mercredi 23 mars 2011

Cauchemar


Le mot cauchemar est un terme générique utilisé de façon variable pour désigner des manifestations anxieuses et angoissantes survenant pendant le sommeil.

Étymologie

Française

Cauchemar dérive de cauquemaire, utilisé au XVe siècle. Il est formé de caucher et de mare
  • Caucher dérive de cauchier (presser), qui est un probable croisement entre l'ancien français chauchier (fouler, presser) XIIe siècle, le latin calcare (talonner, fouler aux pieds), et la forme picarde cauquer
  • Mare provient du mot picard mare, emprunté au moyen néerlandais mare (fantôme), avec le même sens en allemand et en anglais. La mara ou mare est un type de spectre femelle malveillant dans le folklore scandinave.
Cauchemar a eu une orthographe différente en fonction des localités et des époques : cochemare 1694, cochemar 1718, cauchemare, cauquemare (Picardie), cauquevieille (Lyon), chauchi-vieilli (Isère), chauche-vieille (Rhône), chaouche-vielio (Languedoc), cauquemare, quauquemaire (sorcière), cochemar.
La définition et les caractéristiques communes du cauchemar, en fonction des sources et des époques est celle d'une oppression sur la poitrine ou l'estomac, pendant le sommeil, et parfois, par extension, un rêve pénible ou effrayant. Les caractères divergents et l'attribution des causes du cauchemar sont étudiés plus bas.

Incubus

En latin, il n'existe pas de terme pour désigner le cauchemar. Par contre, il existe le terme incubus qui se traduit par couché sur. Le mot incube apparaît vers 1372 (selon Bloch et Wartburg Dictionnaire étymologique de la langue française - Paris 1932).
Le terme incube est à l'origine utilisé spécialement par le monde ecclésiastique. Il désigne un démon de sexe masculin qui a des relations sexuelles avec les femmes endormies. Cette notion est en rapport direct avec Genèse VI, 1-14, dont Saint Augustin a fait un commentaire dans La Cité de Dieu. Ce commentaire a d'ailleurs été repris pendant l'inquisition par Henri Institoris et Jacques Sprenger dans le Malleus Maleficarum, traité d'Inquisition en 1486. Ce thème de l'enfantement à partir des anges ou des démons n'est pas le seul : il en est question dans Le livre d'Enoch - chapître 7, dans l'ouvrage de Balthazar Bekker en 1694. L'incube a une connotation sexuelle très forte. Mais le produit de ces unions est tout aussi important.
Des considérations théologiques, le terme incube est passé dans le domaine médical progressivement, pour désigner le cauchemar :
« CAUCHEMAR. s. m. Nom que donne le peuple à une certaine maladie ou oppression d'estomac, qui fait croire à ceux qui dorment que quelqu'un est couché sur eux : ce que les ignorans croyent estre causé par le malin Esprit. En Latin Incubus, Ephialtis en Grec. In Dictionnaire Furetière édition 1690. »
Et encore Martín Antonio Delrío au XVe siècle, en parlant des incubes, succubes et démons :
« L'oppression toutefois, et quasi-suffocation ne provient pas toujours de la part de ces démons, aussi bien souvent d'une espèce de maladie mélancolique que les Flamands appellent Mare, les Français Coquemare et les Grecs Ephialtes, lorsque le malade a opinion d'un pesant fardeau sur la poitrine, ou d'un Démon qui veut faire force à sa pudicité. »
De même pour Ambroise Paré.C'est Dubosquet Louis en 1815 qui va s'attacher, dans sa thèse de médecine, à faire remplacer le terme incubus par cauchemar, et à sa suite, les dictionnaires de médecine utiliseront cauchemar

