L'inconscient est l'instance psychique découverte par Freud et nommée par lui en tant que lieu des représentations qui se sont vu refuser l'accès à la conscience, représentations refoulées qui supportent les désirs inconscients.
Sa théorie constitue l'hypothèse fondatrice de la psychanalyse.
Pour celle-ci, l'inconscient est l'organisation qui gouverne nos pensées, nos désirs, nos actes ; cette instance est porteuse d'un savoir inconscient auquel nous n'avons pas accès si ce n'est à travers ce qu'on appelle les formations de l'inconscient - rêve, lapsus, symptôme, oubli, etc. - qui signent le retour de ce qui fut refoulé et qui se manifestent en dehors de la volonté du sujet ; celui-ci se révèle donc être dirigé à son insu par un réseau articulé de représentations que la conscience ne peut reconnaître siennes.
Donc toutes ces formations sont porteuses d'un savoir mais d'un savoir énigmatique, constitué par un matériel littéral en lui-même dépourvu de signification, savoir qui ne se livre pas comme ça, et qui reste donc à déchiffrer - travail de l'analyse - et c'est cela que Freud a découvert en se prêtant à l'écoute de ses premières patientes hystériques.
Le réseau signifiant préexiste au sujet : à sa naissance, il se trouve pris déjà dans le réseau symbolique de la parenté, de l'alliance et de la nomination, ce qui fait dire à Lacan que "l'inconscient, c'est le désir de l'Autre", l'Autre étant entendu ici comme la chaîne symbolique inconsciente porteuse d'une mémoire qui excède celle du sujet et dans laquelle le sujet est pris . Lacan dira aussi : il s'agit de "l'Autre, lieu de cette mémoire que Freud a découverte sous le nom d'inconscient" (1).
Tout le monde a l'expérience de quelque chose qui lui a échappé, qu'il a commis sans le vouloir, par surprise, de l'ordre du lapsus, acte manqué, oubli, méprise, erreur.
Tous nous rêvons et nos rêves sont pour nous le plus souvent étonnants et incompréhensibles.
Et si l'on vient voir le psychanalyste c'est parce que l'on souffre de symptômes énigmatiques, le plus souvent répétitifs qui sont devenus insupportables et dont la raison ne vient pas à bout.
L'inconscient est donc ce qui surgit comme incongru dans le discours conscient, dans le discours courant que nous croyons maîtriser, ce qui fait effraction dans la parole ou les comportement sur le mode de l'énigme, ce qui se répète contrre la volonté du sujet, ce qui intrigue et questionne : Toutes ces manifestations involontaires et énigmatiques, ces "formations" de l'inconscient, toutes sont des formations langagières, de véritables "créations", de trouvailles, elles relèvent du signifiant, elles sont structurées comme un langage, elles obéissent à ce que Freud nomme le processus primaire de pensée, les mécanismes en oeuvre ici étant la condensation et le déplacement, renvoyant à la métaphore et à la métonymie.
En ce sens, l'inconscient ou plutôt ses formations, c'est ce qui s'écrit dans la parole, ou dans le comportement, mais sous la forme d'une écriture chiffrée et donc à déchiffrer.
Pourquoi ce savoir inconscient ne se livre-t-il pas tout simplement pourquoi nécessite-t-il un travail de déchiffrage ? c'est qu'il avance masqué pour tenter de déjouer la censure en rapport avec ce que nous avons du refouler pour advenir comme sujet, depuis le premier refoulement, appelé refoulement originaire, où l'enfant doit renoncer à être pur objet du désir de la mère, refoulement princeps qui sera suivi par la suite des refoulements secondaires.
L'inconscient donc, à travers ses formations, se donne à déchiffrer, à lire, il est de l'ordre de l'écrit et son écriture est de l'ordre du jeu de lettres : l'inconscient sait introduire une lettre supplémentaire ou la retirer dans une séquence ; il sait organiser des déplacements de césure et faire ainsi émerger une signification différente ; il sait jouer sur l'homophonie, sur l'orthographe différente de mots ou de séquences qui ont le même son et qui se prêtent à la dislocation selon le jeu de "lalangue", où le sujet de l'inconscient cherche à se faire entendre et les formations de l'inconscient à chiffrer le désir ; ici les mots sont traités comme des choses et valent par leur tissage et leurs connexions littérales comme dans la poésie.
