vendredi 7 janvier 2011

Rêve et introspection



 

SCIENTIFICITE EN PSYCHOLOGIE INTROSPECTIVE



Parce qu’elle est associée à la subjectivité, l’introspection est plutôt décriée. Pourtant, une démarche intelligente, semble-t-il, consisterait à accepter le parti de collectionner les matériaux issus de l'introspection et à voir ce que l'on pourrait bien en tirer.
Bien entendu, cette démarche n’aura de valeur que si elle est « scientifique » et non « idéologique », c’est-à-dire conduite dans un esprit où l’on tente de caler sa pensée sur les faits (la pensée est alors la variable d’adaptation) et non d’utiliser les descriptions de faits pour corroborer sa pensée (dans ce cas, la variable d’adaptation est dans la description des faits puisque alors on sélectionne, généralise, extrapole et occulte selon les nécessités idéologiques).
Si la scientificité se définit bien par le type de rapport au réel, sa bonne concrétisation en science dépendra de l’aptitude à explorer, qualifier et consigner les faits. Or, sur ce point, l’introspection semble montrer au moins 1 écueil et 3 difficultés.
L'écueil vient de la lenteur de l'éclaircissement introspectif, handicap qui rend l'introspection "en temps réel" inapte à capter, avec une finesse satisfaisante, l'ensemble des mouvements mentaux qui, eux, sont très mobiles.
Une difficulté vient du pouvoir déformateur de la vanité (du « narcissisme »), inclination qui incite à forger une représentation qui arrange l'ego. (C’est là une première cause de partialité, d’infidélité).
Une autre difficulté vient de la fuite peureuse. Il y a alors opposition à l'inspection de certains points effrayants. (C’est là une seconde cause de partialité qui intervient sur la fidélité).
Enfin, l'introspecteur initié objectera l'effet de l'introspection sur le phénomène étudié car l'introspection est un arrêt sur image qui interrompe, voire modifie, un processus en cours de développement.
Bref, vu de la sorte, non seulement l’introspecteur capte grossièrement, mais en plus il risque de voir comme il veut voir (partialité), et il risque de produire les phénomènes qu’il veut voir. Il y a besoin d’un garde fou.
L’encadrement par le rêve peut être un garde fou.
On sait que le rêve est une reconstitution détaillée d'un processus psychologique; il restitue une phase d'impressions idéo-affectives vécues la veille . Le rêve devient donc, pour le psychologue, un moyen de cadrer l’introspection. Une fois son rêve écrit, et traduit, le psychologue dispose de l'histoire figée d'un processus psychologique qui s'est déroulé plus ou moins à son insu. Il a sous la main le film d'une phase mentale, une succession de photographies qu'il ne peut pas transformer selon son bon vouloir et qu'il peut décortiquer au rythme qu'il veut après avoir pris un recul suffisant pour « dépassionner » la situation. Il se libère ainsi des inconvénients de l’introspection en temps réel.
Selon ce point de vu, la traduction d’un rêve permet un audit méthodique de phénomènes psychologiques.
Bien entendu, cet audit reste soumis à la qualité des observations : l'écriture d'un rêve –  démarche qui fait appel à l’introspection – est plus ou moins fine et fidèle, la traduction – exercice qui nécessite une introspection un peu plus délicate que la simple écriture d’un rêve –  est plus ou moins fine et fidèle mais il n’empêche que le psychologue dispose d’une procédure d’exploration de faits psychologiques ce qui permet d’améliorer la scientificité de son approche.
Il est bon de se souvenir que l’imperfection de l’observation et/ou de sa transcription, ainsi que les progrès dans ces matières, sont des phénomènes communs à toutes les sciences. Ce phénomène, par exemple, apparaît clairement dans l’histoire de la physique où le progrès dans l'observation a été un facteur sine qua non de son développement. L’histoire de la physique montre aussi que l'on voit toujours mieux grâce à la théorie capable de suggérer où et comment regarder. Pourquoi serait-ce différent en psychologie ? L'observation, l’introspection, devrait s’améliorer parallèlement au développement de la psychologie. Nous ne prétendons pas à la perfection de l’outil introspectif, mais à sa perfectibilité.
Nous attendons avec impatience la vérification expérimentale de la rediffusion onirique d’impressions vécues la veille car alors il faudra réhabiliter l’introspection puisqu’elle aura été à l’origine d’une avancée.

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