L'Envoyé de Dieu, entre autres choses qu'il faisait souvent, disait le matin à ses compagnons : "L'un de vous a-t-il vu quelque chose en songe ?" Hadith d'ibn Djomdob.
Abou Horeira raconte que le Prophète a dit : "Pendant que je dormais on m'a apporté les clés des trésors de la terre et on les a déposés devant moi".
LES RÊVES DU PROPHÈTE
Les mystérieuses lettres qui précèdent certains passages du Coran ne sont pas des signes cabalistiques. Selon la Sira, récit de la vie du Prophète, elles témoignent des rêves imprécis, "peuplés de sensations sonores et lumineuses", que Mohammed eut pendant plusieurs mois avant de recevoir le message divin. La véritable transmission commença par un rêve que raconte la Sourate 96 du Coran, première dans l'ordre chronologique. Un ange brandissant une étoffe lui ordonnait d'en lire les inscriptions. "Mais je ne sais pas lire !" s'exclama Mohammed. L'ange le saisit à bras le corps et le força à lire. A son réveil, l'ange lui expliqua sa mission : "Tu es l'Envoyé de Dieu et je suis Gabriel. Lis !".
Influence du désert où l'Esprit souffle libre ? Fidèle à la tradition biblique et aux croyances du monde arabe pré-islamique, le Coran ("lecture") semble considérer les rêves, les visions et les apparitions comme des moyens d'égale valeur pour annoncer la prophétie. La Sira et les Hadiths qui rapportent les paroles du Prophète donnent à l'onirisme un rôle plus ambigu. Si les rêves permirent de prédire l'expansion de la peste hors des murs de Médine, ou de proclamer l'importance de la science, ils remplirent parfois des desseins moins célestes. Mohammed les utilisa ainsi pour expliquer sa préférence pour son disciple Omar, ou se justifier d'avoir épousé la très jeune Aïcha qui sema tant de trouble dans sa maison. Et comme pour annoncer en même temps la fin des révélations divines et l'utilisation ultérieure et largement politique du rêve prémonitoire par les souverains islamiques, peu avant sa mort le Prophète déclara : "Des signes annonçant la prophétie il ne subsite que le rêve. Le musulman le voit ou on le voit pour lui."
HADITHS SUR LE RÊVE
Abou Horeirah raconte que le Prophète a dit : "Le bon songe vient de Dieu et le mauvais rêve, du diable. Celui qui voit en songe quelque chose qui lui déplaît devra le taire à tous, cracher à sa gauche, se réfugier auprès de Dieu contre l'horreur de sa vision. Alors ce songe ne lui sera pas funeste. Lorsque l'un de vous voit un rêve qui lui plaît, il devrait remercier Dieu et raconter son rêve."
Wathilah ibn Asqua'a raconte que le Prophète a dit : "Voici les pires mensonges : revendiquer une paternité fausse, m'attribuer des paroles que je n'ai pas prononcées, et raconter un faux rêve."
L'APPEL A LA PRIÈRE INSPIRE PAR UN RÊVE
En ce temps-là les Croyants hésitaient, pour appeler les fidèles à la prière, entre allumer un feu, utiliser la crécelle des chrétiens ou la trompette des juifs. Abdallâh ben Zaid vint voir le Prophète. "J'ai vu cette nuit en songe un homme qui m'a dit : - Ne voudrais-tu pas que je te montre mieux ? - Quoi ? - Tu diras, répondit-il "Allahu Akbar...". Ayant entendu cela, le Prophète s'exclama : "C'est un songe véridique. Si Dieu veut, ainsi ferons-nous". Hadith d'ibn Hisam.