 Éphialtès

Hippocrate employait le terme Éphialtès (du grec : se jeter , sur) pour désigner le cauchemar. C'est lui qui décrit le premier les manifestations du cauchemar. Ce terme est désigné dans le sens d'une description médicale plutôt que dans celle d'une superstition. Il sera repris plus tard par le médecin Oribase (IVe siècle), par Macrobe (400), par Caelius Aurélianus, puis le médecin Aétius (Ve siècle) et Paul d'Égine. Les descriptions du cauchemar par les Grecs ne sont que des traductions de ce qui a été décrit sous le terme Éphialtès. Il est abandonné en France au Moyen Âge, bien que, curieusement, François Boissier de Sauvages de Lacroix, médecin et botaniste français né le 12 mai 1706, utilise le terme Éphialtès pour désigner le cauchemar. Ce terme restera par contre dans la littérature germanique jusqu'à la fin du XIXe siècle
L'étymologie d'Éphialtès est donc se jeter, sur. Mais à la différence d'incubus, elle exprime plus l'agression violente. Ceci est d'ailleurs conforme à la mythologie grecque.
Il existe deux Géants du nom d'Éphialtès :
  • celui de 1re génération : Éphialtès fils de Gaïa. Robert Graves raconte que pour venir à bout des Géants, il existe une plante nommée ephialtion (qu'aucun mythographe ne cite) qui est un spécifique des cauchemars. Dans la légende de la mort de Porphyrion et de Pallas, deux autres Géants de première génération, c'est toujours Héraclès, qui donne le coup fatal. Selon Graves, c'est donc Héraclès qu'on invoque lorsqu'on est en proie aux cauchemars érotiques qui vous surprennent à n'importe quelle heure de la journée.
  • celui appartenant aux Géants tardifs : Éphialtès fils de Poséidon, frère jumeau et aîné d'Otos. Toujours pour Robert Graves, les frères jumeaux, fils de "l'aire à battre le blé" par "celle qui donne la vigueur aux organes sexuels", personnifient les Incubes ou cauchemars érotiques qui étouffent les femmes et leur font outrage pendant leur sommeil.

Qu'est-ce qu'un cauchemar ?

Le cauchemar est un rêve à forte charge anxieuse qui survient pendant le sommeil paradoxal et qui se différencie des terreurs nocturnesqui surviennent pendant le sommeil lent profond.

Symptomatologie générale

L'objet de ce chapitre n'est pas de recenser l'ensemble des conceptions du cauchemar au cours de l'histoire, mais au contraire d'en dégager les points communs et les principales divergences. Et il existe bien un point commun à travers toutes les descriptions du cauchemar. Il s'agit des notions de suffocation, état lourd, poids lourd, serrement, oppression, forte pression. L'endroit du corps d'où originent ces sensations sont la poitrine et l'estomac.
Les auteurs sont : Thémison de Laodicée, Soranos Oribase IVe siècle, Aétius Ve siècle, Paul d'Egine, des médecins Arabes, Ambroise Paré, Schenck 1665, François Boissier de Sauvages de Lacroix fin XVIIIe siècle, Dubosquet Louis 1815, Macario 1857, Ernest Jones 1931, Guy Hanon 1987.
Des notions assez souvent retrouvées sont la perte de la parole, de la voix, impossibilité d'émettre un son. Mais aussi l'inverse : pousse des cris de terreurs, vocalisation.
Parmi les notions divergentes, deux sont à retenir, car elles sont encore sources de discussion :
  • les notions de paralysie et immobilité du corps (Aétius), sentiments d'impuissance (Macario), Ernest Jones.
  • les notions inverses : mouvements convulsifs (Boissier de Sauvages), somnambulisme avec Cullen 1712-1790, agitation avec Dubosquet, participation motrice avec Guy Hanon.
On retrouve des descriptions plus rares comme : asthme nocturne (Galien), dyspnée (Boissier de Sauvages), hallucinations avec Fodéré 1817, rêve pénible (Baillarger Jules).

 les causes

  • Pour Oribase et certains médecins arabes, le cauchemar est une forme nocturne d'épilepsie.
  • Pour Galien, il s'agit d'un asthme nocturne.
  • Pour Boissier de Sauvages, l'angoisse du cauchemar n'est que la conséquence d'un obstacle à la respiration, ceci générant l'idée d'un démon malfaisant ... Il recense six types de cauchemars : Ephialte pléthorique, Ephialte stomachique ou épilepsie nocturne dans lesquelles les craintes du jour reviennent la nuit, Ephialte causé par l'hydrocéphale, Ephialte vermineux, Ephialte tertianaria tient de l'incube et de l'épilepsie, Ephialte hypocondriaque .
  • Pour Dubosquet, il s'agit d'une maladie nerveuse.
  • Pour Baillarger Jules, le cauchemar est un rêve pénible.
  • Pour Auguste Motet 1867, il y a deux types de cauchemar : l'un en rapport avec la traduction des sensations corporelles de l'organisme pendant le sommeil en idées, l'autre en rapport avec l'exercice de la mémoire et de l'imagination.
  • Pour Ernest Jones, le cauchemar exprime un conflit psychique relatif à un désir incestueux.
  • Pour Michel Collée 1987, le cauchemar est en rapport avec une souffrance in-nomable d'une altérité que le désir suscite, une image qui signe l'inaccessibilité de la parole à en rendre compte.
  • Pour Guy Hanon 1987, le cauchemar est une attaque d'angoisse massive avec vocalisation.

