dimanche 9 janvier 2011

Le rêve du Comte de Thun (Freud)

 bagan-temples

Dans « l’interprétation du rêve » et dans le chapitre intitulé « Le matériel d’origine infantile, source du rêve » Freud nous communique l’un de ses rêves dit « Rêve du Comte de Thun » .

Le contenu manifeste de ce rêve est très long et les associations qui l’accompagnent sont abondantes et d’une grande richesse, aussi je ne peux qu’encourager le lecteur à le relire dans son contexte pour pouvoir lire ce qui suit.
Je ne peux en tirer que quelques fils qui pourront servir à ma démonstration, tout en ayant conscience de prendre plein de risques en ne partant pas strictement du texte du rêve.
Freud se montre dans ce rêve d’humeur belliqueuse. La veille, à la gare, partant en vacances, il rencontre le Comte de Thun. Toute une série d’associations surgissent à propos de ceux qui sont nés avec une cuillère d’argent dans la bouche. Il chantonne même un air des noces de Figaro : « s’il veut la danse, Monsieur le Comte, ce sera moi… », C’est ainsi que Freud se met à la place de Figaro qui espère se venger du Comte Amalviva qui convoite sa fiancée Suzanne.
Dans le fil de ce rêve, Freud nous raconte deux souvenirs d’enfance. Un souvenir de son énurésie infantile, un autre souvenir où il avait uriné dans la chambre de ses parents et en leur présence. Freud nous l’indique ce rêve du Comte de Thun est un typique rêve d’ambition urétrale ainsi qu’un rêve de vengeance à l’égard du père : dans le texte du rêve, « il voit, de façon plastique, son père, infirme, qui urine devant lui.
Mais pour suivre notre fil, qui est celui de cette version vers le père que Lacan a évoquée, plus qu’élaborée, un fragment de ce rêve ainsi qu’une double devinette surgie dans les associations de ce rêve nous permettra d’atteindre notre but.
Il le reprend en effet dans un autre chapitre de son ouvrage qui a pour titre « L’absurdité dans le rêve », absurdité qu’il met en rapport avec les désirs de mort éprouvés à l’égard du père.
Ce fragment c’est Freud lui-même qui l’isole pour l’expliciter davantage :
« Je prends un fiacre et me fais conduire à une gare. Je dis au cocher qui me reproche de le surmener : « Je ne puis évidemment faire avec vous le trajet du train ». Tout se passe, en effet, comme si j’avais accompli avec lui déjà une partie du parcours qu’on fait ordinairement par le train ».
Freud nous indique qu’il a besoin dans ce rêve d’absurde et d’incompréhensible par rapport avec le mot farhen = voyager aller en voiture. C’est en effet en rapport avec ce mot que Freud n’a pas réussi à résoudre une devinette qui lui avait été posée :
La première est celle-ci :
Le maître l’ordonne,
Le cocher le fait,
Chacun le possède
Il repose dans la tombe
La seconde :
Le maître l’ordonne
Le cocher le fait
Tout le monde n’en possède pas
Il repose dans le berceau
La réponse de la devinette qui est, à l’époque et à Vienne, très connue, n’est pas trouvée par Freud qui s’en trouve mortifié. Celui qui repose dans la tombe, c’est l’ancêtre, celui qui est dans le berceau est l’enfant. Le tout repose comme on pouvait s’y attendre sur des rencontres signifiantes que permet la langue allemande :
Le verbe Vorfahren signifie venir en voiture. Le nom par contre signifie les ancêtres.
De même, le verbe Nachkommen signifie venir après, suivre, obéir, et le nom descendants.
A la suite de cette devinette Freud nous livre en effet l’interprétation de ce rêve : « Lorsqu’après cela je vis le comte de Thun arriver en voiture avec un air majestueux et que je trouvais comme Figaro, que le mérite des grands seigneurs consiste à s’être donné la peine de naître (d’être des descendants), ces deux devinettes ont pu servir de pensées intermédiaires dans le travail du rêve ».
On arrive ainsi à la « pensée du rêve ». C’est elle qui témoigne de l’un des aspects de la père-version de Freud : « Il est absurde de se glorifier de ses ancêtres. J’aime mieux être moi-même un aïeul, un ancêtre ».
Le désir de Freud s’est réalisé, il est devenu pour nous un ancêtre ; le fondateur d’une lignée, celle des psychanalystes.

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