dimanche 6 mars 2011

Amnésie infantile

Incapacité à récupérer des souvenirs autobiographiques datant des toutes premières années de la vie.


En savoir plus :

Plusieurs hypothèses ont été proposées pour rendre compte de l'amnésie infantile :

1) Les hypothèses développementales : la mémoire autobiographique se développe tardivement et n'est donc pas fonctionnelle dès les premiers âges de la vie. Par ailleurs, des zones du cerveau qui pourraient soutenir la mémoire auobiographique comme les lobes frontaux ont une maturation tardive.

2) L'hypothèse du langage : l'absence de langage chez les tous jeunes enfants pourrait expliquer l'amnésie infantile puisqu'il serait impossible pour le sujet de rappeler verbalement des évènement de cette période de la vie.


3) L'hypothèse du traitement approprié au transfert : cette idée postule que les structures et les processus cognitifs du très jeune enfant et ceux de l'adulte sont tellement différents qu'il est impossible de retrouver des souvenirs autobiographiques précoces.
Vous souvenez-vous de votre tendre enfance ? Non, bien évidemment. Personne ne s’en souvient. Et pourtant de nombreuses études ont démontré que nous stockions déjà des informations dans le ventre de notre mère ! Voyons pourquoi en perçant les mystères de la mémoire infantile...

Si au cours de sa grossesse, votre maman a écouté un certain style de musique, il est fort probable que vous, en tant que bébé, vous soyez plus facilement endormi au son de cette musique comme si celle-ci avait quelque chose d’apaisant. Par ailleurs, dès la naissance, il a également été mis en évidence que Bébé reconnaissait la voix de sa maman.
Bébé continue donc de stoker des informations et ses capacités de stockage semblent augmenter au fil des mois. Il accumule des données, se constitue ses souvenirs selon l’importance qu’ils prêtent aux choses et aux événements. Il semble que la durée de stockage dépende en grande partie de son intérêt. Ces apprentissages cognitifs permettent les progrès psychomoteurs au cours des trois premières années.
Mais, il semble ensuite que l’enfant fasse l’objet d’une amnésie puisqu’il ne garde pas de souvenirs de cette période (comprise entre la naissance et 3 ans).
Il existe actuellement plusieurs théories concernant cette amnésie infantile. Certaines hypothèses mettent en cause l’apparition du langage. Pour certains, l’absence de langage expliquerait la perte des souvenirs puisque l’enfant n’est pas en mesure de les nommer.
Pour d’autres, le développement du langage amènerait un « recodage » des souvenirs. L’enfant est désormais en mesure de se forger des représentations mentales alors qu’il ne l’était pas avant. Ses souvenirs passés n’ont pas été imagés, ils ne sont donc pas conservés.
D’autres hypothèses se rapportent à l’immaturité du cerveau. Certains chercheurs pensent, entre autres, que l’enfant qui doit accumuler une quantité trop importante d’informations, fait un tri pour laisser la place aux données nouvelles.
D’après Freud, l’amnésie infantile est due à la mise en place d’un mécanisme psychologique : le refoulement. Le refoulement a pour objectif de réprimer les souvenirs liés à l’émergence de la sexualité infantile.
Quoi qu’il en soit, il semble bien que l’amnésie infantile constitue une phase normale du développement  !


