dimanche 3 avril 2011

Couple d'opposés

 
 
Terme utilisé par la psychanalyse pour désigner de grandes oppositions
de base : sadisme/ masochisme, voyeurisme/exhibitionnisme, pulsion de vie/pulsion de
mort etc. 


En fait, le terme de Gegensatzpaar est quasi exclusivement réservé par Freud à la description des couples de pulsions partielles ou perverses : le sadisme et le masochisme, le voyeurisme et l'exhibitionnisme. Une première analyse en est donnée dans les Trois Essais sur la théorie de la sexualité (1905), qui comporte d'ailleurs des modifications datées de 1915. La structure de couple d'opposés, d'appariement (Paarung), selon laquelle s'organisent et fonctionnent ces pulsions prégénitales paraît être pour Freud « d'une grande importance théorique », probablement en rapport, dans son esprit, avec les deux notions cardinales d'ambivalence et de bisexualité. Le but sexuel s'y manifeste sous une double forme, en l'occurrence selon « l'opposition fondamentale entre l'activité et la passivité ».
La  découverte  des  processus inconscients, liée à celle du conflit intrapsychique, se formule fréquemment sous la plume de Freud par le vocable d'opposition (Gegensatz) et, à l'occasion, par l'un de ses dérivés, d'une importance théorique particulière, le concept de couples d'opposés (Gegensatzpaar). Dans son Introduction à la psychanalyse (1916-1917), Freud, reprenant un vocabulaire de connotation kantienne, écrit : « La vie psychique est un champ de bataille [Kampfplatz] et une arène où luttent des tendances opposées ou, pour parler un langage moins dynamique, elle se compose de contradictions [Widersprüche] et de couples d'opposés [Gegensatzpaare]. » Par ailleurs, il spécifie le régime fonctionnel différent qui caractérise les oppositions de termes selon le niveau, conscient ou inconscient, des processus psychiques : « Ce qui, dans le conscient, se présente clivé en deux termes opposés [zwei Gegensätze], bien souvent ne fait qu'un.
La notion de passivité en psychanalyse* ne se conçoit pas sans son antonyme, l’activité. Freud avait l’habitude de traiter certaines notions en couples d’opposés, tels le couple masculin-féminin*,  celui du « phallique-castré », ou celui du sadisme*-masochisme*.
L’activité est donc inséparable de son contraire, la passivité elles forment toutes les deux une polarité d’ordre biologique, les deux autres polarités dominantes, selon Freud, étant celles du « moi-monde extérieur » et du « plaisir-déplaisir ». Le couple actif-passif constitue donc une opposition primordiale dans le psychisme de l’être humain. Ces deux pôles antagonistes et complémentaires que sont l’activité et la passivité forment deux composantes essentielles de la vie pulsionnelle.
Cette opposition apparaît d’ailleurs dès le stade sadique-anal* où la musculature des sphincters*, associée à la pulsion d’emprise, en constitue l’élément actif, et où la muqueuse rectale et intestinale représente l’élément passif. En outre, Freud relia le pôle de l’activité au sadisme et celui de la passivité à l’érotisme anal. De plus,  Karl Abraham* distingua dans le stade sadique-anal deux phases comportementales  diamétralement opposées, dans lesquelles les pulsions sadiques s’expriment tantôt par la destruction de l’objet* tantôt par son contrôle absolu, et l’érotisme anal passif se manifeste  par l’évacuation ou par la rétention des fèces*.
La passivité, au même titre que l’activité, renvoie en fait au fonctionnement de la pulsion* conçue comme « un morceau d’activité », mais dont la satisfaction peut parfois être atteinte grâce au « retournement de l’activité vers la passivité ». Il n’y a pas, d’après Freud, des pulsions actives et des pulsions passives, mais c’est le but même de ces pulsions qui revêt un caractère soit actif, soit passif.
Si l’on veut aborder séparément la passivité, on retrouve ce but pulsionnel dans l’exhibitionnisme, où la personne jouit du regard concupiscent de l’autre, et aussi dans le masochisme*, où la personne jouit d’être avilie. En fait, on s’aperçoit que la personnalité  masochiste n’existe que dans la mesure où il trouve son opposé complémentaire, le sadique. En effet, au niveau fantasmatique comme dans son comportement, la personne masochiste n’assouvit vraiment sa pulsion que si elle est en contact avec une personne sadique.
Autant le couple actif-passif est inséparable, autant le couple sadisme-masochisme fait partie de la même réalité psychique jusqu’à former un ensemble cohérent et complémentaire : le sado-masochisme.
Enfin, si Freud a souvent assimilé les couples d’opposés actif-passif et masculin-féminin, il n’en a pas moins averti de se garder d’associer l’activité à la masculinité et la passivité à la féminité vers la fin de sa vie, quoiqu’il ait effectivement relié dans sa clinique et sa théorie psychosexuelle ce qui est passif à ce qui est féminin, châtré et masochiste… Néanmoins, on retiendra essentiellement que Freud considéra l’activité et la passivité comme des « caractères fondamentaux…constitutifs de la sexualité en général » (S. Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle)
 
Freud (1905) : "Nous constatons que certaines tendances perverses se présentent régulièrement par couples d'opposés, ce qui revêt une grande importance théorique". Les couples sadisme/ masochisme, voyeurisme/exhibitionnisme, etc., forment, en effet, des couples d'éléments antagonistes qui sont les aspects actif et passif de la même pulsion partielle. Ces couples d'opposés, s'ils sont particulièrement visibles dans les perversions, se retrouvent régulièrement dans les névroses.
Comme l'écrivent Laplanche et Pontalis : "Au-delà de ces données cliniques, la notion de couples d'opposés s'inscrit dans ce qui fut, pour la pensée de Freud, une exigence constante :
un dualisme fondamental permettant, en dernière analyse, de rendre compte du conflit"
(1967).

On rencontre constamment, dans les écrits freudiens, des mots tels que : opposition, couples d'opposés, polarité, etc., et cela non seulement au niveau descriptif, mais également au niveau théorique ; par exemple : actif/passif, phallique/castré, plaisir/déplaisir, mais aussi dans la notion d'ambivalence et, de façon plus fondamentale encore, dans l'opposition des pulsions de vie et des pulsions de mort.
"On notera que les termes ainsi couplés appartiennent à un même niveau et sont irréductibles l'un à l'autre ; ils ne sauraient s'engendrer mutuellement par une dialectique, mais sont à l'origine de tout conflit et le moteur de toute dialectique" (Laplanche et Pontalis, 1967). 

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