Précédemment, nous nous sommes intéressé aux notions définies par Freud qui permettent la création du rêve. Dans un second temps, nous allons nous pencher sur la représentation onirique, autrement dit le contenu manifeste en lui-même. Comment les rêves apparaissent-ils ? Pourquoi sont-ils si incompréhensibles ? Que représentent-ils ? En un mot, nous étudierons l’analyse du rêve. Pour comprendre cette partie, il est utile de se rappeler des deux notions principales du travail du rêve : la condensation qui réunit les pensées par analogie, pour en former une image nouvelle ; le déplacement dite transvaluation des valeurs psychiques qui énonce que les détails sont souvent plus importants que les figurations claires et visibles.
Comme nous l’avons dit, et nous avons tous eu le loisir de s’en rendre personnellement compte, les rêves sont bien souvent absurdes, et on peut presque avoir envie de rire si on a la chance de se souvenir d’un d’entre eux. Pourquoi j’ai rêvé que je parlais à une salade ? Pourquoi cette girafe me lançait-elle des arbres ? Cela trouve une réponse simple : le rêve fonctionne par allégories. Une transformation particulière vise à changer les pensées du rêve en comparaisons et métaphores, symboles, une sorte de langage poétique et imagé. Ainsi, nous pouvons dire que le blanc représente la pureté, le rouge pourrait symboliser la passion, et le gris pourrait être l’expression de la tristesse. Le rêve va donc se servir de ces symboles pour exprimer les pensées du rêve. Nous verrons plus tard pourquoi cette transformation est nécessaire.
Malgré tout, on peut se demander pourquoi les rêves sont principalement des images que l’on visualise. Si les pensées sont transformées en images, c’est bien parce que le contenu du rêve consiste le plus souvent en situations visualisables. En effet, il va exploiter des souvenirs qui remontent bien souvent à l’enfance, et va les mélanger à des bribes visuelles de la journée précédente.
Mais revenons sur les symboles. Ceux-ci peuvent être classés en deux catégories : les symboles « presque » universels et les symboles personnels qui se rapprochent plus de l’analyse psychanalytique du rêve.
Freud précise que les personnes d’une même communauté linguistique et culturelle ont bien souvent les mêmes symboles, et qu’un rêve peut parfois être expliqué sans être analysé, c’est-à-dire qu’il ne s’agit plus que d’une sorte de traduction et il n’est pas utile de demander au rêveur qu’elles étaient ses pensées incidentes. Freud donne donc quelques exemples de la symbolique du rêve –ou « langage du rêve »– . L’empereur et l’impératrice (le roi et la reine) seraient l’image des parents, les chambres figureraient des femmes, les entrées et les sorties représenteraient les orifices corporels. Et c’est à cette occasion, qu’il nous fait part de sa théorie selon laquelle le rêve comporte de nombreuses allusions sexuelles. Il donne d’autres exemples de symboles tels que les armes pointues, des troncs d’arbres, des bâtons ou encore des cravates pour représenter les parties génitales masculines, ou encore des armoires, des coffrets, des voitures, des fourneaux pour remplacer le corps féminin. L’escalier et l’ascension représenteraient de manière universelle l’acte sexuel. Freud nuance malgré tout cela en ajoutant que tout une série de symboles oniriques sont bisexuels, c’est-à-dire qu’il faut prendre en compte le contexte pour savoir s’ils représentent une chose ou l’autre. Et il ajoute que les symboles peuvent être personnels. Ceux-ci se façonnent selon notre évolution, selon notre socialisation, et donc par extension, notre milieu social. Ainsi, il donne l’exemple d’un agriculture pour qui la représentation de l’acte sexuel peut être présenté comme l’action de la semence.
Ceci nous amène donc à deux autres phénomènes qui influent sur la représentation du contenu manifeste : le refoulement et la censure.
Lorsqu’on analyse un rêve, il est toujours étonnant de voir ce qu’il signifie, et de voir quelles pensées surprenantes inconscientes il exprime. Les évidences qui se créent sont déplaisantes, et on met une certaine énergie psychique à les effacer, mais l’analyse du rêve ne fait que nous les imposer inexorablement. Cela signifie donc que l’on subit continuellement les « attaques » d’un phénomène spécial qui empêche les idées inconscientes d’entrer dans le conscient : cet état particulier est appelé le refoulement. Freud établit alors « une liaison causale entre l’obscurité du contenu du rêve et l’état de refoulement de certaines pensées du rêve, leur incapacité d’accéder à la conscience » et conclut que « le rêve doit être obscur pour ne pas trahir les pensées prohibées ». Si nous nous rappelons que les rêves de la première catégorie sont des simples accomplissements de désirs, nous pouvons alors dire que les rêves de la deuxième et troisième catégories sont des « accomplissements voilés de désirs refoulés », qui sont cachés par la censure. Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’on a l’habitude de croire que l’avenir montré par le rêve est le futur qui devrait se produire, alors qu’en fait, il s’agit du futur que l’on voudrait inconsciemment voir arriver.
Mais revenons à la censure, qui est le principe-même du refoulement. Lorsqu’on est à l’état conscient, celle-ci ne laisse passer que ce qui est agréable, que ce qu’on se laisse entendre. Or, lors du sommeil, cette censure est relâché quelque peu, et des bribes de pensées refoulées réussissent à passer et à s’intégrer au contenu du rêve. Il faut cependant bien insister sur le fait que la censure n’est pas entièrement relâchée. C’est ainsi que les pensées déplaisantes seront transformées en compromis, selon le schéma « Refoulement – relâchement de la censure – formation d’un compromis ». Lorsque l’état d’éveil est rétabli, la censure est à son tour rétablie, et des expériences montrent que l’oubli du rêve tient en partie de là : elle cherche « à présent à détruire ce qui lui a été arraché au temps de sa faiblesse ». Mais l’oubli tient aussi du fait que le rêve n’est pas relié à la mémoire à long terme. Il faut donc l’écrire ou le dire, pour pouvoir s’en souvenir presque pleinement. Lorsqu’on fait l’analyse de ses rêves, il n’est pas rare de voir ressurgir des passages que l’on pensait oubliés. Ces fragments arrachés à l’oubli et donc à la censure sont les liens les plus directs vers la signification des rêves.
Et cette censure nous ramène une fois de plus aux désirs érotiques. On ne peut pas qualifier ces rêves de rêves sexuels à proprement parler, car les rêves sexuels définissent ceux qui sont explicitement représentés, donc ceux qui n’ont pas subi de censure. Ceux-ci offrent de nombreux éléments déconcertants par le choix des personnes dont ils font des objets sexuels, et par la suppression de toutes les valeurs morales mises en place durant l’éveil. Cependant, l’analyse montre qu’un très grand nombre d’autres rêves qui ne trahissent rien d’érotique contiennent des allusions sexuelles dans leur contenu latent. Pourquoi une importante présence de symboles sexuels dans nos rêves ? Si l’on se base sur la théorie selon laquelle les rêves sont les révélateurs de l’inconscient, si le sommeil est le libérateur de pensées bloquées par la censure morale, quoi de plus réprimé par l’éducation que les pulsions sexuelles inacceptables dans la vie civilisée ?
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