mercredi 16 mars 2011

L'appareil psychique selon Freud



(traduit de l'allemand par Anne Berman, Paris, P.U.F. 1970), chapitre I, pages 3-6.

L'appareil psychique

La psychanalyse suppose un postulat fondamental qu'il appartient a' la Philosophie de discuter nais dont les résultats justifient la valeur. De ce que nous appelons psychisme (ou vie psychique), deux choses nous sont connues : d'abord son organe somatique, le lieu de son action, le cerveau (ou le système nerveux), et ensuite nos actes conscients dont nous avons une connaissance directe et que nulle description ne saurait nous faire mieux connaître.
Tout ci qui se trouve entre ces deux points extrêmes nous demeure inconnu et, s'il y avait entre eux quelque connexion, elle ne nous fournirait guère qu'une localisation précise des processus conscients sans nous permettre de les comprendre.
Nos deux hypothèses concernent ces limites ou ces débuts de notre connaissance. La première a trait à la localisation. Nous admettons que la vie psychique est la fonction d'un appareil auquel nous attribuons une étendue spatiale et que nous supposons formé de plusieurs parties. Nous nous le figurons ainsi comme une sorte de télescope, de microscope ou quelque chose de ce genre. La construction et l'achèvement d'une telle conception sont une nouveauté scientifique, en dépit des tentatives analogues qui ont déjà été faites.
C'est l'étude de l'évolution des individus qui nous a permis de connaître cet appareil psychique. Nous donnons la plus ancienne de ces provinces ou instances psychiques le nom de ça; son contenu comprend tout ce que l'être apporte en naissant, tout ce qui a été constitutionnellement déterminé, donc avant tout, les pulsions émanées de l'organisation somatique et qui trouvent dans le ça, sous des formes qui nous restent inconnues, un premier mode d'expression psychique.
Sous l'influence du monde extérieur réel qui nous environne, une fraction du ça subit une évolution particulière. A partir de la couche corticale originelle pourvue d'organes aptes à percevoir les excitations ainsi qu'à se protéger contre elles, une organisation spéciale s'établit qui, das lors, va servir d'intermédiaire entre le ça et l'extérieur. C'est à cette fraction de notre psychisme que nous donnons le nom de moi.
Caractères principaux du moi - Par suite des relations déjà établies entre la perception sensorielle et les actions musculaires, le moi dispose du contrôle des mouvements volontaires. Il assure l'auto-conservation et, pour ce qui concerne l'extérieur, remplit sa tâche en apprenant à connaître les excitations, en accumulant (dans la mémoire) les expériences qu'elles lui fournissent, en évitant les excitations trop fortes (par la fuite), en s'accommodant des excitations modérées (par l'adaptation), enfin en arrivant a modifier, de façon appropriée et à son avantage, le monde extérieur (activité).
Au-dedans, il mène une action contre le ça en acquérant la maîtrise des exigences pulsionnelles et on décidant si celles-ci peuvent être satisfaites ou s'il convient de différer cette satisfaction jusque à un moment plus favorable ou encore s'il faut les étouffer tout à fait. Dans son activité, le moi est guidé par la prise en considération des tensions provoquées par les excitations du dedans ou du dehors. Un accroissement de tension provoque généralement du déplaisir, sa diminution engendre du plaisir. Toutefois, le déplaisir ou le plaisir ne dépendent probablement pas du degré absolu des tensions mais plutôt du rythme des variations de ces dernières. Le moi tend vers le plaisir et cherche à éviter le déplaisir. À toute augmentation attendue, prévue, de déplaisir correspond un signal d'angoisse, et ce qui déclenche ce signal, du dehors ou du dedans, s'appelle danger. De temps en temps, le moi, brisant les liens qui l'unissent au monde extérieur se retire dans le sommeil où il modifie notablement son organisation. L'état de sommeil permet de constater que ce mode d'organisation consiste en une certaine répartition particulière de l'énergie psychique.
Durant la longue période d'enfance qu'il traverse et pendant laquelle il dépend de ses parents, l'individu en cours d'évolution voit se former, comme par une sorte de précipité, dans son moi une instance particulière par laquelle se prolonge l'influence parentale. Cette instance, c'est le Surmoi.
Dans la mesure où le Surmoi se détache du moi ou s'oppose à lui, il constitue une troisième puissance dont le moi est obligé de tenir compte.
Est considéré comme correct tout comportement du moi qui satisfait à la fois les exigences du ça, du Surmoi et de la réalité, ce qui se produit quand le moi réussit à concilier ces diverses exigences. Toujours et partout, les particularités des relations entre moi et Surmoi deviennent compréhensibles si on les rapporte aux relations de l'enfant avec ses parents. Ce n'est évidemment pas la seule personnalité des parents qui agit sur l'enfant, mais transmises par eux, l'influence des traditions familiales, raciales et nationales, ainsi que les exigences du milieu social immédiat qu'ils représentent. Le surmoi d'un sujet, au cours de son évolution, se modèle aussi sur les successeurs et sur les substituts des parents, par exemple sur certains éducateurs, certains personnages qui représentent au sein de la société des idéaux respectés. On voit qu'en dépit de leur différence foncières le ça et le surmoi ont un point en commun, tous deux, on effet, représentant le rôle du passe, le ça, celui de l'hérédité, le surmoi, celui qu'il a emprunté à autrui, tandis que le moi, lui, est surtout déterminé par ce qu'il a lui-même vécu, c'est-à-dire par l'accidentel, l'actuel.
Ce schéma général d'un appareil psychique est valable aussi pour les animaux supérieurs qui ont avec l'homme une ressemblance psychique. Il convient d'admettre l'existence d'un surmoi partout où comme chez l'homme, l'être a dû subir, dans son enfance, une assez longue dépendance. La distinction du moi d'avec le ça est un fait indéniable.
La psychologie animale ne s'est point encore appliquée à l'intéressante étude qui lui reste ici offerte.

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