Le sombre pouvoir de son amant
Dans un rêve qui la tourmentait parfois, Germaine Léonard retrouvait Pierre Olivier tel qu’il était dans ses bras quand ils s’enlaçaient ainsi près du feu, mais une ombre menaçait ce rêve de vive allégresse, c’était une autre silhouette de Pierre qui hantait ce paysage voluptueux, celle d’un homme vêtu de sa blouse blanche de médecin qui accusait Germaine Léonard d’avoir perdu un document important pour leurs recherches et qui exerçait toujours un mystérieux pouvoir sur elle; même si elle émergeait de ce rêve pour trouver Pierre qui dormait paisiblement à ses côtés, elle était si contrariée par ces images de ses songes qu’elle débordait déjà d’animosité contre son amant. Ce rêve lui semblait presque prophétique quand, pendant leur promenade, l’après-midi, confiant à Pierre son « immense espoir pour l’avenir », elle remarquait avec quelle insolence il s’opposait à ses idées, les cheveux au vent, les mains dans les poches, il accentuait ses paroles d’une démarche souple, énergique et Germaine Léonard, qui marchait derrière lui dans une lassitude irritée, tremblait en l’écoutant [...].
Marie-Claire Blais
Les apparences
Québec 1991 Genre de texte roman
Contexte
Ce rêve se situe vers le deuxième tiers du deuxième chapitre.Germaine Léonard vit une relation adultère avec Pierre Olivier. Les rapports amoureux qu’ils entretiennent, fondés sur un idéal de l’exaltation intellectuelle sont parfois orageux : ils ne partagent pas la même vision du monde. Germaine, qui croit en l’utopie d’un idéal humanitaire, reproche à Pierre ses réflexions pessimistes, son obsession de la mort.
Notes
Germaine Léonard : médecin et chercheur, maîtresse de Pierre Olivier.Pierre-Olivier : médecin et chercheur, marié et père de famille, amant de Germaine Léonard.
Texte témoin
Manuscrits de Pauline Archange, suivi de Vivre! Vivre! et de Les apparences, Québec, Boréal, 1991, p. 256.
Édition originale
Les apparences, Montréal, Editions du Jour, 1970
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