mercredi 16 mars 2011

Bisexualité


Définition

La bisexualité est l'existence, l'attirance pour les personnes des deux sexes. En l'occurrence un individu bisexuel présente l'intérieur de son psychisme, de deux potentialités (qui est en puissance, en attente en quelque sorte), l'une féminine et l'autre masculine.

La bisexualité désigne également la pratique de relations sexuelles aussi bien avec les hommes qu'avec la femme mais cette pratique est le plus souvent incomplète et non permanente. La pratique de relations sexuelles la moins souvent accomplie est épisodique. Selon les sexologues Master et Johnson il serait préférable d'utiliser le mot d'ambisexualité qui définit un homme ou une femme qui aime, sollicite ou répond ouvertement aux occasions sexuelles avec la même facilité et le même intérêt quel que soit le sexe du partenaire et qui, en tant qu'individu sexuellement mûr, n'a jamais manifesté d'intérêt pour une relation stable».

Chaque être humain porte en lui la marque de la bisexualité sous la forme d'une trace physique ou psychique des deux sexes dont il provient.

Grâce aux travaux et au progrès obtenus en embryologie c'est-à-dire à l'étude du développement d'un individu allant de l'oeuf fécondé jusqu'à l'accouchement, et en particulier en embryologie humaine et en physiologie, ceci depuis la fin du XIXe siècle, la détermination des caractères sexuels a permis de mettre en évidence cette notion de bisexualité potentielle de l'individu humain.

D'après Freud la bisexualité se situerait au stade anal c'est-à-dire quand l'enfant découvre enfin l'opposition entre l'activité et la passivité. D'après Freud également également le fait de refouler cette bisexualité serait susceptible d'aboutir, chez un individu qui présente des troubles de type névrotique à un conflit entre le sexe qui se manifeste et une double constitution latente.

D'après une enquête permettant en théorie d'analyser les comportements sexuels les Français, enquête menée en 2006 sur un échantillon représentatif de la population de 18 à 69 ans, 4 % des hommes sexuellement actifs aurait eu, au cours de leur vie, au moins un rapport avec un homme et un rapport avec une femme.

Chez les jeunes, une autre enquête, effectuée cette fois-ci en 1994, montre que 1 % environ des garçons et 1 % des filles auraient eu des rapports sexuels avec des personnes des deux sexes.

Le terme « bisexuel » a été emprunté à la botanique et en particulier la botanique française vers la fin du XVIIIe siècle. En effet, dès cette époque ce terme désigne la plante qu'elle affleure ayant des organes des deux sexes autrement dit les étamines et les pistils. Ceci par opposition aux termes unisexuel.

Progressivement la notion de bisexualité sera utilisée chez l'homme grâce à l'étude de la différenciation sexuelle caractérisant l'embryon durant les 45 premiers jours après la fécondation de l'ovule. En l'occurrence le terme hermaphrodisme physique est utilisée, alors, comme synonyme de bisexualité. Le terme androgyne désigne ce qui tient des deux sexes. Le terme hermaphrodite désigne l'animal qui possède en lui les deux glandes sexuelles mâle et femelle.

Dans le «banquet de Platon» le mythe de l'androgynie originelle et cette notion de mélange de deux sexes par analogie, va permettre de faire passer l'idée de bisexualité de la physiologie à la psychologie.
 
La bisexualité psychique pose un problème logique : si tout être humain est à la fois homme et femme, et doit cependant finir par pencher plutôt d’un côté, il faut bien distinguer une sorte de continuum et par ailleurs, une forme ou une autre de dualité, de rupture dans ce continuum. Freud, pour sa part, distingue trois « directions » différentes : 1°) le couple activité/passivité, qui présente bien sûr tous les traits d’un continuum ; 2°) le sens biologique, qui relève d’une opposition ; et enfin 3°) le sens « sociologique », culturellement variable, de masculin/féminin. Il insiste sur le fait que dans aucune de ces trois directions on ne rencontre de masculinité ou de féminité à l’état pur.
Dans un récent ouvrage sur l’histoire du transsexualisme aux USA, l’auteur précise dès son introduction une triplicité du même genre pour aider à comprendre les phénomènes complexes qui ont entouré l’apparition de la problématique transsexuelle aux États-Unis au XXe siècle. Elle distingue 1°) le sexe ; 2°) le genre ; 3°) la sexualité. Le premier reprend l’opposition biologique ; le second correspond au « sexe psychique » de Freud, tel qu’il a été remodelé au début des années cinquante par l’invention de la notion de « genre » aux Etats-Unis (entre autres pour rendre compte des faits troublants de transssexualisme qui déjà défrayaient la chronique) ; et enfin le troisième touche au mode d’expression de la sexualité, et en cela renvoie le plus souvent au choix d’objet. Ceci permet à l’auteur de comprendre, entre autres choses, la bizarrerie des réactions des milieux gay américains dans les années cinquante face à l’histoire de Christine Jorgensen. Homme au départ, Jorgensen fut la première à faire grand cas d’un passage de homme à femme (MTF) en prenant des hormones et en se faisant opérer au Danemark au début des années cinquante. Elle fit un retour très médiatique aux Etats-Unis, où elle fit la une des journaux pendant longtemps. Elle était présentée comme une réussite, une femme très « glamour », etc. Elle reçut des milliers de lettres d’hommes et de femmes directement intéressés à cette affaire de changement de sexe via les hormones et la chirurgie, mais elle reçut également un volumineux courrier de la part des homosexuels hommes. Certains la louaient d’avoir eu le courage de mener à bout son entreprise, et d’autres lui envoyaient des lames de rasoir pour qu’elle se tranche la gorge d’avoir oser commettre une telle infamie. Ils exprimaient en effet leur désaccord total avec l’idée qu’un homosexuel fut, par définition, un homme efféminée dont le rêve central serait de devenir une femme. Ils tenaient par-dessus tout à affirmer qu’ils aimaient et désiraient des hommes sans que cela mit une seconde en doute leur virilité – ce qui aujourd’hui se caricature presque dans l’une des figures très virile de l’homosexuel barbu et musclé à souhait, biscotos à l’air sous son marcel. Ainsi donc les trois « directions » peuvent se lier les unes aux autres de façon complexe, et aucune n’implique directement les deux autres. On peut être femme biologiquement, choisir le genre homme, et désirer soit des hommes soit des femmes (voire les deux). On peut être femme biologiquement, choisir le genre femme, et désirer des hommes ou des femmes (voire les deux). On peut être femme biologiquement, vouloir être homme (transsexualisme), adopter le genre homme (assez nécessairement dans ce cas), mais être porté à partir de là soit vers les femmes, soit vers les hommes (voire les deux). Etc. Les cas de figure ne sont pas innombrables, mais si l’on y ajoute des nuances de style souvent très manifestes désormais, on peut vite atteindre un paysage presque aussi complexe que celui du petit monde associatif lacanien aujourd’hui.
Tout ça pour dire que la bisexualité est devenue notoirement plus compliquée que du temps de Fliess, où elle n’était déjà pas simple. Côté Lacan, on ne rencontre pas, pour autant que je sache, d’annonce aussi tonitruante d’une bisexualité foncière. Mais rien non plus ne s’y oppose franchement. Si la donnée biologique (XX/XY) y est peu questionnée, la donnée physiologique (membré/non membré) reste une valeur basique. Mais elle s’accompagne du fait que la fonction phallique n’est en rien le privilège des membrés puisqu’elle touche tout être parlant, quel que soit son sexe de départ ou d’arrivée. On retrouve donc formellement les mêmes conditions que chez Freud : un continuum (la fonction phallique qui touche également les deux sexes) ; et deux sexes distincts au point de n’avoir pas de rapport, ce que personne ne s’était hasardé à penser jusque là. Il y a donc une certaine aggravation de la question, et c’est désormais sur fond ce continuum (phi de x) que la distribution différentielle de cette fonction va donner lieu à deux lieux (deux déixis dans le carré logique) tels que on ne pourrait pas établir de « rapport » entre eux (pour des raisons très russelliennes). Or cette répartition ne se base plus sur l’opposition membré/non membré (qui a cependant servi de point de départ pour la poser), mais sur l’énonciation qui engage un sujet dans tels ou tels défilés de la parole. Et donc loin de coincer un peu plus Hommes et Femmes dans les limites de leur « genre » ou de leur « sexualité » tels que prescrits par les formes sociales dominantes (ou encore de leur « jouissance » telle que les imaginent des psychanalystes avides de retrouver leurs marques), ces formules ouvrent le champ des déterminations sexuelles sans le quadriller d’emblée en « normal » et « pathologique ».
 
La notion de bisexualité, notion selon laquelle tout être humain posséderait des dispositions sexuelles à la fois masculines et féminines, fut introduite en psychanalyse par Freud.

Tout d'abord, il convient de rappeler que l'idée d'une bisexualité habite l'esprit humain depuis toujours, constituant un phénomène des plus répandus dans de nombreuses religions. La thèse de l'existence d'un couple divin primitif - les mythes et rituels de l'androgynie humaine en témoignent - s'étaye sur une divinité suprême considérée comme androgyne dont le couple serait le résultat de la séparation survenue au sein même de cette divinité.(1)


Dans la littérature philosophique et psychiatrique, cette notion était déjà présente dès la fin des années 1880 (2), mais c'est à l'influence de Fliess auprès de Freud que l'on doit son importance dans l'histoire du mouvement psychanalytique. En 1901, convaincu de l'importance de la bisexualité psychique, il confia à Fliess son projet qui, malheureusement n'a pas vu le jour: "Pour autant que j'en puisse préjuger mon prochain travail s'appellera De la Bisexualité humaine."(3)


C'est par rapport aux données de l'anatomie et de l'embryologie que Freud fonde la théorie de la bisexualité: "Un certain degré d'hermaphrodisme anatomique appartient en effet à la norme; chez tout individu mâle ou femelle normalement constitué, on trouve des vestiges de l'appareil de l'autre sexe".(2) La conception qui en découle est celle d'une "disposition bisexuelle originelle qui se modifie au cours de l'évolution jusqu'à devenir monosexualité, en conservant quelques menus restes du sexe atrophié".(2) Mais Freud ne transfère pas cette conception au domaine psychique: "On en peut imaginer des rapports aussi étroits entre l'androgynie psychique présumée et l'androgynie anatomique démontrable". (2)


Quant aux faits biologiques, Freud ne leur accorde pas la même portée que celle qu'en donne Fliess lorsque ce dernier conçoit le mécanisme psychique du refoulement fondé sur des bases biologiques. Pour Freud, ce n'est pas le sexe anatomique manifeste qui refoule le sexe opposé: "Je ne fais que réitérer mon désaccord d'autrefois en refusant de sexualiser de cette manière le refoulement et donc de lui donner un fondement biologique et non pas seulement psychologique".(4)


Tout au long de son œuvre Freud a souligné l'importance de la bisexualité dans les phénomènes psychiques - "Si l'on ne tient pas compte de la bisexualité on ne parviendra guère à comprendre les manifestations sexuelles qui peuvent effectivement être observées chez l'homme et chez la femme," (2) - et des conflits qui en découlent: "Pour expliquer le choix entre perversion et névrose, je me base sur la bisexualité de tous les humains." (3) C'est à travers l'analyse des psychonévroses, que Freud va trouver une confirmation de "la constitution supposée bisexuelle de l'être humain".(5) Et en 1925 il écrit: "Tous les individus humains, par suite de leur constitution bisexuelle et leur hérédité croisée, possèdent à la fois des traits masculins et des traits féminins".(6)


Néanmoins, l'on remarquera que ses conceptions sur cette question comportent des hésitations. En 1923 Freud attribue la difficulté de débroussailler les choix d'objet de la première période sexuelle à "la disposition triangulaire de la relation œdipienne" et à la "bisexualité constitutionnelle de l'individu", (7) suggérant ainsi l'indépendance de la bisexualité vis-à-vis des processus identificatoires. Ensuite il précise que l'identification au père ou à la mère issue de la situation œdipienne est étroitement liée à la bisexualité, abordant cette fois-ci la question de la bisexualité comme le résultat d'identifications à la fois masculines et féminines. Cependant, Freud insiste sur le poids des dispositions bisexuelles innées, lorsqu'il donne à l'ambivalence de l'enfant face aux parents une autre genèse que celle de l'identification : "Il se pourrait aussi que l'ambivalence constatée dans les rapports avec les parents doive être entièrement rattachée à la bisexualité." (7) D'un côté, donc, la notion de bisexualité permet d'expliquer les identifications œdipiennes au parent du sexe opposé par la présence, chez les garçons et les filles, d'éléments de l'autre sexe, dégageant ainsi le complexe d'Œdipe de toute forme de déterminisme. Mais, de l'autre côté, si la bisexualité n'a pas d'origine bio-anatomique, la question de son origine demeure obscure: est-ce un "reflet" de l'anatomie? Le résultat d'identifications aux parents des deux sexes? La réponse serait que la bisexualité devient pour Freud, notamment à l'époque du Moi et le Ça, partie intrinsèque de la division de la sexualité.


Quoi qu'il en soit, cette notion est toujours évoquée et sans cesse utilisée dans le quotidien psychanalytique. Le rôle joué par la bisexualité dans les différentes étapes du développement psychosexuel contribuera à la détermination des diverses formes d'attachement du sujet aux objets.


On se doit encore de souligner que même si Freud n'a jamais abandonné la notion de bisexualité psychique, il considère comme une grave lacune l'impossibilité de la rattacher à la théorie des instincts, c'est-à-dire, de lui donner une élaboration métapsychologique. Ce qui implique que "la théorie de la bisexualité demeure très obscure". (8)
Enfin, un problème supplémentaire s'y ajoute: une compréhension plus approfondie de la notion de bisexualité ne peut pas faire l'économie d'une appréhension du couple masculin-féminin. Or, Freud avertit que l'on ne peut donner aucun contenu nouveau aux notions de masculin et de féminin; et que les rattacher à des qualités psychiques, c'est se conformer à l'anatomie et aux conventions: "Cette distinction n'est pas psychologique". (9) Cela signifie que tant que l'on ne trouve pas une définition psychanalytique satisfaisante du couple masculin et féminin, la notion de bisexualité risquera plutôt de "peser sur nos recherches et rend difficile toute description".(10)

Bibliographie :
1 - Eliade, M., (1964), "Traité d'histoire des religions", Paris, Payot.
2 - Freud S., (1905), "Trois essais sur la théorie de la sexualité", trad. fr. Philippe Koeppel, coll. "Folio/Essais", Paris, GALLIMARD, 1987, 215p.
3 - Freud S., (1887-1902), "Lettres-Esquisses-Notes" in La naissance de la psychanalyse, trad. fr. Anne Berman, coll. "Bibliothèque de Psychanalyse", dir. par J. Laplanche, Paris, P.U.F., 1986, p. 47-306.
4 - Freud S., (1937), "L'analyse avec fin et l'analyse sans fin", in Résultats, idées, problèmes II, trad. fr. J. Laplanche, coll. "Bibliothèque de Psychanalyse", dir. par J. Laplanche, Paris, P.U.F., 1987, p. 231-268.
5 - FREUD, S., (1908), "Les fantasmes hystériques et la bisexualité", in Névrose, Psychose et Perversion, trad. fr. J. Laplanche, coll. "Bibliothèque de Psychanalyse", dir. par J. Laplanche, Paris, P.U.F., 1974, p. 149-155.
6 - FREUD, S., (1925), "Quelques conséquence psychologiques de la différence anatomique entre les sexes", in La vie sexuelle, trad. fr. Denise Berger, coll. "Bibliothèque de Psychanalyse", dir. par J. Laplanche, Paris, P.U.F., 1985, p. 123-132.
7 - FREUD, S., (1923), "Le Moi et le Ça", in Essais de Psychanalyse, trad. fr. dir. par André Bourguignon, Paris, Petit Bibliothèque Payot, 1991, p.219-262.
8 - Freud S., (1929), "Malaise dans la civilisation", trad. fr. Ch. et J. Odier, coll. "Bibliothèque de Psychanalyse", dir. par J. Laplanche, Paris, P.U.F., 1971, 107p.
9 - Freud S., (1933), "La féminité" in Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse, trad. fr. Rose-Marie Zeitlin, coll. "Folio/Essais", Paris, GALLIMARD, 1984, p. 150-181.
10 - Freud S., (1938), "Abrégé de psychanalyse", trad. fr. Anne Berman, coll. "Bibliothèque de Psychanalyse", dir. par J. Laplanche, Paris, P.U.F., 1985, 84p.



 

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