vendredi 31 décembre 2010

Rêves ordinaires, rêves magiques

Chacun de nous possède des rêves qui lui sont propres mais, en dépit de cette diversité, on peut classer le monde onirique en deux grandes familles : les rêves ordinaires classiques et les rêves "magiques".
Cette distinction est très ancienne puisque déjà Homère, l'auteur de l'Odyssée et de l'Iliade, voyait deux sources à nos rêves : la porte d'ivoire et la porte de corne. La première apporte des rêves accessibles au langage. Ils reflètent nos préoccupations du moment. Si on a conduit tout une journée, on peut continuer à conduire en dormant, par exemple. On sait aujourd'hui que ces rêves sont pourtant aussi chargés de symboles qui nécessitent une interprétation.
La seconde porte ouvre le domaine de ce que l'on appelait autrefois les songes, une sorte de communication avec l'autre monde ou, si l'on préfère, avec les profondeurs de notre inconscient. Les rêves qui portent conseil ou les rêves prémonitoires ou télépathiques font partie de cette catégorie.
Si ces derniers parlent d'eux-mêmes, il n'en est pas de même des rêves classiques qui peuvent être interprétés de différentes manières en fonction de la clé des songes choisie. Elle peut être d'orientation freudienne, jungienne, lacanienne, chamanique, ou autre. Ainsi en est-il de l'explication des grands rêves typiques.
Le plus fréquent est celui de chute, qui entraîne le rêveur dans une descente angoissante et sans fin, à laquelle un brusque réveil tient souvent lieu d'atterrissage. Pour Carl Jung, célèbre disciple puis dissident du freudisme, c'était le signe que nous avons enregistré sans le savoir, pendant la journée, l'image d'objets ou de situations qui présentent des risques effectifs de chute (un balcon abîmé, par exemple). Pour d'autres, ce sera simplement le signe physiologique que l'on s'enfonce dans le sommeil, et pour d'autres encore, un avertissement de notre inconscient nous signifiant qu'en ce moment, notre attitude dans la vie nous conduit vers un échec. Il en va de même pour les rêves de vol qui peuvent signifier, au choix, un désir sexuel ("s'envoyer en l'air") ou spirituel (s'élever vers le ciel).
Rêver que l'on perd ses dents est considéré depuis l'Antiquité comme un mauvais présage, mais aujourd'hui le sens s'élargit à la notion de mort-renaissance, et un tel rêve peut donc signifier un changement dans notre mode de vie. De la même manière, rêver de la mort d'un proche est rarement un signe prémonitoire mais souvent la manifestation de notre inquiétude vis à vis d'une personne chère.
Rêver que l'on rate son train, son avion, ou que l'on se perd dans une ville, sont aussi des rêves classiques. Ils sont généralement source d'angoisse et peuvent signifier des inquiétudes bien réelles, mais aussi des occasions perdues, un manque de clarté dans nos projets ou nos idées. En fait, si les clés des songes et les conseils peuvent nous aider à interpréter nos rêves, la réponse est aussi en nous, dans l'explication intuitive que chacun peut en faire.
Bien qu'ils viennent d'une source plus mystérieuse, les rêves "magiques" se suffisent à eux-mêmes car, généralement, ils sont clairs et l'on s'en souvient parfaitement au réveil. Ils nous laissent une impression profonde, comme une subtile découverte de nous-mêmes. Ces nuits qui portent conseil sont aussi les plus créatives. Il en existe des cas célèbres. En 1865, le chimiste allemand  Kekule rêva d'un serpent lové sur lui-même qui lui inspira la formule du benzène. Le poète anglais Coleridge "reçut" en rêve l'oeuvre qui le rendit célèbre, Koubilaï Khan. Le français Descartes trouva l'inspiration de sa philosophie dans un rêve où il consultait le grand livre du monde. Plus concrètement, la réconciliation entre les églises orthodoxe et catholique a commencé en 1964 grâce à un rêve, celui du Patriarche Athénagoras, qui avait vu en songe un calice au sommet d'une montagne que gravissaient d'un coté le Pape et de l'autre, lui-même.
Les rêves ne se contentent pas de nous donner des bonnes idées, ils peuvent dans certains cas jouer le rôle de devin et prévoir le futur. Il est difficile de savoir si un rêve est vraiment prémonitoire. Souvent il ne fait qu'anticiper sur la suite logique des événements, ce qui explique sans doute pourquoi chacun de nous ou presque possède " son " petit rêve prémonitoire à  raconter. Mais il existe quelques cas plus troublants. Certains ressemblent à des contes de fée. La lyonnaise Elise Schwerztler, le 22 mars 1975, a rêvé de trois chiffres qui, joués au tiercé, lui ont rapporté un gain record ! D'autres prennent hélas l'allure de cauchemars : l'évêque catholique Joseph Lanyl assista en rêve à l'assassinat de l'archiduc d'Autriche qui allait déclencher la première guerre mondiale, et le président américain Lincoln se vit mort quelques jours avant son assassinat. On raconte aussi l'aventure de Steven Linscott, cet Américain qui ayant rêvé d'un assassinat, alla raconter son histoire à la police qui enquêtait sur un crime commis dans le voisinage. Il fut inculpé parce qu'il en savait trop, et sauvé de justesse par les aveux du véritable coupable ! Peut-être aurait-il mieux fait de ne pas rêver : prémonitoires ou non, il faut utiliser ses rêves à bon escient.
"Au réveil, il s'aperçut qu'il se souvenait distinctement de l'ensemble et, prenant sa plume, son encre et son papier, les coucha par écrit, instantanément et fiévreusement. A ce moment,, il fut, hélas, appelé au-dehors par un homme venu pour affaires de Porlock, et retenu par lui plus d'une heure; à son retourdans sa chambre, il constata, à sa grande surprise et mortification, que bien qu'il conservât encore un souvenir vague et confus de la teneur générale de la vision, à l'exception de quelques huit ou dix vers ou images çà et là, tout le reste s'était évanoui comme les reflets à la surface d'un cours d'eau dans lequel on a jeté une pierre."
Samuel Taylor Coleridge parlant de lui-même à la 3è personne, cité dans Paul Good et al. "L'individu", éditions Time-Life, 1976 (U.S.A. : 1974), p. 92/93
A Xanadou, Koubilaï Khan
Éleva un majestueux temple d'agrément,
Où l'Alph, le fleuve sacré, descendait,
Par des grottes insondables pour l'homme.
Samuel Taylor Coleridge, Koubilaï Khan

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