mercredi 16 mars 2011

Le concept de pulsion chez Freud






    "Si, en nous plaçant d'un point de vue biologique, nous considérons maintenant la vie psychique, le concept de « pulsion » nous apparaît comme un concept-limite entre le psychique et le somatique, comme le représentant psychique des excitations, issues de l'intérieur du corps et parvenant au psychisme, comme une mesure de l'exigence de travail qui est imposée au psychique en conséquence de sa liaison au corporel.
    Nous pouvons maintenant discuter quelques termes qui sont utilisés en rapport avec le concept de pulsion, comme : poussée, but, objet, source de la pulsion.
    Par poussée d'une pulsion on entend le facteur moteur de celle-ci, la somme de force ou la mesure d'exigence de travail qu'elle représente. Le caractère « poussant » est une propriété générale des pulsions, et même l'essence de celles-ci. Toute pulsion est un morceau d'activité ; quand on parle, d'une façon relâchée, de pulsions passives, on ne peut rien vouloir dire d'autre que pulsions à but passif.
    Le but d'une pulsion est toujours la satisfaction, qui ne peut être obtenue qu'en supprimant l'état d'excitation la source de la pulsion Mais, quoique ce but final reste invariable pour chaque pulsion, diverses voies peuvent mener au même but final, en sorte que différents buts, plus proches ou intermédiaires, peuvent s'offrir pour une pulsion ; ces buts se combinent ou s'échangent les uns avec les autres. L'expérience nous autorise aussi à parler de pulsions « inhibées quant au but », dans les cas de processus pour lesquels une certaine progression dans la voie de la satisfaction pulsionnelle est tolérée, mais qui, ensuite, subissent une inhibition ou une dérivation. On peut supposer que même de tels processus ne vont pas sans une satisfaction partielle.
    L'objet de la pulsion est ce en quoi ou par quoi la pulsion peut atteindre son but. Il est ce qu'il y a de plus variable dans la pulsion, il ne lui est pas originairement lié : mais ce n'est qu'en raison de son aptitude particulière à rendre possible la satisfaction qu'il est adjoint. Ce n'est pas nécessairement un objet étranger, mais c'est tout aussi bien une partie du corps propre. Il peut être remplacé à volonté tout au long des destins que connaît la pulsion ; c'est à ce déplacement de la pulsion que revient rôle le plus important. Il peut arriver que le même objet serve simultanément à la satisfaction de plusieurs pulsions : c'est le cas de ce qu'Alfred Adler appelle l'entrecroisement des pulsions. Lorsque la liaison de la pulsion à l'objet est particulièrement intime, nous la distinguons par le terme de fixation. Elle se réalise souvent dans les périodes du tout début du développement de la pulsion et met fin à la mobilité de celle-ci en résistant intensément à toute dissolution.
    Par source de la pulsion, on entend le processus somatique qui est localisé dans un organe ou une partie du corps et dont l'excitation est représentée dans la vie psychique par la pulsion. Nous ne savons pas si ce processus est strictement de nature chimique ou s'il peut aussi correspondre à une libération d'autres forces, mécaniques par exemple. l'étude des sources pulsionnelle déborde le champs de la psychologie."


Freud, « Pulsions et destin des pulsions », in Métapsychologie, 1912, Gallimard, coll. Idées, pp.18-21.



    "J'estime [...] qu'il faut admettre l'existence de deux variétés d'instincts, dont l'une, formée par les instincts sexuels (Éros) est de beaucoup la plus évidente et la plus accessible à notre connaissance. Cette variété comprend non seulement l'instinct sexuel proprement dit, soustrait à toute inhibition, ainsi que les tendances, inhibées dans leur but et sublimées, qui en dérivent, mais aussi l'instinct de conservation que nous devons attribuer au Moi, et qu'au début de notre travail analytique nous avons, pour de bonnes raisons, opposé aux tendances sexuelles orientées vers des objets. Il nous a été plus difficile de démontrer l'existence de l'autre variété d'instincts, et nous en sommes finalement venus à voir dans le sadisme le représentant de cette variété. Nous basant sur des raisons théoriques appliquées à la biologie, nous avons admis l'existence d'un instinct de mort, ayant pour fonction de ramener tout ce qui est doué de vie organique à l'état inanimé, tandis que le but poursuivi par Éros consiste à compliquer la vie, et, naturellement, à la maintenir et à la conserver, en intégrant à la substance vivante divisée et dissociée un nombre de plus en plus grand de ses particules détachées. Les deux instincts, aussi bien l'instinct sexuel que l'instinct de mort, se comportent comme des instincts de conservation, au sens le plus strict du mot, puisqu'ils tendent l'un et l'autre à rétablir un état qui a été troublé par l'apparition de la vie. L'apparition de la vie serait donc la cause aussi bien de la prolongation de la vie que de l'aspiration à la mort, et la vie elle-même apparaîtrait comme une lutte ou un compromis entre ces deus tendances."

Freud, Le Moi et le ça, 1923, in Essais de psychanalyse, tr.fr. S. Jankélévitch.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire