutes les lois d’une trentaine d’États, de comtés, ils me recherchent encore, quelle chair tendre sous mon canif que tu vois, lorsqu’ils n’ont que six ans comme Adam et Ethan saisis, enlevés dans des magasins de jouets de New York et de Hollywood, voici que leurs fantômes déflorés errent et errent dans les canaux, les fleuves, et j’aime les soirées d’anniversaire, de parties, quand leurs parents couchent mes enfants très tard, je viens chez toi, par la fenêtre entrouverte les enlevant pendant leur sommeil dans leurs lits parfumés de leur odeur, il y a encore une saveur de chocolat sur leurs lèvres, des haleines friandes, qui vous aime plus que moi, Daniel et Mélanie ne sont pas tes vrais parents, viens avec moi, Mai, tu m’entends, sous tes draps, tes chats à tes pieds, oh, je te ramènerai, comme tant d’autres, tu ne diras rien et tes parents diront, par quel miracle nous revint-elle, la voici bien muette, refusant de parler, mais aussi normale qu’elle l’était hier, sa chambre en désordre comme autrefois, elle a tout oublié, notre joie, notre espérance est de retour, ta gouvernante noire ira chaque matin te reconduire à l’école, tu continueras tes cours de violoncelle, plus tard tu iras danser avec les garçons, rien de plus normal que toi, même après des mois de privation et de défloration, et eux me rechercheront encore, parents, psychiatres, juges, je les aurai tous par leur craintive inconscience, leur apathique bigoterie, laquelle a l’effet pour eux d’un anesthésiant, car bien qu’ils souhaitent tous m’inculper pour mes délits, ils ne veulent rien savoir de mes actes inconvenants, ils ne veulent pas que tu parles, car tu pourrais offenser leur pudeur, tu iras au bal, tu seras l’espoir de la famille, demain, plus tard, surtout tu ne leur diras rien, rien aux parents, rien aux juges, pendant un procès, on te demandera, le prédateur, celui qui s’appelait le prophète, était avec une femme, une maîtresse, n’est-ce pas, n’ont-ils pas tous les deux abusé de toi, lorsque tu as quitté la maison avec eux, ce soir-là, ne t’ont-ils pas traînée de force vers leurs campements dans la montagne, que s’est-il passé là-haut, il faut parler, mais je sais que tu ne diras rien, préférant leur faire croire que tu es toujours la même, depuis ton retour, celle qui obéit à sa grand-mère, normale, toute normale, tu ne diras rien de tes jours sans repas, juste un peu d’eau dans une tasse souillée, une semaine, deux semaines, quand tu étais notre captive, dans des souterrains, des caveaux, sans émotion tu diras à ton père, un matin, tu sais, papa, cela m’est arrivé de ne pas pourvoir manger pendant une semaine, ton père ne posera aucune question, car il ne veut pas savoir ce que nous faisions de notre captive, nos captifs, d’année en année, dans les caveaux, les souterrains de nos campements, comment, pour certains d’entre eux, nous les avons tout simplement laissés mourir, de soif, d’inanition, la complice, femme ou maîtresse, émettait des doutes, il me semble que je devrais descendre dans la cave, le caveau, disait-elle, voir ce qui se passe dans les souterrains, peu à peu elle y renonçait, je pouvais tout obtenir d’elle par l’engourdissement, une culpabilité de plus en plus dormante, stérile, tes parents diront, rien ne presse pour un procès, ils ne veulent rien savoir, parents, psychologues, ce sont des bas-fonds que tous préfèrent ignorer, tu te souviens peut-être de ces locaux sous la terre servant d’entrepôts, destinés à la conservation des fruits, c’est ainsi que nous disposions de certains d’entre vous, garçons et fillettes de huit à douze ans, nous avions nos entrepôts où vous vous taisiez tous, pétrifiés par la faim, l’épuisement, un à un nos plus beaux fruits pourrissaient, et soudain la femme disait, je ne peux plus descendre, il y a là sous l’escalier, sous la terre, trop de cadavres, je ne veux plus, je ne peux pas, nous reprenions notre route, marchions vers d’autres montagnes, toi, je ne sais pourquoi, nous t’avons laissée fuir, retourner à la maison, mais tu dois désormais accepter que je vienne te rendre visite chaque jour, ouvre toute grande cette fenêtre sur le jardin des roses, un jour viendra où tu me céderas encore, et maintenant assise dans son lit, Mai vit une forme qui bougeait dans la chambre, elle crut que c’était toujours lui, le même jeune homme un peu drôle que recherchaient les policiers, c’était sa gouvernante Marie-Sylvie, comment, dit-elle, tu ne dors pas encore […]-----------------------------------------------------------------------------------------------------
Une saison dans la vie d’Emmanuel
Québec 1965 Genre de texte roman
Contexte
Ce rêve se situe vers le milieu du chapitre III. Jean Le Maigre et le Septième s’amusent, cachés dans la cave de la maison : Jean Le Maigre «confesse» le Septième et l’accuse de n’avoir pas avoué toutes ses fautes. Ce dernier tire son frère aux cartes et lui prédit qu’il devra entrer au noviciat prochainement. Grand-Mère Antoinette met un terme à leurs jeux, puis les gronde. Plus tard dans la soirée, le Septième rêve qu’il est envoyé, avec son frère, à l’orphelinat.
