Définition :
Règle de la méthode psychanalytique consistant en un survol global des paroles de l'analysant, sans attacher son attention à un point en particulier et de prime abord.
Pour cela, le praticien doit se débarrasser de toutes ses propres croyances limitantes, qui pourraient, en le faisant réagir, heurter le libre flot du discours du sujet en analyse, gênant ainsi la liberté de ses associations.
Freud recommande une attitude de « neutralité bienveillante ». L’analyste ne doit surtout pas prendre parti dans les conflits qui divisent son patient. En séance, il doit conserver une position « d’attention flottante », se brancher sur son inconscient et s’abstenir de prendre des notes. Dans la réalité, Freud n’hésite pas à entrer dans la vie de ses patients. Il complimente l’une sur sa tenue, plaisante quand il est de bonne humeur. Et sans chercher à passer pour un pur esprit, en cas de besoin pressant, il se lève de son fauteuil et va aux toilettes.
Si avec certains patients il est muet comme une carpe, avec d’autres il est capable de parler pendant la moitié de la séance. En fait, Freud ne travaille pas d’une seule manière et s’adapte en fonction de l’individu. Mais il assure à tous une entière discrétion : son cabinet est agencé de façon à ce qu’ils ne se rencontrent jamais.
Conseils aux médecins sur le traitement analytique est un court texte de 1912 dans lequel Freud expose les grandes règles régissant la pratique de la psychanalyse. Il démontre comment la règle de l’association libre pour le patient doit avoir pour corollaire pour l’analyste celle de l’attention flottante par laquelle l’analyste se place dans une position de totale ouverture dans son écoute. L’importance de cette prise de position a parfois été ignorée par certains analystes qui ont eu tendance à perpétuer l’image d’une analyse sur le mode d’une enquête dirigée. Lorsqu’un auteur comme Bion a repris ces mêmes principes à sa façon au cours des années soixante, plusieurs ont eu l’impression qu’il s’agissait alors d’une révolution. C’est dire combien la position analytique est difficile à tenir.
On ne peut discuter d’un seul concept analytique sans rendre compte de l’entrelacement et l’interdépendance de tous les concepts clefs. La neutralité est donc intimement liée aux autres formulations introduites par Freud ... Entre autres, l’abstinence, l’attention flottante, le cadre, l’association libre attirent notre attention tout de suite, sans parler du transfert et du contre-transfert.
il a cristallisé ses réflexions dans le concept d’attention flottante (1912). Par le renoncement délibéré de tout préjugé personnel, de tout ce qui dans les autres situations orientent l’attention, et de tous les présupposés théoriques, le médecin peut écouter le patient de la même manière qu’il écoute ses propres rêves. Cette formulation est, à mon avis, d’une importance primordiale dans la recherche d’une compréhension de la relation analytique et du rôle que la neutralité joue dans ceci.
L’évolution de la pensée de Freud que j’ai esquissée ci-dessus s’exprimait premièrement dans un changement du concept de cadre, conséquence logique d’acceptation des règles conjuguées d’association libre et d’attention flottante. Le modèle d’immutabilité n’était plus utile. Dans l’histoire de la psychanalyse, c’était la rupture du cadre suite à l’émergence d’un transfert érotisé qui a précipité les vacances de Breuer avec sa femme et a terminé abruptement son traitement d’Anna 0. selon la méthode cathartique.
Freud nommait comme attention flottante ce lien de subordination de l’analyste en relation au dire de l’analysant. L’apport de Lacan réside dans le fait qu’il désigne cette soumission comme un lieu généré par ce dire, qui est parfois occupé par l’analyste. Un lieu écrit par le dire du texte que l’analysant ne sait pas porter.
L'attention flottante, c'est la règle technique selon laquelle le psychanalyste doit prêter la même attention à tout ce que dit l'analysant, sans attacher d'importance particulière à un détail de préférence à un autre.Il est courant de l'évoquer, face à l'association libre recommandée pour l'analysant, en omettant ce qualificatif qui se glisse entre parenthèses : également et qui induit une réciprocité dans la relation. Attention (également) flottante ...
Je suis alors tentée, dans un premier temps, de définir cette recommandation technique par ce qu'elle n'est pas, afin de laisser entendre ce en quoi elle exhorte le psychanalyste à bien mener une cure.
