Cassinelli/Barral
Rêver sur la persistance
Comme les éventails d’Horacio Cassinelli et les papiers froissés de Jacquie Barral se marient délicatement bien sur les murs de la Galerie Schumm-Braunstein ! Combien ils convoquent nos regards à se déciller tant la charge de leurs contenus activent notre imaginaire !
Si comme l’écrivait André Virel, "le trou est le symbole du symbole", on pourrait dire que les paisibles éventails peints joliment disposés d’Horacio Cassinelli qui bordent en fait une béance, sont autant de pièces d’un puzzle géant dont le morceau principal est manquant. Jean Baudrillard écrivait que dans toute image il manque quelque chose. Horacio Cassinelli met en scène ce manque. À nous de reconstituer le tout à partir des indices peints sur les éventails. Le plus immédiat du regard qui hésite, serait d’y voir des paysages à l’encre comme les aurait fait Hokusai. Mais bien vite on comprend que ce jeu de piste nous égare et qu’il s’agit d’y regarder de plus près pour voir autrement. Dans ce morcellement originel qu’est l’assemblage de ces éventails, un indice pourtant va nous donner la clé. Euréka, l’intégration se fait et l’image va apparaître dans sa totalité. Mais pour cela il nous aura fallu nous débarrasser de ce que nous savions pour nous rendre disponible à l’inattendu. Osons être des Alice qui regardent par le trou de la serrure pour y découvrir les merveilles de son jardin !
Les papiers froissés peints et photographiés de Jacquie Barral, tels des Kleenex jetés à terre comme autant de traces d’un passage, ou comme des messages dont le contenu reste à découvrir, nous ouvrent des mondes insoupçonnés. Comme les pierres de Rosette qui affleurent dans les déserts de sable et témoignent de la longue usure du temps, les papiers froissés évoquent les arêtes de la dureté d’un silex, mais en même temps dans le plissage nous pressentons la promesse d’un espace-temps comprimé. Et parfois dans un subtil mélange d’ombres de gris, ils peuvent apparaître avec tout l’éclat d’un diamant.
Des mondes disparus ou que l’on ne sait plus voir comme enfouis dans notre imaginaire collectif, Jacquie Barral, elle qui a rêvé être architecte, nous délivre ses temples intérieurs, subtils mélanges des mastabas égyptiens ou des pyramides incas. Mais modestement, elle s’est attachée à reconstituer les Mammisis (à la fois maman et Isis), petits temples des déesses-mères qui attendent sous le sable, que le vent ou un archéologue les fassent peut-être apparaître. "Rêver sur la persistance", une exposition qui convoque notre imaginaire, nous engage à voir avec notre 3ème œil ou notre 6ème sens pour en sortir enrichi.
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