mardi 28 juin 2011

Génital (amour -)


L’amour génital, concept introduit par M. Balint, désigne la forme d’amour que le sujet atteint en dépassant le complexe d’Œdipe. 
On appelle « génital » tout ce qui se rapporte à la sexualité, non pas en tant qu’organes sexuels distincts, mais en tant qu’intégrité des sources des plaisirs de la vie. La fonction génitale est cette intégrité à proprement parler.
Le stade génital étant considéré comme le stade du développement psychosexuel caractérisé par l'organisation des pulsions partielles sous le primat des zones génitales et des plaisirs afférents, on peut discuter du fait de sa seule apparition à la puberté comme début ce stade, mais plutôt avec la vie même de l’individu.

Amour génital : forme de l'amour à laquelle le sujet parvient dans l'achèvement de son développement psychosexuel, d’une façon générale, comme celui du développement libidinal, qui doit conduire à la synthèse des pulsions partielles sous la primauté des organes génitaux; comme celui de la relation d'objet, qui suppose l'accomplissement de l'Œdipe et enfin comme celui de la rencontre singulière.
Génitalement, adv., rare. Relativement à la fonction génitale. « Cette aspiration générale au pôle viril conçu psychiquement (et non génitalement) comme le pôle de la supériorité, constitue la « protestation virile » » (MOUNIER, Traité caract., 1946p. 597).
Selon Wilhelm Reich, le caractère génital (character, genital) est le caractère exempt de névrose qui ne souffre pas de stase sexuelle et est, en conséquence, capable d'une auto-régulation naturelle ayant pour base la puissance orgasmique tandis que le caractère névrotique (character, neurotic) est le caractère qui, à cause de sa stase sexuelle chronique, fonctionne selon les modalités des principes de la régulation morale compulsive.

 
L'amour génital est donc la forme de l'amour à laquelle parviendrait le sujet au terme de son développement psychosexuel.
    Une des causes fréquentes de recours à l'analyse réside dans la difficulté, pour le sujet, de vivre comme il le souhaiterait son existence affective et sexuelle. Les inhibitions, insatisfactions, contradictions éprouvées sur ce plan sont d'autant plus mal supportées que le monde moderne est censé aussurer à chacun un droit égal à la jouissance.
    S. Freud cependant a fait valoir que ce type de difficultés n'est pas seulement référable aux aléas de l'histoire individuelle, mais qu'il repose sur des clivages induits par la structure subjective elle-même. Dans son article "Sur le plus général des rabaissements de la vie amoureuse", (1912 ; trad. fr. la Vie sexuelle, 1969), il relève ce fait connu que certains hommes ne peuvent désirer que des femmes qu'ils n'aiment pas. Ils aiment leur femme légitime -- ou, plus généralement, une femme idéalisée -- et ils désirent des femmes perçues comme dégradées, les prostituées par exemple. Freud explique ce clivage par le fait que la femme aimée, trop proche de la mère, se trouve interdite. Quant aux femmes, ajourte Freud, si l'on relève moins chez elles le besoin d'avoir un objet sexuel rabaissé, la sensualité reste souvent liée pour elles à la condition de l'interdit, ou tout au moins du secret. Cependant, Freud évoque aussi, toujours dans le même article, ce qu'il en serait d'une "attitude complètement normale en amour", attitude où viendraient s'unir le courant de la sensualité et celui de la tendresse. La psychanalyse pourrait-elle donc promettre, à l'homme comme à la femme, une harmonie du désir et de l'amour ? C'est ce qu'on a cru pouvoir théoriser sous le nom d'amour génital.
    M. Balint est sans doute l'auteur qui a proposé, sur ce point, l'analyse la plus élaborée (Amour primaire et technique psychanalytique). L'amour génital, pour lui, se définit d'abord en termes négatifs. Il serait épuré de tout trait prégénital, qu'il s'agisse de traits oraux (avidité, insatiabilité, etc.), de traits sadiques (besoin d'humilier, de commander, de dominer le partenaire), de traits anaux (besoin de salir, de le mépriser pour ses désirs et plaisirs sexuels) ou encore de particularités où se font sentir les effets de la phase phallique ou du complexe de castration.
    Peut-on alors risquer une définition positive ? L'amour génital, en tant que phase accomplie d'une évolution, supposerait une relation harmonieuse entre les partenaires, et celle-ci, pour Balint, nécessite un travail de conquête puis un travail d'adaptation qui prennent en compte les désirs de l'autre. Mais Balint reconnaît que l'accommodement à la réalité de l'autre ne peut être le dernier mot de l'amour génital. "Certes, le coït, écrit-il, est un acte altruiste au départ ; mais, à mesure que l'excitation croît, l'attention accordée au partenaire diminue, de sorte qu'à la fin, pendant l'orgasme et dans les moments qui le précèdent, les intérêts du partenaire sont totalement oubliés."
    La théorie de l'amour génital a eu un rôle non négligeable dans la psychanalyse : conduire jusqu'à lui a pu apparaître comme un des buts concevables de la cure. Mais il faut bien relever que Balint n'explicite pas vraiment cette "conviction d'être uni au partenaire dans une harmonie complète". Dès lors, elle paraît liée plutôt à une représentation imaginaire de l'amour comme réciprocité qu'à ce qui se présente en fait dans l'acte sexuel. Freud, d'une certaine façon réfutait par avance la théorie de Balint lorsqu'il envisageait "la possibilité que quelque chose dans la nature même de la pulsion sexuelle ne soit pas favorable à la réalisation de la pleine satisfaction".

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L'amour est-il un produit de la civilisation ?



(Michael Balint)
L'une des tâches de toute éducation, et tout particulièrement de celle en vigueur dans notre type de civilisation, est sans aucun doute d'apprendre à l'individu à aimer, c'est-à-dire de l'amener à réaliser cette sorte de fusion. Ce que nous appelons amour génital n'a vraiment pas grand-chose à voir avec la génitalité ; en fait, ce type d'amour utilise seulement la sexualité génitale comme un tronc, pour y greffer quelque chose d'essentiellement différent.
Bref, on attend de nous et nous espérons recevoir de la gentillesse, de l'attention, de la considération, etc., même lorsqu'il n'est pas question de désir génital ou de satisfaction génitale. Ceci est contraire aux mœurs de la plupart des animaux, qui ne montrent de l'intérêt pour l'autre sexe que lorsqu'ils sont en chaleur. Par contre, on présume que l'être humain manifeste constamment pour son partenaire un intérêt et une considération inaltérables.
On peut mettre en parallèle cette demande de considération permanente et l'enfance prolongée de l'homme. Les animaux, lorsqu'ils ont atteint la maturité sexuelle, ne manifestent plus d'attachement filial ou émotionnel à leurs parents, mais seulement le respect dû à leur force et à leur puissance. Mais nous, nous exigeons une reconnaissance éternelle et, en fait, l'homme demeure un enfant aussi longtemps que ses parents vivent, sinon jusqu'à la fin de ses jours.
Toute sa vie il est supposé éprouver, et éprouve en général, de l'amour, de la considération, du respect, de la crainte et de la gratitude envers ses parents. En amour, on exige quelque chose du même genre: un lien émotionnel continu, perpétuel, non seulement tant que dure le désir génital, mais longtemps après, durant toute la vie du partenaire, ou même après sa mort.
Vu sous cet angle, ce qu'on appelle « amour génital » est un artefact de la civilisation, comme l'art ou la religion. Cela nous est imposé, sans égards pour notre nature et pour nos besoins biologiques, par le fait même que l'homme est obligé de vivre en groupes socialement organisés. L'amour génital est même doublement artificiel. Premièrement, son interférence constante avec une satisfaction sexuelle libre (génitale et pré-génitale) établit des résistances externes puis internes contre le plaisir, et favorise ainsi le développement des passions, pour que l'homme puisse, à certains moments privilégiés, vaincre ces résistances.
Deuxièmement, l'obligation de faire preuve de considération et de gratitude de façon prolongée et durable nous force à régresser à la forme archaïque, infantile de l'amour tendre, voire nous empêche de jamais nous en éloigner. L'homme peut donc être considéré comme un animal qui, même à l'âge mûr, s'attarde à une forme d'amour infantile.
Il est intéressant de savoir que les anatomistes ont découvert bien avant nous des faits semblables. Ils ont découvert que, sur le plan anatomique, l'homme ressemble à l'embryon du singe plutôt qu'au singe adulte. Les anatomistes en ont conclu que l'homme présente un retard du développement biologique, que du point de vue de sa structure c'est un fœtus, ou plutôt qu'il est foetalisé, mais que, nonobstant, il a atteint un fonctionnement génital complet.
Il y a beaucoup d'autres exemples dans le règne animal où un embryon acquiert des fonctions génitales bisexuelles pleinement développées ; ce sont des embryons dits néoténiques. L'amour génital est le parallèle exact de ces formes. On trouve une fonction génitale pleinement développée, associée à un comportement infantile ; en d'autres termes, l'homme est un embryon néoténique non seulement sur le plan anatomique, mais aussi sur le plan psychique.
Ce raisonnement explique certaines particularités de la génitalité chez l'homme. On sait à quel point l'amour génital est instable, surtout si on le compare aux éternelles formes « pré-génitales ». Fonction phylogénétiquement nouvelle, il n'est pas encore solidement établi l'homme n'a pas encore eu assez de temps, pour ainsi dire, pour s'adapter à cette forme d'amour ; en fait il doit y être éduqué à chaque nouvelle génération. L'amour oral, par exemple, ne demande manifestement aucune éducation de cette sorte. Et réciproquement, l'amour oral ne risque pas la faillite, tandis que l'amour génital est beaucoup plus précaire.
Une autre particularité est l'attitude contradictoire de la société à l’égard de l'amour génital. D'une part, la société admire et révère le séducteur sans scrupule ou la femme fatale, même si c'est avec crainte et méfiance; d'autre part, elle rend hommage à l'amour génital durable, elle enregistre et célèbre les noces d'argent et les noces d'or, mais souvent aussi ridiculise ces relations de fidélité et les qualifie de prudentes, sentimentales et larmoyantes.
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