samedi 19 février 2011

Le travail du rêve




Tout d’abord, la notion essentielle à aborder concerne les contenus latent et manifeste. Mais que sont ces contenus latent et manifeste ? Le contenu manifeste représente les images que l’on se figure dans le rêve, il est le rêve tel qu’on se le rappelle ; le contenu latent, quant à lui, est le matériel qui s’y rapporte et que l’on retrouve grâce à l’analyse. En tenant compte de ce rapport entre contenu manifeste et contenu latent, Freud divise les rêves en trois catégories.

Il y a dans un premier temps les rêves sensés et compréhensibles, qui sont susceptibles de se laisser intégrer à notre vie psychique sans nous heurter. Ces rêves sont nombreux, et ils sont en général brefs. On leur accorde peu d’importance car ils manquent d’éléments surprenants ou déconcertants.
Un deuxième groupe se compose des rêves qui, tout en restant cohérents et de sens clair, produisent un effet déconcertant, parce que nous ne savons pas où loger ce sens dans notre vie psychique. Freud donne l’exemple de quelqu’un qui rêverait qu’un parent cher est mort de la peste, alors qu’il n’y aucune raison de supposer un tel événement. Enfin, nous trouvons un troisième groupe qui englobe les rêves confus, incohérents et absurdes. C’est dans ce genre de rêve que l’on remarque aisément une opposition entre le contenu latent et le contenu manifeste. Et bien souvent, il est difficile de déceler le contenu latent dans le contenu manifeste, ce qui a conduit à supposer qu’il existait « une corrélation intime et régie par une loi entre le caractère inintelligible et confus du rêve et les difficultés que soulève la communication des pensées du rêve ».


Freud aborde l’étude de ces différentes catégories à la suite. Tout d’abord, penchons-nous sur la première catégorie, c’est-à-dire les rêves dits sensés et compréhensibles. Ce type de rêves est très présent chez les enfants, qui par exemple, rêvent qu’ils mangent , alors qu’ils ont connu un jeun la journée précédente pour maladie. Ou encore, les enfants qui rêvent qu’ils se promènent là où on leur interdit d’aller. Ces rêves sont donc tout simplement des accomplissements de désir qui ont été mis en branle pendant le jour et sont demeurés inaccomplis. On rattrape en quelque sorte en rêve ce que la journée n’a pas apporté, en montrant le désir comme déjà accompli, réel, et présent.. Ce pourquoi nous pouvons dire que chez les enfants, la corrélation avec la vie diurne est forte : les désirs qui se réalisent dans les rêves proviennent du jour, en règle générale, du jour suivant, et ont été marqués d’une « intense accentuation affective ». Dans le rêve, le matériel de la figuration onirique est constitué avant tout de situations et d’images sensorielles le plus souvent visuelles.

On peut également trouver ces rêves de type infantile chez les adultes : ce sont ce que Freud appelle rêves de confort. Nombre de gens répondent ainsi à un stimulus de soif nocturne par un rêve où ils boivent, ce qui permet l’élimination du stimulus et la poursuite de la nuit.

Ces rêves sont donc des rêves simples et évidents, qui arrivent régulièrement, mais qui ne contiennent pas autant de ressources que la troisième catégorie sur laquelle nous nous pencherons plutôt. Avant tout, il est utile d’expliquer le concept de formation (ou de travail) du rêve, qui est très important pour faire passer le contenu latent dans le contenu manifeste.


~ Le travail du rêve

à Condensation
à Déplacement

Le travail du rêve est un mécanisme relativement compliqué, qui est régi par plusieurs procédés définis par Sigmund Freud. Celui-ci dit « Je nommerai travail du rêve le processus de transformation du contenu latent du rêve en contenu manifeste. »
Mais quels sont les processus mis en œuvre pour transformer le contenu latent en images et sensations ressenties lors du rêve ? A travers l’étude des rêves des deuxième et troisième catégories, nous tâcherons de répondre à cette question.


Tout d’abord, nous parlerons de ce que Freud appelle la condensation. Cette-dernière énonce en fait le principe selon lequel le rêve est fait de nombreuses pensées. Nous pouvons comparer les pensées à un arbre : les pensées peuvent être comparées à des branches qui se séparent : une pensée va mener à un souvenir, qui va mener à un autre, et ainsi de suite. Le matériel venu des pensées doit donc alors être disponible pour l’usage du rêve. Le travail du rêve va superposer les différents composants : l’élément commun ressort alors nettement dans le « tableau » d’ensemble, et les détails contradictoires s’effacent réciproquement. Ceci explique donc partiellement que des éléments flous se trouvent dans le contenu manifeste du rêve.
Parfois, il arrive que des éléments communs n’existent pas parmi les pensées du rêve. Le rôle du travail du rêve est donc d’en créer pour permettre une figuration commune. Le chemin le plus simple pour rapprocher deux pensées du rêve qui n’ont rien de commun consiste à changer l’expression linguistique de l’une pour la substituer à une autre qui prendra un autre sens dans une autre expression. Freud donne l’exemple d’un de ses rêves où il mange des épinards. Lorsqu’il analyse l’intégralité de son rêve, il tombe sur la pensée suivante : « J’aimerais bien jouir de quelque chose sans qu’il m’en coûte ». Or, le mot coûter [kosten] peut se rapporter aux épinards puisque le mot allemand kosten signifie également « goûter ». On rend explicite la signification d’un mot, pour en fait, signifier l’autre. Freud conçoit qu’il peut être difficile d’admettre que le travail du rêve exploite si aisément l’ambiguïté des mots, mais il ajoute à cela qu’une bonne expérience permet de juger ce phénomène comme tout à fait habituel.
La condensation permet aussi d’expliquer certaines composantes particulières qui ne se trouvent pas dans la pensée éveillée. Freud définit ces situations en tant que individus collectifs et composites, ainsi que singulières formations composites. Chacun connaît ce type de formations dans ses propres rêves et leurs modes de production sont très variés. Par exemple, on peut composer une personne en lui attribuant des traits d’un individu et d’un autre, ou encore en lui donnant la forme de tel individu tout en pensant dans le rêve au nom de l’autre. Ou encore, on peut se représenter l’aspect d’une personne mais la placer dans une situation qui s’est produite avec une autre personne.
Dans tous les cas, la combinaison de plusieurs personnes en un représentant unique dans le contenu du rêve contient un sens, et seule l’analyse permet de découvrir celui-ci. Pour résumer cela, on peut dire que « Toutes ces choses ont un élément X en commun ».

Pour finir, relevons une citation de Freud : « Une bonne partie de ce que nous venons de dire sur la condensation du rêve peut se résumer dans cette formule : chaque élément du contenu du rêve est surdéterminé par le matériel des pensées du rêve, il ne dérive pas d’un seul élément des pensées du rêve mais de toute une série d’entre eux, lesquels ont nullement besoin d’être proches les uns des autres dans les pensées du rêve mais peuvent appartenir aux domaines les plus divers du tissu des pensées. L’élément du rêve est au sens exact le remplacement dans le contenu du rêve de tout ce matériel disparate. »

Même si la condensation est un processus important pour le travail du rêve, il n’est pas le seul à entrer en jeu dans les rêves compliqués et confus. Freud explique que dans une analyse de rêve, tous les éléments aussi infimes soient-ils sont à prendre en compte. Il ajoute à cela que bien souvent, les composés clairs et exposés comme contenu essentiel du rêve doivent se contenter, après analyse, d’un rôle moindre dans les pensées du rêve. Selon lui, le matériel de représentation qui peut prétendre à une importance majeure parmi les pensées du rêve est soit pas du tout exprimé, soit exprimé par une allusion lointaine dans une région insignifiante du rêve. Il explique ce phénomène de la façon suivante : « pendant le travail du rêve, l’intensité psychique passe des pensées et représentations auxquelles elle convient légitimement à d’autres pensées  et représentations qui, à mon sens, ne peuvent prétendre à une telle mise en valeur ». Ce processus est celui qui contribue le plus à cacher le sens véritable du rêve, et est appelé déplacement du rêve. Freud dit que « c’est justement dans un élément indistinct du rêve que je peux souvent reconnaître le rejeton le plus direct de la pensée essentielle du rêve ». Il remarque aussi que l’intensité psychique, l’importance ou le potentiel d’affect de certaines pensées se traduisent par une vivacité sensorielle.

Ce phénomène de déplacement est aussi appelé transvaluation des valeurs psychiques. Il s’agit donc d’une modification de l’évaluation du degré d’importance de certaines pensées. De plus, il est utile de préciser qu ce travail de déplacement s’effectue à des degrés très variables dans les différents rêves. Dans les rêves simples de désirs, on ne voit pas ce travail de déplacement, mais dans certains rêve, pas un élément n’a conservé sa valeur psychique propre, ou l’essentiel des pensées du rêve se retrouve représenté sous des éléments accessoires. Freud précise que « plus un rêve est obscur et confus, plus on est en droit d’attribuer un grand rôle au facteur déplacement dans sa formation ». Entre ces deux extrêmes est reconnaissable toute une série de transitions.
Notons également que l’événement qui donne naissance à une pensée qui sera utilisée dans le rêve est appelé excitateur du rêve. Cet excitateur du rêve prend racine dans la vie diurne et dans notre cas, même s’il est jugé « bagatelle » peut donner vie à tout un rêve.

De plus, il est utile de parler du processus qui accompagne la formation du rêve, dans lequel la condensation et le déplacement agissent ensemble. Nous avons déjà vu que lors de la condensation, deux pensées du rêve qui ont un point de contact se substituent par une représentation composite. Si l’on ajoute un déplacement à cette condensation, il ne résulte pas la formation d’une représentation composite, mais celle d’un élément commun moyen. Freud donne l’exemple d’un rêve où il rêve d’un injection de propylène. Dans l’analyse de ce rêve, il convient que l’amylène est excitateur de celui-ci. De plus, il parle de sa première visite à Munich où les Propylées le frappèrent, et ajoute qu’il s’agit aussi des pensées de son rêve. L’analyse tend à penser que l’influence de ce second cercle de pensées sur le premier a provoqué le déplacement d’amylène vers propylène. Il y a donc un compromis entre « propylées » et « amylène ».

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