XXe et XXIe siècles

Généralités

Comme le laisse suggérer l'historique des données médicales sur le cauchemar, la situation en 2006 est tout aussi floue sur la symptomatologie et l'origine des cauchemars.
  • Mauvais rêve
Dans le langage populaire, le cauchemar est un mauvais rêve Il en est de même au sein de la psychiatrie, notamment Jean-Michel Gaillard, docteur en médecine, spécialiste en psychiatrie, à Genève. Le DSM-IV dans sa classification des troubles du sommeil oppose le cauchemar aux terreurs nocturnes. Dans ce cadre, le cauchemar est bien loin des descriptions historiques et ne colle plus avec les descriptions initiales (suffocation, état lourd, poids lourd, serrement, oppression, forte pression). Il y a comme une nouvelle mutation de la définition du cauchemar.
  • Cauquemare
C'est la psychanalyse qui respecte le plus l'étymologie et les descriptions initiales du cauchemar. Les artistes aussi ont représenté le thème du cauchemar sous une forme assez proche.
  • Terreur nocturne et paralysie du sommeil
Surtout, actuellement, deux nouvelles entités se sont fait jour :
  • celle de terreur nocturne : la terreur nocturne est particulière du fait qu'elle est innomable. Le rêveur ne s'en souvient pas lors de son réveil. Elle ne semble pas s'intégrer dans une histoire et elle est plutôt faite de caractéristiques physiques telles que la transpiration, la tachycardie, difficultés à respirer, sensation de poids sur la poitrine, obnubilation, agitation, cris. Le retour à la conscience normale est plus ou moins long, et le rêveur peut se rendormir comme si de rien n'était.
  • celle de paralysie du sommeil : la paralysie du sommeil est définie comme étant un éveil (réel ou halluciné) pendant la période physiologique de paralysie du sommeil. Elle génère des symptômes d'angoisse, de peurs, du même ordre que ceux des terreurs nocturnes, mais il existe en plus des phénomènes hallucinatoires connexes non décrits dans les terreurs nocturnes (du fait de l'amnésie de ces dernières).
Ces deux entités ont, nous l'avons vu, un rapport certain avec le cauchemar. Mais ne peuvent, chacune séparément, définir le cauchemar dans son intégralité. Amédée Dechambre (médecin français, 1812-1886) a vu fort juste lorsqu'il a écrit : on donne une valeur nosologique à un symptôme arbitrairement distrait d'un ensemble fort variable de phénomènes morbides en parlant du cauchemar.
En conclusion, tout se passe comme si le cauchemar pouvait regrouper sous son terme des notions aussi différentes que mauvais rêve, terreurs nocturnes et paralysie du sommeil.

Les causes des cauchemars

  • Le syndrome de stress post-traumatique : la personne revit l'évènement traumatisant sous forme de reviviscences, dont elle n'arrive pas à se défaire.
  • Le sevrage ou la réduction de la consommation d'alcool ou de benzodiazépines
  • certains médicaments comme les hypnotiques, les bêta-bloquants.
  • Le stress résultant d'une situation identifiable de la vie actuelle du rêveur qui suscite également des angoisses dans la vie éveillé, comme des examens, la peur d'être puni, une faute commise, etc.
  • D'autres cauchemars apparaissent sans cause apparente et ne s'expliquent pas non plus pour le rêveur. Ils sont l'expression de conflits internes importants qui ont été refoulés, comme par exemple des désirs et besoins individuels et les obligations et devoirs imposés ou encore, les conflits entre des buts contradictoires entre lesquels l'individu n'arrive pas à choisir