L’amnésie infantile occulte les expériences vécues pendant les toutes premières années de notre existence. Elle accroît aussi notre vulnérabilité aux faux souvenirs d’événements hypothétiques couvrant cette même période de la vie.
PNG - 77 ko
Vous souvenez-vous de la promenade en montgolfière effectuée quand vous aviez deux ans ?
Pendant l’épidémie de souvenirs retrouvés d’agressions sexuelles qui s’est propagée aux États-Unis dans les années 1990, des adultes se sont remémorés au cours d’une psychothérapie avoir été sexuellement molestés pendant leur enfance. Pour certains d’entre eux, les sévices auraient été subis au cours des toutes premières années de leur existence, période de la vie généralement occultée par l’amnésie infantile. Celle-ci nous empêche habituellement de nous souvenir des expériences vécues avant l’âge de trois ou quatre ans. Elizabeth Loftus et Katherine Ketcham décrivent ainsi le cas de Sarah qui, au moyen d’une technique de visualisation, se souvint d’avoir été agressée par son grand-père à l’âge de deux ans. Megan, quant à elle, découvrit au cours d’une psychothérapie, avoir été violée continuellement par son père depuis l’âge de dix-huit mois, et jusqu’à ce qu’elle quitte le domicile familial pour entreprendre ses études supérieures (Loftus & Ketcham, 1997).
Les souvenirs retrouvés précoces sont-ils réels ou suggérés ? Les psychologues Deryn Strange, Kimberley Wade et Harlene Hayne publient dans la revue Memory, les résultats d’une expérience apportant un élément de réponse à cette question importante. Elles réussissent à convaincre une partie des jeunes adultes de l’étude d’avoir effectué un tour en montgolfière pendant leur enfance. Pourtant, après confirmation parentale, cet évènement ne s’est jamais produit ! Ces participants finissent néanmoins par développer des images fausses et des souvenirs erronés de la promenade dans les airs.
Les trois chercheurs font une découverte encore plus marquante. Ces erreurs de mémoire sont plus fréquentes si l’on indique aux personnes que l’évènement faux s’est déroulé à l’âge de deux ans, âge normalement couvert par l’amnésie infantile, plutôt qu’à dix ans. Ainsi, les personnes sont encore plus susceptibles de former des faux souvenirs concernant une période de leur vie pour laquelle ils possèdent le moins de souvenirs authentiques ! Les psychologues ont pourtant utilisé une forme de suggestion plutôt légère. Il a suffi de demander aux participants d’essayer de se souvenir du faux évènement au cours de trois entretiens successifs, répartis sur une durée de cinq jours.
A quel âge prend fin l’amnésie infantile ? C’est une question de méthode !
Certains thérapeutes prétendent qu’il est possible de retrouver des souvenirs de maltraitance et d’abus sexuels ayant eu lieu dans les toutes premières années de l’existence. Celles-ci sont pourtant obscurcies par l’amnésie infantile. A quel âge se termine cette période d’oubli ? Les psychologues constatent généralement que la frontière de nos souvenirs d’enfance se situe entre 3 et 4 ans. Cependant, certains auteurs l’estiment plus tardive, vers 6-7 ans, d’autres plus précoce, vers 2 ans.
La rappel ciblé (targeted recall) est l’une des techniques permettant de sonder nos souvenirs les plus anciens. Il consiste à demander aux personnes de se remémorer un évènement précis de leur enfance, évènement datable et vérifiable, en leur posant une série de questions universelles. Celles-ci portent sur les aspects habituels de ce type d’épisode de la vie. Sheingold et Tenney (1982) proposent ainsi à des adultes de se souvenir de la naissance d’un frère ou d’une sœur, alors qu’ils étaient eux-mêmes enfants. La fin de l’amnésie infantile est constatée vers 3-4 ans. La même méthode conduit Usher et Neisser (1993) à l’estimer vers 2 ans pour certains souvenirs d’enfance, comme l’arrivée d’un nouvel enfant dans la famille.
Pour quelle raison une méthode peut-elle conduire à des constatations aussi divergentes ? En fait, les deux études précédentes ne sont pas tout à fait similaires. Usher et Neisser (1993) utilisent un critère peu strict pour juger si une réponse correspond à un souvenir. Par exemple, à la question « Que portait le bébé quand vous l’avez vu la première fois ? », la réponse « des vêtements » est jugée acceptable. Dans l’étude de Sheingold et Tenney, une réponse plus spécifique est exigée pour acquérir ce statut.
L’âge de sortie de l’amnésie infantile dépendrait-il du critère utilisé pour coder les souvenirs des personnes ? Dans une recherche publiée récemment, Nicola Davis et ses collaborateurs comparent ces différentes méthodes de codage. De jeunes adultes sont invités à se remémorer l’arrivée d’un frère ou d’une sœur, alors qu’il étaient âgés eux mêmes de 5 ans ou moins. Le critère de Usher & Neisser permet effectivement de coder un plus grand nombre de questions universelles que celui de Sheingold et Tenney. Un nouveau système de codage des souvenirs est également testé. Elizabeth Loftus, en 1993, constate que certaines réponses jugées acceptables selon l’analyse Usher-Neisser, ont pu être simplement devinées ou complétées à partir de connaissances familiales générales, sans souvenirs véritables. Le nouveau critère exclue donc toute réponse semblant avoir été devinée. Il permet de coder un moins grand nombre de réponses aux questions universelles.
Quelle critère d’analyse des réponses aux questions universelles permet d’estimer au plus juste la fin de l’amnésie infantile ? Pour Davis et ses collègues, celui développé par Sheingold et Tenney est le plus acceptable. Le niveau exigé de spécificité des réponses est suffisant pour s’assurer que les déclarations des personnes correspondent effectivement à des souvenirs réels. En outre, il permet de déterminer une frontière de l’amnésie infantile identique à celle obtenue par des méthodes différentes du rappel ciblé. Le critère Usher-Neisser, trop indulgent, surévalue les souvenirs d’enfance. Celui de Loftus, trop sévère, les sous-évalue.(Frank Arnould)

pourquoi on ne se rapelle généralement pas de notre petite enfance (avant 3 ans).

Réponse du Département Sciences et Techniques

« La mémoire est la propriété de conserver et de restituer des informations. »

La mémoire « représentative » est un processus « extrêmement complexe car il nécessite des opérations mentales qui permettent de se représenter les objets ou événements en leur absence et dont les principaux modes sont le langage et l’image mentale visuelle… La mémoire adulte est le résultat d’une évolution génétique qui a suivi, à partir de l’enfance, les étapes de la maturation, de l’acquisition du langage et du développement des structures logiques »  (Encyclopaedia Universalis).

Le cerveau du bébé ou du petit enfant n’est pas assez évolué pour réaliser toutes ces opérations. Il va en fait se fabriquer petit à petit au cours du développement.

« L’élaboration du cerveau du bébé commence en fait dans le ventre de sa mère, où le fœtus commence à éduquer ses circuits moteurs. Ce n’est qu’après la naissance que le cerveau commence réellement à se développer. Les neurones du cortex entrent dans une phase de croissance exubérante, engendrant une profusion de dendrites et d’axones. Dans les premières années de sa vie, le cerveau forme près de 2 millions de nouvelles connexions synaptiques chaque seconde. A 6 mois, le cerveau a deux fois plus de connexions qu’il n’en a besoin. L’étape suivante consiste donc à en éliminer. Les synapses rivalisent entre elles pour savoir lesquelles sont les mieux placées pour traiter l’information, les autres s’atrophiant. Des connexions neuronales commencent alors à disparaître à grand rythme : 250 000 à chaque seconde. Grâce à cette élimination, le méli-mélo initial des connexions se transforme en un réseau fonctionnel de chemins corticaux où peuvent circuler les signaux nerveux. »

Outre les références déjà citées, la bibliothèque possède de nombreux ouvrages sur le fonctionnement du cerveau, à la cote 616.802, et sur les nouveau-nés, à la cote 618.92.

Réponse du Département Civilisation

L’oubli des premières années de notre vie, ou la pauvreté des souvenirs de notre prime enfance, constitue ce que les scientifiques appellent l’amnésie infantile. Pour que les souvenirs puissent être stockés puis rappelés à la conscience il faut, comme le rappelait le Département Sciences dans sa réponse, un organe, le cerveau, suffisamment développé, au câblage suffisamment performant. Mais la santé d’un organe ne rend pas nécessairement compte de la totalité de son fonctionnement.

Dans une perspective qui est celle des neurosciences, reportons-nous au chapître consacré à l’amnésie infantile (p. 210-211) dans l’ouvrage de Robert Siegler Enfant et raisonnement : le dévelloppement cognitif de l'enfant « Comment peut-on expliquer le phénomène de l’amnésie infantile ? Le simple passage du temps ne permet pas de l’expliquer. (…) Une autre explication, à première vue plausible, selon laquelle les bébés ne construisent pas de souvenirs durables à ce moment du développement, est également incorrecte. Les enfants entre 2, 6 ans et 3 ans se souviennent d’expériences qui se sont produites au cours de leur première année (…) et les bébés de 11 mois se rappellent certains évènements un an plus tard (...). L’hypothèse de Freud (1905) selon laquelle l’amnésie infantile reflète le refoulement des épisodes chargés sexuellement ne rend pas compte non plus du phénomène. Même si un tel refoulement peut se produire, les gens ne se souviennent pas davantage des évènements ordinaires survenus au cours de la prime enfance.
 Trois autres explications paraissent plus prometteuses. L’une d’entre elles implique des changements physiologiques relatifs à la mémoire. La maturation des lobes frontaux du cerveau se produit tout au long de la petite enfance, et cette partie du cerveau serait essentielle pour se souvenir d’épisodes spécifiques dans des formats récupérables ultérieurement.
(…) Une seconde explication concerne l’influence de l’environnement social sur l’emploi du langage par les enfants. Ecouter et raconter des histoires sur des évènements passés peut aider les enfants à stocker des informations dans des formats pouvant être maintenus en mémoire jusqu’à la fin de l’enfance et jusqu’à l’âge adulte (…) Le fait d’écouter des histoires distinguant clairement un début, un milieu et une fin, peut aider les enfants à apprendre à extraire l’essentiel des évènements de telle sorte qu’ils pourront les décrire des années plus tard. (…) Une troisième explication susceptible de rendre compte de l’amnésie infantile implique les incompatibilités entre la façon dont les bébés encodent les informations et la façon dont les adultes les récupèrent. La probabilité de rappeler un événement dépend fortement de l’ajustement entre l’encodage de l’information et les tentatives de récupération ultérieures. (…) Les enfants plus âgés et les adultes essayent souvent de retrouver le nom des choses qu’ils ont vues, mais les bébés n’auraient pas encodé l’information verbalement. »

Dans le dossier du n°107 (juillet 2000) de la revue Sciences humaines intitulé « Souvenirs et mémoire » les notions de subjectivité et d’émotion sont associées aux récents acquis des sciences cognitives, pour rendre compte de la mise en place ou de la récupération de nos souvenirs.

Enfin, pour avoir la définition de l’amnésie infantile prise sous l’angle de la psychanalyse qu'évoquait Robert Siegler, consultons le Vocabulaire de la psychanalyse :

« Amnésie infantile : Amnésie qui recouvre généralement les faits des premières années de la vie. Freud y voit autre chose que l’effet d’une incapacité fonctionnelle qu’aurait le petit enfant à enregistrer ses impressions ; elle résulte du refoulement qui porte sur la sexualité infantile et porte sur la presque totalité des évènements de l’enfance. Le champ recouvert par l’amnésie infantile trouverait sa limite temporelle dans le déclin du complexe d’Œdipe et l’entrée dans la période de latence. »

Le Dictionnaire international de la psychanalyse complète cette première définition : « Freud compare l’amnésie infantile à l’amnésie des adultes hystériques et suggère que le même processus serait à l’œuvre dans les deux cas « le refus d’admettre certaines impressions dans la conscience (refoulement). Ce refusement (refoulement) concerne la sexualité infantile définie comme « perverse polymorphe (…) L’amnésie infantile crée pour tout un chacun « une sorte de préhistoire » énigmatique. La préhistoire infantile, c’est l’enfant commençant tout juste à parler, imprégné par les fantasmes originaires qui font, pour leur part, l’objet d’une amnésie radicale, le refoulement originaire. »

Dans le magazine des parents du journal Toboggan du mois de mai 2006, un petit sujet concernant l’amnésie infantile nous est présenté : Pourquoi ne gardons nous pas de souvenir de notre tendre enfance ?
On y présente la théorie de l’amnésie infantile de Sigmund Freud. L’enfant en grandissant ne garderait pas de trace consciente de ses toutes premières années (3 ou 4 ans) en raison de la mise en place d’un mécanisme psychologique : le refoulement. Celui ci aurait comme fonction de réprimer l’émergence de souvenirs liés à la sexualité infantile.
Une seconde théorie, plus cognitiviste, émet l’hypothèse que l’oubli serait dû à la construction même du langage. L’enfant se fabriquerait et garderait ses souvenirs en mémoire à partir du moment où il aurait atteint une capacité d’abstraction suffisante pour élaborer des représentations mentales. Ainsi, la capacité de raconter et de se raconter des histoires : c’est à dire que la narration, participerait aux débuts de l’élaboration de nos souvenirs. Cette seconde théor ie s’appuie sur la discipline du langage, alors que celle de Freud, concerne un secteur plus affectif de notre être. Ces théories semblent apporter des éclairages différents sur la façon dont nous fonctionnons, d’appréhender le monde qui nous entoure par la formation de souvenirs.
Elles pourraient être des faces différentes d’un même verre : complémentaires et non opposées. Enfin, ce n’est qu’une vision que je vous suggère.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire