Acte d’élire une personne ou un type de personne comme objet d’amour. On distingue un choix d’objet infantile et un choix d’objet pubertaire, le premier traçant la voie au second. Freud voit jouer dans le choix d’objet deux modalités majeures : le type de choix d’objet par étayage et le type de choix d’objet narcissique. Freud a introduit l’expression de choix d’objet dans les Trois essais sur la théorie de la sexualité ; elle est restée d’usage courant en psychanalyse. Objet est à prendre ici au sens d’objet d’amour. Quant au terme de choix, il ne doit pas être pris en un sens intellectualiste (choix entre divers possibles également présents), pas plus que dans l’expression « choix de la névrose ». Il évoque ce qu’il peut y avoir d’irréversible et de déterminant, dans l’élection par le sujet, à un moment décisif de son histoire, de son type d’objet d’amour. Dans les Trois essais, Freud parle aussi d’Objektfindung (découverte, ou trouvaille, de l’objet). Notons que l’expression « choix d’objet » est employée pour désigner, soit le choix d’une personne déterminée (exemple : « son choix d’objet se porte sur son père »), soit le choix d’un certain type d’objet (exemple : « choix d’objet homosexuel »).
On sait que l’évolution des vues de Freud sur le rapport de la sexualité infantile et de la sexualité post pubertaire l’a conduit à les rapprocher toujours davantage jusqu’à admettre l’existence d’une « plein choix d’objet » dès l’enfance.
Dans Pour introduire le narcissisme 1914, Freud a rapporté la variété d’objet à deux grands types : par étayage et narcissique.
On sait que l’évolution des vues de Freud sur le rapport de la sexualité infantile et de la sexualité post pubertaire l’a conduit à les rapprocher toujours davantage jusqu’à admettre l’existence d’une « plein choix d’objet » dès l’enfance.
Dans Pour introduire le narcissisme 1914, Freud a rapporté la variété d’objet à deux grands types : par étayage et narcissique.
J. Laplanche et J.-B Pontalis
P.U.F, 1967
P.U.F, 1967
La notion d'objet est envisagée en psychanalyse sous trois aspects principaux : a) en tant que corrélatif de la pulsion : il est ce en quoi et par quoi celle ci cherche à atteindre son but, à savoir un certain type de satisfaction, Il peut s'agir d'une personne ou d'un objet partiel, d'un objet réel ou fantasmatique. b)En tant que corrélatif de l'amour ( ou de la haine) : la relation en cause est avec celle de la personne totale, ou de l'instance du moi,et d'un objet lui même visé comme totalité ( personne , entité, idéal etc.) c) […]Choix d’objet narcissique, choix d’objet par étayage"La vie amoureuse des êtres humains, avec la diversité de sa différenciation chez l’homme et la femme, nous fournit un troisième accès à l’étude du narcissisme. De même que la libido d’objet a d’abord caché à notre observation la libido du Moi, de même, en étudiant le choix d’objet des enfants (et des adolescents), avons-nous tout d’abord remarqué qu’ils tirent leurs objets sexuels de leurs premières expériences de satisfaction.Les premières satisfactions sexuelles auto-érotiques sont vécues en conjonction avec l’exercice de fonctions vitales qui servent à la conservation de l’individu. Les pulsions sexuelles s’étayent d’abord sur la satisfaction des pulsions du Moi, dont elles ne se rendent indépendantes que plus tard; mais cet étayage continue à se révéler dans le fait que les personnes qui ont affaire avec l’alimentation, les soins, la protection de l’enfant deviennent les premiers objets sexuels; c’est en premier lieu la mère ou son substitut.Mais à côté de ce type et de cette source de choix d’objet, que l’on peut nommer type par étayage, la recherche psychanalytique nous en a fait connaître un second que nous ne nous attendions pas à rencontrer. Nous avons trouvé avec une particulière évidence chez des personnes dont le développement libidinal est perturbé, comme les pervers et les homosexuels, qu’ils ne choisissent pas leur objet d’amour ultérieur sur le modèle de la mère, mais bien sur celui de leur propre personne.De toute évidence, ils se cherchent eux-mêmes comme objet d’amour, en présentant le type de choix d’objet qu’on peut nommer narcissique. C’est dans cette observation qu’il faut trouver le plus puissant motif qui nous contraint à l’hypothèse du narcissisme.En fait nous n’avons pas conclu que les êtres humains se divisaient en deux groupes rigoureusement distincts selon leur type de choix d’objet, par étayage ou narcissique; au contraire, nous préférons faire l’hypothèse que les deux voies menant au choix d’objet sont ouvertes à chaque être humain, de sorte que l’une ou l’autre peut avoir la préférence.Nous disons que l’être humain a deux objets sexuels originaires: lui-même et la femme qui lui donne ses soins; en cela nous présupposons le narcissisme primaire de tout être humain, narcissisme qui peut éventuellement venir s’exprimer de façon dominante dans son choix d’objet.La comparaison de l’homme et de la femme montre alors qu’il existe dans leur rapport au type de choix d’objet des différences fondamentales, bien qu’elles ne soient naturellement pas d’une régularité absolue. Le plein amour d’objet selon le type par étayage est particulièrement caractéristique de l’homme. Il présente la surestimation sexuelle frappante qui a bien son origine dans le narcissisme originaire de l’enfant et répond donc à un transfert de ce narcissisme sur l’objet sexuel.Cette surestimation sexuelle permet l’apparition de l’état bien particulier de la passion amoureuse qui fait penser à une compulsion névrotique, et qui se ramène ainsi à un appauvrissement du Moi en libido au profit de l’objet. Différent est le développement du type féminin le plus fréquent et vraisemblablement le plus pur et le plus authentique. Dans ce cas, il semble que, lors du développement pubertaire, la formation des organes sexuels féminins, qui étaient jusqu’ici à l’état de latence, provoque une augmentation du narcissisme originaire, défavorable à un amour d’objet régulier s’accompagnant de surestimation sexuelle.Il s’installe, en particulier dans le cas d’un développement vers la beauté, un état où la femme se suffit à elle-même, ce qui la dédommage de la liberté de choix d’objet que lui conteste la société. De telles femmes n’aiment, à strictement parler, qu’elles-mêmes, à peu près aussi intensément que l’homme les aime. Leur besoin ne les fait pas tendre à aimer, mais à être aimées, et leur plaît l’homme qui remplit cette condition. On ne saurait surestimer l’importance de ce type de femmes pour la vie amoureuse de l’être humain.De telles femmes exercent le plus grand charme sur les hommes, non seulement pour des raisons esthétiques, car elles sont habituellement les plus belles, mais aussi en raison de constellations psychologiques intéressantes. Il apparaît en effet avec évidence que le narcissisme d’une personne déploie un grand attrait sur ceux qui se sont dessaisis de toute la mesure de leur propre narcissisme et sont en quête de l’amour d’objet; le charme de l’enfant repose en bonne partie sur son narcissisme, le fait qu’il se suffit à lui-même, son inaccessibilité; de même le charme de certains animaux qui semblent ne pas se soucier de nous, comme les chats et les grands animaux de proie; et même le grand criminel et l’humoriste forcent notre intérêt, lorsque la poésie nous les représente, par ce narcissisme conséquent qu’ils savent montrer en tenant à distance de leur Moi tout ce qui le diminuerait.C’est comme si nous les envions pour l’état psychique bienheureux qu’ils maintiennent, pour une position de libido inattaquable que nous avons nous-même abandonnée par la suite. Mais le grand charme de la femme narcissique ne manque pas d’avoir son revers; l’insatisfaction de l’homme amoureux, le doute sur l’amour de la femme, les plaintes sur sa nature énigmatique ont pour une bonne part leur racine dans cette incongruence des types de choix d’objet.Peut-être n’est-il pas superflu de donner l’assurance que, dans cette description de la vie amoureuse féminine, tout parti pris de rabaisser la femme m’est étranger. En dehors du fait que tout parti pris en général m’est étranger, je sais aussi que ces différentes voies d’accomplissement correspondent, dans un rapport biologique extrêmement compliqué, à la différenciation des fonctions; de plus, je suis prêt à admettre qu’il existe quantité de femmes qui aiment selon le type masculin et développent également la surestimation sexuelle propre à ce type.Et même pour les. femmes narcissiques qui restent froides envers l’homme, il est une voie qui les mène au plein amour d’objet. Dans l’enfant qu’elles mettent au monde, c’est une partie de leur propre corps qui se présente à elles comme un objet étranger, auquel elles peuvent maintenant, en partant du narcissisme, vouer le plein amour d’objet. D’autres femmes encore n’ont pas besoin d’attendre la venue d’un enfant pour s’engager dans le développement qui va du narcissisme (secondaire) à l’amour d’objet.Avant la puberté, elles se sont senties masculines et ont fait un bout de développement dans le sens masculin; après que la survenue de la maturité féminine a coupé court à ces tendances, il leur reste la faculté d’aspirer à un idéal masculin qui est précisément la continuation de cet être garçonnier qu’elles étaient elles-mêmes autrefois.Nous pouvons conclure ces remarques par un résumé des voies menant au choix d’objet. On aime:Le cas c) du premier type ne pourra être justifié que par des développements qu’on trouvera plus loin.1) Selon le type narcissique :a) Ce que l’on est soi-même;
b) Ce que l’on a été soi-même.
c) Ce que l’on voudrait être soi-même;
d) La personne qui a été une partie du propre soi.
2) Selon le type par étayage:a) La femme qui nourrit;
b) L’homme qui protège; et les lignées de personnes substitutives qui en partent.
Il restera, dans un autre contexte, à apprécier l’importance du choix d’objet narcissique pour l’homosexualité masculine."
L'objet trouve son origine dans la conception Freudienne, plus précisément dans les Trois essais sur la théorie de la sexualité, 1905, où Freud introduit sa notion de pulsion ( Trieb : pousser). Celle ci est structurée par sa source, son but et son objet. L'objet, représente le moyen par lequel la pulsion atteint son but. Car l'excitation endogène, la pulsion, ne demande qu'à être satisfaite, Toujours en 1905, Freud définit deux caractères propres à la sexualité infantile : « Elle ne connait pas encore d'objet sexuel, elle est auto-érotique et son but est déterminé par l'activité d'une zone érogènes ». Sa conception évoluera au fil des nouvelles éditions : donc 195, puis 1910, 1915,1920,1924. C'est en 1914 que Freud distingue deux types de choix d'objets : le choix d'objet par étayage et narcissique, dans Pour introduire le Narcissisme. La relation d'objet narcissique est à l'image de la relation du sujet avec lui même.
Il élargit sa notion de 'choix narcissique' :
« On aime : […] selon le type narcissique :
a) Ce que l'on est
b) Ce que l'on a été
c) Ce que l'on voudrait être
d) La personne qui a été une partie de la personne propre
Le choix d'objet par étayage, est un « type de choix d'objet où l'objet d'amour est élu sur le modèle des figures parentales en tant qu'elles assurent à l'enfant, nourritures, soin et protection. Il trouve son fondement dans le fait que les pulsions sexuelles s'étayent originellement sur les pulsion d'auto conservation ».(3) En accord avec sa théorie sur l'étayage, apparu en 1905 : les fonctions sexuelles s'étayent sur les fonctions vitales. Dans la définition d''Étayage', nous lisons […] le sujet s'appuie sur l'objet des pulsions d'auto conservation dans son choix d'objet d'amour […], nous pourrions poser l'équation : besoin de nourriture = succion du sein = satisfaction de besoin de nourriture dans un premier temps = la bouche devient zone érogène et le sein objet de plaisir. Freud dit « ..
Bientôt le besoin de répéter la satisfaction sexuelle se séparera du besoin de nutrition », les deux pulsions, sexuelles et d'auto-conservation sont liées de manière intrinsèques, la première empruntant à la seconde ses sources et ses objets. Cette notion d'étayage trouve sa source, dans l'œuvre de Freud, dans l'analyse de cas comme celui de Dora (1905) où Freud établit une continuité entre l'origine du symptôme hystérique de celle ci : mal de gorge et toux hystérique (symbolisation), fantasme de succion du pénis, réactivation du plaisir archaïque de succion du sein maternel, L'activité de 'succion', le fantasme bucco-génital trouverait donc sa source dans la pulsion d'auto conservation. Le nourrisson recherchera alors le plaisir sexuel dans la tétée, dans le suçotement de la sucette, de ses doigts etc.
La zone érogène est alors la zone buccale, l'objet sur lequel s'étaye la pulsion devient secondaire, la satisfaction de la pulsion sexuelle prendra pou objet le sein, puis, par auto érotisme, les doigts, les lèvres, la langue etc. par suçotement. A cette époque, pour Freud, le choix d'objet sexuel n'est possible qu'à la puberté, les tendances sexuelles émanent des relations infantiles et parentales.
En 1910, dans la deuxième édition des Trois essais, il remanie sa théorie, est déplace sa notion de choix d'objet et d'élaboration fantasmatique de la puberté à l'enfance, grâce, en grande partie, à l'analyse du petit Hans. Patient de sa première analyse d'enfant, il peut observer ce qu'il n'avait pu observer avant : dès 3 ans, le petit garçon a des comportements amoureux envers ses parents et camarades. En 1915, les Trois essais connaisse leur 3ème remaniement avec l'apparition de la notion d'étayage, apparaît aussi dans sa théorie « les phases du développement de l'organisation sexuelle », sa théorie des pulsions se précise. La découverte d'un champ fantasmatique dans l'enfance, fait apparaître la notion d'objet : il dégage des organisations pulsionnelles centrées sur des zones érogènes, « mais structurées par rapport à la relation établie avec l'objet ».
Il écrit « L'activité sexuelle dans cette phase,n'est pas séparée de l'ingestion d'aliments, la différenciation de deux courants n'apparaissent pas encore. Les deux activités ont le même objet et le but sexuel est constitué par l'incorporation de l'objet, prototype de ce que sera plus tard l'identification appelée à jouer un rôle important dans le développement psychique » . C'est dans l'édition de 1915 que Freud distingue le choix d'objet narcissique et par étayage. Le narcissisme s'impose à lui pour expliquer l'homosexualité, la genèse de la paranoïa de Schreber, explique comment, celui ci prend son propre corps comme objet d'amour, et amène Schreber a choisir un objet d'amour ayant les mêmes organes génitaux que lui.
Ceci amène Freud à poser la notion de stade narcissique. Freud situe le narcissisme primaire à la naissance. Dans la vie sexuelle, en 1917, il dit « Originairement au début de la vie psychique, le Moi se trouve investi par les pulsions et en partie capable de satisfaire ses pulsions lui même », il souligne que le monde extérieur n'est pas investi d'intérêt. L'apparition du stade de l'objet signifie que lorsque le nourrisson a un objet source plaisir, il tente de la rapprocher et l'incorporer dans le moi. L'attrait de l'objet dispensateur de plaisir, et alors dit « objet aimé ». Avant d'ouvrir le sujet des Pulsions partielles, revenons un instant sur les zones érogènes.
Dans Névroses,psychoses et perversions publié en 1910, Freud grace à son travail sur l'hystérie, pose le concept de « double emploi » de certains organes, sur « la difficulté de servir deux maitres à la fois », les mêmes organes et les mêmes systèmes d'organes sont à la dispositions des pulsions sexuelles et des pulsions du moi. Il souligne que la bouche sert à s'alimenter, à parler et à donner ou recevoir des baisers.
Des conséquences pathologie peuvent s'en suivre si le moi n'accepte pas la fonction sexuelle partielle de l'œil, la bouche etc. Les hystériques démontrent bien ce refoulement du moi, certaines perdait la vue, l'usage de leurs jambes ou tout autres pathologie d'organe sans causes physiologiques.
Freud explique l'exemple de la vision, « Si la pulsion sexuelle partielle qui se sert du regard, la scoptophilie sexuelle, a attiré sur en raison de ses prétentions excessives, la contre offensive des pulsion du Moi, de sorte que les représentations dans lesquelles s'expriment ses aspirations succombent au refoulement et sont écartées de l'accession à la conscience, alors la relation de l'œil et de la vision au Moi et à la conscience est de ce fait perturbée, Le Moi a perdu sa domination sur l'organe qui maintenant se met entièrement à la disposition de la pulsion sexuelle refoulée », Le Moi ne veut plus rien voir. Dans sa théorie de la sexualité infantile, Freud retrace le destin des pulsions partielles. Le destin de ses pulsions partielles varient : refoulement, sublimation ou utilisées dans les préliminaires sexuels par exemple. Par exemple, la sexualité orale se satisfait dans le baiser, l'anale dans l'étreinte. L'autre mode d'emploi de la sexualité pré génitale est dans la perversion. ( ceci sera abordé dans la 3ème partie). A travers l'étude du choix d'objets des enfants et des adolescents, nous pouvons remarqué que les objets sexuels sont calqués sur leurs premières expérience de satisfaction. Le premier objet est donc la mère ou son substitut.
Historique et signification
Dans la tradition grecque, le terme narcissisme désigne l’amour d’un individu pour lui-même. C’est jusqu’au XIXe siècle qu’il est utilisé par les sexologues pour signifier une perversion sexuelle, mais en 1909, Isidor Sadger considère le narcissisme comme un stade normal de l’évolution psychosexuelle chez l’être humain.S’il cherche dans un premier temps l’explication dans le narcissisme de l’homosexualité, Freud donne finalement à ce terme la valeur de concept lorsqu’il le traite comme un phénomène libidinal occupant alors une place essentielle dans la théorie psychanalytique pour ce qui concerne le développement sexuel de chacun. Dans un texte intitulé « pour introduire le narcissisme », il le définit comme l’attitude résultant du report sur le moi du sujet des investissements libidinaux, mais rajoute que selon son observation, ceux-ci étaient précédemment portés sur des objets du monde extérieur.
