mardi 22 février 2011

La physiologie du rêve



"Faites que le rêve dévore votre vie afin que la vie ne dévore pas votre rêve."

Antoine de Saint-Exupéry
  
Voici quelques extraits d'un ouvrage à propos de la physiologie
du sommeil et du rêve.
Le sommeil et le rêve de Michel Jouvet aux Editions Odile Jacob
L'auteur : Médecin neurobiologiste, chercheur à l'INSERM et à l'Université de Lyon I

Mécanismes du rêve
"La structure exécutrice du rêve se trouve localisée dans le pont et le bulbe et son activité est appelée PGO (ponto-géniculo-occipitale)."
"Des peptides issus du lobe intermédiaire de l'hypophyse, peuvent augmenter considérablement le sommeil paradoxal du chat. Et nous avons pu montrer que les peptides pouvent agir soit par voie nerveuse directe, entre l'hypothalamus et le tronc cérébral - à l'endroit où se trouve la " machinerie " du sommeil paradoxal - soit par voie sanguine, en étant libérés par l'hypophyse".
"Le système de commande neuromotrice qui agit pendant les stades de l'éveil et du sommeil, est inhibé par une sorte de frein qui bloque l'excitation et l'influx nerveux. Il peut y avoir des influx nerveux puissants qui franchissent la barrière inhibitrice et ainsi on constate des petits mouvements tels que les vibrisses, les oreilles du chat, ou un mouvement de doigt pendant la durée du sommeil paradoxal. Seuls les neurones oculaires et les mécanismes de la respiration échappent à cette intense activité inhibitrice."
"L'une des caractéristiques primordiales du rêve, c'est l'absence totale de tonus musculaire. Il se caractérise par une activité corticale rapide similaire à celle de l'endormissement et des mouvements oculaires rapides. "
 Au moment de dormir, je décide de tenir un cristal de roche dans la main. Je me réveille, après une nuit riche de rêves, avec toujours l'objet dans mon poing serré. Il semblerait qu'il n'y ait pas eu relâchement musculaire de la main.

Physiologie
Le sommeil comme période de repos et de récupération.
"Dans le cycle circadien d'activité et de repos, on peut situer le sommeil dans le cadre général des mécanismes d'économie d'énergie de l'organisme. "
"Comme par ailleurs les neurotransmetteurs qui font que l'on est éveillé passent leur temps à casser les molécules de glycogène, il faut bien qu'à un moment le sommeil survienne pour permettre au cerveau de refaire ses provisions d'énergie, essentiellement dans les cellules gliales et pour faire baisser la température cérébrale. (Il faut à peu près 90 minutes chez l'homme pour que la température baisse de 0,8°C.) A ce moment-là, il y a des détecteurs qui indiquent qu'il y a accumulation d'énergie. Alors survient le rêve qui dépense, pour faire son travail, une grande quantité d'énergie avant que ne débute une période d'emmagasinement énergétique."
Pendant le rêve, le cerveau se fatigue comme un muscle.
"Entre les phases de relaxation et les phases d'activité cérébrale soutenue, la consommation de glucose des aires corticales double sans que le pourcentage d'oxygène augmente. Ce qui signifie que notre cerveau marche en anaérobie et qu'il produit du lactate. Donc qu'il se "fatigue" comme les muscles dans l'effort."
Le rêve un double paradoxe
" ... le sommeil paradoxal : cette phase du sommeil est en effet paradoxale car une activité cérébrale plus intense y correspond à un relâchement musculaire. "
"Le sommeil paradoxal ne suit pas la loi (Van Hoff et Arrhenius) biologique selon laquelle la vitesse de réaction chimique diminue lorsque la température décroît."
" Or le système de régulation du sommeil paradoxal apparaît doublement paradoxal : d'une part, la quantité de sommeil paradoxal décuple lorsque la température centrale décroît et d'autre part, le sommeil paradoxal met en jeu lui-même un système de refroidissement par perte de chaleur au niveau des échangeurs thermiques (système de boucle ouverte)."
"Les prochains courants pour expliquer le fonctionnement du cerveau sont : le modèle à partir de la biologie moléculaire des récepteurs et le modèle issu de l'informatique, des machines douées d' intelligence artificielle."

Les mécanismes préparatoires au rêve
"Le système d'éveil n'est plus excité : pas de danger immédiat, les récepteurs auditifs, olfactifs et visuels ne sont pas alertés par les signaux venant de prédateurs éventuels et que les propriocepteurs de la douleur ne soient pas excités. Les besoins de l'organisme soient satisfaits : faim, soif, équilibre thermique, besoin sexuel. Alors les mécanismes de l'endormissement entrent en jeu."
"Le sommeil paradoxal ne peut apparaître que si toute activité a cessé dans la structure qui contrôle l'état d'éveil (locus coeruleus) et dans la structure qui est active pendant l'éveil, l'endormissement et le sommeil léger (raphé)."
"Il y a augmentation du seuil d'éveil et d'une paralysie quasi totale. Il existe au cours du sommeil paradoxal un contrôle central des informations sensorielles. Et ainsi, la voie est libre aux processus de programmation endogène qui sont déclenchés à partir du générateur pontique. Il est probable qu'il y aurait à la fois programmation motrice et excitation de certaines aires d'intégration sensorielle, mais d'une manière endogène non liée à l'extérieur."

Histoire naturelle du rêve
Le rêve survient par périodes de 20 à 25 minutes, séparées par des intervalles de 90 minutes.
La durée du rêve va en s'allongeant au cours d'une même période de sommeil.
La périodicité ultradienne du rêve au cours du sommeil est caractéristique de l'espèce.
Chez l'homme, le rêve occupe 20% du temps de sommeil.
"Le dauphin ne dort en effet qu'avec un seul hémisphère à la fois, contrôlant sa respiration alternativement avec son cerveau droit ou gauche. Il n'a pas encore été possible d'enregistrer des phases de sommeil paradoxal chez le dauphin. "

Programmation génétique du sommeil paradoxal ou rêve

Des relations sont faites entre l'ontogenèse et la phylogenèse
"Le rêve est présent chez les animaux homéothermes (mammifères et oiseaux) - dont la température reste constante indépendamment de la température extérieure - contrairement aux animaux poïkilothermes. Chez les poïkilothermes (amphibiens, reptiles), qui ne règlent pas leur température, les cellules nerveuses vont se diviser pendant toute la vie."
"Chez l'homme, passé le troisième mois, toutes les cellules nerveuses cessent de se diviser et n'ont qu'un seul avenir : mourir." *
"Dès que la neurogenèse est arrêtée, apparaît le véritable sommeil paradoxal. ... d'où l'idée que se manifeste ainsi une programmation."
"L'hypothèse d'une programmation génétique responsable, une bonne fois pour toutes, des connexions interneuronales à l'origine des traits de caractère d'un individu, est impossible. (Il faudrait des milliards et milliards de gènes dans le génome et l'environnement altérerait les connexions.)" D'où l'hypothèse : "...d'une reprogrammation périodique qui intervient pendant la phase du sommeil paradoxal, autrement dit pendant le rêve... "

Des articles de chercheurs mentionnent effectivemnt le fait qu'il y a d'une part évolution de la cellule cérébrale par acquisition d'informations léguées par les cellules qui meurent mais d'autre part que la neurogénèse continue pour certaines catégories de cellules pendant la vie de l'individu.
L'indice de sécurité
"Ainsi ce n'est pas le critère de cérébralisation qui sert à mesurer la quantité de rêve d'une espèce. C'est pourquoi beaucoup d'autres corrélations ont été proposées.L'une des meilleures est un " indice de sécurité".
"L'état de rêve est en effet le moment le plus dangereux du cycle à trois temps éveil-sommeil-rêve puisque le cerveau ferme la porte au milieu extérieur, et donc à d'éventuels dangers, pour s'ouvrir à un programme endogène."
"Plus un mammifère est immature (et plus sa thermorégulation est fragile), plus le temps occupé par le sommeil paradoxal est important : 50 à 60 % de la durée du sommeil pour un nouveau-né humain, 80 à 90 % de la durée du sommeil pour un chaton. "
"Ainsi c'est au moment où s'achève la maturation et la programmation génétique du système nerveux que le sommeil paradoxal, qui deviendra ensuite le rêve, atteint son taux le plus grand, pour décroître ensuite. Voilà un bien étrange phénomène, il faut en convenir."

Le rêve un troisième état du cerveau
"Activité cérébrale, mouvements oculaires et atonie musculaire sont les trois caractéristiques du rêve et le différencient donc de l'état de veille ou du sommeil."
"Nous nous sommes aperçus que le rêve n'était ni du sommeil ni de l'éveil. Et que c'était donc obligatoirement un troisième état du cerveau, aussi différent du sommeil que celui-ci l'est de l'éveil."
"Le rêve devenait le troisième état du cerveau, aussi différent du sommeil que le sommeil l'est de l'éveil."
" Le concept de rêve comme troisième état du cerveau n'est qu'un nouvel avatar d'un concept millénaire - celui des Upanishads de la mythologie hindoue - pour qui le cerveau humain subit l'alternance de l'éveil, du sommeil sans rêve et du sommeil avec rêve."

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