L'ISTIKHARA
Mohammed et ses disciples condamnaient l'utilisation thérapeutique du rêve, ou incubation. Cependant, plutôt que de s'opposer à cette pratique très répandue dans le monde méditerranéen, l'islam s'efforça de lui donner un cadre. Il la limita à l'Istikhara, appel au rêve enseigné par le Prophète comme moyen de soumettre à Dieu un problème que l'on ne sait résoudre. Après avoir inscrit la question sur sa paume gauche et proféré quelques formules incompréhensibles, on s'endormait, parfois dans la mosquée, avec la main sous la joue droite. Si le rêve apportait plusieurs réponses, on les soumettait dès le réveil à un tirage au sort.
"Dieu reçoit les âmes à l'heure du trépas, et celles des vivants au cours de leur sommeil." Coran 39:42
LE RÊVE VU PAR L'ISLAM
"Les rêves se divisent en trois catégories. Ceux qui se rapportent à des souvenirs personnels, ceux qui sont embûches de Satan, ceux qui annoncent une bonne nouvelle émanant de Dieu", dit le Prophète (Hadith d'Abou Horeira). Très vite, sous l'influence des textes grecs qu'ils traduisaient, les penseurs musulmans envisagèrent l'onirisme dans le contexte d'un débat sur la nature de l'âme. La pensée naît-elle des perceptions, ou les Idées existent-elles en dehors de toute manifestation ? Le rêve permet-il aux humains de communiquer avec la part divine d'eux-mêmes, ou constitue-t-il un moyen privilégié de la pénétration des Idées dans leur âme libérée des sens par le sommeil ?
Dans les deux cas, s'accorde à estimer la pensée musulmane, il fournit un critère de valeur spirituelle. Avicenne écrivait vers l'an mille : "Dans le sommeil, l'âme est soumise à l'imagination. Si l'âme est faible, elle est dominée. Si elle est vigoureuse, elle se pare de l'éclat des substances spirituelles. Quand l'imagination est au repos, le rêve est exactement ce qui est vu. Si l'union de l'âme au monde supérieur est faible, l'imagination prend le dessus, transforme l'état de la chose vue et la remplace par une autre. Pour un tel rêve il faut une interprétation, qui consiste à se demander : qu'ai-je pu voir du monde invisible pour que, de ce que j'ai vu, l'imagination soit passée à autre chose ?"
Le soufisme apporta à ces idées une perspective mystique. Les images vues en rêve appartiennent au monde intermédiaire des représentations. Elles rendent palpable le domaine spirituel des idées pures et spiritualisent le monde physique. Le rêveur voit, derrière les objets, les symboles qui permettent au mystique d'accéder jusqu'à Dieu. Ces conceptions résolument spiritualistes de l'onirisme permirent à la pensée musulmane d'intégrer les influences aussi bien persanes et orientales, imprégnées de poésie, que turques, encore marquées du chamanisme mongol pour qui le rêveur visitait des mondes étrangers inaccessibles à la pensée.
LA CLÉ DES SONGES D'IBN SIRIN (634-728)
La plus ancienne et plus célèbre clé des songes arabe montre l'importance de la religion dans la vie quotidienne des premiers musulmans. Plusieurs chapitres sont destinés au rêveur qui a vu Dieu, les anges, les prophètes, les lieux saints, ou qui a lu les sourates du Coran, dont de nombreuses interprétations sont par ailleurs déduites. L'oeuf représente la femme car il est écrit : "elles sont comparables à des oeufs cachés" (37:49). Cette clé est aussi caractéristique de la culture arabe. Elle traite sans fausse pudeur les sujets sexuels. Les anecdotes et jeux de mots l'émaillent. Ainsi, apprend-on, "la morve représente le fils, car ne dit-on pas : il est le portrait craché de son père ?" Quant à l'universalité des symboles, une brève comparaison avec la clé d'Almoli (page /?/) permettra d'en juger. Pour ibn Sirin, la tête représente le maître du rêveur, les épaules sa femme, le bras annonce des bienfaits, car on dit avoir le bras long. Et l'interprétation des mains diffèrera "suivant qu'elles concernent le rêveur ou font allusion à l'au-delà".
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