"Un rêve est un message existentiel." Fritz Perls
SURVOL D'UNE PHILOSOPHIE DU CONTACT
Comment définir sans la réduire l'approche gestaltiste, qui se veut art de vivre autant que thérapie ? Philosophie fluctuante, provocatrice et iconoclaste, la Gestalt-thérapie refuse toute visée normalisatrice. Selon elle la psychologie, qu'elle soit psychanalytique ou comportementaliste, définit le bien-être comme une adaptation de la personne à des critères essentiellement sociaux. Centrée au contraire sur l'individu, elle se propose de le faire accéder à une parfaite conscience quotidienne et vécue, facteur d'épanouissement de tout son potentiel.
Ambitieux programme, mais comment l'accomplir ? Il faut partir des besoins organiques et psychologiques, estiment les gestaltistes, et donc analyser par quel mécanisme de perception ils parviennent à la conscience. Emprunté à la Gestalt-psychologie ou psychologie des formes, le concept de gestalt sert à expliquer ce mécanisme. Gestalten signifie en allemand "mettre en forme, donner une structure". Tout ce que l'individu perçoit, pense ou ressent s'organise en figures (Gestalts) se détachant sur un fond (le contexte). Ensembles généralement dotés de signification, ces figures obéissent àdeux principes : "le tout est différent de la somme de ses parties" et "une partie dans un tout est autre chose que cette même partie isolée ou incluse dans un autre tout". la connaissance d'un objet ou d'une situation ne provient pas d'une analyse les détaillant trait par trait, mais d'une vision synthétique, chargée par ailleurs de subjectivité.
"Dans la prise de conscience, la figure est une perception, une image ou une intuition, claire et vive; dans le comportement moteur, c'est le mouvement gracieux et énergique qui a un rythme, va jusqu'au bout, etc. Dans les deux cas, le besoin et l'énergie de l'organisme ainsi que les possibilités de l'environnement sont incorporés et unifiés", écrivaient Perls, Hefferline et Goodman en 1951 dans le livre fondateur de la Gestalt-thérapie. Ils appelaient "cycle de contact" ce processus unificateur, divisé en quatre phases : l'excitation (par exemple l'individu a soif), la prise de contact (il cherche une boisson), le plein contact (il boit), et le retrait (désaltéré, il est prêt pour une nouvelle action).
Base des méthodes gestaltistes, l'analyse du cycle de contact permet de repérer la manière dont fonctionne la personne, de voir si elle achève ou non le cycle en formant une Gestalt complète. La thérapie ne vise pas à résoudre les troubles en recherchant leurs causes, mais à faire prendre conscience, par l'amplification et le ressenti, des façons dont s'actualise ici et maintenant une tendance répétitive et incontrôlée à la rupture du cycle, lorsqu'elle devient une entrave au bien-être et à l'évolution de la personne. Par quels mécanismes certains individus se montrent-ils incapables d'établir les relations professionnelles ou amoureuses épanouissantes et durables qu'ils désirent ? Comment refusent-ils les compromis ? Pour les gestaltistes, ces mécanismes constituent les sept péchés capitaux d'une relation maladive au monde ou à autrui. De la confluence où l'individu étouffe l'autre dans une relation fusionnelle à l'égotisme où il l'utilise pour ses intérêts personnels, ils dessinent toute la palette des pathologies de ce contact qui unit tout en les faisant distincts un individu et son environnement.
L'idée d'un contact établissant toute perception, pensée, action ou relation pose en effet la question des frontières. L'air inspiré fait-il partie du monde extérieur ou de l'organisme qui respire ? Où commencent le moi et l'autre ? La réponse n'est pas toujours évidente et a parfois plus d'importance que ne le laisse supposer l'exemple trivial de la respiration. Combien d'actes sont déclarés involontaires, dont les conséquences font dire "je n'étais pas moi-même" ? Combien de fois un individu pense-t-il, devant l'image que lui renvoient les autres : "ce n'est pas de moi dont on parle" ? Influences, réactions épidermiques à autrui, poids des conventions ou des habitudes ..., innombrables sont les moyens par lesquels l'être humain oublie parfois qui il est vraiment, s'identifie à quelqu'un ou à quelque chose ne représentant qu'une part de lui-même, son image, sa profession, son rôle social, de parent, d'enfant, etc. Pour les gestaltistes, ce processus d'identification aliénatrice constitue la base de tout mal-être. Il rend l'individu incapable d'éprouver et d'exprimer des sentiments allant à l'encontre de l'image de lui-même qu'il cultive ou que le groupe auquel il s'identifie lui impose. Reconnaître des défauts à l'être aimé devient par exemple impossible, car cela équivaudrait à un rejet. L'intérieur, soi-même, le clan, la famille, un territoire quelconque représente le Bien, l'extérieur le Mal. En conséquence, tout se rétrécit : l'individu, ses potentiels, son énergie, sa capacité à faire face au monde. Il devient le portrait de son modèle, prisonnier de ses schémas ("patterns"). Tout le reste, aliéné, fait partie d'un autre lui-même, qu'il ne reconnaît plus, content lorsque le modèle colle, déshérité dès que surgit une faille qui montre un autre visage, oublié ou perdu.
On pense généralement qu'il faut, pour résoudre ces travers, se détacher des schémas maladifs grâce à la pensée consciente qui seule apporte l'objectivité. Selon les gestaltistes, l'objectivité est impossible pour les êtres vivants. Ils dépendent pour survivre d'échanges énergétiques avec l'environnement. Il est donc illusoire d'espérer atteindre la conscience de soi, seul remède à l'aliénation, par l'accession à une objectivité qui permettrait à l'individu de regarder de haut, comme du dehors, un lui-même agissant dans le monde. Qui serait le vrai lui : celui qui regarde ou celui qui agit, le tout dans le même corps soumis aux mêmes contraintes, internes ou extérieures ? La parfaite conscience (en Gestalt "vivre ici et maintenant") ne provient pas d'une introspection intellectuelle. Elle est le fruit d'une ouverture de l'être tout entier, d'une exploration aussi physique que mentale des frontières de sa personnalité. C'est là qu'intervient le rêve, pour lui rappeler que, "quelque part", celles-ci vont bien au delà des limites qu'il leur fixe.
REVER POUR DEVENIR CONSCIENT
"Freud a dit du rêve qu'il était la voie royale vers l'inconscient, écrivit Frédérick Perls dans Rêves et Existence en Gestalt-thérapie, ouvrage qui le rendit célèbre au delà du mouvement alternatif nord-américain. Moi je crois que c'est la voie royale vers l'intégration. Je ne sais toujours pas ce qu'est "l'inconscient", mais nous savons qu'en définitive le rêve est la production la plus spontanée que nous ayons. Il arrive sans intention, volonté ou délibération de notre part. Rien d'autre n'est aussi spontané. Le rêve le plus absurde ne nous dérange pas, au moment où nous le faisons, par son absurdité : nous sentons que c'est une chose réelle. Quoi que vous fassiez d'autre dans la vie, vous en gardez toujours une sorte de contrôle ou d'interférence délibérée. Rien de tel avec le rêve. Chaque rêve est un travail d'art, plus qu'un roman, un drôle de drame. Que ce soit de la bonne littérature ou pas, c'est une autre affaire. Mais il contient une grande quantité de mouvements, de luttes, de rencontres. Les différentes parties du rêve sont des fragments de notre personnalité. Puisque notre but est de faire de chacun de nous une personne intégrée, unifiée, ce que nous devons faire pour cela est de recoller les différents morceaux du rêve."
Voici donc définie la nature du rêve, replacé dans une vision de l'être tout entier par le fondateur de la Gestalt-thérapie lui-même, qui refusait d'ailleurs obstinément ce titre. "Plutôt que de se réaliser eux-mêmes, proclamait aussi Perls, beaucoup de gens consacrent leur vie à actualiser un concept de ce à quoi ils devraient ressembler. Ils ne vivent que pour leur image. Là où certaines personnes ont un moi, la plupart des gens n'ont qu'un vide, occupés à se projeter sur ceci ou cela." Chaque élément d'un rêve est un message de l'étranger intérieur venu rappeler au rêveur qu'il existe, fait partie de lui, et que si celui-ci voulait bien le décrypter il y gagnerait cette part de lui-même dont il s'est tant coupé. Le rêve est donc une projection.
Pour les successeurs de Perls, il est même plus que cela. Il illustre les rapports que le rêveur cultive avec des aspects de sa propre existence qui ne sont pas toujours de simples projections. Ainsi, un cheval vu en rêve est plus que le reflet d'un aspect animal et plus ou moins renié de la personnalité du rêveur. Il peut représenter aussi ce qui lui y est associé : la puissance, le goût pour la liberté, le besoin d'espace, voire le contact avec les animaux. Certains rêves décrivent des relations avec autrui, notamment avec l'animateur ou les membres de son groupe de thérapie.
La Gestalt-thérapie fait donc largement appel au rêve. Si elle estime qu'il "symbolise le moi caché", comme disait Perls, elle ne considère pas comme le fait la psychanalyse ("cette maladie qui prétend être une guérison") qu'il corresponde à des souvenirs enfouis ou désirs réprimés. Il sert plutôt à révéler les mécanismes de résistance par lesquels l'individu se prive de les intégrer à sa vie quotidienne, et s'ampute lui-même de leur contribution à son épanouissement.
LE TRAVAIL SUR LE REVE
Raconter son rêve en procédant à des associations qui permettent d'en trouver le sens et de l'interpréter constitue pour les thérapeutes gestaltistes un jeu intellectuel sans valeur ni résultat.
"En Gestalt-thérapie, nous n'interprétons pas les rêves, écrivait Perls. Au lieu d'analyser, d'autopsier le rêve, nous voulons le ramener à la vie."
Pour lui redonner sa réalité émotionnelle, on demande au patient (les gestaltistes préfèrent l'appeler un client) de le raconter au présent, de le revivre en imagination en se situant comme le héros d'un film. Il doit remettre son rêve en scène, en disposer dans l'espace les différents éléments et s'identifier à chacun d'eux. Il en joue tous les personnages, objets, lieux et actions qui s'y déroulent, qu'il interprète tour à tour et fait dialoguer entre eux, en changeant de siège, de ton et de posture. Malgré son aspect plus actif et presque théatral, ce processus induit parfois des états proches du rêve éveillé dirigé. Mais les séances de thérapie ayant presque toujours lieu en groupe, le rêveur ne dispose pas de beaucoup de temps et doit se concentrer sur la partie du rêve qui lui semble la plus importante. Peu importe que le rêve soit ancien ou récent. Le souvenir d'un rêve ancien signifie qu'il contient une expérience non terminée, une gestalt inachevée, qui continue à peser dans la vie du sujet.
Les thérapeutes gestaltistes dits de seconde génération demandent au client de poursuivre leur rêve en séance lorsque le récit ne permet pas de dégager des identifications claires. Plus proche encore du rêve éveillé, ce travail provoque souvent un sentiment de vide et d'impuissance qui conduit à un contact avec les forces vives et créatives du sujet. Débordé par son rêve, celui-ci réalise pleinement combien il est souvent entraîné dans la vie par des aspects de lui-même qu'il ne sait pas utiliser consciemment.
La Gestalt-thérapie ne s'intéresse pas au passé, mais uniquement au présent. Après le jeu de rôle, la question sera donc : "Que savez-vous de vous-même maintenant ?" Lorsque la scène a entraîné l'émergence de fortes émotions, le client devra se demander à quel aspect de sa vie quotidienne cela lui fait penser.
Deux conséquences majeures en découlent généralement. D'une part, les résistances et illusions sur soi-même étant apparues avec évidence dans la mise en scène du récit, elles perdent une part de leur pouvoir sur l'attitude et le comportement du client, qui sera plus enclin à les reconnaître dans sa vie quotidienne. D'autre part, les différents éléments du rêve symbolisent très souvent la façon particulière dont l'individu vit et joue sa propre version du conflit entre Grand Chef et Sous-Fifre présents en chaque individu (voir ci-contre *ici encart GC et SF*). Le rêve montre comment l'adulte intégré peut établir un compromis entre eux.
