mercredi 5 janvier 2011

Le rêve chez Vital d’ Audiguier



Rêve de Cléandre
Pressentiments d’un mari trompé

Cléandre donc, s’approchant de sa femme, lui demanda comment elle se trouvait, et elle dit que sa fièvre avait augmenté depuis le souper faute de dormir, et qu’elle croyait que sa guérison consistait en son repos. Cléandre lui prit la main, et lui trouvant le pouls ému (comme il ne pouvait faillir de l’être, en l’appréhension où elle était) lui dit néanmoins que cela ne serait rien. Qu’il ne soit vrai, dit-il, je suis ému comme vous, mais mon émotion procède d’ailleurs : car je songeais tout maintenant que je vous avais perdue, et qu’il y avait un dragon ici qui vous enlevait; tellement que cela m’a éveillé tout tremblant : et puis me souvenant que vous vous trouviez mal hier au soir, interprétant moi-même mon propre songe, j’ai craint que votre mal ne fût le dragon que j’ai vu vous emporter, et c’est ce qui m’a fait venir à cette heure pour voir comment vous vous trouvez : mais dieu merci, vous n’êtes pas aussi mal que j’avais songé, ce dont je suis bien aise. Je m’en vais coucher une petite heure avec vous, et puis je vous laisserai reposer. Quand Lysandre ouït le songe de Cléandre, il crut infailliblement être découvert, jusqu’à ce qu’il entendit l’explication qu’il en fit.

Vital d’ Audiguier
Histoire trage-comique de nostre temps, sous les noms de Lysandre et de Caliste
France   1624 Genre de texte
Roman
Contexte
Le récit de rêve se situe dans le livre 2 du roman qui comprend 10 livres.
Caliste a donné rendez-vous à son amant Lysandre dans sa chambre. Prétextant auprès de son époux ne pas se sentir bien, elle se retire dans sa chambre alors que son mari Cléandre fait de même. Lorsque les amants se retrouvent, Caliste apprend la visite de son époux. Elle prie Lysandre de se cacher derrière une tapisserie alors que Cléandre entre.
Texte original Cleandre doncques s’approchant de sa femme, luy demanda comment elle se trouvoit, et elle dit que sa fievre avoit augmenté depuis le souper à faute de dormir, et qu’elle croyoit que sa guerison consistoit en son repos. Cleandre luy print la main, et luy trouvant le pous esmeu (comme il ne pouvoit faillir de l’estre, en l’apprehension où elle estoit) luy dit neantmoins que cela ne seroit rien. Qu’il ne soit vray, dit-il, je suis esmeu comme vous, mais mon esmotion procede d’ailleurs : car je songeois tout maintenant que je vous avois perduë, et qu’il y avoit un dragon icy qui vous enlevoit; tellement que cela m’a esveillé tout tremblant : et puis me souvenant que vous-vous trouviez mal hier au soir, interpretant moy-mesme mon propre songe, j’ay craint que vostre mal ne fust le dragon que j’ay veu vous emporter, et c’est ce qui m’a faict venir à ceste heure pour voir comment vous-vous trouvez : mais dieu mercy, vous n’estes pas si mal que j’avois songé, dont je suis bien aise. Je m’en vay coucher une petite heure avecque vous, et puis je vous laisseray reposer. Quand Lysandre oüyt le songe de Cleandre, il creut infailliblement estre descouvert, jusques à ce qu’il entendit l’explication qu’il en fit. 

Texte témoin
Paris : A. Bourriquant, 1624, p. 70-71.

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