Narcissisme primaire et Narcissisme secondaire
C’est dans cette optique qu’il déduit l’appellation « narcissisme secondaire » pour la définition qu’il évoquait auparavant, et avance alors la possibilité d’un narcissisme primaire, infantile, qui concerne le choix que fait l’enfant de sa personne comme objet d’amour, étape qui précède la pleine capacité à se tourner vers des objets extérieurs. C’est seulement après avoir dirigé sa libido vers ces objets extérieurs qu’un sujet pourra « régresser » vers une étape de narcissisme qui sera alors désigné comme secondaire. Ce phénomène s’apparente à une perversion dans la mesure où il peut absorber la totalité de la vie sexuelle de l’individu.Libido du moi (narcissique) et libido d’objet
Opérer un choix d’objet homosexuel, comme le montre l’analyse du Président Schreber, ou bien se détourner du monde extérieur dans un repli total sur soi, telles sont les figures cliniques qui incitent Freud à envisager l’existence d’une libido du Moi, inverse de la libido d’objet puisqu’il s’agit d’une seule et même pulsion régie par la conservation d’énergie au sein de l’appareil psychique.Ainsi on pourrait reconnaître dans l’amour passionné le summum de la libido d’objet ne laissant pas de place à l’amour de soi, et à l’inverse, le narcissisme poussé à son paroxysme dénue d’intérêt libidinal tout objet extérieur. La même énergie investit tantôt le Moi, tantôt un objet, chacune de ces attitudes grandit en appauvrissant l’autre. Un équilibre serait considéré comme normal, un surinvestissement libidinal vers l’objet ou vers le Moi serait de nature beaucoup plus dangereuse pour l’individu. Le « vrai » narcissique se décolle du monde et n’a d’yeux que pour lui-même ; mais pour s’aimer soi-même, encore faut-il avoir une représentation suffisante de soi.
Image de soi et idéaux du Moi
Cette image de soi, on ne peut se la représenter qu’à travers le regard des autres ; S’aimer revient à tomber amoureux de sa propre image, laquelle se forme selon des identifications successives d’aspects rencontrés à l’extérieur. L’excès du narcissisme serait cependant régulé par le Moi afin d’en éviter les effets néfastes, mais les objets extérieurs dans lesquels le narcissique déverserait une part de sa libido seraient sélectionnés selon leur grande ressemblance avec le sujet.Freud pousse le raisonnement plus loin en se demandant si la libido entière peut passer dans l’investissement d’objets extérieurs : est-ce là son destin ? Le développement du Moi consiste à s’éloigner du narcissisme primaire, mais engendre une aspiration intense à recouvrer ce narcissisme, lors duquel l’enfant était lui-même son propre idéal. Le sujet se crée un substitut du narcissisme perdu, que l’on peut nommer de deux manières selon ce à quoi il se rapporte : le Moi-idéal est doté de l’ancienne toute-puissance dont bénéficiait le Moi réel, l’idéal du Moi et le modèle parfait aux valeurs héritées des instances parentales et de la société en générale. L’idéalisation de l’objet fragilise le sujet qui abandonne alors son Moi au profit d’une part du monde extérieur, ou bien introjecte cette part (objet) selon un mode d’identification désigne, de ce fait, comme une identification narcissique
Si S. Freud prend en compte ‘l’objet’ dans sa théorie, à travers le choix ou la perte par exemple, il ne souhaite pas, à proprement parler, institutionnaliser d’un point de vue métapsychologique une relation d’objet. Il fait ainsi référence rarement aux objets d’amour ou de haine ; au contraire, il parle souvent dune “relation’ à l’objet.
En premier lieu, il place l’objet dans sa théorie de la pulsion, en tant qu’une de ses quatre caractéristiques. Il restera fidèle à cette idée de contingence de l’objet, ce qui ne signifie pas que n’importe quel objet puisse satisfaire la pulsion, ni que l’objet ait un destin spécifique. Ainsi, la première conception freudienne des pulsions incorpore la relation objectale, ce que J. Laplanche et J,B. Pontalis expliquent clairement : “La distinction entre pulsions sexuelles et pulsions d’auto- conservation ne doit pas conduire à une opposition trop rigide quant au statut de leurs objets: contingent dans un castration, rigoureusement déterminé et spécifié biologiquement dans l’autre. Aussi bien S. Freud a-t-il montré que les pulsions sexuelles fonctionnaient en s’étayant sur les pulsions d’auto-conservation, ce qui signifie notamment que celles-ci indiquent aux premières la voie de l’objet. Le recours à cette notion d’étayage permet de débrouiller le problème complexe de l’objet pulsionneL Si l’on se réfère, à titre d’exemple, au stade oral, l’objet est, dans le langage de la pulsion d’auto-conservation, ce qui nourrit ; dans celui de la pulsion orale, ce qui s’incorpore, avec toute la dimension fantasmatique que comporte l’incorporation. L’analyse des fantasmes oraux montre que cette activité d’incorporation peut porter sur de tout autres objets que des objets d’alimentation, définissant alors le relation d’objet orale” (J. Laplanche et JB, Pontalis, vocabulaire)
Citons simplement quatre extraits de l’oeuvre de S. Freud à propos de la dimension objectale “Quand la toute première satisfaction sexuelle était encore liée à l’ingestion d’aliments, la pulsion sexuelle avait, dans le sein maternel, un objet sexuel à l’extérieur du corps propre. Elle ne le perdit que plus tard, peut-être précisément à l’époque où il devint possible à l’enfant de former la représentation globale de la personne à laquelle appartenait l’organe qui lui procurait la satisfaction » ; “la valeur qu’on attache à l’objet sexuel en tant qu’il est destiné à satisfaire la pulsion ne se limite pas d’ordinaire aux parties génitales, mais s’étend au corps entier de cet objet et tend à s’empare de toutes les sensations qui en émanent” (S. Freud, trois essais sur la sexualité) ; « reconnaissons que l’objet est traité comme le moi propre. Dans maintes formes de choix amoureux, il devient même évident que l’objet sert à remplacer un idéal du moi propre, non atteint’ et ainsi “le moi devient de moins en moins exigeant et prétentieux, l’objet de plus en plus magnifique et précieux” (S. Freud, psychologie des foules et analyse du moi).
De plus, après avoir parlé, dans un premier temps de relations d’objets ou de choix d’objets qu’à partir de la puberté, S. Freud va introduire progressivement les objets partiels, en éclatant la notion d’objet sexuels. Il opposera les objets partiels - objets de la pulsion et objets prégénitaux - et les objets totaux - objets d’amour, objets génitaux -, avec une intégration progressive avec le primat du génital. Toutefois, en parlant de choix d’objet narcissique et de choix d’objet par étayage, S. Freud n’est pas pourtant pas obligatoirement convaincant sur la place et le statut de l’objet d’amour total. S. Freud insiste souvent sur l’objet inconscient contenu dans le fantasme, sous la forme des rêves par exemple. L’objet, pour S. Freud, comme pour ses successeurs, reste toujours, de près ou de loin, lié au désir, sans existence hors de ses délindtations à travers l’expérience ou la cohérence d’investissement. Il y dualité pulsion - besoin , extérieur – intérieur, perception - représentation.
Il serait utile de détailler toute la relation d’objet, selon S. Freud. Celle-ci donne dans l’interrelation, dans la pensée de cette interrelation et dans la transformation des représentations. Il ne semble pas que, chez S. Freud, la relation fût perçue dans une perspective aussi large qu’elle le sera chez nombre de psychanalystes après lui.
S. Ferenczi, tout d’abord, s’illustre par la notion d’introjection, terme qui ne fait pas partie du vocabulaire freudien originel en écrivant : ‘Alors que le paranoïaque projette à l’extérieur les émotions devenues pénibles, le névrosé cherche â inclure dans sa sphère d’intérêts une part aussi grande que possible du monde extérieur, pour faire l’objet de fantasmes inconscients. . . Je propose d’appeler ce processus inverse de la projection : introjection” (Ferenczi, introjection et transfert. Il considère ainsi qu’aimer un autre de soi revient à intégrer cet autre dans son propre moi : “le mécanisme dynamique de tout amour objectal et de tout transfert sur un objet est une extension du moi, une introjection’ (Ferenczi, introjection et transfert). Il faut cependant veiller à ne pas confondre introjection et incorporation, ce dernier se rapportant à une limite corporelle. L’introjection se traduit pas des fantasmes portant sur des objets partiels ou totaux.
A Abraham revient “l’idée” de spécifier à chaque phase de la maturation libidinale une relation d’objet : il va ainsi, notamment en parlant d’amour partiel, ouvrir la voie à M. Klein. Nous remarquons bien ici l’évolution vers les notions d’extérieur - intérieur, de dedans - dehors, de projection - introjection, de sujet - objet, de partie - totalité, qui fonde la psychanalyse post- freudienne.
Sans vouloir développer les idées de M. Klein, très attachée à la relation d’objet, rappelons les quelques points importants de sa démarche qui vise essentiellement “l’objet partiel’: -l’activité fantasmatique est objectale avec des objets fantasmatiques internes et externes. - le rapport de l’enfant à l’objet est sadique, composant en cela avec le risque d’une rétorsion de l’objet. - la projection et l’introjection sont des mécanismes de l’objet -le clivage porte sur l’objet bon et mauvais - les diverses postures envers l’objet oblige le sujet à des positions : paranoïde et dépressive -le rapport oedipien se voit requestionné par rapport à une sorte de primat du prégénital. - tout rapport à l’objet devenu potentiellement menaçant est source d’angoisse pour le sujet.
Nous notons les idées permanentes du clivage, du sentiment de soi (né avec l’angoisse d’abandon), de l’intégration de l’objet - entre autres. Une révision de la notion de fantasme est d’ailleurs nécessaire. M. Klein implique originellement l’agressivité à l’érotisme dans la relation d’objet, avec un cortège de pulsions libidinales et destructrices ; ces idées se rapprochent à la fois de celles de S. Freud - notamment à la fin de son oeuvre -, mais s’en éloignent aussi, puisque S. Freud ne parle jamais de bon / mauvais, ce qui impliquerait une “sensation’, une ‘perception”, un “rapport’ corporel, etc. Il existe en plus une divergence au niveau du lien maternel préœdipien: ‘cette détermination de temps qui modifie aussi nécessairement la conception de tous les autres rapports de développement ne recouvre pas en réalité les résultats de l’analyse des adultes et est particulièrement inconciliable avec ma trouvaille de la longue perdurance de la liaison préoedipienne à la mère’ (S. Freud sur la sexualité féminine). Pour cet auteur, c’est la réalité psychique de la représentation qui fonde la relation objectale, ce qui la lie indissociablement et primitivement à la pulsion. Enfin, M. Klein donne aux fantasmes inconscients une place prépondérante, puisqu’elle les voit exister dès le tout début de la vie en tant ‘qu’acte pulsionnel’. Le fantasme est relié à la réalité extérieure, relié à l’expérience de satisfaction : le monde interne est riche de fantasmes introjectés dans le moi. Le moi est-il constitué de fantasmes d’objets du moi?
M. Balint parlera, lui, d’amour primaire et de défaut fondamental, ce qui témoigne en vérité d’un archaïsme dans la relation d’objet, antinomique à l’oedipe. Il considère une forme d’amour primitive, égoïste, [qui] fonctionne selon le principe : ce qui est bon pour moi est bon pour toi ; aucune différence n’est admise entre les intérêts personnels et les intérêts de l’objet » (Balint, Les premiers stades de développement du moi). Le rapport à la mère se situe notamment dans cette exploitation - égoïsme f amour - avec une modification nette de la triangulation classique. Nous notons cependant l’idée intéressante dune force fondamentale.
D.W. Winnicott introduira avec succès l’objet transitionnel, ce qui est présenté au nourrisson par sa mère. Nous y retrouvons un rapport à l’objet intéressant, en ce qu’il est présent mais bientôt perdu, quelconque mais irremplaçable, extérieur mais inséparable, entre l’objet partiel et le « phallus » maternel. Il écrit que demeure un espace qui n’appartient pas «à la réalité intérieure ou à la réalité extérieure (partagée) […]. Tout au long de sa vie, elle persiste dans ce qui est éprouvé intensément (Winnicott, objets transitionnels et phénomènes irrationnels). D. W. Winnicott précisera, par rapport à I’objet transitionnel son acception du fantasme, qui peut enfermer le sujet dans une activité de rêve éveillé qui le maintient dans une sorte de déréalité et de vide, remplie de scénarios de désir et de scénarios de fantasmes de désir, ce qui est plus lourd.
W, R. Bion, en parlant d’éléments bêta (objets composés de sentiments de persécution ou de dépression) et de fonction alpha montre un intérêt certain pour la désignation de l’objet (les notions de contenant et de contenu sur lesquelles nous reviendrons). Chez cet auteur, c’est l’arsenal de la psychose qui fournit l’étayage de l’originaire, ce qui lui permet indirectement une théorisation de la pensée du bébé en lien étroit avec celle de la mère. Ce qui excite la convoitise est considéré par W. R Bion comme mauvais : ce sont les proto-pensées, conçues comme des objets primitifs et déliés. Ainsi, “si le patient psychotique ne peut pas penser avec des pensées, c’est-à-dire s’il a des pensées mais ne dispose pas de l’appareil de pensée qui lui permette d’utiliser ses pensées - bref de les penser -, il en résulte une intensification de la frustration (W R. Bion, aux sources de l’expérience). La pensée, nous y reviendrons dans la troisième partie, se définit à partir de préconceptions « pensées », avec interaction sensorielle.
A. Green a beaucoup écrit sur les fonctions objectalisantes et désobjectalisantes. Pour ne citer qu’un seul exemple, dans le ~travail du négatif”, il consacre un chapitre à la sublimation en y expliquant que la celle-ci procède d’un détournement des buts sexuels primitifs et d’une attraction par la civilisation, â travers une fonction objectalisante, qui fait d’une activité psychique investi libidinalement un objet en tant que tel.
