samedi 5 mars 2011

Affect


Définition

Aspect élémentaire de l'affectivité, l'affect est un état psychique élémentaire plus ou moins précis qui exprime la qualité tendancieuse (subjective) des activités mentales que celles-ci soient agréables ou désagréables.

Il s'agit d'une réaction psychique immédiate ayant une couleur variable selon les individus et dépendant à la fois du moment et du vécu. Autrement dit, dans certaines situations et selon les cas, chaque individu réagit différemment selon son affect, en éprouvant plus ou moins de douleurs, de plaisir ou de désir. En psychanalyse, il s'agit d'un état affectif qui est considéré comme l'un des deux registres de la pulsion, l'autre étant la représentation. C'est également l'expression qualitative de la quantité d'énergie pulsionnelle (Leporrier, dictionnaire médical).

PSYCHOL. Disposition affective élémentaire (p. oppos. à intellect) ,,que l'on peut décrire par l'observation du comportement, mais que l'on ne peut analyser``. (Psychol. 1969). Affect actif :
1. L'appétit se donne comme une indigence et une exigence, un manque éprouvé de... et une impulsion orientée vers... Manque et impulsion sont vécus dans l'unité indivise d'un « affect » (nous dirions affection, si le mot n'appartenait par ailleurs au langage des sentiments intersubjectifs; nous ne disons pas état affectif, le mot état impliquant repos et arrêt; seule la satiété serait en ce sens un état). Précisons : manque et impulsion sont vécus dans l'unité d'un affect actif, par opposé au plaisir et à la douleur qui sont au contraire des affects sensibles. Le besoin est un affect en ce qu'il est tout entier une indigence qui par son élan tend vers ce qui le comblera.
P. Ricœur, Philosophie de la volonté, 1949, p. 86.
2. ... le désir est l'épreuve spécifiée et orientée d'un manque actif − c'est le besoin ou affect actif −, éclairée par la représentation d'une chose absente et des moyens pour l'atteindre, nourrie par des sentiments affectifs originaux : par leur matière, qui est l'effigie affective du plaisir, ces affects sensibles figurent le plaisir à venir; par leur forme, qui est l'appréhension imageante du plaisir, ils tiennent le besoin prêt pour un jugement qui désigne l'objet du besoin comme bon, c'est-à-dire prêt pour un jugement de valeur.
P. Ricœur, Philosophie de la volonté, 1949 p. 99.
3. ... dans la mesure où il répond par des contre-affects aux affects de l'analysé, l'inconscient de l'analyse agit d'une manière gênante dans le processus thérapeutique.
M. Choisy, Qu'est-ce que la psychanalyse?, 1950, p. 186.
4. Selon Freud, toute pulsion s'exprime dans les deux registres de l'affect et de la représentation. L'affect est l'expression qualitative de la quantité d'énergie pulsionnelle et de ses variations. (...) Freud distingue (...) nettement l'aspect subjectif de l'affect et les processus énergétiques qui le conditionnent. On notera qu'il emploie parallèlement au terme d'affect celui de « quantum d'affect »* (Affektbetrag), entendant désigner par là l'aspect proprement économique : le quantum d'affect « ... correspond à la pulsion pour autant que celle-ci s'est détachée de la représentation et trouve une expression adéquate à sa quantité dans des processus qui nous deviennent sensibles comme affects » (...) [Freud] refuse d'établir un parallèle entre l'affect dit « inconscient » (sentiment de culpabilité inconscient, par exemple) et les représentations inconscientes.
Lapl.-Pont. 1967.
Rem. Autres syntagmes : affects intra-individuels, inter-individuels (J. Piaget ds Battro 1966); - d'attention et d'exploration (Piéron ds Psychol. 1969); - d'expansion et de recherche devant une situation agréable (ibid.); - de retrait et de fuite devant une situation pénible (ibid.); affects dépressifs, expansifs, déficit d'affect (Lar. encyclop. Suppl. 1968).
Prononc. : [afεkt].
Étymol. ET HIST. − 1942 affect, psychol. et psychanal. « état affectif élémentaire » (P. J. Jouve, Tombeau de Baudelaire, éd. du Seuil, Paris, p. 14 ds Rheims 1969 : Ces condamnations ont précipité l'affect angoissé de Baudelaire dans un tourment continuel, de révolte inutile, de détachement accompagné d'attachement et de revendication); 1946 id. « id. » (E. Mounier, Traité du caractère, p. 438 : (...) dans l'ombre du moi, une charge émotive, l'« affect », [entre guillemets dans le texte] qui reste agressive et disponible, prête à se porter sur d'autres objets ...); 1951 id. « id. » (A. Malraux, Les Voix du silence, 318 : Comme toute conversion, la découverte de l'art est la rupture d'une relation entre un homme et le monde. Elle connaît l'intensité profonde de ce que les psychanalystes nomment les affects).
Empr. à l'all. Affekt « mouvement ou état affectif impétueux » (Hehlmann, Wörterbuch der Psychologie6, Kröner, Stuttgart, 1968, s.v. Affekt : R. Heller, Das Wesen der Affekte, 19462), spécialisé comme terme de psychanal., surtout à partir des premiers travaux de Breuer et de Freud, Studien über Hysterie, 1895 (cf. Laplanche et Pontalis, Vocab. de la psychanal., 1967 s.v. affect). All. Affekt dep. 1526 (Polit. Korresspond. von Strassburg, I, 263 d'apr. Kluge 1967; empr. au lat. affectus « état, disposition de l'âme » dep. Cicéron (Tusc., 5, 47 ds Gaff.). Du même étymon lat. l'a. fr. affect(e) « sentiment, passion » : 1180 affecte s. f. (Expl. du Cant. des Cant., ms. du Mans 173, fo 69 vo ds Gdf. s.v. affecte : Des quatre vertuz principals E des affectes naturals Nos fait un bel ordenement.); 1226-1250 affet s. m. (Bible, Richel. 899, fo 250 c ds Gdf. s.v. affect : Il trespasserent outre en affet de cuer, ce est en entalentement de cuer). Le sens d'« état, disposition » existe encore au xvie s. (Hug.).
STAT. − Fréq. abs. litt. : 32.
BBG. − Battro 1966. − Foulq.-St-Jean 1962. − Lafon 1963. − Lapl.-Pont. 1967. − Miq. 1967. − Moor 1966. − Mucch. Psychol. 1969. − Piéron 1963. − Piguet 1960. − Porot 1960. − Psychol. 1969. − Rheims 1969. − Sill. 1965.

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