Flottante, ici, ne suggère ni fuite, ni indifférence, ni somnolence, ni indécision, ni hésitation ... Pas plus qu'également ne se réfère à une maîtrise de l'humeur. L'égalité évoquée indique à la fois un phénomène d'équilibre entre psychanalysant et psychanalyste, et la nécessité pour ce dernier de mettre de côté ses préoccupations quotidiennes, de laisser en suspens ce qui motive son activité, d'oublier ses préjugés moraux ordinaires, ses présupposés théoriques et autres opinions, pour se rendre (également) disponible.
Flottante caractérise ainsi la fluidité, la souplesse, la mobilité d'une écoute qui se laisse sans sombrer porter au fil de l'eau ... Tandis que également tempérerait son flux pour maintenir un équilibre entre deux ...
Cette recommandation faite à l'analyste est donc une règle essentielle à sa pratique, afin qu'il mette en sommeil ses réflexes habituels et minimise ses défenses inconscientes. Ceci pour optimiser, de part et d'autre, "l'émergence de l'inconscient" du sujet, mais surtout, chez lui, un état de réceptivité de la mémoire sensible afin qu'elle engrange des éléments (prononciation, consonance, prénoms, soupirs, lapsus, fragments de rêves, souvenirs, etc) du discours de l'analysant, qu'elle ne retiendrait pas en temps ordinaire et qui sembleraient insignifiants d'un point de vue "objectif" au non initié. Alors que ces détails s'avèrent riches en informations et combien précieux en termes d'interprétation, quand ils entrent en écho avec d'autres éléments qui leur sont apparemment étrangers.
En effet, l’attention flottante permettra aussi, ultérieurement et de façon paradoxale, de favoriser certains éléments, en termes de sens et donc d'interprétation!
Principe d'affirmation du psychanalyste par sa discrétion mais aussi par l’acuité de sa perception, ainsi est-elle sollicitée pour autoriser l'analysant à associer librement, aussi bien que possible.
Elle symbolise à la fois l'ouverture d'esprit nécessaire au psychanalyste pour accueillir l'expression de l'inconscient de l'autre, dans toute sa dimension subjective, afin que celui-ci puisse affirmer sa sensibilité (singulière) en ses propres termes, et la nécessité de ne pas avoir d'a priori qui prédéterminerait les mots ou les événements sur lesquels se fixer durant une séance.
L'analyste, en effet, bien que son écoute s'appuie aussi sur une certaine théorie, enrichie de ses expériences analytiques personnelles, ne doit privilégier aucun élément du "discours de l'analysant".
Autrement dit, il doit, en quelque sorte, parvenir à ne plus exercer consciemment son attention, afin de donner libre cours à sa propre production inconsciente sans influencer (volontairement) celle de l'analysant.
Ne soyons pas utopique cependant, ni prétentieux, dans le meilleur des cas, elle le conduit néanmoins dans la direction de la cure, mais aussi souplement, aussi innocemment, aussi modestement, aussi sobrement que possible ... Et avec autant de tact, de réserve, de retenue que possible!
Ainsi - état de réceptivité qui favorise la relation transférentielle - l'attention flottante est-elle une invitation, non contraignante autorisant la subjectivité. L'expression de celle de l'analysant pouvant se déployer dans cet espace-temps particulier qu'est celui de la séance, face à celle de l'analyste.
Il s'agit donc pour l'analyste, porté par le flux de son attention flottante, de ne chercher à prouver ni son savoir personnel ni la théorie de l'inconscient (telle que Freud le premier s'est appliqué à la transmettre) - même si en fin de cure c'est bien l'un et l'autre en leur essence qui se trouvent confirmés et enrichis de cette nouvelle expérience que représente chaque cure.
Les interventions de l'analyste relèvent alors de l'art subtil de préserver cet espace de liberté entre deux afin que puissent surgir de l'obscurité de l'inconscient quelques lumières ... !
Cette règle est donc une indication pour maintenir en intention une certaine ouverture psychique. Ce n'est pas un état permanent et elle ne va pas, par ailleurs, sans l'analyse du propre transfert de l'analyste!
Mais quand elle s’exerce à point nommée, en situation, elle devient "comme naturelle", bien qu'elle continue de répondre à une exigence première indispensable à l'expression de la communication d'inconscient à inconscient sur laquelle vient se greffer le transfert.
Je ne peux résister pour conclure de vous livrer cette métaphore qui me vient à l’esprit : avec l’attention flottante, l’art du psychanalyste consiste à laisser défiler les mots de l’analysant et les images qu’ils évoquent, comme sur un écran, et de laisser impressionner sa sensibilité comme une pellicule … En laissant dériver son écoute au fil des flots des productions de l'inconscient.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire