Rêve de mosquée
1- Récit du rêve :
"J'ai rêvé que j'avais environ 7 ou 8 ans. J'étais dans une maison qui était à la fois mon domicile et une immense mosquée. Les deux architectures se confondaient, elles fusionnaient parfaitement au point qu'il était impossible de les dissocier. La pièce principale était à la fois le salon et une salle de prière collective telle qu'on en trouve dans les mosquées. Je vois un grand Coran magnifique ouvert, posé sur un pupitre sculpté dans un bois précieux ( je pense en rêve au cèdre du Liban ). Je suis comme en extase devant le chatoiement des enluminures et de la calligraphie du Coran. Je constate alors que le sol de la mosquée est un échiquier légèrement houleux. Je vois un âtre dans lequel un feu est allumé; je me dis en rêve : " Ce feu est là depuis la nuit des temps. " J'y dépose des substances ( indéterminables ) très inflammables. Tout à coup une bourrasque ouvre les deux portes principales de la mosquée, provoquant un violent courant d'air qui m'éjecte hors de la mosquée, dans les airs, avec divers objets de culte. Je vois à mes pieds un océan sombre et déchaîné sur lequel flottent, comme des épaves, d'épais ouvrages de cosmogonie, de physique nucléaire et de chimie."
2- Contextualisation :
Je suis un homme de 24 ans issu d'une famille musulmane très pratiquante. J'ai grandi dans une atmosphère familiale où la ferveur religieuse était permanente. Mon père a d'ailleurs fait le pélerinage à La Mecque. J'ai fait moi-même le ramadan et la prière cinq fois par jour. J'étais alors animé d'une foi inébranlable. Mes parents s'efforçaient de respecter scrupuleusement les textes coraniques, mais ils ne nous ont jamais imposé l'Islam, préférant que chacun fasse librement le choix de sa propre obédience. D'ailleurs, dans ma famille certains de mes frères et soeurs s'en sont peu à peu éloignés tandis que d'autres y sont restés très attachés, allant même jusqu'à faire preuve d'orthodoxie et de rigorisme.
Il y a quelques années j'ai quitté l'Algérie pour poursuivre des études d'ingénieur en Fance. Je suis convaincu que ma foi en l'Islam est restée intacte même si mes obligations quotidiennes ne me permettent pas toujours de la pratiquer comme il se doit. Dans la résidence universitaire où j'habite, j'ai fait depuis peu connaissance avec une étudiante. Je pense que ce qui nous a tout de suite rapprochés l'un de l'autre c'est que nous sommes tous deux des libres penseurs. Elle est athée. Nous avons souvent l'occasion de discuter des rapports de la raison et de la foi et de questions religieuses en général. C'est à la suite de l'une de ces conversations que j'ai fait ce rêve où je suis éjecté d'une mosquée par une violente bourrasque. Le thème de notre conversation portait sur la révélation. Avant de m'endormir et faire ce rêve, je n'ai cessé pendant des heures de penser à l'argumentation de mon amie, que j'essaie de reproduire de mémoire : " Si la révélation est la manifestation de Dieu ou d'une volonté surnaturelle faisant connaître aux hommes des vérités inaccessibles à leur simple raison, et si Dieu est effectivement parfait, alors il doit se dire que les personnes auxquelles il a révélé sa vérité n'ont pas de mérite particulier puisqu'elles ne pouvaient s'interdire de croire en ces vérités : en effet, Dieu étant parfait, ses initiatives ne peuvent aboutir à l'échec. Suite à la révélation, nulle créature divine ne peut donc choisir d'être mécréante.
Dieu doit donc aussi juger que si sa révélation est nécessaire pour que l'on devienne croyant, cela veut dire que toute personne qui n'a pas reçu la révélation ne peut croire.
Ainsi, si l'on a eu la révélation, on n'a pas de mérite de croire puisqu'on ne pouvait faire autrement; et si l'on n'a pas eu la révélation, on ne peut nous reprocher de ne pas croire.
Enfin, si la révélation divine est indispensable, nul humain ne peut se targuer d'être le messager de Dieu.
Ainsi, soit la révélation est faite à tout le monde, alors personne n'est méritant. Soit elle n'est faite à personne et nul n'est blâmable. Soit ele n'est faite qu'à certains, alors ceux-ci ne sont pas louables et les autres ne sont pas condamnables. J'estime faire partie de ces derniers pour lesquels, si Dieu et sa révélation existent, l'athéisme n'est pas une faute humaine mais bien le fait de la volonté divine " conclut mon amie.
3- Interprétation :
a- " J'ai rêvé que j'avais 7 ou 8 ans; j'étais dans une maison qui était à la fois mon domicile et une immense mosquée " :
Votre rêve vous ramène aux premières années de votre enfance. A cette époque en tout cas, votre religiosité était si prégnante qu'il n'y avait pas de dissociation possible entre la manière de vivre votre religion et la manière de vivre votre quotidien le plus ordinaire. Ceci n'est pas étonnant si l'on se souvient que Le Coran est le fondement de la société musulmane. Ses prescriptions touchent à toutes les sphères de la vie. Il édicte les pratiques au niveau du culte, du droit, des rapports sociaux, familiaux ou internationaux. Ne serait-ce qu'au niveau du mode alimentaire par exemple, la Sourate 5 du Coran ( AL-MA-IDAH, La table servie ) énonce au verset 1 : " (...) Vous est permise la bête du cheptel, sauf ce qui sera énoncé ( comme étant interdit ) ".
Le verset 3 dit : " Vous sont interdits la bête trouvée morte, le sang, la chair de porc, ce sur quoi on a invoqué un autre nom que celui d'ALLAH, la bête étouffée, la bête assommée ou morte d'une chute ou morte d'un coup de corne, et celle qu'une bête féroce a dévorée - sauf celle que vous égorgez avant qu'elle ne soit morte (...). Si quelqu'un est contraint par la faim, sans inclination vers le péché, alors ALLAH est Pardonneur et Miséricordieux." Les versets 7, 8, 9, 11, 12 de la Sourate 4 ( AN-NISA', Les femmes ) portent sur les modalités de l'héritage. Les versets 15, 16 indiquent la manière la plus équitable d'établir l'adultère, et les versets 22, 23, 24, 25 codifient les liens matrimoniaux. La Sourate 65 est relative au divorce ( A-TALAQ, Le divorce ). La Sourate 83 stigmatise la fraude ( AL-MUTAFFIFUNE, Les fraudeurs ). La Sourate 104 est une condamnation vigoureuse de la calomnie ( AL-HUMAZAH, Les calomniateurs ). La Sourate 107 nous exhorte à secourir notre prochain ( AL MAUN, L'ustensile ).