Le manque de prise de position théorique de la Gestalt-thérpaie offre au travail sur le rêve de grandes libertés. Le thérapeute peut varier ses interventions en fonction du client, du groupe ou du moment. Il peut faire revivre par le client les scènes de son rêve qui font référence à son existence présente, ou d'autres qui touchent à des aspects de sa personnalité qui semblent poser des problèmes permanents (sexualité, relations aux autres, etc.). Il peut aussi décider de décrypter le langage corporel du client lors de son récit. Insister sur les différences entre ce langage et le contenu du récit permettra alors au client de réaliser la façon dont il trahit ses émotions tout en ne croyant pas les ressentir. Des sujets qui ont des difficultés à raconter leurs rêves peuvent se montrer plus actifs si on les prie d'en visualiser l'un des personnages et d'amorcer un dialogue avec lui. D'autres apporteront des images oniriques représentant àl'évidence le groupe ou le thérapeute, qui pourra ainsi les inciter à faire apparaître au grand jour les sentiments de menace qu'ils éprouvent dès qu'ils se sentent observés, ou le transfert sur le thérapeute auquel ils sont en train de se livrer.
Le travail sur le rêve déclenche souvent de soudaines prises de conscience, parfois sous la forme d'éclairs que Perla appelait des "mini-satori" et dont il faisait grand cas. Qu'elle soit lente ou rapide, la prise de conscience doit être vécue et ne doit donc pas s'appliquer au pourqoi mais au comment. "Si vous comprenez comment vous vous identifiez dans chaque élément du rêve, écrivait Perls, vous traduisez l'impersonnel par le Je et augmentez votre vitalité et votre potentiel." Ce qui devrait constituer, selon lui, le but ultime de toute thérapie.
TRAVAILLER SUR SES REVES PAR SOI-MEME
Pour analyser soi-même ses rêves, il faut en écrire le récit détaillé. Chaque personnage, détail, élément, sentiment ou humeur dont on se souvient doivent être inscrits noir sur blanc. Puis, préconisait Perls, "travaillez-les et transformez-vous en chacun de ces différents éléments. Devenez vraiment cette chose, quelle qu'elle soit dans le rêve. Utilisez votre imagination. Devenez cette grenouille hideuse, la chose vivante, la chose morte, le démon, et cessez de penser. Quittez votre intellect et rejoignez vos sens. Chaque petit morceau fait partie du puzzle qui, assemblé, fera un tout plus vaste, une personnalité plus forte, plus heureuse. Une personnalité plus complètement réelle." La phase suivante consiste à établir, comme on écrit un script, un dialogue entre les éléments opposés ou contradictoires du rêve. On s'aperçoit alors qu'ils semblent avoir attendu cette occasion de se battre entre eux. Il faut les laisser faire, jouant chaque membre du conflit comme s'il était un personnage à part entière. Ce qu'il est en un sens, puisque ce jeu reproduit l'éternel dialogue intérieur entre les aspects contraires de la personnalité projetés dans les différents éléments du rêve. Cette lutte enfin mise à jour par un dialogue dévoile le sens profond du rêve et apporte un éclairage qui aboutit à une intégration des forces divergentes mais constitutives de l'individualité. Alors, concluait Perls, "la guerre civile est terminée et votre énergie est prête pour votre lutte avec le monde".
"GRAND CHEF" ET "SOUS-FIFRE"
Le dialogue que le sujet instaure entre les différents éléments de son rêve conduit généralement à mettre en évidence deux "personnages" oniriques qui, sous les formes les plus diverses, représentent les pôles opposés de sa personnalité. "Le Grand Chef ("Topdog"), écrivait Perls, manipule avec des ordres, des menaces de catastrophe, tels que "si vous ne faites pas cela vous ne serez plus aimés, vous n'irez pas au ciel, vous mourrez". Le Sous-Fifre manipule en étant défensif, c'est celui qui s'excuse, implore, joue au bébé pleurnichard." Leur lutte incessante pour le contrôle entraîne l'individu à vivre sur deux niveaux d'existence, celui de son comportement dans la réalité et celui de sa pensée, de son "cinéma privé". Le travail sur le rêve contribue à rendre manifeste ce conflit intérieur. Permettant au Sous-Fifre de se dresser contre le Grand Chef et de faire valoir ses besoins, ses désirs et ses droits, il montre ainsi la capacité curative et intégratrice du rêve.
CAUCHEMARS ET REVES REPETITIFS
Freud reliait les rêves qui reviennent à l'instinct de mort et de pétrification. Les gestaltistes les considèrent comme bien plus importants et significatifs. Selon Perls, "si quelque chose revient sans cesse, cela veut dire que la gestalt n'a pas été achevée et par conséquent ne peut se retirer à l'arrière plan. De sorte qu'il y a une tentative de devenir vivant, d'arriver à étreindre les choses. Les rêves qui se répètent sont souvent des cauchemars. C'est à nouveau le contraire de Freud qui pensait que les rêves sont des pensées qui veulent se réaliser. Dans les cauchemars vous trouvez toujours comment vous vous frustrez vous-même."
UNE VISION POSITIVE
L'approche gestaltiste offre du rêve une image avantageuse. L'identification n'est pas toujours un processus négatif. Rêver d'être emporté par un torrent furieux devient plus rassurant si l'on se dit être aussi la puissance qui se cache derrière les flots impétueux. Voir dans le rêve l'opposition de forces présentes en soi-même plutôt qu'entre soi et un monde menaçant donne de l'individu une image plus active, responsable et créatrice. Sa parenté avec les différents aspects de son rêve lui apporte la satisfaction de se sentir riche en potentiel et en diversité. Au lieu de l'image stagnante d'un pauvre rêveur confronté à des désirs refoulés, ressentis en quelque sorte comme extérieurs à lui, le rêve conçu ainsi apporte toute la richesse d'une image de soi-même ne demandant qu'à être réconciliée avec les nombreuses facettes d'une personnalité acceptée comme multiple.
L'OUBLI DES REVES
L'incapacité à se souvenir des rêves représente pour la Gestalt-thérapie un refus de faire face à l'existence, généralement motivé par une crainte de voir apparaître des aspects de soi-même considéré comme désagréables ou négatifs. En termes gestaltistes, le Grand Chef a écrasé le Sous-Fifre. Le travail consistera à inviter le sujet à un dialogue avec ses rêves absents. "Rêves, où êtes-vous ?" devra-t-il se demander. Paradoxalement, celui qui analyse trop ses rêves est aussi considéré par les gestaltistes comme quelqu'un ayant tendance à éviter ses responsabilités. L'un comme l'autre bénéficieront de la présence des membres du groupe de thérapie, qui leur montreront qu'il est possible de se dévoiler sans devenir victime. Cette prise de conscience conduit souvent à un retour du souvenir des rêves en cours de thérapie.
Fritz PerlsNé à Berlin en 1893 de parents juifs en conflit permanent entre eux, méprisé par son père, Friedrich Perls vécut une adolescence marquée par la révolte. Volontaire de la Croix-Rouge dans les tranchées, il devint neuro-psychiatre en 1920. Il suivit de 1926 à 1933 plusieurs analyses successives et plus ou moins avortées, dont la dernière avec Wilhelm Reich.
Fuyant l'Allemagne nazie en 1933, il s'installa comme psychanalyste en Afrique du Sud avec son épouse, avec qui il eut deux enfants qu'il négligea totalement par la suite. Il mena pendant quelques années une vie bourgeoise et mondaine.
Sa remise en question des doctrines freudiennes le conduisit à tout abandonner et à émigrer aux Etats Unis en 1946. Il connut alors une existence marginale, fréquentant les milieux gauchistes et les artistes de la Beat Generation. S'inspirant de leur refus des limites imposées par la société, il mit au point sa propre démarche thérapeutique, qu'il baptisa en 1951 "Gestalt-thérapie".
Son approche basée sur une thérapie de groupe et la prise de conscience active séduisit de nombreux psychologues. Plusieurs centres de gestalt-thérapie furent créés, Perls fut invité à donner des séminaires dans tout le pays. Il se fixa finalement à Big Sur, en Californie, où il anima pendant plusieurs années des séminaires de thérapie au célèbre "Centre de Perfectionnement de Soi-même" d'Esalen. Réalisées en public, ses séances de travail sur les rêves contribuèrent à faire de lui l'une des figures emblématiques de la contre-culture américaine de l'époque. Après avoir fondé un "Gestalt-kibboutz" au Canada, Perls mourut en 1970. Personnage extrême, contradictoire et provocateur, Perls fut l'exemple vivant de cette Gestalt en perpétuel mouvement qui, selon lui, conduit les êtres humains à accepter leur limites tout en cherchant toujours à les repousser.
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