lundi 17 janvier 2011

Rêves de Geneviève



premier rêve de Geneviève
L’inconnue

Geneviève succombait au sommeil de Lali comme elle eût succombé à ses caresses, elle se disait, le front contre la joue de Lali, que communiant de si près à son sommeil elle pourrait pénétrer le secret de ses rêves, mais si elle se mit aussitôt à rêver, ce ne fut que pour elle-même, car notre sommeil est inexplicablement seul, même à deux, et si Lali remplissait tout l’espace du rêve de Geneviève, car elle était là partout, il n’y avait qu’elle souriante, moqueuse, si éclatante que Geneviève n’existait plus, Geneviève, elle, n’était présente en elle-même que comme le poids de ses propres sentiments ambigus envers Lali, c’est-à-dire qu’elle était de trop : Lali courait avec ses amies dans un verger au printemps, elle déjeunait avec elles sous les arbres en fleurs et quand Geneviève l’approchait en disant : « Te souviens-tu de moi? C’est moi, Geneviève... », Lali la regardait longuement avec une douce insolence et répondait en souriant : «  Hello, who are you? » Geneviève se réveillait auprès de Lali qui dormait encore, frémissant à peine dans son sommeil [ ...].

Marie-Claire Blais
Les nuits de l’Underground
Québec   1978 Genre de texte
roman
Contexte
Ce récit de rêve se trouve au milieu du chapitre 1. Geneviève, une jeune sculptrice, tombe amoureuse de Lali, femme distante et insaisissable, meurtrie par une enfance difficile et une récente rupture amoureuse.
Édition originale
Les nuits de l’Underground, Montréal, Stanké, 1978, p. 91-92..



Le deuxième rêve de Geneviève
Les portes peintes de sang

Il y avait aussi tous les rêves, tous les rêves auxquels Lali, sans le savoir, avait été mêlée, et dans l’un d’eux, Geneviève s’éveillait un matin aux côtés de Lali, dans une ville qui, dans le rêve, évoquait Jérusalem, elles s’éveillaient sous des voûtes de pierre qui laissaient entrevoir un ciel si bleu qu’une telle douceur, si près de soi, avait un aspect inquiétant : «Look, avait dit Lali, it is so beautiful here, that I am afraid!» En marchant dans la ville qui semblait abandonnée, elles avaient rencontré des soldats d’une autre époque qui peignaient de signaux rouges les portes de chacune de ces maisons en apparence inhabitées : «It is so quiet, avait dit Lali, I am afraid, demandons-leur pourquoi tout ce red peint, it is too quiet, where is the people?» L’un des soldats dit que c’était une coutume dans la ville de peindre ainsi chaque année les portes des maisons : «But, why? demandait Lali, why this paint is the colour of the blood?» Et l’homme avait répondu : «You see, Lali, it is blood, we paint with your blood each year pour célébrer le massacre des saints Innocents.» Geneviève n’avait-elle pas été secouée hors de son rêve, cette nuit-là, par Lali courant à la fenêtre [ ...]

Marie-Claire Blais
Les nuits de l’Underground
Québec   1978 Genre de texte
roman
Contexte
Ce rêve se situe vers la fin du premier chapitre. Geneviève, une jeune sculptrice, se remémore des moments de sa relation amoureuse avec Lali, une femme distante et insaisissable qui hante toujours ses pensées. Lali a connu la guerre dans sa jeunesse, mais la narratrice ne connaît ni ses origines ni sa religion.
Notes
Le massacre des saints Innocents : Évangile selon Mathieu (II, 16). Sous les ordres du roi Hérode, des enfants juifs sont mis à morts. Cet évènement est souligné le 28 décembre.
Édition originale
Les nuits de l’Underground, Montréal, Stanké, 1978, p. 132-133..


Le troisième rêve de Geneviève
La sérénité

Geneviève rencontrait même Lali et l’enfant dans ses rêves : dans l’un d’eux, Lali venait vers elle, ramant sur une rivière calme entourée d’arbres, et, au devant de sa chaloupe, Eric était représenté par un agneau blanc endormi au soleil. Ce rêve était d’une inspiration si sereine que Geneviève éprouvait en se réveillant qu’elle verrait Lali ainsi un jour, ramant avec ce sourire apaisé sur des eaux qui ne seraient plus celles de la tempête. Ce rêve s’évanouissait lorsque Geneviève retrouvait Lali dans le monde réel [ ...].

Marie-Claire Blais
Les nuits de l’Underground
Québec   1978 Genre de texte
roman
Contexte
Ce récit de rêve se trouve vers la fin du chapitre 1. Geneviève, une jeune sculptrice, souffre de voir Lali, avec qui elle a rompu récemment, être si heureuse avec Eric, le fils d’une amie, qui rappelle à Lali son jeune frère.
Édition originale
Les nuits de l’Underground, Montréal, Stanké, 1978, p. 154.

Le quatrième rêve de Geneviève
Le corbeau blanc

Geneviève tombait seule dans le sommeil et rêvait à un oiseau aux ailes immenses qui envahissait soudain la chambre : elle savait que l’oiseau était là, mais ne pouvait le voir, elle entendait la voix de Françoise qui la suppliait de le retrouver, car disait-elle, «l’oiseau était d’une espèce rare, on l’appelait le corbeau blanc», le songe se terminait sur cet avertissement : «Si on ne retrouve pas le corbeau blanc, je vais mourir...» Pendant que Geneviève faisait ce rêve, un sourd gémissement venait du salon, et soudain Geneviève comprenait que Françoise, par courage, lui avait menti, car elle avait refusé de partager avec elle ce qu’elle avait de plus mortifiant et mortifié, la souffrance de son corps, quand elle n’avait eu aucune pudeur à en partager les plaisirs.

Marie-Claire Blais
Les nuits de l’Underground
Québec   1978 Genre de texte
roman
Contexte
Ce rêve se trouve vers le milieu du troisième chapitre. Geneviève, une jeune sculptrice en voyage à Paris, fait la rencontre de Françoise, une femme plus âgée avec qui elle développe une relation amoureuse.
Édition originale
Les nuits de l’Underground, Montréal, Stanké, 1978, p. 237-238.


Le cinquième rêve de Geneviève
L’imperméable vert

Dans ces rêves, Geneviève attendait Françoise dans des gares désertes, ou bien elle se retrouvait en quelque pays nordique, poursuivant le fantôme de Françoise vêtue de son imperméable vert, comme elle l’avait aperçue, pour la dernière fois, s’enfuyant dans le brouillard du matin.

Marie-Claire Blais
Les nuits de l’Underground
Québec   1978 Genre de texte
roman
Contexte
Ce rêve se trouve vers la fin du troisième chapitre. Geneviève, une jeune sculptrice en voyage à Paris, fait la rencontre de Françoise, une femme plus âgée avec qui elle développe une relation amoureuse. De retour chez elle, au Québec, Geneviève s’inquiète de la santé de Françoise qui doit subir une opération délicate.
Édition originale
Les nuits de l’Underground, Montréal, Stanké, 1978, p. 255-256.




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