Le sommeil paradoxal n'est pas continu au cours du sommeil: il apparaît périodiquement et sa récurrence rythmique structure les cycles de sommeil. Sa périodicité est propre à chaque espèce animale: il se manifeste grossièrement toutes les 4 minutes de sommeil chez la souris, toutes les 12 minutes chez l'écureuil, toutes les 27 minutes chez le chat, toutes les 60 minutes chez le cheval, toutes les 90 minutes chez l'homme et toutes les 100 minutes chez l'éléphant.
Ces cycles réguliers d'une heure et demie chez l'homme ont fait couler beaucoup d'encre. En 1963, Nathaniel Kleitman a imaginé que ce cycle pourrait refléter pendant la nuit un rythme physiologique d'alternance éveil/repos dans la journée, comme la partie émergée d'un iceberg. Il a été suivi sur cette voie par de nombreux scientifiques à la recherche d'un rythme originel de 90 minutes qui gouvernerait mobilité, performances, système végétatif et hormones. Ces chercheurs se sont cependant heurtés à de nombreuses contradictions expérimentales, car ce rythme varie d'un individu à l'autre, d'une nuit à l'autre et même à l'intérieur d'une même nuit, avec des écarts atteignant 50 minutes.
Comme d'autres grandeurs physiologiques telles que la durée des cycles cardiaques, respiratoires ou de gestation, la périodicité du S.P. est inversement proportionnelle, à l'exception des ruminants, au métabolisme de base de ces animaux. Ainsi la souris, qui a un métabolisme de base 25 fois plus grand que l'éléphant (c'est-à-dire qu'elle consomme vingt cinq fois plus d'oxygène par gramme de poids et par heure), présente 25 fois plus souvent du S.P. que l'éléphant... Si la souris rêve plus fréquemment, elle rêve moins longtemps que l'éléphant. C'est ainsi que si nous comparons la durée d'un épisode de S.P. avec sa périodicité chez les 26 espèces animales pour lesquelles des données fiables sont disponibles, nous trouvons un rapport, dit "rapport cyclique", extrêmement fixe et proche de 4. Cela signifie que chaque cycle de sommeil comporte trois quarts de sommeil lent suivis d'un quart de S.P., et ce dans toutes les espèces animales.
A cette périodicité qui semble déterminée par le métabolisme de base de notre espèce, s'ajoutent des caractéristiques énergétiques cérébrales opposées entre sommeil lent et S.P. Ainsi, pendant le sommeil lent, les neurones corticaux qui fonctionnent de façon synchrone en quelque sorte au ralenti, réduisent d'un tiers leur consommation de glucose et d'oxygène. A l'inverse, en S.P., le cerveau se gorge de sang et les neurones hyperactifs consomment des quantités de glucose et d'oxygène telles qu'elles peuvent dépasser les valeurs de l'éveil. Un sommeil lent économe en énergie pour notre cerveau alterne ainsi régulièrement avec un S.P. luxueux et consommateur d'énergie. Les situations de carence énergétique cérébrale, telles que l'hypoglycémie, l'hypoxie, l'épilepsie et la fièvre s'accompagnent d'une réduction, voire d'une suppression du S.P. Il serait ainsi possible que des conditions énergétiques cérébrales favorables conditionnent l'apparition cyclique du S.P.
Pour mieux comprendre cette relation entre métabolisme énergétique cérébral et périodicité du S.P., nous avons pu modifier dans des conditions expérimentales très particulières la périodicité du S.P. chez le chat en donnant à respirer à ces animaux de l'oxygène pur. Le S.P. est alors apparu toutes les 30 minutes, soit deux fois plus souvent qu'avec de l'air normal. C'est un peu comme si l'on demandait subitement à une horloge de tourner deux fois plus vite, en lui fournissant en quelque sorte l'énergie pour le faire. C'est la première fois que l'on peut modifier de façon claire et reproductible le cycle du S.P., alors que ni les médicaments, ni l'exposition à des lumières discontinues ou continues, ni l'isolement temporel n'affectent cette périodicité. Ainsi, le métabolisme énergétique de l'animal, qu'il soit cérébral ou corporel, semble influencer fortement la périodicité de son S.P.
Malgré l'importance que certains scientifiques donnent au sommeil paradoxal pour le développement des fonctions supérieures du cerveau, les deux mammifères les plus primitifs (le tatou géant et l'opossum) présentent des quantités impressionnantes de sommeil paradoxal (S.P.), tandis que l'homme n'en a qu'une quantité très moyenne. En général, plus un animal dort, plus il présente de S.P.. Ainsi, le tatou géant et l'opossum sont de très gros dormeurs (18 heures par jour), tandis que les ruminants, comme la vache, sont de très petits dormeurs (environ 4 heures par jour). Il y a toutefois des exceptions à cette règle car le paresseux par exemple, qui peut dormir jusqu'à 17 heures par jour n'a que 72 minutes de S.P.
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