samedi 6 août 2011

Identification à l'agresseur



L’identification à l’agresseur est un mécanisme de défense introduit dans la psychanalyse par Anna Freud. Etant confronté à un danger extérieur, le sujet s’identifie à son agresseur en reprenant à son compte l’agression ou en imitant physiquement la personne de l’agresseur. L’identification à l’agresseur atténue l’effet de l’agression grâce au renversement de rôles : l’agressé se fait agresseur. L'identification à l'agresseur est un mécanisme de défense théorisé par Sándor Ferenczi et Anna Freud. Elle désigne un processus psychique inconscient qui vise à protéger le sujet durant une agression ou suite à cette agression.
Secondairement, ce mécanisme issu de la psychanalyse a inspiré le concept du syndrome de Stockholm, qui conduit une victime à par exemple chercher "à comprendre" son agresseur, voire à le protéger, ou même à le remercier de ne pas l'avoir tuée...
Cette notion a été développée par Sándor Ferenczi au Congrès de Weisbaden en 1932, puis par Anna Freud en 1936.
L'identité de l'enfant abusé est encore très fragile : elle vole en éclat lors du traumatisme. Sa personnalité se morcèle : Ferenczi parle d'atomisation. Pour conjurer la sidération, et survivre au choc, l'enfant s'identifie à la personne qui l'abuse, telle qu'elle est au moment de l'effraction. La victime va donc internaliser l'agresseur, ses pulsions autant que ses répulsions (son "ça" et son "surmoi"), d'où les vécus de honte qui suivent également le choc. "L'enfant traumatisé, physiquement et psychiquement plus faible, se trouvant sans défense, n'a d'autre recours que de s'identifier à l'agresseur", se soumettre à ses attentes ou à ses lubies, "voire les prévenir, finalement y trouver même une certaine satisfaction".
Anna Freud a présenté un autre aspect de cette tragédie psychique en mettant l'accent sur l'imitation ultérieure, par la victime, des comportements de l'agresseur.
Poursuivant les recherches de S. Ferenczi sur le traumatisme, Saverio Tomasella propose les formulations "identification à l’agresseur et à l’agression", puis "inclusion de l'agresseur et de l'agression". La personne violentée internalise le violenteur, son acte et son intention. La haine double la jouissance ; elles sont désormais incluses dans la psyché du sujet.
"La profanation est un acte délibéré d’une personne sur une autre en vue de la déshumaniser. […] L’interdit de penser enferme le sujet dans l’impuissance à repérer, à dénoncer et à interroger. Il fige l’être dans le passé, par une fascination envers le moment traumatique, sur lequel il reste fixé." Les cauchemars à répétition, ou certaines phobies, trouvent là leur origine.
L’agression sexuelle induit souvent une addiction psychique par obnubilation autour de l’acte qui hante le sujet et une addiction physique à l’excitation artificiellement imposée au moment de l’effraction. Renversé en son contraire, ce mécanisme à double face génère déni de l’agression et inhibition sexuelle. "Dans cette double dépendance réside aussi une des explications de la complexité du phénomène mimétique par lequel l’identité de la personne abusée peut en arriver à se confondre avec celle de l’agresseur autant qu’à la réalité dégradante et trop intense de l’agression."Jacques Dufour met en perspective l'identification à l'agresseur comme comportement autodestructeur assurant l'oubli forcé de l'agression, par une douleur encore plus forte infligée à soi-même. Néanmoins, ce stratagème vient parfois masquer une profonde blessure mélancolique découlant de l'abandon de l'enfant agressé par l'autre parent, complice de l'agresseur. La vie affective est éteinte au profit d'une activité intellectuelle brillante et surabondante.

  L'identification avec l'agresseur est un mécanisme de défense identifié et décrit par Anna FREUD en 1936 (Le moi et les mécanismes de défense). Le sujet, confronté à un danger extérieur (représenté typiquement par une critique émanant d'une autorité), s'identifie à son agresseur, soit en reprenant à son compte l'agression telle quelle, soit en imitant physiquement ou moralement la personne de l'agresseur, soit encore en adoptant certains symboles de puissance qui le désignent. Selon Anna FREUD, ce mécanisme serait prévalent dans la constitution du stade préliminaire du SurMoi, l'agression restant alors dirigée sur l'extérieur et n'étant pas encore retournée contre le sujet sous forme d'autocritique. (LAPLANCHE et PONTALIS). 
Rappelons ici simplement que l'identification est le processus psychique inconscient par lequel une personne rend une partie plus ou moins importante de sa personnalité conforme à celle d'un autre qui lui sert de modèle. Décrit primitivement par Sigmund FREUD dans des contextes psychopathologiques, le mécanisme de l'identification en est venu à désigner un mode premier de la relation aux autres et a été intégré parmi les processus constitutifs de la psyché. Elle doit être distinguée de l'imitation, qui est une démarche volontaire et consciente (Alain de MIJOLLA).
 
            Si FERENCZI recourt à l'expression d'identification à l'agresseur dans un sens bien particulier (l'agression envisagée est l'attentat sexuel de l'adulte, vivant dans un monde de passion et de culpabilité, sur l'enfant présumé innocent), Anna FREUD voit ce mécanisme à l'oeuvre dans des contextes très variés et le comportement observé est le résultat d'un renversement des rôles, l'agressé se faisant agresseur.
 
                Dans le chapitre 9 de son ouvrage Le moi et les mécanismes de défense, Anna FREUD écrit : 
"Les habituels modes de défense sont relativement faciles à découvrir tant que le moi les utilise séparément et dans sa lutte contre un danger déterminé. Découvre-t-on la négation? C'est qu'il y a un péril extérieur. Décèle-t-on un refoulement? C'est que le moi se défend contre des excitations instinctuelles. Mais quand on a affaire à l'inhibition et à la rétraction du moi, procédés en apparence très ressemblants, la distinction entre conflit interne et conflit externe devient déjà moins aisée. Et les choses se compliquent encore lorsque plusieurs processus de défense s'imbriquent ou encore lorsque qu'un seul et même mécanisme joue tantôt contre l'extérieur tantôt contre l'intérieur, ce qui est tout à fait le cas de l'identification." L'identification, qui contribue à la formation du SurMoi et par là joue un rôle important dans la répression des pulsions, peut constituer, selon elle, "en se combinant avec d'autres mécanismes, l'un des moyens de lutte les plus puissants contre les objets extérieurs générateurs d'angoisse."
  Anna FREUD, à partir de l'exemple de jeunes enfants, s'appuie entre autres sur les analyses de son père dans Au-delà du principe du plaisir, pour analyser la combinaison du mécanisme de l'identification ou de l'introjection à un autre "important mécanisme". L'enfant joue le rôle de l'agresseur, en lui empruntant ses attributs ou en imitant ses agressions : il se transforme de menacé en menaçant (sur le mode fantasmatique toujours bien entendu). Les enfants, en intériorisant les critiques d'autrui, construise leur personnalité, la formation de leur instance morale. "Quand un enfant ne cesse d'intérioriser, d'introjecter les qualités de ses éducateurs, quand il fait siennes leurs particularités et leurs opinions, il fournit continuellement au SurMoi le matériel nécessaire à l'évolution de celui-ci. Toutefois, à cette époque (avant cinq ans), l'enfant ne prend pas encore très au sérieux la formation de l'instance morale. La critique intériorisée n'en est pas pour autant immédiatement transformée en auto-critique". Elle se dissocie de l'activité répréhensible de l'enfant pour se tourner vers le monde extérieur. "Grâce à un nouveau processus de défense, c'est une attaque directe dirigée contre le dehors qui succède à l'identification avec l'agresseur".  Dans les trois exemples de très jeunes enfants qu'elle cite, "même après que la critique extérieure a été introjectée, la peur d'une sanction et le délit ne sont pas encore associés dans l'esprit du patient. A l'instant même où la critique s'intériorise, le délit est repoussé dans le monde extérieur, ce qui revient à dire que le mécanisme d'identification avec l'agresseur se complète par un autre procédé de défense, par une projection, au-dehors de la culpabilité." "La véritable moralité ne commence qu'au moment où la critique intériorisée ayant fait siennes les exigences du surmoi coïncide avec la perception qu'à le moi du délit personnel."
   "La combinaison particulière d'introjection et de projection appelée ici "identification avec l'agresseur" ne peut être considérée comme normale que si le moi n'en fait usage que contre les personnes qui ont sur lui quelque autorité, c'est-à-dire dans ses efforts pour affronter les objets d'angoisse. Ce même mécanisme de défense perd de son inocuité et acquiert un caractère pathologique quand il est transféré à la vie amoureuse".
   Dans ses études, Anna FREUD n'a de cesse de montrer les combinaisons cumulatives des mécanismes de défense. Par exemple, "quand ce même mécanisme de projection est employé contre des pulsions amoureuses d'ordre homosexuel, il se combine avec d'autres mécanismes encore. Le retournement en contraire - dans le cas présent, le retournement de l'amour en haine - parachève l'oeuvre de l'introjection et de la projection et provoque l'apparition de délires paranoïaques."
 
         Les auteurs de Les mécanismes de défense définissent l'Identification à l'agresseur (ou avec l'agresseur, la formule varie suivant les ouvrages, et cette dernière est celle utilisée par Anna FREUD...suivant la traduction de son ouvrage...) comme mécanisme utilisé par un sujet confronté à un danger extérieur, qui s'identifie à son agresseur selon différentes modalités :
- soit en reprenant à son compte l'agression telle quelle ;
- soit en imitant physiquement ou moralement la personne de l'agresseur ;
- soit en adoptant certains symboles de puissance qui le caractérisent.
 Ils reprennent d'ailleurs la définition donnée par LAPLANCHE et PONTALIS. 
  La conception d'Anna FREUD n'est pas complètement reprise par tous les auteurs, et la question est de savoir si l'on est en présence d'un mécanisme bien spécifique  ou s'il constitue une forme particulière d'identification. De plus, Daniel LAGACHE situe plutôt l'identification à l'agresseur à l'origine de la formation du moi idéal ; dans le cadre du conflit de demandes entre l'enfant et l'adulte, le sujet s'identifie à l'adulte doté de toute-puissance, ce qui implique une méconnaissance de l'autre, sa soumissions, voire son abolition. René SPITZ (le non et le oui, 1957) utilise beaucoup cette notion. Pour lui le retournement de l'agression contre l'agresseur est le mécanisme prépondérant de l'acquisition du "non" verbal et gestuel, situé vers le 15ème mois. 
   Pour les auteurs de cet ouvrage, "le repérage de ce mécanisme dans la clinique s'avère utile, notamment dans le cadre des comportements délinquants où la capacité de certains jeunes à inspirer la terreur, à faire le "caïd" en réunissant autour d'eux une cour de "serviteurs" soumis à leurs règles, en vivant à l'aise dans le monde de la délinquance, sans pour autant passer à l'acte de façon grave, pourrait relever de l'identification à l'autre dangereux".
  "De nos jours, finissent-ils leur chapitre sur ce mécanisme, la fréquence des antécédents de maltraitance infantile chez des parents eux-mêmes maltraitants s'éclaire par ce mécanisme d'identification à l'agresseur. On peut supposer que s'ajoute à la compulsion de répétition inhérente au traumatisme de "défaut fondamental" d'acquisition de limites entre soi et l'autre, présent chez ces adultes à la suite de leurs propres sévices d'enfants." BOURGUIGNON (1984) décrit ces parents aux "personnalités narcissiques".

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire