vendredi 7 janvier 2011

Historique du Rêve-Eveillé-Dirigé



Robert Desoille (1890-1966) ne semblait pas destiné à devenir psychothérapeute. Ingénieur de formation, après s'être intéressé à l'hypnose dans sa jeunesse, il entreprend des études de psychologie qu'il sera contraint d'abandonner en raison de la guerre de 1914-18. En 1923, il est attiré par un opuscule intitulé : Méthode de développement des fonctions supra-normales d'un certain Eugène Caslant, qui y relatait des expériences de montées et de descentes dans l'imaginaire. R. Desoille le rencontre et expérimente avec lui durant deux années.

C'est alors qu'il perçoit tout l'intérêt de cet onirisme à l'état de veille pour l'investigation psychologique et pour la résolution des conflits intra-psychiques par la mise en mouvement de l'imaginaire. Il publie les résultats de sa recherche dans son premier ouvrage de 1938 Exploration de l'affectivité subconsciente par la méthode du rêve éveillé.

Dans son livre Théorie et pratique du rêve éveillé dirigé, il résume ainsi le fruit de 22 ans de recherche : "Le rêve éveillé, état intermédiaire et nuancé entre l'état de veille et l'état de sommeil, entre le " physiologique " et le " psychique " est, par essence, le reflet de ce réservoir inépuisable où le sujet a accumulé, depuis sa naissance, ses angoisses, ses craintes, ses désirs, ses expériences, lesquels demeurent, en tout état de cause et face au monde extérieur, les facteurs déterminants de son comportement".

Les débuts du rêve éveillé en psychothérapie

On peut dire que Desoille a eu l'intuition géniale d'utiliser l'imaginaire comme mode d'accès à l'inconscient.
Ses positions théoriques ont varié au cours des années. N'adhérant pas à la notion stricte d'inconscient freudien, il s'inspire d'abord de Jung, puis s'oriente vers Pavlov et un modèle physiologique du fonctionnement de l'imaginaire. Il est toujours resté attaché à deux points importants :
  La création de mouvements dans l'espace imaginaire
  La recherche du changement par la sublimation

En 1945, il publie le rêve éveillé en psychothérapie.
Poursuivant ses recherches, il forme avec ses élèves un "Groupe de recherche sur le rêve-éveillé dirigé" en 1960.

Après la disparition de R. Desoille en 1966 est créé le GIREDD (Groupe International du Rêve-Éveillé Dirigé de Desoille) qui cherche à élucider les ressorts du R.E.D. à la lumière de l'inconscient freudien, tout en gardant 1'originalité de Desoille.
Cette période se termine par une scission :

Le GIREDD est transformé en GIRED (Groupe International du Rêve-Eveillé de Desoille) avec disparition de la caractéristique "Dirigé" et maintien de la référence à Desoille afin de rendre compte de la dynamique propre du rêve-éveillé en tant que mise en mouvement de l'imaginaire.

L'école psychanalytique

C'est en 1987 qu'est créé le GIREP qui se présente clairement comme "un groupe de psychanalystes qui utilisent les ressources du rêve-éveillé dans un aménagement particulier de la cure analytique classique".
                                                                                                                                                                   
Est alors abandonnée l'originalité et la dynamique de la méthode desoillienne, le rêve-éveillé étant considéré comme un moyen d'accès à l'inconscient, au même titre que souvenirs, fantasmes, rêveries... 

Les différentes approches jusqu'à aujourd'hui


Désormais on constate un éclatement de la pratique du Rêve-Eveillé, car il existe un certain nombre de praticiens fidèles à la découverte de Desoille qui ne se rallient pas au cadre psychanalytique.

Comme le souligne Jacques Launay, Desoille n'avait nullement l'intention de faire entrer le Rêve-Éveillé, tel qu'il le concevait, dans la psychanalyse. Ce qui l'intéressait, c'était les capacités de changement par le Rêve-Éveillé lui-même. Il fut soutenu en cela par des psychanalystes tels que J. Favez-Boutonier, F. Dolto, S. Nacht, entre autres.

Déjà en 1990  Jean Guilhot soulignait l'originalité du rêve-éveillé de Desoille en tant que "thérapie multidimensionnelle" privilégiant les aspects dynamiques et prospectifs à travers les stratégies d'activation et de transmutation. Il parle de "co-pilotage" qui "lance un défi à la non directivité et au principe de libre association", patient et thérapeute se dirigeant mutuellement "au cœur d'une aventure et d'un vivant dialogue qui transgressent tout modèle". C'est pourquoi il a toujours été opposé à considérer le rêve-éveillé par rapport à la psychanalyse dont, pour lui, les procédures et les objectifs sont différents.

  • Roberto Enrique Rocca (ancien Président de la Société Argentine du Rêve-Éveillé de Desoille) insiste sur la valeur du langage symbolique qui bien souvent n'a pas besoin d'explicitations qui ne conduisent qu'à des rationalisations. Par ailleurs, le scénario est le terrain naturel où se développe et s'exprime la relation.
Il considère comme fondamentale "la puissance prospective de l'imagination" et l'incitation par l'analyste de faire face et à surpasser les obstacles par un processus en mouvement". Il est fondamental de tenir compte de cette énergie potentielle présente dans le travail du rêve-éveillé". C'est pourquoi, bien que se référant à la métapsychologie freudienne, il tient à distinguer nettement la thérapie par le Rêve-Eveillé et à continuer à l'appeler "Rêve-Éveillé de Desoille" parce que constituant là son originalité et sa spécificité.
Pour lui : "Le génie de Desoille consiste à avoir inclus l'activité de rêverie dans un cadre thérapeutique défini, lequel détermine des modifications fondamentales de cette activité". L'analyste fonctionne plutôt comme un catalyseur et le transfert se négocie - bien des fois sans être explicité - dans la dramatisation imaginaire".

  • Marc-Alain Descamps s'inscrit dans le courant des "psychothérapies transpersonnelles" à côté de Jung, Frankl et Assagioli. Il insiste sur la "méthode active" que représente le rêve-éveillé cherchant à développer toutes les potentialités incluses dans cette pratique, y compris l'accès à un certain état de conscience propice à l'éclosion de "rêves éveillés mutatifs".

  • David Guerdon a utilisé le RED dans une approche d'inspiration jungienne (voir la bibliographie)

  • Jean Marc Henriot a fondé L'Analyse Intégrative Rêve Eveillé

  • Michel Briquet reste fidèle à l'esprit de son inventeur tout en enrichissant sa pratique d'autres apports  

  • Elisabeth Mercier (voir "Le Rêve-Eveillé-Dirigé revisité, l'Harmattan)

Il y a quelques années, Jacques Launay s'interrogeait : "L'avenir dira si une relecture de Desoille et une pratique du rêve-éveillé proche de la sienne ne sont pas prometteuses de nouvelles avancées dans le domaine de la psychothérapie."

Ce jour est venu. Confirmant l'intuition de R. Desoille quant à la puissance de l'imaginaire et le ressort du changement qu'il constitue, il est clair que le Rêve-Eveillé-Dirigé revu et repensé à la lumière des découvertes actuelles a enfin trouvé la place qui lui revient dans le champ thérapeutique.

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