Cette première partie de votre rêve est donc l'évocation d'une période de votre existence où il vous était impossible de vivre autrement que de manière religieuse et non par contrainte mais bien par conviction profonde.
b- " Les deux architectures se confondaient, elles fusionnaient parfaitement au point qu'il était impossible de les dissocier " :
On retrouve ici, formulée autrement, la thématique essentielle de la première partie de votre rêve. Il faut donc y voir une forme d'insistance destinée à exprimer l'intensité de votre foi religieuse. Le fait que le mode de vie d'une personne soit impossible à dissocier de sa religion n'est pas propre à un individu, ni à un groupe, ni à une époque. On peut au contraire y voir, selon la formule d'Emile Durkheim ( Sociologue français, 1858-1917 ) l'une des " formes élémentaires de la vie religieuse ". Prenons comme exemple le Moyen-Âge : la religion y imprègne en profondeur la société médiévale. Le roi est sacré et détient son pouvoir de Dieu. L'Eglise fait tout pour monopoliser le savoir et les enseignements. Elle vient an aide aux malades et aux prisonniers, elle recueille les enfants abandonnés et vient secourir les pauvres. Les fêtes religieuses rythment le calendrier des travaux et des jours. Le 25 décembre 498 selon la tradition, Clovis se fait baptiser et le pouvoir bascule dans la sphère du sacré. Pépin Le Bref, en 754, se fait sacrer d'abord par l'évêque Boniface, puis par le pape Etienne II. Quand Hugues Capet, élu par ses pairs à la dignité royale, met fin à la dynastie carolingienne, il est sacré à la cathédrale de Reims. A cette époque la cathédrale sert de refuge à une population de mendiants ou de voyageurs. Vide de chaises, on y déambule librement, on y parle à voix haute; certains métiers y tiennent réunion pendant que les étudiants y suivent un cours. Durant tout le Moyen Âge l'Eglise a le monopole de l'instruction et contrôle les grands domaines du savoir. En 789, Charlemagne ordonne que les évêques et les abbés ouvrent des écoles pour y enseigner les Psaumes, le chant, le calendrier religieux et la grammaire. A partir de 1030 le système féodal se met en place. La seigneurie rurale, composée de centaines de chatellenies, s'approprie la puissance publique. Les seigneurs sont assujettis les uns aux autres dans une pyramide de liens de fidélité. Le vassal accèpte des obligations d'obéissance et de service aide militaire et financière ) envers le seigneur qui le protège et reçoit en échange la possession héréditaire d'un fief ou d'une rente. La société se segmente peu à peu entre les " pauvres " ( les désarmés, sans défense ) et les " puissants " ( ceux qui portent les armes ). La théorie des ordines, soutenue par l'église, vient cnforter cette nouvelle répartition sociale. La société s'articule dès lors autour de trois ordres : ceux qui prient ( les moines, les pretres ); ceux qui combattent ( l'aristocratie, 1 à 2% de la population ), et ceux qui travaillent ( l'immense majorité ) selon un schéma social voulu par Dieu. Dans cette vision de la société, la chevalerie devient un groupe cohérent et le chevalier acquiert un prestige d'autant plus grand que l'église idéalise le rôle du combattant oeuvrant pour instaurer la paix de Dieu.. Vers les XI, XII siècles, la religion imprègne toute la vie publique ou privée. La prière s'impose jusque dans lesactes les plus humbles de la vie quotidienne.
La vie est rythmée par la cloche de l'église. Enfin les aliments eux-mêmes n'ont pas toujours la même valeur culturelle; on les classe à l'intérieur d'une hiérarchie qui mène du ciel à la terre : tout en haut figurent les oiseaux qui se meuvent dans l'air, le plus élevé des quatre éléments; tout en bas on trouve les plantes qui viennent de la terre. Les racines elle-mêmes, comme carottes et raves, viennent seulement ensuite car elles pousen sous la terre, ainsi qe les bulbes - oignon, poireau et ail - qui sont de loin les aliments les plus méprisés. Cette hiérarchie est même justifiée par les médecins. Les élites consomment ainsi beaucoup de volatiles et aussi de fruits, qui poussent sur des arbres en hauteur et conviennent donc parfaitement aux classes aisées de la société. Elles s'abstiennent complètement de légumes laissés aux paysans.
On voit que la deuxième partie de votre rêve exprime une idée générale qui dépasse l'architecture particulière de tel ou tel édifice ( en l'occurrence la mosquée ) : votre rêve signifie ici que l'architecture de votre système religieux prend corps dans votre mode de vie. Celui-ci est la matérialisation de votre religion. C'est pourquoi les deux se confondent tellement qu'il est impossible de les distinguer l'un de l'autre . Et ce phénomène ne s'observe pas seulement à l'échelle individuelle, mais aussi à l'échelle collective, dans de nombreuses sociétés et à de nombreuses époques. On peut donc affirmer sans risque qu'une constante culturelle universelle ( vivre son quotidien religieusement ) s'exprime dans votre rêve particulier.
c- " Le salon est une salle de prière collective telle qu'on en trouve dans les mosquées " :
La salle de votre rêve est vide. Vous me dites avoir souvent eu des pensées et des sensations étranges à la vue de votre salon et de la salle de prière vides : vous êtiez pris alors d'une sorte de malaise, de souffrance; vous pensiez : " C'est bien dommage qu'il n'y ait personne; ce vide, cette absence de monde me fait souffrir. " Puis vous vous êtes surpris à penser : " Pourtant la foi ne devrait-elle pas à elle seule m'apporter la plénitude même dans un lieu vide ? Ai-je à ce point besoin des autres pour avoir la foi ? Quand on est vraiment croyant, ne devrait-on pas continuer de l'être même dans la solitude ? "Puis vous avez songé à la prière. Prier c'est s'adresser à Dieu ou à un être surnaturel par des pensées exprimées ou non, pour l'adorer, lui demander une grâce. Vous avez pensé à ce sujet : " Si je souffre de solitude dans une salle de prière vide et si par conséquent ma foi en Dieu ne compense pas l'absence de mes coréligionnaires cela ne signifierait-il pas au fond que mon Dieu c'est l'autre, que les autres sont mes dieux ? Mon abnégation à Dieu n'est-elle pas une abdication devant les autres ? "
Cette troisième partie de votre rêve exprime donc votre scepticisme. Vous vous interrogez sur la motivation profonde de votre foi sans pour autant renier celle-ci : vous n'êtes donc ni un fidéiste, ni un traditionnaliste, ni un athée, ni un apostat, mais un croyant qui, traversant une période de scepticisme provoqué par son entourage, tend vers une religion éclairée par la raison.
d- " Je vois un grand Coran magnifique ouvert, posé sur un pupitre sculpté dans un bois précieux ( je pense en rêve au cèdre du Liban ). Je suis comme en extase devant le chatoiement des enluminures et de la calligraphie du Coran " :
Rappelons que Le Coran, de l'arabe al-Qur'an, " récitation à voix haute ", est pour les musulmans la parole incréée de Dieu, révélée à Mahomet ( en arabe Muhammad, le loué, La Mecque, vers 570 - Médine 632 ) par l'archange Gabriel dans une grotte du mont Hira, et non un message inspiré, d'où l'importance capitale du texte. Du vivant du Prophète Le Coran avait été noté sur divers supports ( omoplates de chameau, feuilles de palmier, tessons de poterie ) et, le plus souvent, retenu de mémoire. Après la mort du Prophète et de ses compagnons il apparut nécessaire, Le Coran étant le fondement e la société musulmane, d'en fixer le texte. Le troisième calife, Othman, ordonna ( entre 644 et 656 ) de recenser tous les recueils existants et, après la rédaction d'une Vulgate ( version répandue ), ils furent détruits.
Le Coran se compose de 114 chapitres ( Sourates ) rangés dans l'ordre décroissant de leur longueur. Chaque sourate, dont le nom est tiré d'un épisode qui y est conté, est divisée en versets ( ayat ). Les sourates se groupent, selon le lieu où elles furent révélées, en mekkoises et médinoises. Les sourates mekkoises, les plus courtes, au style concis et poétique, ont un souffle prophétique. Les sourates médinoises, longs chapitres légiférants, codifient la vie musulmane.
Rappelons encore, avant de poursuivre l'interprétation du rêve, que Mahomet, Prophète de l'Islam et orphelin de naissance, fut élevé par un oncle et fut assez tôt chargé de la garde des troupeaux. Plus tard il entre au service d'une riche veuve, Khadidja. Il accompagna ses caravanes en Syrie et elle l'associa à ses affaires puis l'épousa. Ils eurent sept enfants: tois fils qui ne vécurent pas, et quatre filles. La plus jeune, Fatima, épousera Ali, cousin de Muhammad et assurera la descendance du Prophète. La Mecque, cité caravanière, était le lieu d'un pélerinage polythéiste. Cependant l'existence d'un courant monothéiste y est attestée. Muhammad avait pris l'habitude de méditations solitaires dans une grotte, près de La Mecque. C'est là qu'il eut, par l'intermédiaire de l'archange Gabriel, la révélation de la mission dont Dieu l'investissait. Son entourage reçut son message et l'encouragea. Mais les riches commerçants de La Mecque repoussèrent sa doctrine qui ruinait leurs intérêts. Les humbles formèrent un groupe d'adeptes. En 619, ayant perdu deux fidèles alliés, Khadidja et son oncle Abou Talib, Muhammad dut chercher refuge hors de La Mecque, où il s'opposait désormais à son oncle paternel Abou Lahab. Des contacts furent pris avec des tribus de la ville de Yathrib, palmeraie au nord-ouest de La Mecque, qui cherchaient un médiateur. Muhammad y émigra avec ses partisans en 622. Cette émigration ( hidjra, hégire ) est le point de départ de l'ère musulmane et Yathrib prit le nom de Madinat al Nabi ( la ville du Prophète : Médine ).
Muhammad organisa à Médine la communauté muslmane ( umma ) formée de deux catégories égales d'adeptes : les Muhadjirun, émigrés mecquois, et les 'Ansar, disciples de Médine. Ranimant la foi monothéiste d'Abraham ( Ibrahim ) Muhammad donna des racines purement arabes à l'organisation culturelle et liturgique, qu'il précisa au fil des années. Victoires et défaites militaires alternèrent contre les mecquois qui conclurent avec Muhammad un pacte en 628, permettant le pélerinage et stipulant une trêve de dix ans. En 630, les mecquois ayant rompu la trêve, Muhammad s'empara de leur ville, détruisit les idoles, décréta une amnistie générale, puis retourna à Médine. Les derniers adversaires se rallièrent. Vers 632 toute l'Arabie était pratiquement islamisée. Muhammad fit le pélerinage de l' " Adieu " à La Mecque et en codifia les rites ( hadj ). Au retour, il tomba malade et mourut le 6 juin 632. La Mecque, vile d'Arabie Saoudite, est la capitale religieuse de l'Islam. La Mosquée de La Mecque renferme la Kaaba, vaste édifice cubique ( Kaaba vient du Grec kubos, " dé à jouer " ) en pierre grise dont Le Coran fait remonter l'origine à Abraham à qui l'Ange Gabriel aurait donné la pierre noire, scellée dans l'angle oriental à 1,50m du sol. D'après certaines légendes, elle était blanche à l'origine mais aurait noirci à cause du péché des hommes.
Dans votre rêve, il n'y a que Le Coran dans la salle. Ses caratéristiques : grand, ouvert, magnifiqe, montrent qu'il occupe dans votre vie la place qu'il a dans l'Islam. Il est le centre de gravité pour l'intellect et le coeur de tout musulman qui le considère comme le pôle de référence privilégié. C'est aussi pourquoi il n'est pas entouré d'humains dans votre rêve : d'abord parce qu'il est sacré et qu'une présence humaine équivaudrait pour vous à une souillure ou une profanation; ensuite parce que nul humain ne peut à vos yeux rivaliser avec lui en matière de science et de sagesse.
Vous êtes musulman et rappelons que les manuscrits du Coran tiennent une place importante dans les beaux-arts de l'Islam : la calligraphie, les enluminures contribuent à leur valeur extrême. Vous avez baigné dans cette ambiance esthétique inspirée du Coran e nous assistons à sa résurgence dans votre rêve pour signifier que ce livre saint rayonne ecore pour vous de tout son éclat en dépit des doutes qui vous assaillent mais qui ne parviennent pas à détruire vos convictions religieuses. Cette solidité de votre foi dans Le Coran se voit dans l'image du cèdre auquel vous pensez dans votre rêve : en raison de la taille considérable de sa variété la plus connue, le cèdre du Liban ( jusqu'à 40m de hauteur et 3,50m de diamètre ), on en a fait un emblème de la grandeur, de la noblesse, de la force et de la perrennité. Mais le cèdre est plus encore, de par ses propriétés naturelles, un symbole d'incorruptibilité. C'est ce qu'exprime Origène, le théologien philosophe du IIè siècle, comentant le Cantique es Cantiques, I, 17 : " Le cèdre ne pourrit pas; faire de cèdre les portes de nos demeures, c'est préserver l'âme de la corruption. "
Le cèdre, comme tous les conifères, est en conséquence un symbole d'immortalité. Les Egyptiens en faisaient des vaisseaux, des cercueils et des statues. Les Hébreux, sous Salomon, e construisirent la charpente du Temple de Jérusalem. Des statues grecques et romaines étaient en bois de cèdre. De son bois résineux les Romains firent aussi des torches odorantes; ils sculptaient aussi les images de leurs dieux et de leurs ancêtres dans ce bois, considéré comme sacré. Les Celtes embaumaient à la résine de cèdre les têtes les plus nobles parmi les ennemis. Cette résine est, dans certains cas, remplacée par de l'or qui a, de toute évidence, la même signification. Le Christ est parfois représenté au coeur d'un cèdre.
Le fait que dans votre rêve Le Coran soit posé sur un pupitre sculpté dans du bois de cèdre signife donc que ce livre est inaltérable, imputrescible, sacré, éternel. Vous avez l'air de croire que quand nos convictions sont taillées dans Le Coran, comme quand les vaisseaux égyptiens sont taillés dans le cèdre, on peut être assuré de franchir les océans déchaînés et de vaincre ses ennemis.
e- "Je onstate alors que le sol de la mosquée est un échiquier légèrement houleux ":
Nous retrouvons ici le scepticisme qui s'était déjà manifesté dans la troisième partie de votre rêve où le salon était une salle de prière. Ici l'échiquier est une partie essentielle de la mosquée puisqu'il en est le sol. L'échiquier constitue l'illustration du combat primordial autant que de la lutte dans laquelle chaque homme a le devoir de s'engager. Les forces antagonistes sont révélées par l'opposition du blanc et du noir, allégorie du jour et de la nuit, du Bien et du Mal, du Yin et du Yang. Le symbolisme se retrouve tant dans des les pions que dans les cases de l'échiquier. Toutes les pièces du jeu sont une manifestation structurelle de la société où chaque acteur est essentiel et elles rappellent que le roi n'a aucun pouvoir sans les pions. Le jeu valorise et développe les qualités du héros : la stratégie, la réflexion profonde, l'intelligence subtile et la patience plutôt que la force brutale. Le fait que dans votre rêve le sol de la mosquée soit un échiqier signifie avant tout que pour vous l'Islam édicte les préceptes grâce auxquels le croyant peut s'assurer la prise de contrôle, non seulement sur ses adversaires et sur un territoire, mais aussi sur soi-même, car la division intérieure du psychisme humain est aussi le théâtre d'un combat. Mais dans votre rêve cet échiquer est un sol houleux : la houle est le mouvement d'ondulation qui agite la mer sans faire déferler les vagues. Or il est plus facile de naviguer sur une mer calme que sur une mer houleuse. On a l'impression ici que vos repères religieux essentiels sont quelque peu malmenés ou fragilisés. Vous reconnaissez d'ailleurs que vos conversations fréquentes avec vos amis, en particulier avec votre amie, ont joué un rôle majeur dans cette relative destabilisation de vos convictions.
f- " Je vois un âtre dans lequel un feu est allumé; je me dis en rêve : " Ce feu est là depuis la nuit des temps". J'y dépose des substances ( indéterminables ) très inflammables " :
L'âtre est le foyer de la cheminée. La cheminée est le canal par où passe le souffle qui anime le foyer, aspire la flamme, excite le feu, bref entretient la vie de la famille ou du groupe. Elle est aussi le symbole du lien social. C'est autour d'elle que se tiennent les veillées où s'évoquent les coutumes des Anciens. La mosquée de votre rêve est donc le symbole de la spiritualité permanente et diffuse dans les moindres parcelles de votre existence. Malgré les interrogations suscitées par vos discussions, vous vous accrochez farouchement à votre foi car vous avez l'air de vouloir vous rassurer en vous disant que " le feu est là depuis la nuit des temps ". Il est donc inextinguible et en tant que tel, ce ne sont pas des arguments, voire des arguties de mortels relatives au bien-fondé de la révélation qui l'éteindront. Vous êtes d'ailleurs prêt à combattre pour entretenir cette flamme, en y jetant des substances qui sont peut-être des arguments imparables aux objections de vos détracteurs puisqu'elles sont très inflammables et que de ce fait elles attisent et réactivent le feu.
Le fait que ces substances soient indéterminables signifie probablement que vous êtes certain de sortir toujours victorieux des joutes intellectuelles, même quand vous n'avez pas encore trouvé la parade. Signalons ici que dans votre rêve vous faites penser aux Vestales, les prêtresses, restreintes à la chasteté, qui entretenaient le feu sacré dans le temple de Vesta, déesse du foyer chez les Romains, assimilée à l'Hestia des Grecs.
g " Tout à coup une bourrasque ouvre les deux portes principales de la mosquée, provoquant un violent courant d'air qui m'éjecte hors de la mosquée, dans les airs, avec divers objets de culte " :
Vous admettez ici que la discussion avec votre amie, la veille, a exercé une influence particulièrement vive sur la solidite de votre foi. Son argumentaire a violenté vos convictions et vous vous êtes senti contraint de suspendre celles-ci tout en vous décidant fermement de n'en jamais démordre. Vous vous êtes retrouvé sous la pression de deux impératifs antinomiques et donc absolument inconciliables : croire sans preuve et ne plus croire par preuve. C'est ce dernier impératif que représente la bourrasque qui vous éjecte hors de la mosquée avec tous les objets de culte; ceci signifie l'effondrement total de votre système religieux. Le symbolisme du vent nous conforte dans cette interprétation : en effet le vent revêt plusieurs aspects. C'est, en raison de l'agitation qui le caractérise, un symbole de vanité, d'instabilité, d'inconstance. Vos croyances vous semblent donc, au moins provisoirement, vaines, instables et inconstantes.
Mais le vent est aussi synonyme de souffle, et, en conséquence, de l'Esprit, de l'influx spirituel d'origine céleste. C'est pourquoi les Psaumes, comme Le Coran, font des vents les messagers divins, l'équivalent des Anges. L'Esprit de Dieu se mouvant sur les eaux primordiales est appelé un vent ( Rouah ). C'est un vent qui apporte aux Apôtres les langues de feu du Saint Esprit. D'après les traditions cosmogoniques hindoues des Lois de Manu, le vent serait né de l'esprit et aurait engendré la lumière : " (...) de la transformation du vent est née la lumière illuminatrice qui, resplendissante, chasse les ténèbres..." ( Soun, 350 ). Selon les traditions islamiques, le vent est chargé de contenir les eaux. Sa création, air et nuage, aux ailes innombrables, lui conférerait également une fonction de support : " Puis Dieu créa le vent et le munit d'ailes innombrables.Il lui ordonna de porter l'Eau. Avâs, le Trône était sur l'Eau et l'Eau sur le Vent. " Dans les traditions bibliques, les vents sont le souffle de Dieu. Le vent anime le premier homme. La brise dans les micocouliers annonce l'approche de Dieu. Sous cet angle, le vent de votre rêve est aussi le symbole de la divinité. Dans votre rêve le vent est donc une image surdéterminée, de lui partent plusieurs faisceaux de significations : il incarne à la fois la force qui rend chancelante votre foi, mais aussi la puissance de la divinité en laquelle vous continuez d'avoir une foi si solide que nul vent, si destructeur fût-il, ne pourrait anéantir.
h- " Je vois à mes pieds un océan déchaîné sur lequel flottent, comme des épaves, d'épais ouvrages de cosmologie, de physique nucléaire et de chimie " :
Vos conversations des jours précédant le rêve, et particulièrement celle de la veille ont provoqué en vous un bouleversement idéologique mais non au profit d'une nouvelle théorie. Il y a eu en réalité une destruction non suivie d'une reconstruction. D'où l'impression de chaos évoquée par votre rêve. On assiste à une forme de déluge qui emporte non seulement votre foi, mais encore les éléments qui l'ont détruite; ces éléments sont représentés par les livres de science qui symbolisent la rationalité empirique. On remarque cependant que votre système religieux n'est pas anéanti puisque vous êtes seulement chassé de la mosquée sans que celle-ci ne s'effondre. En revanche, ce qui a provoqué votre scepticisme est, qant à lui, détruit, transformé en épaves : vous détruisez ce qui s'efforce de détruire votre édifice idéal, tout en sauvant celui-ci ( la mosquée ). Rappelons que dans les mythologies égyptiennes, la naissance de la terre et de la vie était conçue comme une émergence de l'océan, à l'image des buttes bourbeuses que découvre le Nil lors de sa décrue. C'est ainsi que la création, celle même des dieux, est issue des eaux primordiales. Le dieu initial est appelé La Terre qui émerge.
C'est aussi sur l'océan que dort Vishnu; cet océan est l'Arnava, la mer informelle et ténébreuse, les Eaux inférieures sur lesquelles plane l'Esprit divin et d'où naît le bourgeonnement originel, oeuf, lotus, roseau, île. Le Varâha-avatâra ( le Sanglier ) fait émerger la terre à sa surface; Izanami l'agite de sa lance et y crée la première île par coagulation; les Deva et les Asura la barattent et en extraient ainsi l'amrita, le breuvage d'immortalité. Dans votre rêve, la terre a disparu au profit del'océan déchaîné, ce qui symbolise bien une forme d'apocalypse mais à laquelle survit la mosquée, telle l'arche de Noé après le déluge.
En résumé, votre rêve témoigne de votre attachement intense et pour ainsi dire inexpugnable à votre religion. Cependant, votre penchant pour la critique, votre souci de rigueur intellectuelle, votre répugnance pour l'arbitraire génèrent parfois un conflit intérieur entre les deux natures qui vous constituent, ces natures étant antinomiques et donc inconciliables au moyen d'une forme unique de rationalité. Ce que vous apporte votre foi vous est nécessaire mais jamais votre intellect ne semble en mesure de vous le procurer et devenir ainsi l'allié indéfectible de votre foi. Et inversement ; en tant que croyant c'est certes la raison de votre foi qui prédomine, mais en tant que libre-penseur vous avez aussi foi en votre raison. Puisque vous vivez dans deux registres différents et irréductibles, il ne peut y avoir de combat entre eux ni de victoire de l'un sur l'autre. C'est pourquoi votre rêve, induit par une argumentation virulente contre la foi, se conclut malgré tout simultanément par une survivance de votre foi ( la mosquée n'est pas détruite ) et par la reconnaissance des prétentions légitimes de votre raison ( vos livres de science flottent sur un océan déchaîné qui ne les submerge pas ).
Chéguenni Mohamed
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1- Récit du rêve :
"J'ai rêvé que j'avais environ 7 ou 8 ans. J'étais dans une maison qui était à la fois mon domicile et une immense mosquée. Les deux architectures se confondaient, elles fusionnaient parfaitement au point qu'il était impossible de les dissocier. La pièce principale était à la fois le salon et une salle de prière collective telle qu'on en trouve dans les mosquées. Je vois un grand Coran magnifique ouvert, posé sur un pupitre sculpté dans un bois précieux ( je pense en rêve au cèdre du Liban ). Je suis comme en extase devant le chatoiement des enluminures et de la calligraphie du Coran. Je constate alors que le sol de la mosquée est un échiquier légèrement houleux. Je vois un âtre dans lequel un feu est allumé; je me dis en rêve : " Ce feu est là depuis la nuit des temps. " J'y dépose des substances ( indéterminables ) très inflammables. Tout à coup une bourrasque ouvre les deux portes principales de la mosquée, provoquant un violent courant d'air qui m'éjecte hors de la mosquée, dans les airs, avec divers objets de culte. Je vois à mes pieds un océan sombre et déchaîné sur lequel flottent, comme des épaves, d'épais ouvrages de cosmogonie, de physique nucléaire et de chimie."
2- Contextualisation :
Je suis un homme de 24 ans issu d'une famille musulmane très pratiquante. J'ai grandi dans une atmosphère familiale où la ferveur religieuse était permanente. Mon père a d'ailleurs fait le pélerinage à La Mecque. J'ai fait moi-même le ramadan et la prière cinq fois par jour. J'étais alors animé d'une foi inébranlable. Mes parents s'efforçaient de respecter scrupuleusement les textes coraniques, mais ils ne nous ont jamais imposé l'Islam, préférant que chacun fasse librement le choix de sa propre obédience. D'ailleurs, dans ma famille certains de mes frères et soeurs s'en sont peu à peu éloignés tandis que d'autres y sont restés très attachés, allant même jusqu'à faire preuve d'orthodoxie et de rigorisme.
Il y a quelques années j'ai quitté l'Algérie pour poursuivre des études d'ingénieur en Fance. Je suis convaincu que ma foi en l'Islam est restée intacte même si mes obligations quotidiennes ne me permettent pas toujours de la pratiquer comme il se doit. Dans la résidence universitaire où j'habite, j'ai fait depuis peu connaissance avec une étudiante. Je pense que ce qui nous a tout de suite rapprochés l'un de l'autre c'est que nous sommes tous deux des libres penseurs. Elle est athée. Nous avons souvent l'occasion de discuter des rapports de la raison et de la foi et de questions religieuses en général. C'est à la suite de l'une de ces conversations que j'ai fait ce rêve où je suis éjecté d'une mosquée par une violente bourrasque. Le thème de notre conversation portait sur la révélation. Avant de m'endormir et faire ce rêve, je n'ai cessé pendant des heures de penser à l'argumentation de mon amie, que j'essaie de reproduire de mémoire : " Si la révélation est la manifestation de Dieu ou d'une volonté surnaturelle faisant connaître aux hommes des vérités inaccessibles à leur simple raison, et si Dieu est effectivement parfait, alors il doit se dire que les personnes auxquelles il a révélé sa vérité n'ont pas de mérite particulier puisqu'elles ne pouvaient s'interdire de croire en ces vérités : en effet, Dieu étant parfait, ses initiatives ne peuvent aboutir à l'échec. Suite à la révélation, nulle créature divine ne peut donc choisir d'être mécréante.
Dieu doit donc aussi juger que si sa révélation est nécessaire pour que l'on devienne croyant, cela veut dire que toute personne qui n'a pas reçu la révélation ne peut croire.
Ainsi, si l'on a eu la révélation, on n'a pas de mérite de croire puisqu'on ne pouvait faire autrement; et si l'on n'a pas eu la révélation, on ne peut nous reprocher de ne pas croire.
Enfin, si la révélation divine est indispensable, nul humain ne peut se targuer d'être le messager de Dieu.
Ainsi, soit la révélation est faite à tout le monde, alors personne n'est méritant. Soit elle n'est faite à personne et nul n'est blâmable. Soit ele n'est faite qu'à certains, alors ceux-ci ne sont pas louables et les autres ne sont pas condamnables. J'estime faire partie de ces derniers pour lesquels, si Dieu et sa révélation existent, l'athéisme n'est pas une faute humaine mais bien le fait de la volonté divine " conclut mon amie.
3- Interprétation :
a- " J'ai rêvé que j'avais 7 ou 8 ans; j'étais dans une maison qui était à la fois mon domicile et une immense mosquée " :
Votre rêve vous ramène aux premières années de votre enfance. A cette époque en tout cas, votre religiosité était si prégnante qu'il n'y avait pas de dissociation possible entre la manière de vivre votre religion et la manière de vivre votre quotidien le plus ordinaire. Ceci n'est pas étonnant si l'on se souvient que Le Coran est le fondement de la société musulmane. Ses prescriptions touchent à toutes les sphères de la vie. Il édicte les pratiques au niveau du culte, du droit, des rapports sociaux, familiaux ou internationaux. Ne serait-ce qu'au niveau du mode alimentaire par exemple, la Sourate 5 du Coran ( AL-MA-IDAH, La table servie ) énonce au verset 1 : " (...) Vous est permise la bête du cheptel, sauf ce qui sera énoncé ( comme étant interdit ) ".
Le verset 3 dit : " Vous sont interdits la bête trouvée morte, le sang, la chair de porc, ce sur quoi on a invoqué un autre nom que celui d'ALLAH, la bête étouffée, la bête assommée ou morte d'une chute ou morte d'un coup de corne, et celle qu'une bête féroce a dévorée - sauf celle que vous égorgez avant qu'elle ne soit morte (...). Si quelqu'un est contraint par la faim, sans inclination vers le péché, alors ALLAH est Pardonneur et Miséricordieux." Les versets 7, 8, 9, 11, 12 de la Sourate 4 ( AN-NISA', Les femmes ) portent sur les modalités de l'héritage. Les versets 15, 16 indiquent la manière la plus équitable d'établir l'adultère, et les versets 22, 23, 24, 25 codifient les liens matrimoniaux. La Sourate 65 est relative au divorce ( A-TALAQ, Le divorce ). La Sourate 83 stigmatise la fraude ( AL-MUTAFFIFUNE, Les fraudeurs ). La Sourate 104 est une condamnation vigoureuse de la calomnie ( AL-HUMAZAH, Les calomniateurs ). La Sourate 107 nous exhorte à secourir notre prochain ( AL MAUN, L'ustensile ).
Cette première partie de votre rêve est donc l'évocation d'une période de votre existence où il vous était impossible de vivre autrement que de manière religieuse et non par contrainte mais bien par conviction profonde.
b- " Les deux architectures se confondaient, elles fusionnaient parfaitement au point qu'il était impossible de les dissocier " :
On retrouve ici, formulée autrement, la thématique essentielle de la première partie de votre rêve. Il faut donc y voir une forme d'insistance destinée à exprimer l'intensité de votre foi religieuse. Le fait que le mode de vie d'une personne soit impossible à dissocier de sa religion n'est pas propre à un individu, ni à un groupe, ni à une époque. On peut au contraire y voir, selon la formule d'Emile Durkheim ( Sociologue français, 1858-1917 ) l'une des " formes élémentaires de la vie religieuse ". Prenons comme exemple le Moyen-Âge : la religion y imprègne en profondeur la société médiévale. Le roi est sacré et détient son pouvoir de Dieu. L'Eglise fait tout pour monopoliser le savoir et les enseignements. Elle vient an aide aux malades et aux prisonniers, elle recueille les enfants abandonnés et vient secourir les pauvres. Les fêtes religieuses rythment le calendrier des travaux et des jours. Le 25 décembre 498 selon la tradition, Clovis se fait baptiser et le pouvoir bascule dans la sphère du sacré. Pépin Le Bref, en 754, se fait sacrer d'abord par l'évêque Boniface, puis par le pape Etienne II. Quand Hugues Capet, élu par ses pairs à la dignité royale, met fin à la dynastie carolingienne, il est sacré à la cathédrale de Reims. A cette époque la cathédrale sert de refuge à une population de mendiants ou de voyageurs. Vide de chaises, on y déambule librement, on y parle à voix haute; certains métiers y tiennent réunion pendant que les étudiants y suivent un cours. Durant tout le Moyen Âge l'Eglise a le monopole de l'instruction et contrôle les grands domaines du savoir. En 789, Charlemagne ordonne que les évêques et les abbés ouvrent des écoles pour y enseigner les Psaumes, le chant, le calendrier religieux et la grammaire. A partir de 1030 le système féodal se met en place. La seigneurie rurale, composée de centaines de chatellenies, s'approprie la puissance publique. Les seigneurs sont assujettis les uns aux autres dans une pyramide de liens de fidélité. Le vassal accèpte des obligations d'obéissance et de service aide militaire et financière ) envers le seigneur qui le protège et reçoit en échange la possession héréditaire d'un fief ou d'une rente. La société se segmente peu à peu entre les " pauvres " ( les désarmés, sans défense ) et les " puissants " ( ceux qui portent les armes ). La théorie des ordines, soutenue par l'église, vient cnforter cette nouvelle répartition sociale. La société s'articule dès lors autour de trois ordres : ceux qui prient ( les moines, les pretres ); ceux qui combattent ( l'aristocratie, 1 à 2% de la population ), et ceux qui travaillent ( l'immense majorité ) selon un schéma social voulu par Dieu. Dans cette vision de la société, la chevalerie devient un groupe cohérent et le chevalier acquiert un prestige d'autant plus grand que l'église idéalise le rôle du combattant oeuvrant pour instaurer la paix de Dieu.. Vers les XI, XII siècles, la religion imprègne toute la vie publique ou privée. La prière s'impose jusque dans lesactes les plus humbles de la vie quotidienne.
La vie est rythmée par la cloche de l'église. Enfin les aliments eux-mêmes n'ont pas toujours la même valeur culturelle; on les classe à l'intérieur d'une hiérarchie qui mène du ciel à la terre : tout en haut figurent les oiseaux qui se meuvent dans l'air, le plus élevé des quatre éléments; tout en bas on trouve les plantes qui viennent de la terre. Les racines elle-mêmes, comme carottes et raves, viennent seulement ensuite car elles pousen sous la terre, ainsi qe les bulbes - oignon, poireau et ail - qui sont de loin les aliments les plus méprisés. Cette hiérarchie est même justifiée par les médecins. Les élites consomment ainsi beaucoup de volatiles et aussi de fruits, qui poussent sur des arbres en hauteur et conviennent donc parfaitement aux classes aisées de la société. Elles s'abstiennent complètement de légumes laissés aux paysans.
On voit que la deuxième partie de votre rêve exprime une idée générale qui dépasse l'architecture particulière de tel ou tel édifice ( en l'occurrence la mosquée ) : votre rêve signifie ici que l'architecture de votre système religieux prend corps dans votre mode de vie. Celui-ci est la matérialisation de votre religion. C'est pourquoi les deux se confondent tellement qu'il est impossible de les distinguer l'un de l'autre . Et ce phénomène ne s'observe pas seulement à l'échelle individuelle, mais aussi à l'échelle collective, dans de nombreuses sociétés et à de nombreuses époques. On peut donc affirmer sans risque qu'une constante culturelle universelle ( vivre son quotidien religieusement ) s'exprime dans votre rêve particulier.
c- " Le salon est une salle de prière collective telle qu'on en trouve dans les mosquées " :
La salle de votre rêve est vide. Vous me dites avoir souvent eu des pensées et des sensations étranges à la vue de votre salon et de la salle de prière vides : vous êtiez pris alors d'une sorte de malaise, de souffrance; vous pensiez : " C'est bien dommage qu'il n'y ait personne; ce vide, cette absence de monde me fait souffrir. " Puis vous vous êtes surpris à penser : " Pourtant la foi ne devrait-elle pas à elle seule m'apporter la plénitude même dans un lieu vide ? Ai-je à ce point besoin des autres pour avoir la foi ? Quand on est vraiment croyant, ne devrait-on pas continuer de l'être même dans la solitude ? "Puis vous avez songé à la prière. Prier c'est s'adresser à Dieu ou à un être surnaturel par des pensées exprimées ou non, pour l'adorer, lui demander une grâce. Vous avez pensé à ce sujet : " Si je souffre de solitude dans une salle de prière vide et si par conséquent ma foi en Dieu ne compense pas l'absence de mes coréligionnaires cela ne signifierait-il pas au fond que mon Dieu c'est l'autre, que les autres sont mes dieux ? Mon abnégation à Dieu n'est-elle pas une abdication devant les autres ? "
Cette troisième partie de votre rêve exprime donc votre scepticisme. Vous vous interrogez sur la motivation profonde de votre foi sans pour autant renier celle-ci : vous n'êtes donc ni un fidéiste, ni un traditionnaliste, ni un athée, ni un apostat, mais un croyant qui, traversant une période de scepticisme provoqué par son entourage, tend vers une religion éclairée par la raison.
d- " Je vois un grand Coran magnifique ouvert, posé sur un pupitre sculpté dans un bois précieux ( je pense en rêve au cèdre du Liban ). Je suis comme en extase devant le chatoiement des enluminures et de la calligraphie du Coran " :
Rappelons que Le Coran, de l'arabe al-Qur'an, " récitation à voix haute ", est pour les musulmans la parole incréée de Dieu, révélée à Mahomet ( en arabe Muhammad, le loué, La Mecque, vers 570 - Médine 632 ) par l'archange Gabriel dans une grotte du mont Hira, et non un message inspiré, d'où l'importance capitale du texte. Du vivant du Prophète Le Coran avait été noté sur divers supports ( omoplates de chameau, feuilles de palmier, tessons de poterie ) et, le plus souvent, retenu de mémoire. Après la mort du Prophète et de ses compagnons il apparut nécessaire, Le Coran étant le fondement e la société musulmane, d'en fixer le texte. Le troisième calife, Othman, ordonna ( entre 644 et 656 ) de recenser tous les recueils existants et, après la rédaction d'une Vulgate ( version répandue ), ils furent détruits.
Le Coran se compose de 114 chapitres ( Sourates ) rangés dans l'ordre décroissant de leur longueur. Chaque sourate, dont le nom est tiré d'un épisode qui y est conté, est divisée en versets ( ayat ). Les sourates se groupent, selon le lieu où elles furent révélées, en mekkoises et médinoises. Les sourates mekkoises, les plus courtes, au style concis et poétique, ont un souffle prophétique. Les sourates médinoises, longs chapitres légiférants, codifient la vie musulmane.
Rappelons encore, avant de poursuivre l'interprétation du rêve, que Mahomet, Prophète de l'Islam et orphelin de naissance, fut élevé par un oncle et fut assez tôt chargé de la garde des troupeaux. Plus tard il entre au service d'une riche veuve, Khadidja. Il accompagna ses caravanes en Syrie et elle l'associa à ses affaires puis l'épousa. Ils eurent sept enfants: tois fils qui ne vécurent pas, et quatre filles. La plus jeune, Fatima, épousera Ali, cousin de Muhammad et assurera la descendance du Prophète. La Mecque, cité caravanière, était le lieu d'un pélerinage polythéiste. Cependant l'existence d'un courant monothéiste y est attestée. Muhammad avait pris l'habitude de méditations solitaires dans une grotte, près de La Mecque. C'est là qu'il eut, par l'intermédiaire de l'archange Gabriel, la révélation de la mission dont Dieu l'investissait. Son entourage reçut son message et l'encouragea. Mais les riches commerçants de La Mecque repoussèrent sa doctrine qui ruinait leurs intérêts. Les humbles formèrent un groupe d'adeptes. En 619, ayant perdu deux fidèles alliés, Khadidja et son oncle Abou Talib, Muhammad dut chercher refuge hors de La Mecque, où il s'opposait désormais à son oncle paternel Abou Lahab. Des contacts furent pris avec des tribus de la ville de Yathrib, palmeraie au nord-ouest de La Mecque, qui cherchaient un médiateur. Muhammad y émigra avec ses partisans en 622. Cette émigration ( hidjra, hégire ) est le point de départ de l'ère musulmane et Yathrib prit le nom de Madinat al Nabi ( la ville du Prophète : Médine ).
Muhammad organisa à Médine la communauté muslmane ( umma ) formée de deux catégories égales d'adeptes : les Muhadjirun, émigrés mecquois, et les 'Ansar, disciples de Médine. Ranimant la foi monothéiste d'Abraham ( Ibrahim ) Muhammad donna des racines purement arabes à l'organisation culturelle et liturgique, qu'il précisa au fil des années. Victoires et défaites militaires alternèrent contre les mecquois qui conclurent avec Muhammad un pacte en 628, permettant le pélerinage et stipulant une trêve de dix ans. En 630, les mecquois ayant rompu la trêve, Muhammad s'empara de leur ville, détruisit les idoles, décréta une amnistie générale, puis retourna à Médine. Les derniers adversaires se rallièrent. Vers 632 toute l'Arabie était pratiquement islamisée. Muhammad fit le pélerinage de l' " Adieu " à La Mecque et en codifia les rites ( hadj ). Au retour, il tomba malade et mourut le 6 juin 632. La Mecque, vile d'Arabie Saoudite, est la capitale religieuse de l'Islam. La Mosquée de La Mecque renferme la Kaaba, vaste édifice cubique ( Kaaba vient du Grec kubos, " dé à jouer " ) en pierre grise dont Le Coran fait remonter l'origine à Abraham à qui l'Ange Gabriel aurait donné la pierre noire, scellée dans l'angle oriental à 1,50m du sol. D'après certaines légendes, elle était blanche à l'origine mais aurait noirci à cause du péché des hommes.
Dans votre rêve, il n'y a que Le Coran dans la salle. Ses caratéristiques : grand, ouvert, magnifiqe, montrent qu'il occupe dans votre vie la place qu'il a dans l'Islam. Il est le centre de gravité pour l'intellect et le coeur de tout musulman qui le considère comme le pôle de référence privilégié. C'est aussi pourquoi il n'est pas entouré d'humains dans votre rêve : d'abord parce qu'il est sacré et qu'une présence humaine équivaudrait pour vous à une souillure ou une profanation; ensuite parce que nul humain ne peut à vos yeux rivaliser avec lui en matière de science et de sagesse.
Vous êtes musulman et rappelons que les manuscrits du Coran tiennent une place importante dans les beaux-arts de l'Islam : la calligraphie, les enluminures contribuent à leur valeur extrême. Vous avez baigné dans cette ambiance esthétique inspirée du Coran e nous assistons à sa résurgence dans votre rêve pour signifier que ce livre saint rayonne ecore pour vous de tout son éclat en dépit des doutes qui vous assaillent mais qui ne parviennent pas à détruire vos convictions religieuses. Cette solidité de votre foi dans Le Coran se voit dans l'image du cèdre auquel vous pensez dans votre rêve : en raison de la taille considérable de sa variété la plus connue, le cèdre du Liban ( jusqu'à 40m de hauteur et 3,50m de diamètre ), on en a fait un emblème de la grandeur, de la noblesse, de la force et de la perrennité. Mais le cèdre est plus encore, de par ses propriétés naturelles, un symbole d'incorruptibilité. C'est ce qu'exprime Origène, le théologien philosophe du IIè siècle, comentant le Cantique es Cantiques, I, 17 : " Le cèdre ne pourrit pas; faire de cèdre les portes de nos demeures, c'est préserver l'âme de la corruption. "
Le cèdre, comme tous les conifères, est en conséquence un symbole d'immortalité. Les Egyptiens en faisaient des vaisseaux, des cercueils et des statues. Les Hébreux, sous Salomon, e construisirent la charpente du Temple de Jérusalem. Des statues grecques et romaines étaient en bois de cèdre. De son bois résineux les Romains firent aussi des torches odorantes; ils sculptaient aussi les images de leurs dieux et de leurs ancêtres dans ce bois, considéré comme sacré. Les Celtes embaumaient à la résine de cèdre les têtes les plus nobles parmi les ennemis. Cette résine est, dans certains cas, remplacée par de l'or qui a, de toute évidence, la même signification. Le Christ est parfois représenté au coeur d'un cèdre.
Le fait que dans votre rêve Le Coran soit posé sur un pupitre sculpté dans du bois de cèdre signife donc que ce livre est inaltérable, imputrescible, sacré, éternel. Vous avez l'air de croire que quand nos convictions sont taillées dans Le Coran, comme quand les vaisseaux égyptiens sont taillés dans le cèdre, on peut être assuré de franchir les océans déchaînés et de vaincre ses ennemis.
e- "Je onstate alors que le sol de la mosquée est un échiquier légèrement houleux ":
Nous retrouvons ici le scepticisme qui s'était déjà manifesté dans la troisième partie de votre rêve où le salon était une salle de prière. Ici l'échiquier est une partie essentielle de la mosquée puisqu'il en est le sol. L'échiquier constitue l'illustration du combat primordial autant que de la lutte dans laquelle chaque homme a le devoir de s'engager. Les forces antagonistes sont révélées par l'opposition du blanc et du noir, allégorie du jour et de la nuit, du Bien et du Mal, du Yin et du Yang. Le symbolisme se retrouve tant dans des les pions que dans les cases de l'échiquier. Toutes les pièces du jeu sont une manifestation structurelle de la société où chaque acteur est essentiel et elles rappellent que le roi n'a aucun pouvoir sans les pions. Le jeu valorise et développe les qualités du héros : la stratégie, la réflexion profonde, l'intelligence subtile et la patience plutôt que la force brutale. Le fait que dans votre rêve le sol de la mosquée soit un échiqier signifie avant tout que pour vous l'Islam édicte les préceptes grâce auxquels le croyant peut s'assurer la prise de contrôle, non seulement sur ses adversaires et sur un territoire, mais aussi sur soi-même, car la division intérieure du psychisme humain est aussi le théâtre d'un combat. Mais dans votre rêve cet échiquer est un sol houleux : la houle est le mouvement d'ondulation qui agite la mer sans faire déferler les vagues. Or il est plus facile de naviguer sur une mer calme que sur une mer houleuse. On a l'impression ici que vos repères religieux essentiels sont quelque peu malmenés ou fragilisés. Vous reconnaissez d'ailleurs que vos conversations fréquentes avec vos amis, en particulier avec votre amie, ont joué un rôle majeur dans cette relative destabilisation de vos convictions.
f- " Je vois un âtre dans lequel un feu est allumé; je me dis en rêve : " Ce feu est là depuis la nuit des temps". J'y dépose des substances ( indéterminables ) très inflammables " :
L'âtre est le foyer de la cheminée. La cheminée est le canal par où passe le souffle qui anime le foyer, aspire la flamme, excite le feu, bref entretient la vie de la famille ou du groupe. Elle est aussi le symbole du lien social. C'est autour d'elle que se tiennent les veillées où s'évoquent les coutumes des Anciens. La mosquée de votre rêve est donc le symbole de la spiritualité permanente et diffuse dans les moindres parcelles de votre existence. Malgré les interrogations suscitées par vos discussions, vous vous accrochez farouchement à votre foi car vous avez l'air de vouloir vous rassurer en vous disant que " le feu est là depuis la nuit des temps ". Il est donc inextinguible et en tant que tel, ce ne sont pas des arguments, voire des arguties de mortels relatives au bien-fondé de la révélation qui l'éteindront. Vous êtes d'ailleurs prêt à combattre pour entretenir cette flamme, en y jetant des substances qui sont peut-être des arguments imparables aux objections de vos détracteurs puisqu'elles sont très inflammables et que de ce fait elles attisent et réactivent le feu.
Le fait que ces substances soient indéterminables signifie probablement que vous êtes certain de sortir toujours victorieux des joutes intellectuelles, même quand vous n'avez pas encore trouvé la parade. Signalons ici que dans votre rêve vous faites penser aux Vestales, les prêtresses, restreintes à la chasteté, qui entretenaient le feu sacré dans le temple de Vesta, déesse du foyer chez les Romains, assimilée à l'Hestia des Grecs.
g " Tout à coup une bourrasque ouvre les deux portes principales de la mosquée, provoquant un violent courant d'air qui m'éjecte hors de la mosquée, dans les airs, avec divers objets de culte " :
Vous admettez ici que la discussion avec votre amie, la veille, a exercé une influence particulièrement vive sur la solidite de votre foi. Son argumentaire a violenté vos convictions et vous vous êtes senti contraint de suspendre celles-ci tout en vous décidant fermement de n'en jamais démordre. Vous vous êtes retrouvé sous la pression de deux impératifs antinomiques et donc absolument inconciliables : croire sans preuve et ne plus croire par preuve. C'est ce dernier impératif que représente la bourrasque qui vous éjecte hors de la mosquée avec tous les objets de culte; ceci signifie l'effondrement total de votre système religieux. Le symbolisme du vent nous conforte dans cette interprétation : en effet le vent revêt plusieurs aspects. C'est, en raison de l'agitation qui le caractérise, un symbole de vanité, d'instabilité, d'inconstance. Vos croyances vous semblent donc, au moins provisoirement, vaines, instables et inconstantes.
Mais le vent est aussi synonyme de souffle, et, en conséquence, de l'Esprit, de l'influx spirituel d'origine céleste. C'est pourquoi les Psaumes, comme Le Coran, font des vents les messagers divins, l'équivalent des Anges. L'Esprit de Dieu se mouvant sur les eaux primordiales est appelé un vent ( Rouah ). C'est un vent qui apporte aux Apôtres les langues de feu du Saint Esprit. D'après les traditions cosmogoniques hindoues des Lois de Manu, le vent serait né de l'esprit et aurait engendré la lumière : " (...) de la transformation du vent est née la lumière illuminatrice qui, resplendissante, chasse les ténèbres..." ( Soun, 350 ). Selon les traditions islamiques, le vent est chargé de contenir les eaux. Sa création, air et nuage, aux ailes innombrables, lui conférerait également une fonction de support : " Puis Dieu créa le vent et le munit d'ailes innombrables.Il lui ordonna de porter l'Eau. Avâs, le Trône était sur l'Eau et l'Eau sur le Vent. " Dans les traditions bibliques, les vents sont le souffle de Dieu. Le vent anime le premier homme. La brise dans les micocouliers annonce l'approche de Dieu. Sous cet angle, le vent de votre rêve est aussi le symbole de la divinité. Dans votre rêve le vent est donc une image surdéterminée, de lui partent plusieurs faisceaux de significations : il incarne à la fois la force qui rend chancelante votre foi, mais aussi la puissance de la divinité en laquelle vous continuez d'avoir une foi si solide que nul vent, si destructeur fût-il, ne pourrait anéantir.
h- " Je vois à mes pieds un océan déchaîné sur lequel flottent, comme des épaves, d'épais ouvrages de cosmologie, de physique nucléaire et de chimie " :
Vos conversations des jours précédant le rêve, et particulièrement celle de la veille ont provoqué en vous un bouleversement idéologique mais non au profit d'une nouvelle théorie. Il y a eu en réalité une destruction non suivie d'une reconstruction. D'où l'impression de chaos évoquée par votre rêve. On assiste à une forme de déluge qui emporte non seulement votre foi, mais encore les éléments qui l'ont détruite; ces éléments sont représentés par les livres de science qui symbolisent la rationalité empirique. On remarque cependant que votre système religieux n'est pas anéanti puisque vous êtes seulement chassé de la mosquée sans que celle-ci ne s'effondre. En revanche, ce qui a provoqué votre scepticisme est, qant à lui, détruit, transformé en épaves : vous détruisez ce qui s'efforce de détruire votre édifice idéal, tout en sauvant celui-ci ( la mosquée ). Rappelons que dans les mythologies égyptiennes, la naissance de la terre et de la vie était conçue comme une émergence de l'océan, à l'image des buttes bourbeuses que découvre le Nil lors de sa décrue. C'est ainsi que la création, celle même des dieux, est issue des eaux primordiales. Le dieu initial est appelé La Terre qui émerge.
C'est aussi sur l'océan que dort Vishnu; cet océan est l'Arnava, la mer informelle et ténébreuse, les Eaux inférieures sur lesquelles plane l'Esprit divin et d'où naît le bourgeonnement originel, oeuf, lotus, roseau, île. Le Varâha-avatâra ( le Sanglier ) fait émerger la terre à sa surface; Izanami l'agite de sa lance et y crée la première île par coagulation; les Deva et les Asura la barattent et en extraient ainsi l'amrita, le breuvage d'immortalité. Dans votre rêve, la terre a disparu au profit del'océan déchaîné, ce qui symbolise bien une forme d'apocalypse mais à laquelle survit la mosquée, telle l'arche de Noé après le déluge.
En résumé, votre rêve témoigne de votre attachement intense et pour ainsi dire inexpugnable à votre religion. Cependant, votre penchant pour la critique, votre souci de rigueur intellectuelle, votre répugnance pour l'arbitraire génèrent parfois un conflit intérieur entre les deux natures qui vous constituent, ces natures étant antinomiques et donc inconciliables au moyen d'une forme unique de rationalité. Ce que vous apporte votre foi vous est nécessaire mais jamais votre intellect ne semble en mesure de vous le procurer et devenir ainsi l'allié indéfectible de votre foi. Et inversement ; en tant que croyant c'est certes la raison de votre foi qui prédomine, mais en tant que libre-penseur vous avez aussi foi en votre raison. Puisque vous vivez dans deux registres différents et irréductibles, il ne peut y avoir de combat entre eux ni de victoire de l'un sur l'autre. C'est pourquoi votre rêve, induit par une argumentation virulente contre la foi, se conclut malgré tout simultanément par une survivance de votre foi ( la mosquée n'est pas détruite ) et par la reconnaissance des prétentions légitimes de votre raison ( vos livres de science flottent sur un océan déchaîné qui ne les submerge pas ).
Chéguenni Mohamed
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