La structure du cauchemar chez l'enfant

Il s’agit ici de considérer la structure de base du cauchemar chez l'enfant et d’en étudier ses quatre parties.
Il faut remarquer que même si certains constituants ne sont pas tous présents dans le cauchemar, ils se succèdent toujours ainsi, et s’ordonnent donc selon une structure hiérarchique : il est manifeste que la sphère d’action de l’agresseur est de plus en plus menaçante et lourde de conséquences, on parle alors de gradient d’intensité et la marge de manœuvre de la victime est de plus en plus réduite.
Si les neuf constituants n’apparaissent pas tous, c’est que bien souvent les cauchemars sont des récits lacunaires.Ces lacunes s’expliquent par des omissions (ou dégradations du souvenir) qui ont été refoulées, ou par des oublis tout simplement.
Généralement, les éléments initiaux et finaux sont conservés ce qui est explicable par la similitude entre différentes variantes, les séries (ou constituants intermédiaires) sont alors "effacées" ; on peut expliquer également l’absence de constituants par le fait que le sujet se réveille avant la fin.
Il faut également prendre en compte les actions défensives de la victime cherchant à contrecarrer les actions de l’agresseur.
Constituants initiaux du cauchemar
La première scène indique souvent comment victime et agresseur se rencontrent. Ce constituant est un constituant indispensable à l’intelligibilité du récit : irruption, approche, poursuite ou capture ?
  • L’agresseur fait irruption chez la victime : Il faut faire remarquer d’emblée que ce constituant peut être nuancé. Il peut y avoir un seul agresseur face à plusieurs victimes (généralement cela est dû à une dissociation du sujet en plusieurs personnes), voir plusieurs agresseurs face à une seule et même victime. Dans ce cas, l’agresseur est dissocié. Généralement, l’agresseur fait irruption dans un lieu connu de la victime (sa maison) ; ou alors, la victime entre directement dans le repaire de l’agresseur. L’agresseur peut faire irruption sous une forme déguisée afin de détourner l’attention de la victime ou d’endormir sa méfiance. Par ailleurs, autre subterfuge, l’agresseur peut se cacher pour mieux préparer sa mise en scène.
  • L’agresseur s’approche de la victime : En plus du fait que l’agresseur s’approche, il faut signaler la possibilité que la victime puisse chuter, ce qui facilite le jeu de l’agresseur. La chute symbolise généralement l’impuissance de la victime à pouvoir s’opposer à l’agresseur d’où la présence d’un obstacle favorisant la stratégie de l’agresseur.
  • L’agresseur poursuit la victime : Il est à faire remarquer que lorsque l’agresseur fait irruption, le constituant de la poursuite n’est presque jamais présent dans le récit.
Déplacements de la victime par l’agresseur
  • L’agresseur s’empare de la victime (ou d’un objet de valeur personnifié) : on peut indiquer que si le récit met en scène une capture de la victime par l’agresseur, il y a nécessairement une approche de l’agresseur. Généralement, et d’après diverses études, le motif de l’enlèvement se trouve dans les récits où l’agresseur a fait irruption chez la victime.
  • L’agresseur transporte la victime dans son repaire : il existe une variante assez répandue où la victime va sans le savoir dans le repaire même de l’agresseur : cela peut être une forêt, ou tout au moins dans un lieu sombre. Dans ce cas de figure, la victime s’expose de sa propre initiative au danger.
  • La victime se libère : pour que la victime se libère, il faut nécessairement qu’il y ait eu capture. Il peut intervenir un auxiliaire, mais, cela peut ne pas se concrétiser et la victime peut tenter de se libérer. Par ailleurs, il faut rechercher comment la victime arrive à se libérer, y a-t-il confrontation directe ou indirecte avec l’agresseur ? Y a-t-il emploi de ruse et donc, interventions discrètes ?
  • L’apparition d’auxiliaires : outre le fait qu’un auxiliaire peut aider l’agresseur, il joue un rôle mineur dans le déroulement du récit et généralement, son apparition est tardive : un auxiliaire intervient toujours après la capture ou une libération momentanée de la victime suite à une capture, une explicitation du danger : nœud fondamental du récit. Une personne secondaire apparaissant au début du récit sera soit considérée comme une autre victime, soit comme un autre agresseur : il faut nuancer toutefois ce propos dans la mesure où un auxiliaire jouant le rôle de victime peut devenir agresseur et vice et versa, ou encore un auxiliaire peut avoir une rôle neutre, soit qu’il ne répond pas à l’appel de la victime, soit qu’il ne soit pas en capacité de l’aider.
L’agresseur réduit la victime à l’impuissance
Cela peut passer par l’enfermement de la victime dans une cave, symbolisant la prison et donc la réduisant à l’impuissance. On peut également considérer cet enfermement comme un sévice mineur, mais plus forte que si l’agresseur impose à la victime de retirer ses habits (symbole de l’intégrité de la personne qui s’amenuise, mais cela est moins dévastateur que d’être emprisonné). Enfin, plus la victime est réduite à l’impuissance, plus elle sent augmenter sa détresse, ce qui intensifie corrélativement la tension du cauchemar.
Menaces / sévices / mise à mort
Le lieu où cela se produit est communément appelé la scène principale d’agression, cela ne désigne pas nécessairement le repaire de l’agresseur, car dans certains récits, l’agresseur ne transporte pas sa victime dans son repaire, et cela peut se dérouler au domicile de la victime. La portée symbolique de la scène d’agression est très symbolique lorsque le récit n’est pas trop lacunaire.
  • L’agresseur inflige des sévices à la victime : avant que l’agresseur mette à mort la victime, généralement, des menaces verbales sont proférées, voire plus grave l’agresseur exécute des tentatives de meurtre non achevées.
  • L’agresseur met à mort la victime : ce constituant est à nuancer. En effet, la mise à mort peut ne pas clore le récit et l’agresseur peut continuer en capturant une autre victime. On dit qu’il y a amplification dramatique du récit.

 

L'imaginaire du cauchemar

 Deux thèmes s'entremêlent de différentes façons autour de la notion de cauchemar : celui de la mort et celui de la chevauchée infernale. Ces deux thématiques, illustrées la plupart du temps par le sentiment d'oppression sur la poitrine, sont ressenties par le rêveur comme une association d'une angoisse extrême et d'un sentiment d'impuissance, à l'égard d'un Autre qui a pris le sujet comme "monture" : le rêveur est pris au piège par un destin qu'il ne contrôle plus, et qui est aux mains d'un Autre que lui.

La mara scandinave

On attribuait à la mara la capacité de se dématérialiser – d'être capable de passer par une serrure ou sous une porte – et elle s'asseyait sur le buste de sa victime endormie, provoquant ainsi ses cauchemars. Le poids de la mara pouvait aussi provoquer des difficultés à respirer, voire des suffocations.
On croyait également que la mara pouvait chevaucher, laissant les montures exténuées et couvertes de sueur au matin. Parfois elle tirait les cheveux de la bête ou de sa victime humaine, provoquant calvities et démangeaisons. Même les arbres pouvaient souffrir des mara, qui leur arrachaient les branches et les feuilles, ce qui rappelle la légende slave des roussalkas, démons vivant dans les arbres. D'ailleurs, les petits sapins côtiers sont connus en Suède sous le nom de « martallar » (sapins de mare).
Il est raconté, dans l’Ynglinga saga de Snorri Sturluson :
« Il fut pris d'une torpeur et se coucha pour dormir, mais il n'y avait pas longtemps qu'il dormait, qu'il hurla et dit que la mara le foulait aux pieds. Ses hommes se précipitèrent pour l'aider ; mais lorsqu'ils lui saisissaient la tête, elle lui foulait les jambes de telle sorte qu'elles se brisaient presque, et lorsqu'ils lui saisissaient les jambes, elle lui étouffait la tête, si bien qu'il en mourut. »
Et encore, à propos d'un livre suédois du XVIe siècle :
« Celui qui dort sur le dos est parfois étouffé par des esprits dans l'air qui le harassent de toutes sortes d'attaques et de tyrannies et lui détériorent si brutalement le sang que l'homme gît fort épuisé, ne parvient pas à se ressaisir et pense que c'est la mara qui est en train de le chevaucher. »

 

Chevauchée et morsure

 

Dans la tradition scandinave, la chevauchée s'applique par tradition aux sorcières, notamment la mara, être féminin qui chevauche les gens ou animaux pendant leur sommeil (à l'instar du succube).
Dans la mythologie scandinave, profondemment magique, la chevauchée s'inscrit dans le langage : chevaucher le soir (kveldrídha), chevaucher dans le noir (túnrídha), chevaucher sous forme de troll (trollrídha), rídha signifiant chevaucher. Selon Régis Boyer, par chevauchée il faut entendre capter et domestiquer le Hugr à des fins hostiles. Or le Hugr est un principe actif universel qui peut parfois être capté par des gens malveillants pour produire des effets nuisibles. Le Hugr se matérialise alors à des fins utilitaires et provoque notamment des maladies, riska, contraction de ridska (de ridha, chevaucher).
Sur le verbe bíta, mordre, repose toute une série d'évocation magique : hugbit (substantif norvégien : morsure du hugr), nábítur (islandais : morsure qu'inflige un cadavre), tussebit (norvégien : morsure d'une créature gigantesque), torsabit (suédois : idem).
Ces considérations sont illustrées dans une formule de sorcellerie attribuée à Ragnhild Tregagas datant de 1325 :
Je te dépêche l'esprit de la baguette magique que je chevauche (ritt ek) ; que l'un te morde (biti) dans le dos, que le second te morde (biti) à la poitrine, que le troisième te tourne vers la haine et l'envie

Les doigts de la délivrance

Selon des croyances antiques (Pline l'Ancien Histoire naturelle, Ovide Les métamorphoses) joindre les mains ou serrer les poings est un moyen efficace pour se prémunir contre la magie. Caelius Aurelianus rapporte des traditions populaires selon lesquelles attraper l'Alpe par les doigts le fait fuir, conceptions qu'on retrouve aussi en Allemagne et chez les Slaves, selon Wuttke et Laistner:
celui sur qui pèse la Murawa doit lui toucher le petit orteil pour qu’elle le quitte aussitôt
il faut clouer le doigt de la Pschezpolnica, alors elle s’enfuit
il faut attraper la Murawa ou la sorcière responsable de cauchemars par les doigts, ou les tenir par les cheveux
Selon Wilhelm Rosher toutes ces suppositions sont bien entendu basées sur l’expérience que le cauchemar disparaît aussitôt que le dormeur récupère, par un petit mouvement des extrémités (doigts et orteils), sa capacité de bouger

L'imaginaire dans le cauchemar d'enfant

On pourrait classer certains personnages en se fondant sur leur seule identité, mais c’est un critère empirique dont il ne faut pas abuser et qui est toujours secondaire par rapport à la détermination morphologique des types, c’est-à-dire à leur classification en fonction des actions qu’ils exécutent.
Caractéristique majeure des cauchemars des enfants, nombre de personnages se répartissent dans deux des types et certains dans les trois. Ainsi, les parents, et autres membres de la famille, bien qu’ils soient le plus souvent considérés comme des victimes, font souvent fonction d’auxiliaire, avec une fréquence relative et des types d’interventions qui sont comme la marque de leur puissance respective. De surcroît, bien que dans un très petit nombre de cas, le père ou la mère remplissent les fonctions de l’agresseur, il faut le mentionner. Cette labilité des éléments du cauchemar de l’enfant, dont on trouvera plus loin d’autres exemples (changements de rôles, suites d’actions qui s’opposent ou se contredisent) pourra être mise en rapport avec la nature de l’angoisse et de son expression dans le cauchemar de l’enfant, qui témoigne d’un monde mouvant et peu sûr et dont différents éléments peuvent revêtir des valeurs opposées. Outre la mise en évidence d’éléments du cauchemar, sur lesquels l’interprétation de leur contenu pourra s’appuyer, la typologie des personnages suggère une classification des récits en fonction des types de chacun d’entre eux actualise.
Les animaux
Cela peut être des éléphants, tigres, panthères, loups, ours, araignées, guêpes, renards, lézards, poissons, piranhas, requins, phoques, baleines, hippopotames, toucans, grenouilles, vers de terre, souris, autruche, chiens, chats, vache, lion, taureau, crocodiles, etc.
Un animal peut être méchant et montrer ses dents, ouvrir sa gueule ou tout simplement menacer la victime. Généralement, les animaux n’effectuent pas de capture, d’enlèvement ou encore ne transportent pas la victime dans leur repaire.
Généralement, les animaux sont des auxiliaires. Hormis le chien, les animaux arrivent généralement à s’opposer aux agresseurs, lorsque leurs intentions sont bonnes.
Le loup est un agresseur typique. Il dévore la victime beaucoup plus souvent qu’il ne la mord. Mais, il peut juste se contenter de rendre impuissante la victime avec sa gueule.
Les objets
Ils désignent souvent les objets dérobés : argent, bijoux, sacs à main, etc. Ceci explique que généralement les objets sont passifs et victimes d’enlèvements. Ils peuvent être un substitut du sujet.
Les personnes
Les personnes se répartissent dans les trois catégories du cauchemar : victime, agresseur ou encore auxiliaire.
  • Les créatures fantastiques : loup-garou, araignée géante, diables ou démons, vampires, squelettes, ogres, sorciers, dragons, monstres, géants, la « Dame Blanche », « un homme de feu », un « homme–gorille », un « sauvage », « quelque chose avec de gros yeux », « une chaussure géante », des robots, des statues, des armures, une licorne, etc. Généralement, la créature fantastique s’en prend à la victime. Les sorcières ou fées peuvent être considérées comme « gentilles » et protéger le sujet dans le cauchemar, elle s’opposera dans ce cas aux autres sorcières, méchantes. L’inverse peut être possible, une fée peut être qualifiée d’être méchante. En ce point, on voit combien l’identification des personnages est très souvent confus.
  • La famille
Le trait saillant est la fréquence avec laquelle les relations d’auxiliaires et de victimes s’établissent à l’intérieur de la famille. Cependant, on remarque que dans un nombre non négligeable de cas, le sujet bénéficie de l’intervention d’autres personnages que les membres de sa famille : policiers, chasseurs, animaux, humains inconnus et même parfois des sorcières. Ceci pourrait témoigner d’une certaine insécurité de certains enfants vis à vis de leurs proches.
    • L'image du père : il est un auxiliaire puissant, capable de secourir la victime et de s’opposer aux agresseurs.
    • L'image de la mère : elle est généralement un auxiliaire remplissant essentiellement les fonctions d’aide, quand elle ne refuse pas de répondre à l’appel de la victime ou qu’elle n’a pas besoin à son tour d’être secourue.
  • Les inconnus
La différence entre les étiquettes « hommes », « femmes » et inconnus tient uniquement au fait que dans les deux premiers cas l’identité sexuelle des personnages est mentionnée par le sujet et non dans le troisième. Parfois, certains traits de ces personnages sont mentionnés par le récit et il convient de les étudier en tant qu’attribut des personnages. Une méchante dame, sera une femme qui n’utilisera pas la magie pour être méchante. Par ailleurs, en présence de récit lacunaire, des personnages dans le cauchemar peuvent avoir une action sans conséquence et donc être « neutres ».
Vêtus de noir ou de couleurs vives : comme dans les modalités de l’agresseur, l’obscurité et la couleur noire jouent leur rôle dans les attributs que le récit leur prête. Mais, cette signification est à nuancer, car des couleurs vives peuvent également contribuer à une étrangeté.
Les voleurs regroupent les personnages désignés sous ce nom par le sujet ou comme des « bandits », « gangsters », etc. Il s’agit dans tous les cas d’agresseurs humains, inconnus du sujet.
Leur métamorphose
Un individu, somme toute à l’allure banale ou à l’allure sympathique, peut subitement se transformer en agresseur : un père Noël en vampire, par exemple. Cette métamorphose peut, par ailleurs, être rapprochée de celle des parents dans le récit, où elle équivaut cependant semble-t-il à la défaillance ou à un refus d’aide de leur part plutôt qu’à leur transformation en agresseurs.

Traitement

 

Pour les personnes souffrant de cauchemars chroniques, certains psychologues, tels Celia Green, Stephen LaBerge ou Antonio Zadra, recommandent l'apprentissage du rêve lucide pour apprendre à reconnaître l'état de rêve et se débarrasser de sa peur.
Peretz Lavie mentionne, sans plus de références, qu'il existe des techniques pour ne plus se souvenir de ses rêves, ce qui aiderait les personnes souffrant de cauchemars.

 

 

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