Notes
Fortuné Mathias, dit le Septième parce qu’il est le septième enfant de la famille. Jean Le Maigre : sixième enfant de la famille. Le trait d'union entre le prénom et le surnom (Jean-Le Maigre) disparaît dans les éditions suivantes.
Édition originale
Une saison dans la vie d’Emmanuel, Montréal, Editions du Jour, 1965, p. 36-37.
Rêve du Septième
La course vers l’orphelinat
Le Septième s’endormit aussitôt.(Jean-Le Maigre et lui couraient dans le bois; il pleuvait mais le soleil brillait encore entre les arbres. Jean-Le Maigre ouvrait la bouche pour boire la pluie. Le Septième pensait tristement : «Il faut que j’arrive le premier à l’orphelinat, car le directeur va nous demander de conjuguer le verbe MENTIR et Jean-Le Maigre ne le sait pas.» «Il pleut si fort» disait Jean-Le Maigre qui courait en riant derrière lui. «Où es-tu?» demandait-il de sa voix suppliante et claire... Je ne te vois plus». «Il faut que j’arrive le premier pensait le Septième, il faut que je réponde au directeur à sa place.» On sonnait déjà pour la messe, à la chapelle de l’orphelinat, le Septième pensait avec désespoir qu’il n’arriverait pas à temps...JE MENS TU MENS IL MENT
disait le Septième, lorsqu’il ouvrit les yeux, avec, à ses côtés, Jean Le Maigre qui luttait contre les puces. [...] Le Septième s'éloignait maintenant, il longeait les murs de l'orphelinat, il suivait les indications que lui montrait le directeur, d'un doigt cruel : TROIS JOURS SANS PAIN ET SANS EAU - DEFENSE DE TOUSSER - IL N'EST PAS PERMIS DE BOUGER AU LIT - NOUS NE SOMMES PAS RESPONSABLES DES ENFANTS PERDUS - POUR LES PUCES CORRIDOR DE DROITE MAIS ENLEVEZ D'ABORD VOTRE CHEMISE -
Le Septième allait choisir le Salon des Puces, quand il sentit le genou de Jean-Le Maigre qui glissait entre ses jambes.
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Une saison dans la vie d’Emmanuel
Québec 1965 Genre de texte roman
Contexte
Cette évocation de rêves se situe vers le début du dernier tiers du chapitre IV. Jean Le Maigre, tuberculeux, est envoyé au noviciat. Cloué au lit, il entreprend d’écrire son autobiographie. Dans une de ses anecdotes, il fait le récit des journées à l’école où Mme Casimir, l’institutrice, refusait de faire du feu pour réchauffer le Septième. Il raconte comment son frère et lui, obsédés par les brasiers et les flammes, ont incendié l’école avant d’être sévèrement réprimandés et enfermés dans une cellule obscure.
Notes
Il : Fortuné Mathias, dit le Septième parce qu’il est le septième enfant de la famille.
Édition originale
Une saison dans la vie d’Emmanuel, Montréal, Editions du Jour, 1965, p. 66.
Une saison dans la vie d’Emmanuel
Québec 1965 Genre de texte roman
Contexte
Cette évocation de rêves se situe vers le début du dernier tiers du chapitre IV. Pour punir Jean Le Maigre et le Septième d’avoir incendié l’école, M. le directeur les isole dans une cellule de l’Institution pendant plusieurs jours. Les deux frères redoutent les mauvais traitements du directeur. Jean Le Maigre protège son jeune frère et implore son pardon auprès du bourreau qui menace de le « manger pour dessert ». Il fait ce rêve.
Notes
Je: Jean Le Maigre : narrateur d’un segment autobiographique du récit, sixième enfant de la famille du récit.Mlle Lorgnette : institutrice de Jean Le Maigre et de Fortuné, le Septième.
Édition originale
Une saison dans la vie d’Emmanuel, Montréal, Editions du Jour, 1965, p. 68-69.
Une saison dans la vie d’Emmanuel
Québec 1965 Genre de texte roman
Contexte
Cette évocation de rêves se situe vers la fin du chapitre IV. Rêve de Jean Le Maigre. Tuberculeux, celui-ci est en proie à de fortes fièvres mais refuse de rester cloué au lit. Suivant le conseil du curé, Grand-Mère Antoinette l’envoie au noviciat. Là, Jean Le Maigre est confié aux soins du Frère Théodule. Déprimé, il sent sa mort approcher et perd rapidement goût à la vie.
Notes
Jean Le Maigre : narrateur d’un segment autobiographique du récit, sixième enfant de la famille du récit.
Édition originale
Une saison dans la vie d’Emmanuel, Montréal, Editions du Jour, 1965, p. 73.
Rêves de Jean Le Maigre
Tristesse d’un songe d’hiver
Dans mes rêves, il n’y a plus que des fruits pourris dans les branches, et je ne vois plus de fleurs. C’est l’hiver partout. Il fait froid. Mais vraiment, le plus triste, c’est d’avoir perdu l’appétit.-------------------------------------------------------------------------
Une saison dans la vie d’Emmanuel
Québec 1965 Genre de texte roman
Contexte
Ce rêve se situe vers le début du deuxième tiers du chapitre V. Grand-Mère Antoinette, au chevet de son ami Horace qui rend l’âme petit à petit, se remémore sa vie avec Napoléon, qui est mort. Elle croit que, du purgatoire, Napoléon lui en veut de lui avoir survécu.
Notes
Grand-Père Napoléon : mari défunt de Grand-Mère Antoinette, qui est la grand-mère maternelle de la famille protagoniste du récit.
Édition originale
Une saison dans la vie d’Emmanuel, Montréal, Editions du Jour, 1965, p. 80.
Une saison dans la vie d’Emmanuel
Québec 1965 Genre de texte roman
Contexte
Cette vision se situe au début du chapitre V.Héloïse, enfant très pieuse, est envoyée au couvent. La nuit, son esprit se laisse emporter par l’extase amoureuse : elle reçoit la visite régulière d’un Epoux imaginaire.
Notes
Héloïse : jeune pensionnaire au couvent, enfant de la famille du récit. L’Epoux ou le Bien Aimé désignent ce même amant imaginaire qui visite Héloïse pendant la nuit.
Édition originale
Une saison dans la vie d’Emmanuel, Montréal, Editions du Jour, 1965, p. 77-78.
Une saison dans la vie d’Emmanuel
Québec 1965 Genre de texte roman
Contexte
Ce rêve se situe à la fin du chapitre V.Après avoir visité sa famille, Héloïse se prépare à rentrer au couvent, excitée et bouleversée, à la fois, de revoir son «Epoux», en rêve, dans ses nuits solitaires. Assise sur son lit, devant le désordre de sa chambre, elle se remémore le rêve qu’elle a fait la nuit précédente.
Notes
Héloïse : jeune pensionnaire au couvent, enfant de la famille du récit. Elle rêve à l’Epoux à plus d’une reprise. Ces rêves d’amour ont précédemment été évoqués dans le récit.
Édition originale
Une saison dans la vie d’Emmanuel, Montréal, Editions du Jour, 1965, p. 85-87.
Premier rêve d’Héloïse
Confession publique
Enveloppée de ces plaintes obscures avec lesquelles elle avait l’habitude de vivre, comme une sourde dans le sifflement de son silence -- elle revoyait le rêve singulier qu’elle avait fait pendant la nuit.A nouveau, elle ouvrait la grille du couvent, accompagnée de Soeur Georges-Du Courroux qui lui remettait une clef pour sa cellule, en lui recommandant de ne pas recevoir son confesseur pendant la nuit, et de ne pas réciter ses prières à voix haute afin de ne pas éveiller la Supérieure. Humblement, Héloïse baissait la tête en disant : « Oui, Ma Soeur, Oui, Ma Mère » d’une voix enfantine. A la chapelle, les Novices, plutôt que de chanter les vêpres, un cierge à la main comme elles en avaient l’habitude le jour de Pâques, remplissaient la chapelle de clameurs rieuses, d’applaudissements surpris, et leur coiffe négligemment rejetée sur l’épaule, dévoilaient une à une, en passant devant Héloïse dans une danse amusée, de longues chevelures brunes et blondes, que la coiffe avait longtemps tenues captives dans ses fils noirs.
Héloïse elle-même dut se découvrir pour se joindre à ses compagnes, et c’est avec la même douceur sacrilège qu’elle sentit ses cheveux libres flotter autour de son cou, agréablement se dérouler sur ses épaules leurs boucles chaudes couleur de maïs. Mais son confesseur interrompit cet élan de bien-être, lorsque se dirigeant vers l’autel il écarta sèchement les religieuses sur son passage et dit :
-- C’est le tour de SOEUR HELOISE DES MARTYRES ET DU SANG VERSE, de faire une confession publique... Je possède ici tous les documents de sa condamnation. La Révérende Mère Supérieure m’a remis toutes ses lettres. Que la bonne Mère Héloïse consente à se faire couper les cheveux en paix. Et je lui donnerai ma bénédiction.
Avec cette humilité terrible qui menace le rêveur le plus insouciant, le plus fier, et qui entoure les plus beaux songes, les délires les plus innocents d’une ombre vaguement honteuse, d’un trouble plus ou moins précis -- assise auprès de ses compagnes qui étouffaient de rire dans leurs bancs, Héloïse pleurait doucement. Il lui semblait que toutes l’avaient trahie, que son Confesseur lui-même, qui, à ce moment-là, lisait devant ces religieuses devenues méchantes et frivoles ces lettres ridiculement secrètes qu’Héloïse avait écrites à plusieurs de ses compagnes pour mendier du secours ou quelque austère affection -- il lui semblait que cet homme qu’elle avait aimé, lui aussi, dans le même secret audacieux et tendre -- s’amusait à l’humilier comme les autres. Ne riait-il pas cruellement? N’imitait-il pas la voix de sa détresse en lisant à Soeur-Georges du Courroux, d’une voix faussement amoureuse :
O Soeur Georges-Du Courroux sous votre Céleste baiser
Je défaille et je meurs...
et à Soeur Philomène de la Patience qui rougissait d’orgueil, ces mots fiévreux :
Bien-Aimée Soeur Philomène vous dont le coeur ruisselle
de miséricorde, veuillez absoudre ma passion...
Lui aussi, avait le pouvoir de la torturer et de lui inspirer une honte infinie... Héloïse pleurait, pleurait, ne trouvant nulle épaule pour la réconforter, elle qui avait été heureuse quelques instants plus tôt en dansant dans la chapelle ensoleillée. (Ses sanglots ne réveillèrent pas la Supérieure qui dormait d’un sommeil lourd, accroupie contre le mur, le visage renversé sur la poitrine.) L’âme d’Héloïse avait été mise à nu, non seulement son âme, mais son corps (n’avait-on pas coupé ses cheveux devant tout le monde, rasé sa tête? Elle touchait sa nuque raide, son crâne dépouillé...) et ses passions les plus silencieuses, ses amours les plus contenues, l’avaient reniée d’une manière dégradante. Peu à peu, le jour tomba, la lumière s’assombrit entre les vitraux de la chapelle, Héloïse respirait à nouveau.
Bercée par sa misère quotidienne, reconnaissante soudain, elle ouvrit les yeux, retrouva les murs gris de sa chambre...
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Une saison dans la vie d’Emmanuel
Québec 1965 Genre de texte roman
Contexte
Ce rêve se situe à la fin du chapitre V.Après une visite dans sa famille, Héloïse se prépare à rentrer au couvent où elle est pensionnaire, excitée et bouleversée, à la fois, de revoir son « Epoux », en rêve, dans ses nuits solitaires. Pour échapper à la tristesse et au désordre de sa chambre, elle laisse son esprit la transporter à nouveau dans le rêve d’amour qu’elle a fait la nuit précédente.
Édition originale
Une saison dans la vie d’Emmanuel, Montréal, Editions du Jour, 1965, p. 88.
Une saison dans la vie d’Emmanuel
Québec 1965 Genre de texte roman
Contexte
Ce rêve se situe vers la fin du chapitre VII, dernier chapitre du roman.Le Septième, employé dans une manufacture de souliers est, à la demande du Frère Théodule, mis sous sa protection. Ce dernier lui propose un jour de l’accompagner lors d’une marche nocturne. Il lui fait alors de choquantes confidences et l’incite à le fouetter, comme dans le rêve qu’il a fait la nuit précédente.
Notes
Théodule Crapula : religieux, instituteur de Fortuné, le Septième, et de Jean Le Maigre, frère de ce dernier.Fortuné Mathias, le Septième : septième enfant de la famille.
Édition originale
Une saison dans la vie d’Emmanuel, Montréal, Editions du Jour, 1965, p. 126.
Le rêve de Théo Crapula
Les fantasmes du Frère Théodule
Théo Crapula parlait d’un rêve qu’il avait fait pendant la nuit.-- Vous me fouettiez, oui, vous me fouettiez jusqu’au délire et j’étais heureux, je vous demandais de me fouetter plus encore... Vous étiez mon juge, mon maître...
Le Septième recommença à bailler. Ce n’est pas ma faute si vous faites des mauvais rêves, Monsieur.
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