"Tu m'as fait rêver et m'as rendu à la vie" (Isaïe, 38:17).
DES REVES PROPHETIQUES
Dieu parle en rêve aux humains, aux Elus, aux prophètes. Tous les rêves mentionnés dans l'Ancien Testament viennent de lui. Tous annoncent sa volonté ou les événements qui en découleront. Le rêveur sert d'intermédiaire à des messages souvent transmis par des anges et destinés en grande majorité au peuple tout entier. Leur origine et leur sens sont évidents (rêves théorèmatiques, dirait Artémidore). Les rêves allégoriques sont rares. Ils sont immédiatement clarifiés par une vision ou une apparition. Les rêves qui échappent à cette règle et nécessitent une élucidation sont, à une seule exception près (voir ci-contre), faits par les rois païens Pharaon et Nabuchodonosor. Et Joseph et Daniel les proclament inspirés par Dieu, tout comme les interprétations qui leur valent honneurs et richesses (Genèse 41:16 et 25, Daniel 2 et 4).
Dans ce contexte prophétique, rien ne distingue vraiment les rêves des visions et il est difficile de définir une conception biblique spécifique à l'onirisme. Les rêves indiqués comme tels appartiennent à trois catégories : ils encouragent ou désignent un élu, ordonnent ou avertissent et, dans quelques cas seulement, apportent une prémonition. L'opinion quant à leur valeur évolue.
Nombreux et importants, les songes des trois premiers livres accompagnent la création et l'alliance. Dès le quatrième, Dieu fait remarquer que s'il continuera à parler dans leurs rêves aux prophètes, c'est "bouche à bouche" qu'il s'adresse à Moïse, le transmetteur de la loi (Nombres 12:6). Le Deutéronome commence la longue série d'accusations contre les faux prophètes qui prétendent leurs rêves envoyés par d'autres dieux. L'onirisme est peu à peu déprécié. Les espoirs vains des ennemis d'Israël sont comparés aux rêves frustrants de l'affamé (Isaïe 29:8). L'assimilation des coutumes païennes par son peuple exilé provoque la colère de Dieu. Condamnant l'incubation, il le prévient de ne pas écouter les songes, de ne pas chercher à les provoquer (Jérémie 29:8), il critique ceux qui "passent la nuit dans des cavernes" (Isaïe 65:4). L'Ancien Testament ne ferme cependant jamais définitivement la porte aux rêves. Même aux moments où Dieu abandonne son peuple, il continue à parler dans les rêves de certains. Les multiples rejets de la divination ne mentionnent jamais l'oniromancie. L'Ecclésiaste relie vanités, tracas et multitude des songes (5:2 et 6), mais Job réaffirme que "Dieu parle dans le rêve" et "ouvre alors les oreilles des hommes" (33:14 et 16). Et Joël, semblant ignorer que la faculté de rêver diminue avec l'âge, affirme qu'au jour de l'accomplissement les "vieillards auront des songes et les jeunes gens des visions" (Joël 2:28).
L'EPEE DE GEDEON
La Bible ne contient qu'un seul rêve symbolique expliqué par un humain sans le secours divin. A la veille du combat, le libérateur Gédéon se glisse dans le camp ennemi et entend un soldat raconter : "J'ai eu un songe; et voici, un gâteau de pain d'orge roulait dans le camp de Madian, il est venu heurter jusqu'à la tente, et elle est tombée. Il l'a retournée sens dessus dessous, et elle a été renversée. Son camarade répondit : ce n'est pas autre chose que l'épée de Gédéon. Dieu a livré entre ses mains Madian et tout son camp." (Juges 7:13) Bien qu'immédiate, l'explication ne paraît pas évidente hors du contexte judaïque. Elle fait appel à un symbole simple : le pain d'orge représente Israël sédentarisé. A un niveau plus élaboré elle illustre la complexité de l'hébreu, qui va donner sa richesse àl'interprétation juive des rêves (cf page suivante). Elle rassure en tout cas Gédéon, et lui suggère une ruse qui donnera la victoire. Aussi ordinaire soit-il, le rêve biblique est toujours prophétique.
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