Dans un article décisif de 1961, S. Lebovici insiste sur la notion de relation objectale chez l’enfant. Celle-ci témoigne la formation du moi, puisque l’enfant et l’objet interagissent l’un sur l’autre à travers plusieurs étapes : narcissique, anaclitique (préobjectal), objectal pour aller aux relations différenciées. L’affect joue un rôle majeur, puisqu’il est au centre de la structuration déclenché par le besoin chez le nourrisson, il investit la mère. Ainsi : l’enfant pend conscience de I’objet au fur et à mesure de sa maturation dans une culture donnée, mais la reconnaissance de l’objet est elle-même maturante, “ l’enfant en reconnaissant que l’objet existe ne dehors des périodes où il a besoin de lui se reconnaît comme existant dans le monde. A travers la connaissance de l’autre, il établit la connaissance qu’il a de son existence et de sa continuité ’objet est investi avant d’être perçu” et « l’investissement du moi fonde l’objet » (Lebovici, la relation objectale chez l’enfant). Nous notons bien le rapport de la continuité d’être (ou d’existence) avec la discontinuité de l’objet. Plus tard, S. Lebovici introduira les célèbres interactions précoces, qui demandent au minimum un aménagement de certains concepts métapsychologiques. Discutant la dualité visage de la mère - visage du nourrisson, il considère que le visage maternel est le primitif lieu d’intégration et d’unification précipitent la formation du je : ainsi, ce visage est le “lieu unique et entier où peuvent s’intégrer, en un même espace, des états affectifs différents et peut-étre au début relativement dissociés les uns des autres. Il s’oppose à J. Lacan, et à son manque d’objet qui constitue la structuration.
Dans une autre ligne, H. Kohut, dans son analyse du narcissisme, écrit, à propos de lobjet: “Ni le soi grandiose, ni l’imago parentale idéalisée n’ont le statut d’objet au sens psychanalytique du terme [. . .1][IesJ transferts narcissiques doivent être considérés comme des relations d’objet. Du point de vue psychanalytique, tenant compte de la nature des investissements libidinaux, l’objet est perçu narcissiquement et n’a pas le statut d’objet proprement dit » (H. Kohut, F. et transformations du narcissisme).
La relation d’objet est presque rejetée par J. Lacan. Il impose d’autres types de relations, en insistant sur ce qu’il appelle notamment l’objet a. D’une part, l’expérience du miroir impose l’objet pour J. Lacan. Tout en accordant un certain statut à l’objet partiel et à l’objet transitionnel, il considère que les objets partiels sont des objets de gain et de perte, d’identification et non d’amour et de haine. Tout cela s’intègre dans l’objet a, qui n’est pas du registre « maternel” mais “phallique”. En instaurant son nouveau rapport (l’Autre - maternel - visé par la demande), J. Lacan parle du désir, qui persiste en quelque sorte de la marche du sujet vers l’Autre, dès lors que les besoins sont satisfaits. L’absence de l’Autre institue la recrudescence du désir, créant un objet substitutif devenant l’objet a. L’objet devient cause - conséquence du désir, voire son corrélât, alliant en cela le manque et le phallique et ramenant le tout dans la lignée de la castration. L’admission du regard et de la voix comme des versions supplémentaires de l’objet montre bien l’axe privilégié par J. Lacan : désir /demande. L’objet se définit - à l’instar du sujet comme “manque à être”.
La corrélation de l’objet a avec le sujet divisé et clivé revêt une signification majeure. Remarquons encore une fois l’omniprésence de l’ambivalence ou du dualisme objet - sujet. Toujours dans le discours au congrès de Rome, J. Lacan insiste encore sur “l’objet du sujet”, à propos du rapport au langage, fondateur de sa “doctrine” : « Car la fonction du langage n’y est pas d’informer, mais d’évoquer, Ce que je cherche dans la parole, c’est la réponse de l’autre. Ce qui me constitue comme sujet, c’est ma question. Pour me faire reconnaître de l’autre, je ne profère ce qui fut qu’en vue de ce qui sera. Pour le trouver, je l’appelle d’un nom qu’il doit assumer ou refuser pour me répondre. Je m’identifie au langage, mais seulement à m’y perdre comme un objet. » Plus loin, il écrit à propos de l’hystérique “Pour savoir comment répondre au sujet dans l’analyse, la méthode est de reconnaître d’abord la place où est son ego, cet ego que S. Freud lui-même a défini comme ego formé d’un nucleus verbal, autrement dit de savoir par qui et pour qui le sujet se pose sa question. Tant qu’on ne le saura pas, on risquera le contresens sur le désir qui y est à reconnaître et sur l’objet à qui s’adresse ce désir. T]hystérique captive cet objet dans une intrigue raffinée et son ego est dans le tiers par le médium de qui le sujet jouit de cet objet où sa question s’incarne. “ (Lacan, fonction … du langage in écrits).
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