mercredi 12 janvier 2011

Sommeil et rêve dans l'histoire


Nous dormons durant un tiers de notre vie. C’est une période essentielle qui influence notre journée. Cependant, connaissons-nous vraiment ce phénomène nocturne ? En effet, il a toujours suscité de l’intérêt dans la vie des hommes. En passant des Dieux égyptiens à Freud, de Jung à Jouvet, le sommeil est longtemps resté un mystère. C’est un domaine en pleine exploration, qui ne révèle ses secrets qu’au fur et à mesure des travaux des chercheurs.
On peut alors se demander, comment les sociétés ont-elles permis d’aboutir aux connaissances rationnelles et scientifiques du sommeil et de ses phénomènes associés ?
Pour cela, on s’intéressera tout d’abord aux croyances jusqu’aux interprétations. Puis, dans un second temps, à l’exploration du sommeil. 

I. Des croyances aux interprétations

A. Les dieux s'en mêlent...





Le sommeil, défini comme un état d’inconscience quotidien parsemé de rêves,  intrigue l’Homme depuis la nuit de temps.
Il lui a d’ailleurs attribué différentes interprétations, allant du message divin au rêve prémonitoire. Chaque civilisation a eu des croyances bien distinctes concernant le sommeil alimentant de nombreuses légendes. L’un de ses premiers qualificatifs fut d’ailleurs « la petite mort »…







Dès l’Antiquité, voir bien avant, le sommeil intrigue. La société Grecque de l’époque étant très ancrée dans la religion, attribue les mystères du sommeil aux Dieux et en particulier à deux : Le dieu du Sommeil, Hypnos, frère jumeau du Dieu de la Mort, Thanatos. La déesse Héra appelle Hypnos « maître des Hommes et des Dieux » parce qu’il a le pouvoir d’endormir quiconque (ainsi que Zeus, maître de l’Olympe) à l’aide d’une branche de pavot ou en touchant l’être de ses ailes. Il était en général représenté sous les traits d’un enfant aux yeux cachés par ses ailes, vivant dans une caverne traversé par le fleuve de l’Oubli.





Le deuxième dieu auquel les Grec attribuaient les mystères du sommeil est un des mille enfants d’Hypnos, Morphée. Il est le dieu des songes, enveloppe de ses bras les dormeurs, leur apparait sous la forme d’êtres humains et leur apporte ainsi les rêves.
D’où l’expression « Tomber dans les bras de Morphée ».







Cependant il faut des hommes à part entière pour déchiffrer les rêves : les oniromanciens. Ils sont tout aussi appréciés que les autres magiciens. On pense alors que les rêves sont un pont entre les mondes naturels et surnaturels et qu'ils contiennent les révélations des dieux ou des démons. Le fait de réussir à interpréter les rêves conféraient à ces hommes puissance et honneur.
C’est pourquoi des temples ont été érigés. Ils ont pour but d’honorer la divination onirique, c’est-à-dire des rêves. Le plus connu de ces temples est celui d’Esculape.





Esculape ou Asclépios, considéré comme étant le fils d'Apollon, tient un rôle important dans le culte solaire et a été instruit par le centaure Chiron. Sa représentation symbolique est le serpent et est transmise au fil des siècles. On utilise dans ce temple la technique de l'incubation, c’est-à-dire que les individus sont soumis à un régime strict qui élimine la viande et le vin. Ceux-ci doivent  également s'abstenir de toute activité sexuelle et se laver à l’eau froide pour que leur corps soit parfaitement propre. C’est pour cela que les femmes enceintes et les personnes malades ne peuvent pas pénétrer dans le temple.
 S’en suit des rites spéciaux consistant à rendre grâce aux divinités afin de s’attirer leurs faveurs. Après avoir suivi ce système compliqué de préparation au rêve, le sujet dort dans le temple. Au cours de la nuit, il reçoit, sous une forme onirique, la visite de divinités et les réponses à des demandes concernant généralement la santé.
Certains « rêveurs » prétendaient même être guéris.




Des philosophes grecs se sont également penchés sur ce sujet.
Pour Aristote (ci-contre), le rêve possède une origine démoniaque. D’autres pensent que « le monde matériel et la vie à l'état de veille ne sont que pure illusion, tandis que, dans le sommeil, la réalité devient objective ». Cela signifie que les deux mondes sont inversés.

Homère partage le point de vue selon lequel, un homme « sage » a accès aux connaissances portant sur les rêves et que par conséquent, ses rêves représentent la réalité. A contrario, les messages oniriques des hommes vivants dans le péché ne sont qu’illusions et hallucinations.


Par ailleurs, le père de la médecine, Hippocrate, tient compte des rêves dans ses prescriptions.





Dans la mythologie romaine, Somnus est le dieu du sommeil. C’est le fils de la déesse du mariage et de la fête, Junon et du roi des dieux, Jupiter.












Dans l’Egypte Antique également, des temples dédiés à l'art des rêves, sont bâtis. Les Egyptiens y réalisent des rituels semblables à ceux de l'incubation grecque.
Le génie Bès, qui est représenté sous les traits d’un nain difforme, veille sur le sommeil et les songes qui le compose. De plus le peuple a recours à la déesse Isis à travers la « clé des songes » lorsque le rêve est porteur d’un mauvais présage. Elle est sensée écarter le malheur.




Dans cette civilisation, seuls certains prêtres peuvent interpréter les rêves. Ceux-ci sont considérés comme une révélation que les dieux donnent aux hommes.




Par delà les océans…

Sur les terres du « Nouveau Monde », les Indiens ont longtemps cru à la légende de l’ « attrape-rêve ». C’est une sorte de pendentif, qui accroché au cou d’un individu, a tout d’abord pour but de capturer les mauvais rêves à l’aide de la toile de celui-ci. Ils sont alors détruits à jamais. L’« attrape-rêve » permet aussi de préserver les bons rêves dans la pierre ou dans le coquillage du milieu du pendentif. Ainsi, le soir suivant, les bons rêves « enfermés » peuvent alors accompagner le rêveur dans son sommeil par la voie des plumes du pendentif.






A l’apogée de la civilisation arabe, l’analyse des rêves est déjà un sujet d’étude relié au bien-être de l’humain. En effet, elle divise les rêves en deux classes : « les rêves mentaux » qui ont un contenu prophétique et « les rêves de milieu » qui sont dus à des stimuli externes ou à des malaises internes. Par conséquent, la science des rêves a une position importante dans cette civilisation.
Cependant l'interprétation des Arabes reste encore strictement liée au mystère divin, puisque Allah et ses anges agissent directement en donnant de bons rêves aux prophètes et aux hommes droits, et des rêves confus aux infidèles.



Quant à la Bible, elle spécifie clairement que Dieu s’adresse à nous par le rêve. Par exemple, lorsque Joseph a accepté Marie comme épouse et s’est enfuit en Egypte avec elle et Jésus, guidé par ses rêves. Il en est de même pour les trois rois mages qui ont découvert eux aussi en rêve les intentions criminelles du roi Hérode. Les "Somnia a deo missa", c'est-à-dire les rêves envoyés par les dieux, expriment la volonté divine, éclairent un destin individuel (comme dans le rêve de Jacob) ou annoncent un avenir plus ou moins éloigné (le songe prémonitoire de Nabuchodonosor et les visions de Daniel). Dans les textes sacrés, les rêves apparaissent souvent pour informer le prophète de la volonté de Dieu.

Le songe prémonitoire de Nabuchodonosor : Au VI e siècle av. J.-C., Nabuchodonosor, roi de Babylone, vit l'image d'un arbre couvert de fruits qui se dressait jusqu'au ciel et se répandait sur toute la terre. Un être divin descendit du ciel, il commanda que l'arbre soit abattu et qu'on éparpille ses fruits et ses branches coupées. Cependant, la souche fut liée avec du fer et du laiton. L'être divin remplaça également le cœur du roi par un cœur de bête féroce. Le rêve de Nabuchodonosor était prémonitoire dans le sens où il annonçait la fin de son règne et de sa folie.





Parallèlement, Le Livre de la Sagesse (Siracide) met en garde contre les songes, « capables d'égarer les êtres humains, de donner des ailes aux sots et de punir les méchants ».



Le Talmud, qui est un ensemble de commentaires rabbiniques des textes bibliques, est très nuancé au sujet du rêve et insiste sur son ambivalence ou son ambiguïté. Le rêve n'a de valeur que "selon l'interprétation qui en est donnée".










Pour le Judaïsme moderne, le rêve libère la conscience des limites de la vie éveillée, réelle. Il est précisé qu'un homme qui ne rêve pas pendant 7 jours devient méchant. Le songe donne accès à un espace illimité, et permet parfois d'entrer en contact avec la divinité. Le monde des rêves est aussi celui des morts, et au matin, une toilette rituelle permet de se purifier suite à cette rencontre avec l'au delà.

Ainsi, nos lointains ancêtres intrigués par l'aspect étrange, merveilleux, prodigieux, ou encore terrifiant et prémonitoire de leurs rêves, pensent que ceux-ci sont d’essence divine, c'est-à-dire qu'ils sont des sortes de manifestations de l’au-delà qu’il faut interpréter. C'est pour cela que les rêves jouent un rôle important dans les traditions, les coutumes et même la vie quotidienne. Par exemple, les peuples africains croient surtout que les rêves sont prémonitoires et offrent alors des sacrifices dans le but que les bons rêves se réalisent, ou pour que les mauvais ne se réalisent pas.