Ainsi les éléments de la chaîne inconsciente, font irruption dans la langue parlée sur le mode préférentiel de la lettre, en tant que signe d'un désir interdit. Rappelons le joli lapsus du premier ministre candidat à la Présidence de la République : "je vous souhaite tous mes vieux". C'est pourquoi l'arme interprétative première de l'analyste est celle de l'équivoque signifiante, équivoque grammaticale, logique, homophonique qui permet aussi de déplacer la césure, de faire de nouveaux découpages, de faire apparaître de nouveaux sens sur fond de non-sens (rébus) ."Il est tout-à-fait clair que le symptôme se résout tout entier dans une analyse de langage, parce qu'il est lui-même structuré comme un langage, qu'il est langage dont la parole doit être délivrée" (2).
L'inconscient donc se donne à déchiffrer, à lire : Il "écrit" certes, sous la forme de ces "formations"particulières à chacun, mais ce qu'il a lu auparavant et dont ces formations représentent une sorte de déchiffrage. Dans la Lettre 52 à Fliess, Freud nous dit que dans notre organisation psychique, nous avons tout d'abord affaire aux perceptions ou impressions, sans mémoire, réel antérieur à la symbolisation et qui est la jouissance du corps; ensuite on a les signes de perception, première transcription de ces perceptions, premier nouage du symbolique et du réel, premiers chiffrages de la jouissance dont Lacan dit qu'il se fait à partir de débris langagiers, de bribes, d'alluvions, où se dépose la jouissance, c'est là que se situe la racine du symptôme : ces signes dit Freud ne sont pas susceptibles de conscience et sont articulés selon une association par simultanéité ; donc ici pas de sens, pas de contradiction et pas d'ordre dans le temps, pas de succession mais cependant un premier chiffrage de la jouissance.
Le troisième temps, celui de l'inconscient - i.e. le processus primaire, le couple condensation-déplacement - dont Lacan nous dit qu'il déchiffre cette jouissance préalablement chiffrée ; ici ce ne sont pas des associations par simultanéité qui dominent mais des associations par causalité qui implique la succession dans le temps donc une orientation et déjà une adresse qui vise un Autre : "Faire passer la jouissance à l'inconscient, c'est-à-dire à la comptabilité, c'est en effet un sacré déplacement" dit Lacan dans Radiophonie (3).
La jouissance va être ainsi transplantée du corps vers le langage, vers le terrain de la parole et du discours, c'est à ce niveau que nous retrouvons les formations de l'inconscient qui seront à déchiffrer par le travail de la psychanalyse.
Lacan dans Télévision : "Ce qu'articule comme processus primaire Freud dans l'Ict, ça c'est de moi, mais qu'on y aille et on le verra, ce n'est pas quelque chose qui se chiffre, mais qui se déchiffre. Je dis la Jouissance, elle-même" (4).
LE RÊVE
Quant au rêve, "la voie royale vers l'inconscient", rappelons la lecture révolutionnaire qu'en fit Freud : si le rêve est constitué d'images, ces images sont analogues à celles d'un rébus, ou encore analogues à celles des hyéroglyphes : il s'agit d'une écriture en images, d'une écriture chiffrée qui est à déchiffrer . Le rêve emploie lui aussi pour s'écrire la condensation et le déplacement (métaphore-métonymie) et un rêve s'analysera comme les autres formations de l'inconscient par la méthode freudienne de l'association libre qui déploiera tout un réseau signifiant.
Par ailleurs, le rêve ne comporte pas de connecteurs logiques, c'est à l'interprète de les établir, en sachant que toute assertion peut être retournée, contredite ou corrigée. La vérité comporte plusieurs versants ou encore il n'y a pas d'écriture dernière, il n'y a pas de dernier mot du rêve, même s'il y a une limite à l'interprétation de celui-ci, L'interprétation poussée suffisamment loin, va buter nous dit Freud sur ce point essentiel qu'est l'ombilic du rêve : "tout rêve, nous dit-il, a au moins un endroit où il est insondable, analogue à un ombilic où il est relié avec le non-reconnu", là, les chaînes associatives forment une pelote et n'ont plus ce caractère en réseau qui permet de déduire les pensées latentes ; la condensation y est en défaut et Lacan nous a appris à reconnaître dans cet ombilic, ce non-reconnu, ce qu'on appelle le refoulement originaire . Ce point est un stigmate du réel du sujet (Lacan parle même à ce propos du réel comme le fait d'être né de ce ventre-là, de cette mère-là et pas d'une autre, de ces parents-là et le fait d'être exclu de notre propre origine). Freud nous dit aussi que, d'un endroit plus dense de ce réseau des pensées, s'élève le désir du rêve, à proximité duquel on peut repèrer ce qu'on appelle les holophrases qui sont des sortes de phrases gelées qui peuvent employer une ou plusieurs langues étrangères et où les signifiants sont comme collés et qu'il faut séparer et "réanimer" en les découpant et en les écoutant homophoniquement : (par exemple, 300 francs = 3 enfants). Là c'est le son et non plus l'image qui est refoulé par le son, comme dans l'écriture chinoise.
Tout ceci permet de mieux entendre le bien-fondé et la justesse du titre donné par Lacan à son séminaire de 1976-1977 : l'insu-que-sait de l'une-bévue, l'une-bévue étant la traduction homophonique de Unbewusst, inconscient en allemand.
LE MOT D'ESPRIT
Le mot d'esprit lui aussi construit pour déjouer la censure est facilement accepté par celle-ci, Il opère une agréable levée du refoulement, libérant ainsi l'énergie habituellement utilisée à maintenir celui-ci, ce qui suscite entre autres le plaisir que l'on éprouve à l'écoute d'un mot d'esprit, réconciliant le sujet grammatical et le sujet du désir refoulé sans que l'un ait à chasser l'autre.
Si le rêve est écrit dans une langue privée le mot d'esprit lui est fait pour circuler entre les humains de la même paroisse et il nécessite qu'un tiers vienne l'authentifier par son rire.
Lacan dira en parlant de l'interprétation analytique : "il n'y a que la poésie qui permette l'interprétation... " mais aussi "Nous n'avons rien à dire de beau. C'est d'une autre résonance qu'il s'agit à fonder sur le mot d'esprit... Un mot d'esprit n'est pas beau ; il ne se tient que d'une équivoque." (5)
Pour Freud d'ailleurs, nous rappelle Charles Melman, "il ne s'agissait pas de se réaliser en prenant connaissance dans la cure de cet inconscient mais de renoncer à l'idée de maîtrise et de consentir à advenir comme sujets abolis, divisés par ce savoir inconscient dont nous sommes exclus" (6) et que nous pouvons approcher par le travail de déchiffrage dans la pratique d'une cure analytique : on pourrait dire aussi que le seul lieu où se manifeste ce sujet de l'inconscient, ordinairement muet "aboli", censuré, est celui des formations du dit inconscient.
Le terme inconscient est mal venu, car il pourrait faire croire qu'entre le conscient "ce que nous croyons dire" et l'inconscient "ce que nous ne savons pas que nous disons" quand nous parlons, existe un bord qui les sépare et qu'ils se trouvent répartis d'un côté et de l'autre de ce bord, - dedans, dehors - dessus-dessous, en haut-en bas, devant-derrière - alors que les manifestations de l'inconscient dans le discours effectif, "conscient", "le discours courant" (le disque courcourant) se trouvent être en continuité avec celui-ci, comme le sont l'envers et l'endroit d'une bande de Moebius, le passage de l'un à l'autre ne nécessitant aucun franchissement de bord.
Auteur : Josée Lapeyrère
Sa théorie constitue l'hypothèse fondatrice de la psychanalyse.
Pour celle-ci, l'inconscient est l'organisation qui gouverne nos pensées, nos désirs, nos actes ; cette instance est porteuse d'un savoir inconscient auquel nous n'avons pas accès si ce n'est à travers ce qu'on appelle les formations de l'inconscient - rêve, lapsus, symptôme, oubli, etc. - qui signent le retour de ce qui fut refoulé et qui se manifestent en dehors de la volonté du sujet ; celui-ci se révèle donc être dirigé à son insu par un réseau articulé de représentations que la conscience ne peut reconnaître siennes.
Donc toutes ces formations sont porteuses d'un savoir mais d'un savoir énigmatique, constitué par un matériel littéral en lui-même dépourvu de signification, savoir qui ne se livre pas comme ça, et qui reste donc à déchiffrer - travail de l'analyse - et c'est cela que Freud a découvert en se prêtant à l'écoute de ses premières patientes hystériques.
Le réseau signifiant préexiste au sujet : à sa naissance, il se trouve pris déjà dans le réseau symbolique de la parenté, de l'alliance et de la nomination, ce qui fait dire à Lacan que "l'inconscient, c'est le désir de l'Autre", l'Autre étant entendu ici comme la chaîne symbolique inconsciente porteuse d'une mémoire qui excède celle du sujet et dans laquelle le sujet est pris . Lacan dira aussi : il s'agit de "l'Autre, lieu de cette mémoire que Freud a découverte sous le nom d'inconscient" (1).
Tout le monde a l'expérience de quelque chose qui lui a échappé, qu'il a commis sans le vouloir, par surprise, de l'ordre du lapsus, acte manqué, oubli, méprise, erreur.
Tous nous rêvons et nos rêves sont pour nous le plus souvent étonnants et incompréhensibles.
Et si l'on vient voir le psychanalyste c'est parce que l'on souffre de symptômes énigmatiques, le plus souvent répétitifs qui sont devenus insupportables et dont la raison ne vient pas à bout.
L'inconscient est donc ce qui surgit comme incongru dans le discours conscient, dans le discours courant que nous croyons maîtriser, ce qui fait effraction dans la parole ou les comportement sur le mode de l'énigme, ce qui se répète contrre la volonté du sujet, ce qui intrigue et questionne : Toutes ces manifestations involontaires et énigmatiques, ces "formations" de l'inconscient, toutes sont des formations langagières, de véritables "créations", de trouvailles, elles relèvent du signifiant, elles sont structurées comme un langage, elles obéissent à ce que Freud nomme le processus primaire de pensée, les mécanismes en oeuvre ici étant la condensation et le déplacement, renvoyant à la métaphore et à la métonymie.
En ce sens, l'inconscient ou plutôt ses formations, c'est ce qui s'écrit dans la parole, ou dans le comportement, mais sous la forme d'une écriture chiffrée et donc à déchiffrer.
Pourquoi ce savoir inconscient ne se livre-t-il pas tout simplement pourquoi nécessite-t-il un travail de déchiffrage ? c'est qu'il avance masqué pour tenter de déjouer la censure en rapport avec ce que nous avons du refouler pour advenir comme sujet, depuis le premier refoulement, appelé refoulement originaire, où l'enfant doit renoncer à être pur objet du désir de la mère, refoulement princeps qui sera suivi par la suite des refoulements secondaires.
L'inconscient donc, à travers ses formations, se donne à déchiffrer, à lire, il est de l'ordre de l'écrit et son écriture est de l'ordre du jeu de lettres : l'inconscient sait introduire une lettre supplémentaire ou la retirer dans une séquence ; il sait organiser des déplacements de césure et faire ainsi émerger une signification différente ; il sait jouer sur l'homophonie, sur l'orthographe différente de mots ou de séquences qui ont le même son et qui se prêtent à la dislocation selon le jeu de "lalangue", où le sujet de l'inconscient cherche à se faire entendre et les formations de l'inconscient à chiffrer le désir ; ici les mots sont traités comme des choses et valent par leur tissage et leurs connexions littérales comme dans la poésie.
Ainsi les éléments de la chaîne inconsciente, font irruption dans la langue parlée sur le mode préférentiel de la lettre, en tant que signe d'un désir interdit. Rappelons le joli lapsus du premier ministre candidat à la Présidence de la République : "je vous souhaite tous mes vieux". C'est pourquoi l'arme interprétative première de l'analyste est celle de l'équivoque signifiante, équivoque grammaticale, logique, homophonique qui permet aussi de déplacer la césure, de faire de nouveaux découpages, de faire apparaître de nouveaux sens sur fond de non-sens (rébus) ."Il est tout-à-fait clair que le symptôme se résout tout entier dans une analyse de langage, parce qu'il est lui-même structuré comme un langage, qu'il est langage dont la parole doit être délivrée" (2).
L'inconscient donc se donne à déchiffrer, à lire : Il "écrit" certes, sous la forme de ces "formations"particulières à chacun, mais ce qu'il a lu auparavant et dont ces formations représentent une sorte de déchiffrage. Dans la Lettre 52 à Fliess, Freud nous dit que dans notre organisation psychique, nous avons tout d'abord affaire aux perceptions ou impressions, sans mémoire, réel antérieur à la symbolisation et qui est la jouissance du corps; ensuite on a les signes de perception, première transcription de ces perceptions, premier nouage du symbolique et du réel, premiers chiffrages de la jouissance dont Lacan dit qu'il se fait à partir de débris langagiers, de bribes, d'alluvions, où se dépose la jouissance, c'est là que se situe la racine du symptôme : ces signes dit Freud ne sont pas susceptibles de conscience et sont articulés selon une association par simultanéité ; donc ici pas de sens, pas de contradiction et pas d'ordre dans le temps, pas de succession mais cependant un premier chiffrage de la jouissance.
Le troisième temps, celui de l'inconscient - i.e. le processus primaire, le couple condensation-déplacement - dont Lacan nous dit qu'il déchiffre cette jouissance préalablement chiffrée ; ici ce ne sont pas des associations par simultanéité qui dominent mais des associations par causalité qui implique la succession dans le temps donc une orientation et déjà une adresse qui vise un Autre : "Faire passer la jouissance à l'inconscient, c'est-à-dire à la comptabilité, c'est en effet un sacré déplacement" dit Lacan dans Radiophonie (3).
La jouissance va être ainsi transplantée du corps vers le langage, vers le terrain de la parole et du discours, c'est à ce niveau que nous retrouvons les formations de l'inconscient qui seront à déchiffrer par le travail de la psychanalyse.
Lacan dans Télévision : "Ce qu'articule comme processus primaire Freud dans l'Ict, ça c'est de moi, mais qu'on y aille et on le verra, ce n'est pas quelque chose qui se chiffre, mais qui se déchiffre. Je dis la Jouissance, elle-même" (4).
LE RÊVE
Quant au rêve, "la voie royale vers l'inconscient", rappelons la lecture révolutionnaire qu'en fit Freud : si le rêve est constitué d'images, ces images sont analogues à celles d'un rébus, ou encore analogues à celles des hyéroglyphes : il s'agit d'une écriture en images, d'une écriture chiffrée qui est à déchiffrer . Le rêve emploie lui aussi pour s'écrire la condensation et le déplacement (métaphore-métonymie) et un rêve s'analysera comme les autres formations de l'inconscient par la méthode freudienne de l'association libre qui déploiera tout un réseau signifiant.
Par ailleurs, le rêve ne comporte pas de connecteurs logiques, c'est à l'interprète de les établir, en sachant que toute assertion peut être retournée, contredite ou corrigée. La vérité comporte plusieurs versants ou encore il n'y a pas d'écriture dernière, il n'y a pas de dernier mot du rêve, même s'il y a une limite à l'interprétation de celui-ci, L'interprétation poussée suffisamment loin, va buter nous dit Freud sur ce point essentiel qu'est l'ombilic du rêve : "tout rêve, nous dit-il, a au moins un endroit où il est insondable, analogue à un ombilic où il est relié avec le non-reconnu", là, les chaînes associatives forment une pelote et n'ont plus ce caractère en réseau qui permet de déduire les pensées latentes ; la condensation y est en défaut et Lacan nous a appris à reconnaître dans cet ombilic, ce non-reconnu, ce qu'on appelle le refoulement originaire . Ce point est un stigmate du réel du sujet (Lacan parle même à ce propos du réel comme le fait d'être né de ce ventre-là, de cette mère-là et pas d'une autre, de ces parents-là et le fait d'être exclu de notre propre origine). Freud nous dit aussi que, d'un endroit plus dense de ce réseau des pensées, s'élève le désir du rêve, à proximité duquel on peut repèrer ce qu'on appelle les holophrases qui sont des sortes de phrases gelées qui peuvent employer une ou plusieurs langues étrangères et où les signifiants sont comme collés et qu'il faut séparer et "réanimer" en les découpant et en les écoutant homophoniquement : (par exemple, 300 francs = 3 enfants). Là c'est le son et non plus l'image qui est refoulé par le son, comme dans l'écriture chinoise.
Tout ceci permet de mieux entendre le bien-fondé et la justesse du titre donné par Lacan à son séminaire de 1976-1977 : l'insu-que-sait de l'une-bévue, l'une-bévue étant la traduction homophonique de Unbewusst, inconscient en allemand.
LE MOT D'ESPRIT
Le mot d'esprit lui aussi construit pour déjouer la censure est facilement accepté par celle-ci, Il opère une agréable levée du refoulement, libérant ainsi l'énergie habituellement utilisée à maintenir celui-ci, ce qui suscite entre autres le plaisir que l'on éprouve à l'écoute d'un mot d'esprit, réconciliant le sujet grammatical et le sujet du désir refoulé sans que l'un ait à chasser l'autre.
Si le rêve est écrit dans une langue privée le mot d'esprit lui est fait pour circuler entre les humains de la même paroisse et il nécessite qu'un tiers vienne l'authentifier par son rire.
Lacan dira en parlant de l'interprétation analytique : "il n'y a que la poésie qui permette l'interprétation... " mais aussi "Nous n'avons rien à dire de beau. C'est d'une autre résonance qu'il s'agit à fonder sur le mot d'esprit... Un mot d'esprit n'est pas beau ; il ne se tient que d'une équivoque." (5)
Pour Freud d'ailleurs, nous rappelle Charles Melman, "il ne s'agissait pas de se réaliser en prenant connaissance dans la cure de cet inconscient mais de renoncer à l'idée de maîtrise et de consentir à advenir comme sujets abolis, divisés par ce savoir inconscient dont nous sommes exclus" (6) et que nous pouvons approcher par le travail de déchiffrage dans la pratique d'une cure analytique : on pourrait dire aussi que le seul lieu où se manifeste ce sujet de l'inconscient, ordinairement muet "aboli", censuré, est celui des formations du dit inconscient.
Le terme inconscient est mal venu, car il pourrait faire croire qu'entre le conscient "ce que nous croyons dire" et l'inconscient "ce que nous ne savons pas que nous disons" quand nous parlons, existe un bord qui les sépare et qu'ils se trouvent répartis d'un côté et de l'autre de ce bord, - dedans, dehors - dessus-dessous, en haut-en bas, devant-derrière - alors que les manifestations de l'inconscient dans le discours effectif, "conscient", "le discours courant" (le disque courcourant) se trouvent être en continuité avec celui-ci, comme le sont l'envers et l'endroit d'une bande de Moebius, le passage de l'un à l'autre ne nécessitant aucun franchissement de bord.
Auteur : Josée Lapeyrère
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