Dans la mythologie celtique, les songes guident les chevaliers dans leurs aventures solitaires, et révèlent le sens profond des épreuves qu'ils traversent. L'interprétation de ces songes est faite par Merlin, ou encore par des ermites, retirés au fond des forêts de la Petite et de la Grande Bretagne.


Dans les tribus amérindiennes, c'est en rêve que l'adolescent découvre son identité et son destin personnel, souvent à l'occasion de rites et d'épreuves initiatiques. Le rêve joue un rôle essentiel et donne à chacun une place bien ancrée et approuvée dans la collectivité. La vie du groupe est également dirigée par les rêves et la journée commence souvent avec le récit de des rêves de la nuit qui vient de s'achever. Ils aident la tribu pour la chasse, la médecine ou la guerre.








A propos de croyances, on associe à la nuit diverses propriétés : « la nuit symbolise le temps des gestations, des germinations, des conspirations, qui vont éclater au grand jour en manifestations de vie », « la nuit est l’image de l’inconscient, et dan le sommeil de la nuit, l’inconscient se libère » ou encore « la nuit représente les ténèbres où fermente le devenir, celui de la préparation du jour où jaillira la lumière de la vie ».


Toutes ces hypothèses donnent naissance à l’oniromancie, autrement dit, l’étude des rêves, pratique très en vogue au Moyen-âge. Elle connait cependant une interruption. En effet, en occident, l’étude des rêves est brutalement stoppée au 12e siècle avec l’Inquisition : l’Eglise catholique condamne alors la divination par les songes, l’assimilant à la sorcellerie et au Malin, et pourchasse ceux qui la pratique.


Pour 800 ans, la conscience occidentale est alors séparée de l'inconscient…

I. Des croyances aux interprétations

B. Le 20ème siècle : période de rêve... et de réalité !



C’est au 19ème siècle qu’on a recommencé à s’intéresser au sommeil, et plus particulièrement à l’un de ses phénomènes associés, le rêve. De nombreuses théories sont apparues, toutes divergeant les unes des autres.

Alfred Maury, érudit et historien français, consacre à ce sujet en 1861, un livre intitulé « Le Sommeil et les Rêves ». Il réalise une série d’études expérimentales sur les sources du rêve et en conclue une théorie organique du rêve, c’est-à-dire que ce sont les stimulations acoustiques, optiques et somatiques qui provoquent les images du rêve. Pour en arriver à cette déduction, il sert lui-même de « cobaye ». En effet, il s’expose à des stimulis contrôlés pendant son sommeil pour en observer l’influence sur ses rêves : Lorsqu’on lui chatouille les lèvres  et le bout du nez pendant son sommeil, il rêve d’une torture effroyable. Mais encore, lorsqu’on heurte des ciseaux et une paire de pincettes près de lui, Maury entend le son des cloches, puis le tocsin et se voit en Juin dans son rêve. Maury défend également l’idée que l’activité psychique diminue pendant le sommeil. Il souligne le lien entre les rêves et la mémoire et est responsable des croyances populaires voulant que les rêves ne durent qu’une seconde.


Karl Scherner, quand à lui, souligne en 1861 dans son livre « La vie du rêve », l’importance des symboles somatiques et sexuels. Il est le prédécesseur de Freud.



D’autres personnes se sont alors consacrées au sommeil et aux rêves, c’est le cas d’Hervey de St-Denys, professeur de langue chinoise qui en 1867, déclare que l’activité psychique ne dort pas pendant le sommeil ; et même qu’au contraire, que toute notre activité intellectuelle se conserve pendant le sommeil. Il considère le rêve comme un phénomène parfaitement simple et logique et pense même que l’on peut « conduire ses rêves au gré de ses désirs ». Pour s’y faire, il faudrait selon lui réunir trois conditions. Premièrement, avoir conscience de son sommeil, ce qui est une habitude qui s’acquiert en tenant son « journal des rêves ». Deuxièmement, associer certains de ses souvenirs pour les rendre solidaires. Et enfin, employer la volonté pour « guider le développement » des idées-images. Hervey de St-Denys pense que tout ceci est possible car selon lui, penser à une chose, c’est y rêver.


Mais les travaux dans ce domaine qui ont le plus marqué la planète, sont ceux de Freud, créateur de la psychanalyse. Sigmund Freud, médecin neurologiste autrichien, s’est en effet intéressé aux rêves et à leur signification. En 1900, il publie « L'interprétation des rêves ». Sa théorie se base sur les refoulements sexuels, qui déclencheraient chez la personne le rêve. Ces refoulements sexuels sont accumulés depuis la naissance sous forme de pulsions incompatibles. La plus célèbre d’entre elle est le complexe d’Œdipe, qui est un désir sexuel d’inceste. Tout cela est donc retrouvé dans notre sommeil, où les rêves déguisent nos désirs.  Ces désirs seraient transformés à l’aide des « restes diurnes », qui sont constitués des évènements qui se sont produits quelques jours avant le rêve. Le rêve se déroule pendant le sommeil léger qui précède l’éveil. Une de ses citations les plus célèbres est : « le rêve est le gardien du sommeil » car selon lui, il protège la personne inconsciente d’un réveil provoqué par l’irruption des désirs refoulés.

Les premiers doutes :
 

Cependant, les observations de Freud sont contestées, et on lui reproche de généraliser son propre cas, car il ne s’appuie que sur ses propres expériences. Pour contrer les critiques, Freud accuse l’homme de refuser, souvent avec violence, à prendre conscience de ses désirs sexuels infantiles  réprimés.
A cette époque la connaissance du sommeil est très superflue. Freud ne cherche donc au rêve qu’une explication psychique. En effet, on pense que le rêve est une activité relativement incohérente des neurones pendant le retour de la conscience diurne, c’est à dire la conscience apparente. Ces neurones sont appelés « neurones phi » par Freud et stockeraient l’énergie des pulsions.

Mais en 1910, la découverte des potentiels d’action des nerfs révèle que les neurones ne stockent rien, ils transmettent simplement des informations et établissent des connexions entre eux. On prend alors conscience que le rêve a une base neurobiologique.

L'envol de Jung :


En 1912, Jung,  psychiatre et collaborateur de Freud, considéré comme son « fils  spirituel » conteste le rôle exclusif des refoulements sexuels et du complexe d’Œdipe dans la petite enfance, ce qui entraîne un conflit entre Jung et Freud. Les contributions de Jung dans le domaine des rêves vont être déterminantes. Pour lui, le rêve est une expression de la nature instinctive, c’est à dire que l’homme a appris à dominer ses instincts mais les plus fondamentaux s’expriment dans le rêve. La conscience et l’inconscient sont liés. La neurobiologie moderne nous confirme que le rêve se déclenche bien à partir des structures profondes et instinctives du système nerveux central.



La vengeance de Freud :

Cependant, après la deuxième Guerre Mondiale, les partisans freudiens accusent Jung d’antisémitisme, d’être un sympathisant des nazis, un illuminé ou encore un chef de secte. Il multiplierait également les conquêtes, dont la fille de Rockefeller. Mais ces critiques ne sont pas crédibles et ont l’effet inverse de ce qu’auraient souhaité les partisans de Freud. En effet, cette histoire attire l’attention sur Jung et son travail est confirmé par les découvertes faites en termes de neurobiologie même s'il était déjà reconnu aux Etats-Unis dès 1909.


Les théories de Freud, dépassées :

Dans la deuxième moitié du 20ème siècle, le professeur Jouvet dément définitivement la théorie de Freud selon laquelle le rêve est construit à partir des évènements des jours précédents. En effet, Jouvet s’appuie sur le cas des astronautes, lesquels ne rêvent jamais de leur séjour dans l’espace même au cours de séjours de longue durée en orbite. Ainsi, il existe un délai statistique de quelques semaines entre une situation nouvelle et son incorporation dans les rêves. De plus, le fait qu’un fœtus in utero est en état de rêve presque permanent, c'est-à-dire dans un sommeil appelé « sismique », vient contredire une nouvelle fois la théorie de Freud.

En 1959, Michel Jouvet fait une découverte qui changera le cours des recherches sur le sommeil : Le sommeil paradoxal est la base physiologique du rêve.
 

II. L'exploration du sommeil

A. Les origines du sommeil


1/Au niveau Cérébral :
Un peu d'histoire...

 Au cours de la pandémie de grippe espagnole qui fit des ravages en 1918, Constantion vonEconomo, neurologue viennois, observe que certains malades restent dans un état de léthargie ou de coma, tandis que d'autres ne dorment pas pendant plusieurs jours avant de mourir.

Il a donc cherché les causes de ces phénomènes. Pour cela, il a examiné les cerveaux des individus post-mortem. Il fit deux remarques essentielles qui aujourd'hui sont toujours considérées comme vrai. Tout d'abord, pour les individus comateux, il remarque que leurs cerveaux présentent une lésion de l'hypothalamus postérieur, « centre d'éveil » . Puis pour les individus insomniaques, leur cerveaux présentent des lésions au niveau de l'hypothalamus antérieur, « centre de sommeil ».
 
      Ainsi, il découvre que l'hypothalamus joue un rôle important dans le sommeil et dans l'éveil.


     Par ailleurs, pendant des années, les scientifiques, notamment Bremer, ont cru que le sommeil était un phénomène passif.

     Bremer a réalisé une expérience pour prouver cela. En effet il a pratiqué une section sur un groupe de chat en haut de la moelle épinière qu'il a appelé « encéphale isolé » :



Il a constaté que les chats continuent à avoir une alternance veille/sommeil.

Alors il a fait des sections encore plus en avant : « cerveau isolé » :



Les chats présentent un état de sommeil permanent. En supposant avoir coupé les influx sensorielles, il a donc conclut qu'ainsi, quand les animaux n'ont plus de stimuli extérieur, ils ne font que dormir, d'où une vision passive du sommeil.


 A la fin des années 1940, Moruzzi et Magoun ont travaillé sur des régions du tronc cérébral : la formation réticulée. Quand la formation réticulée est stimulée, l'animal endormit se réveille. A contrario, quand on lèse la formation réticulée, les animaux présentent un état de sommeil permanent. Ce phénomène n'aurait pas lieu si les lésions n'étaient qu'au niveau des actions sensorielles comme le pensait Bremer. 


     Le sommeil est donc un processus actif qui est généré par la mise en action de la formation réticulée qui se divise en deux parties distinctes :
Une partie antérieure activatrice qui va être ralenti, freinée, par la partie postérieure inhibitrice.


FRA : activatrice
FRI : inhibitrice



   






 Jouvet a aussi montré plus tard l'importance de l'intervention des noyaux du raphé avec la synthèse de sérotonine dans le sommeil. En effet, plus nous accumulons de sérotonine (« toxine du sommeil ») dans une journée, plus l'envie de dormir est forte. Mais le rôle de cette protéine ne se limite pas à cela. Celle-ci contribue aussi à la production de mélatonine qui est responsable de l'ensemble du cycle veille/sommeil.


Un autre processus est à l'origine de l'envie de dormir. C'est tout simplement notre horloge biologique qui règle notre rythme dit « circadien » sur une période de 24h.



2/Au niveau neurochimique :
Une lente découverte...

      Dans les années 1912-1914, le français Henri Piéron émet l’hypothèse selon laquelle la veille prolongée entraîne l'accumulation d'une « toxine du sommeil » qui est par la suite dégradée durant le sommeil. Pour prouver cela, Piéron a promené des chiens la nuit dans Paris pour les empêcher de dormir, puis a injecté leur liquide céphalo-rachidien dans le cerveau d'autres chiens qui  après cette injection, dormaient plus profondément et plus longtemps que d’habitude.

      Plus tard, des chercheurs ont réussi à isolé une substance du liquide céphalo-rachidien qui, quand elle est injectée dans les ventricules de chat, rat, chèvre... provoque un sommeil lent. Johanson prouve en 1991 que cette substance, ce « facteur S », n'est pas synthétisé par le corps et que plus l'état de veille est long, plus il y a présence de cette substance.

      Aujourd'hui cette substance est appelée le muramyl dipeptide et son origine est enfin connue.


    


Pendant la journée, notre corps est confronté à toutes sortes de bactéries. Notre système immunitaire va donc intervenir pour se défendre et va libérer des cytokines qui vont attaquer les bactéries en dégradant leur membrane.  De cette dégradation va résulter cette substance, le facteur S, soit le « muramyl dipeptide ». En effet on constate que plus la veille est longue, plus il y a de muramyl dipeptide et moins il y a de cytokines. C'est à ce moment là que l'individu doit dormir, dans le but de restaurer les anticorps.


        En conclusion le sommeil, est un phénomène complexe où interviennent différents processus : L'hypothalamus : centre d'éveil/sommeil, la formation réticulée avec la partie postérieure qui va freiner la partie antérieure, les noyaux du raphé avec la synthèse de sérotonine, le muramyl dipeptide résultant de l'action des cytokines sur les bactéries...

II. L'exploration du sommeil

B. Les mécanismes du sommeil


Le sommeil reste encore aujourd'hui un grand mystère. Depuis les années 1970, des laboratoires spécialisés ont vu le jour un peu partout dans le monde ce qui a permis de faire des progrès considérables sur ce sujet. Une des plus grandes innovations pour l'étude du sommeil et des différents cycles dont il est composé est l'Electroencéphalogramme (EEG).
Celui-ci permet de mesurer grâce à des électrodes placées sur le cuir chevelu l'activité électrique du cerveau (des neurones). En effet chaque neurone décharge à partir d'une stimulation spécifique à chacun (potentiel d'action). L'électrode va donc, à un moment, en fonction du nombre de neurones qui ont déchargé, faire la somme de l'activité qui se trouve  sous l'électrode et ainsi différencier les différents stades qui composent un cycle de sommeil.  
C'est en 1926 qu'est réalisé le premier EEG par Hans Berger.




      (1)                       (2)           (3)                                            (4)

                                          
(Schéma qui se réfère aux parties du texte en italique.)

L'EOG (l'électro-oculogramme) représente les mouvements oculaires.
L'EMG (L'électromyogramme) le tonus musculaire.
L'EEG (l'électroencéphalogramme) les différents stades.

    
Avec l'EEG on peut observer qu'au cours du sommeil l'activité des neurones évolue. Quand on dort les neurones vont se « synchroniser » et donc décharger à peu près en même temps, ce qui entraîne une augmentation de l'amplitude (les ondes seront plus hautes) et d'autre part, une baisse de la fréquence (c'est à dire qu'il y aura moins d'ondes pour une même période). Cela a permis d'identifier différents « stades » du sommeil. En effet en 1959, Michel Jouvet a mis au point une classification qui divisait une nuit en différents cycles qui eux mêmes étaient composés de plusieurs stades, 5 au total :
     
 1/Le cycle & ses différents stades :

L'éveil :

Quand l'individu est éveillé on observe que l'EEG va émettre des ondes β, d'amplitude très faible et de fréquence saccadée.

Au moment du coucher apparaissent des ondes  α, appelées « relax éveil » (voir EEG (1) ). Elles sont caractérisées par leur fréquence un peu moins élevée que pour les ondes β et leur faible amplitude. Cela signifie donc que les neurones se déchargent à des moments différents les uns des autres comme tout au long d'une journée normale.
      

      On ne peut pas vraiment dire que ce stade fasse parti du « sommeil » en lui même. En effet nous sommes encore conscient, les sensations sont vives et proviennent de l'environnement extérieur mais une réduction de vigilance, du tonus musculaire et de la fréquence cardiaque sont visibles. 




Stade 1 et 2
:

      Le stade 1 est caractérisé par l'apparition d'onde σ : fréquence haute mais moins que pour les ondes α et amplitude basse (voir EEG (2)).

     Sur l'EEG on remarque que plus on avance dans le cycle, plus l'amplitude augmente et la fréquence baisse. L'apparition du « complexe k » (voir EEG (3) ) détermine le début du stade 2, le premier stade de vrai sommeil.

    Le stade 1 est le moment de transition entre veille/sommeil (sommeil léger).
    Le stade 2 est le premier stade de « vrai » sommeil. C'est un sommeil lent mais pas encore profond.
Ces deux stades occupent environ 50% de sommeil total. L'individu est assoupi mais il est toujours très sensible à l'environnement extérieur.

Stade 3 et 4 :

      Les ondes vont continuées à se « ralentir » et on observe l'apparition d'onde d'amplitude supérieure, les ondes δ (voir EEG (4) ). Tous les neurones se sont synchronisés et se déchargent en même temps, ce qui entraîne l'augmentation de l'amplitude et la baisse prononcée de la fréquence : on entre dans le sommeil lent profond (stade 3-4).


      Le sommeil profond composé de ces deux stades occupe environ 100 minutes au cours d'une nuit normale de sommeil. Celui-ci a aussi tendance à diminuer avec l'âge, au profit du sommeil léger. En effet les personnes âgées dépensent moins d'énergie. Par conséquent, elles ont moins de récupération à faire.

Par ailleurs, au stade 3 une très légère activité musculaire persiste, mais les mouvements oculaires ont quasiment disparu (voir EOG et EMG).
De plus ce stade peut être perturbé par une pathologie, il s'agit de l'apnée du sommeil.

L'apnée du sommeil :

      Elle touche de 5 à 15% de la population selon l'âge. L'apnée du sommeil est définie par un arrêt respiratoire qui peut durer 10 secondes et qui provoque le réveil du dormeur. Ces arrêts peuvent se produire jusqu'à 100 fois par nuit, ce qui altère considérablement la qualité du sommeil.

      Puis au stade 4 les signes vitaux s'atténuent tout en devenant réguliers. C'est aussi à ce moment qu'ont lieu les divisions cellulaires (multiplication des cellules : la cellule mère se divise en plusieurs « cellules filles ») et la production de l'hormone  de croissance (produite par le système endocrinien : les cellules), importante pour l'enfant.

     C'est au stade 4 que le somnambulisme et les terreurs nocturnes peuvent se produire.

Le somnambulisme :

     C'est une pathologie plus fréquente chez les enfants qui se manifeste par des faits et gestes réalisés inconsciemment par un individu lors de son sommeil. Un tiers des enfants seraient somnambules un jour ou l'autre et environ 3% le seraient chaque mois. Ces épisodes disparaissent avec l'âge. Contrairement aux croyances, il n'est pas dangereux de réveiller un somnambule, cela peut juste être quelque peu difficile. Ces épisodes ne durent qu'environ 10 minutes mais toujours lors du sommeil lent profond.

Les terreurs nocturnes :

     Celles-ci se manifestent souvent chez les enfants. L'enfant peut se dresser sur son lit, en larmes, agité de soubresauts. Il hurle, son corps exprime les signes caractéristiques de la peur : sueurs, nausées… Mais contrairement aux cauchemars, lors desquels l'enfant n'est pas conscient, il est toujours endormi et ne reconnaît personne. Cette pathologie survient surtout quand l'enfant manque de sommeil. Mais elle peut également être un symptôme d'un conflit intérieur.


Stade 5 , le sommeil paradoxal (REM en anglais) :

     Au bout de 70-90 minutes, l'EEG se modifie brusquement et reprend la forme du stade 1 (ondes σ : fréquence haute, amplitude basse). On entre dans le sommeil paradoxal.


     Nous allons enfin parler du fameux sommeil paradoxal qui occupe 20 à 25% de notre nuit. Durant ce stade, l'activité électrique du cerveau et les mouvements oculaires (voir EOG) sont très importants. Le tonus musculaire est quasiment nul (voir EMG). L'activité est irrégulière et le cœur accélère et ralentit. C'est la période propice aux rêves et aux cauchemars les plus intenses même s'il est aussi possible de rêver durant les autres stades du sommeil, notamment durant le sommeil lent léger.

     Les rêves :


C'est un phénomène complexe dans lequel intervient l'hippocampe. En effet, il agit pendant le sommeil paradoxal et est responsable des images qui constituent le rêve.




Parfois le dormeur est perturbé par un élément extérieur (bruit, digestion difficile, changement de température, fièvre...) qui est susceptible de transformer le rêve et ses images paisibles en cauchemars. Certains cauchemars peuvent se reproduire plusieurs fois au cours d'une vie. Cette répétition peut être un signe de traumatisme, d'une peur, d'un souvenir désagréable enfoui qui resurgit durant le sommeil.



2/Une nuit de sommeil :

Une nuit de sommeil se compose de plusieurs cycles. Ici nous avons décrit les stades composant un cycle de sommeil. Il faut savoir qu'au cours d'une nuit ce cycle qui dure environ 90 min va se reproduire plusieurs fois. Selon l'âge des individus, la composition du cycle va différer. En effet certains vont passer plus de temps dans le sommeil léger que dans le sommeil paradoxal ou profond.
Avec l'avancé scientifique, il est possible maintenant de voir la composition de toute une nuit de sommeil, avec l'hypnogramme et donc de pouvoir identifier les problèmes que peuvent subir les individus durant leur sommeil.

Ci-contre, un exemple d'hypnogramme normal, c'est-à-dire pour individu adulte sain.











Voici un autre exemple d'hypnogramme mais sur celui-ci on peut constater une anomalie. En effet, on observe que l'individu ne dort pas au cours de sa nuit entre 2h et 4h30 : c'est une insomnie.



II. L'exploration du sommeil

C. Les fonctions du sommeil


1/A quoi sert une bonne nuit de sommeil ?

Tout d'abord, à la restauration et conservation de l'énergie :

     Pendant le sommeil lent, on consomme moins d'énergie, la tension musculaire, le rythme cardiaque, respiratoire et la pression sanguine baissent : Cela est lié à la baisse de la température corporelle.


Ensuite, à une deuxième restauration : celle du corps (système immunitaire) :

     Comme dit précédemment, la réserve de cytokine n'est pas éternelle. Cette restauration s'effectue pendant le sommeil.
     De plus les hormones notamment l'hormone de croissance va intervenir pendant le sommeil. C'est pour cela qu'il est important qu'un enfant dorme bien.
   

Enfin, la facilitation de l'apprentissage :

     On peut affirmer aujourd'hui, que le sommeil facilite l'apprentissage. Des scientifiques, comme Jenkins et Dallenbach, ont étudié cette fonction du sommeil. L'expérience a consisté à diviser des individus en deux groupes. Le premier groupe a dû apprendre des mots justes avant le coucher. Puis après 8h de sommeil se rappeller de mots appris la nuit précédente. Tandis que le deuxième groupe a dû apprendre ces mêmes mots mais le matin. Les résultats ont été concluants. En effet le premier groupe a eu le meilleur résultat ce qui prouve bien que le sommeil facilite l'apprentissage ne serait ce que parce que pendant l'éveil la production d'interférences réduit la possibilité de conserver en mémoire.

     Mais dans quel stade se produit « l'apprentissage » ?

     Nous ne sommes pas les premiers à nous poser cette question. Le cerveau est en très grande activité pendant le sommeil paradoxal. On peut donc émettre l'hypothèse que c'est à ce moment là que le cerveau intervient dans l'apprentissage.



2/La privation de sommeil :
Pas assez dormi, quelles conséquences ?

Dans la société d'aujourd'hui, énormément d'individu dorment trop peu. Souvent en manque de temps, ces individus privilégient leur travail, leurs occupations, leurs loisirs au détriment d'une bonne nuit de sommeil. Ce phénomène peut avoir des conséquences graves.

Tout d'abord chez un individu présentant un «syndrome d'insuffisance de sommeil » (somnolence) s'il ne récupère pas assez le weekend, on commence à voir apparaître une diminution de la vigilance, de la concentration et de la capacité à réfléchir qui va s'accentuer au fil du temps. Ensuite on observe un ralentissement des réflexes, des troubles de la mémoire et même parfois  une hausse de l'agressivité ou encore des hallucinations de la part de ces individus. Cela peut devenir dangereux dans certaines situations, comme au volant. En effet aujourd'hui une partie importante des accidents sur la route est justement dû à ce manque de sommeil.
La privation de sommeil peut aussi avoir, à long terme, des conséquences sur la santé : diabète, obésité, hypertension...

II. L'exploration du sommeil

C. Les fonctions du sommeil


1/A quoi sert une bonne nuit de sommeil ?

Tout d'abord, à la restauration et conservation de l'énergie :

     Pendant le sommeil lent, on consomme moins d'énergie, la tension musculaire, le rythme cardiaque, respiratoire et la pression sanguine baissent : Cela est lié à la baisse de la température corporelle.


Ensuite, à une deuxième restauration : celle du corps (système immunitaire) :

     Comme dit précédemment, la réserve de cytokine n'est pas éternelle. Cette restauration s'effectue pendant le sommeil.
     De plus les hormones notamment l'hormone de croissance va intervenir pendant le sommeil. C'est pour cela qu'il est important qu'un enfant dorme bien.
   

Enfin, la facilitation de l'apprentissage :

     On peut affirmer aujourd'hui, que le sommeil facilite l'apprentissage. Des scientifiques, comme Jenkins et Dallenbach, ont étudié cette fonction du sommeil. L'expérience a consisté à diviser des individus en deux groupes. Le premier groupe a dû apprendre des mots justes avant le coucher. Puis après 8h de sommeil se rappeller de mots appris la nuit précédente. Tandis que le deuxième groupe a dû apprendre ces mêmes mots mais le matin. Les résultats ont été concluants. En effet le premier groupe a eu le meilleur résultat ce qui prouve bien que le sommeil facilite l'apprentissage ne serait ce que parce que pendant l'éveil la production d'interférences réduit la possibilité de conserver en mémoire.

     Mais dans quel stade se produit « l'apprentissage » ?

     Nous ne sommes pas les premiers à nous poser cette question. Le cerveau est en très grande activité pendant le sommeil paradoxal. On peut donc émettre l'hypothèse que c'est à ce moment là que le cerveau intervient dans l'apprentissage.



2/La privation de sommeil :
Pas assez dormi, quelles conséquences ?

Dans la société d'aujourd'hui, énormément d'individu dorment trop peu. Souvent en manque de temps, ces individus privilégient leur travail, leurs occupations, leurs loisirs au détriment d'une bonne nuit de sommeil. Ce phénomène peut avoir des conséquences graves.

Tout d'abord chez un individu présentant un «syndrome d'insuffisance de sommeil » (somnolence) s'il ne récupère pas assez le weekend, on commence à voir apparaître une diminution de la vigilance, de la concentration et de la capacité à réfléchir qui va s'accentuer au fil du temps. Ensuite on observe un ralentissement des réflexes, des troubles de la mémoire et même parfois  une hausse de l'agressivité ou encore des hallucinations de la part de ces individus. Cela peut devenir dangereux dans certaines situations, comme au volant. En effet aujourd'hui une partie importante des accidents sur la route est justement dû à ce manque de sommeil.
La privation de sommeil peut aussi avoir, à long terme, des conséquences sur la santé : diabète, obésité, hypertension...

Conclusion


En guise de conclusion, on peut dire que l'univers du sommeil est très vaste et complexe. L’intérêt porté au sommeil depuis le développement des sociétés antiques n'a cessé de croître pour enfin aboutir aux connaissances rationnelles et scientifiques d'aujourd'hui. Cette évolution a été longue, l'histoire a été marquée par de grands théologiens tels que Freud mais ce n'est qu'au  milieu du 20ème siècle, c'est-à-dire très récemment, que nous avons à notre disposition des bases solides en la matière. Malgré cela, la science du sommeil reste nouvelle. Les doutes planent toujours autour de celle-ci et la recherche sur ce phénomène intriguant se poursuit encore.
30% de notre vie est occupée par cet état. Par conséquent, il y a forcément des problèmes qui vont survenir durant cette période. Alors quelles sont les solutions proposées pour remédier à ces problèmes ? L'avancée permettra-t-elle encore d'autres découvertes ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire