samedi 19 mars 2011

Cannibalique


Oralité : phase cannibalique

Se dit de fantasmes où angoisses et désirs de dévoration prédominent dans la relation d'un sujet avec un objet dont il cherche à incorporer les propriétés sur un mode identificatoire.
En psychanalyse, le terme cannibalique désigne une caractéristique du stade oral où l’accent est mis sur l’incorporation et l’appropriation de l’objet.

Stade oral La libido s’appuie sur l’instinct de conservation. Le nourrisson a peu de contact avec l’extérieur et tire plaisir de son propre corps : il suce ses lèvres, sa langue, met à la bouche ses doigts, plus tard ses pieds etc. Mais il ressent dans son corps des sensations de plaisir déplaisir qu’il exprime par des sourires, des pleurs, des cris. Le sein et comme son corps, source de plaisir, il fait parti du Moi. Cette 1ere phase est anobjectale et narcissique. L’expérience d déplaisir occasionné par la perte du sein, commence à distinguer intérieur-extérieur. La libido est fixée sur le moi. Petit à petit, la libido se délogera du moi pour investir les objets extérieurs par besoin de nourriture. La libido n’est pas totalement investi dans la nourriture, mais aussi dans le plaisir de voir, toucher, entendre. Ainsi la libido se détache aussi sur des objets non alimentaires.


Je m’attarde sur la phase dite cannibalique


Dans la phase orale ‘ cannibalique’ l’enfant dévore le sein, l’enfant détruit l’objet désiré, il veut l’incorporer. Laplanche et Pontalis disent « (…) incorporation orale : amour, destruction, conservation à l’intérieur de soi et appropriation des qualités de l’objet (…)». Freud souligne dans Totem et Tabou (1912-1913), « (…) en ingérant des parties du corps (…), on s’approprie aussi les propriétés qui ont appartenu à cette personne ».


Le cannibalisme fantasmatique se manifeste par une oralité excessive. Selon Freud, la relation orale cannibalique a trois caractéristiques : l’amour fusionnel qui s’exprime par le désir de s’incorporer l’objet d’amour (le sein maternel), la destruction et l’appropriation des qualités de cet objet. L’ambivalence du fantasme cannibalique, la perte accompagnant nécessairement l’idéalisation de l’objet, explique la mélancolie inhérente au désir de dévoration. Le deuil de l’objet d’amour, grâce auquel on reconnaît la nécessité de le conserver en tant qu’autre pour le garder comme source d’identification, permet de dépasser cette ambivalence destructrice.


Le processus d'incorporation permet à la fois de jouir à coup sur de l'être aimé (dans ce cas aimer c'est aimer manger l’autre) et de résoudre l'angoisse de la séparation d'avec l'objet d'amour. Ce faisant c'est paradoxalement la menace de la disparition, qui mettait en danger le moi lui-même qui se trouve temporairement résolue. Il s'agit d'un processus mélancolique, qui tente de régler définitivement la question du désir et de la frustration inhérente au rapport d'amour par une jouissance interminable (puisqu'on la porte désormais en soi). Est alors créé l’illusion que plus rien ne menacerait la jouissance (éternelle) de l'objet. C'est ce qu'on note dans les déclarations de Sagawa aux journalistes de TF1 qui l'ont retrouvé après sa libération. C'est une sorte d'expression de l'amour. "Je voulais sentir l'existence d'une personne que j'aime" . Dévorant l'objet de sa dévorante passion, il en parle encore au présent car elle est vivante pour lui en tant qu'incorporée, elle existe de son existence à lui et il précise: "Je la connaissais depuis peu mais elle était une amie, j'ai eu l'impression d'avoir perdu une amie plutôt que d'avoir conquis une femme occidentale". L'objet d'amour n'est pas perdu et en la mangeant il sauve sa propre vie et assure temporairement la survie de son propre moi. Le cannibalisme represente l'aboutissement psychotique d'une fixation orale à la phase cannibalique.

Stades oral, oral-cannibalique, sadique-oral

Le stade oral est le premier stade* de l’organisation* libidinale prégénitale qui est caractérisé par l’instauration de la zone bucco-labiale comme première zone érogène* et par le plaisir procuré par l’incorporation de nourriture liquide (lait maternel ou maternisé), élément déterminant de la première relation d’objet*.
C’est en 1915 que Freud énonce l’existence du premier stade de la sexualité* infantile sous le nom de « stade oral ». La source de cette pulsion* sexuelle est la sphère orale, l’objet en est l’alimentation associée au sein ou au biberon qui la fournit, et son but repose sur l’incorporation.
Selon Karl Abraham, le stade oral peut être divisé en deux phases successives : la première qu’il nomme « stade oral précoce » comprend les six premiers mois pendant lesquels le bébé découvre le plaisir de la succion ; c’est un stade qualifié de préambivalent car le sein y est seulement investi de façon très positive. Un deuxième stade apparu dans le deuxième semestre, se déroule simultanément avec la poussée dentaire, c’est le « stade sadique-oral » appelé aussi « stade oral-cannibalique ». Au cours de ce deuxième stade, le bébé éprouve le désir de mordre mais aussi l’angoisse de détruire l’objet aimé (le sein) : c’est le début de l’ambivalence de l’incorporation*, car le plaisir de la morsure est soudain confronté à la crainte d’être mordu soi-même, voire dévoré.
Mélanie Klein développa la théorie d’Abraham en déterminant deux phases essentielles dans la première année du nourrisson : la position schizo-paranoïde* et la position dépressive* qui établissent chacune une relation d’objet* spécifique.
Selon René Spitz, le stade oral se subdivise en trois périodes marquant chacune une étape de la relation objectale : jusqu’à trois mois, il y a un « stade préobjectal » dominé par une non-différenciation entre le bébé et sa mère, suivi par un « stade de l’objet précurseur » entre trois et huit mois où une relation à l’objet semble s’esquisser, et finit par le « stade de l’objet libidinal » entre huit et quinze mois pendant lequel la mère est reconnue comme une personne à part entière.

Sexualité orale selon Freud

Au sein

Le développement sexuel connaît d’abord une phase orale qui se divise en
-         un premier sous-stade sans ambivalence à l’égard de l’objet, le sein maternel,
-         puis un second, sadique ­oral lié au développement de la dentition, caractérisé par l'apparition de l'ambivalence.
Dès 1896 Freud parle d` « organe sexuel oral ». Sucer le sein de la mère est l'acte le plus important de la vie du nourrisson, puisqu'à la fois il satisfait à la faim et procure un plaisir qu’on peut qualifier de sexuel, même s’il n’est pas génital. "L'acte qui consiste à sucer le sein maternel devient le point de départ de toute la vie sexuelle, l'idéal jamais atteint de toute satisfaction sexuelle ultérieure." « Jamais atteint » même dans le souvenir redoré de nostalgie, tant il est vrai que « la mère, du point de vue de l’enfant, n’a jamais donné assez de lait, a toujours sevré trop tôt ».
Il fait observer que le suçotement d’un doigt, de la main ou d’une tétine ‘sèche’ est une activité sexuelle, en ce sens qu’elle engendre un plaisir sans répondre au strict besoin de se nourrir. Pour Freud, c’est un plaisir sexuel auto- érotique ; il est auto-érotique dans la mesure où il s’autonomise par rapport au sein. La tétée est un plaisir érotique partagé par la mère et qui persiste au niveau imaginaire dans cet auto-érotisme.
On peut dire que, « l'érotisme oral est la première mani­festation érotique tout comme le mamelon est le premier objet sexuel ».
Le nourrisson animal ou humain a, par ailleurs, un besoin minimal de plaisir de succion à satisfaire : si on donne le lait avec une tétine, et d’autant que l’ouverture en est grande, le petit s’arrête de téter lorsque son estomac est plein mais il éprouve le besoin de sucer – par exemple sa patte – ce qu’il ne fait pas lorsqu’il est nourri à la mamelle ou si la tétine est moins abondante.
Il se retrouvera dans le baiser ; mais aussi dans le plaisir de mastiquer du chewing gum, de fumer ou de boire. Si ce plaisir donne lieu à refoulement, on assistera à des troubles de la fonction alimentaire, nausées psychogènes, anorexie, avidité compulsive masochiste, etc.

Le plaisir primitif

A ce stade, le temps est celui de l’immédiat. Il n’y a pas évaluation de conséquences lointaines, où même assez proches. C’est le ça qui fait la loi ; et justement il ne connaît que celle de la satisfaction immédiate et impérative ! Le nourrisson n’a pas les moyens de son épicurisme ; « carpe diem » va avec « après moi le déluge ! ». Mais sa maman veille, qu’elle le veuille ou non, elle allaite d’autant il tète, elle le protège des infections éventuelles puisque le sein est secondé par des lymphocytes ravitailleurs du lait en anti-corps adaptés à l’environnement. Sans le savoir, mère et enfant réservent un temps de privilèges au petit : l’allaitement prolongé est un des contraceptifs les plus efficaces, tant chez l’animal que chez la femme ; et ce d’autant que le nombre de tétées, plus que la quantité du lait sécrété, est élevé.

Incorporation / identification

L’investissement de cette zone ne va pas sans problèmes, en effet si on s’en tient au fantasme du nourrisson, l'emprise amoureuse sur l'objet coïncide avec son anéantissement, ce qui a fait employer le terme de « cannibalisme » pour connoter le moment où le bébé conscientise que le sein donne à bouche que veux tu, puis n’a plus rien à donner lorsque la sensation de faim a fait place à la béatitude du rassasiement. Le cannibalisme, avec l'http://auriol.free.fr/psychanalyse/inceste/ et le meurtre, fait partie des désirs pulsionnels les plus primitifs. Tout se passe alors comme si le sein avait été dévoré, inclus dans son propre être. Freud voit même là, la plus ancienne méthode pour s’identifier, il devient ce qu’il a aimé et avalé.
 De ce mécanisme, il reste chez tout un chacun, certains fantasmes cannibaliques qui nous font croire que nous devenons ce que nous possédons. Cette croyance, même si elle est rejetée par la raison et les instances les plus élevées de notre personnalité, reste agissante au niveau de nos bases pulsionnelles, ce que Freud a réuni sous le terme de « ça ». Une autre confusion peut ici s’instaurer, comme le plaisir s’est étayé sur la nécessité de manger, nous tendrons à éprouver nos désirs comme s’il s’agissait de besoins.
"...l'identification est le stade préliminaire du choix d'objet et la première manière, ambivalente dans son expression, selon laquelle le moi élit un objet. Il voudrait s'incorporer cet objet et cela, conformément à la phase orale ou cannibalique du développement de la libido, par la voie de la dévoration." L'identification, d'être un rejeton de la phase orale, demeure toujours ambivalente. Freud la compare au rapport que le cannibale entretient avec celui qu'il dévore.
"Avoir et être chez l'enfant. L'enfant aime bien exprimer la relation d'objet par l'identification : je suis l'objet. Modèle : sein. Le sein est un morceau de moi, je suis le sein. Plus tard seulement : je l'ai, c'est- à- dire je ne le suis pas
Pendant la première année chez le nourrisson, le stade oral représente les premières étapes du développement de la libido (ou développement libidinal), donc de la sexualité. Le bébé tire l'essentiel de son plaisir de la tétée, c'est-à-dire de l'activité de la bouche et des lèvres. Depuis Freud, qui a insisté sur l'aspect cannibalique du stade oral dès 1905, et plus tard Karl Abraham, les pédopsychiatres distinguent deux phases essentielles du stade oral : * le stade oral précoce ou préambivalent qui est aussi la phase de succion ou le stade oral de succion, d'abord besoin physiologique et qui devient rapidement une activité autoérotique spécifique, premier mode de satisfaction sexuelle ; la bouche et les lèvres sont une zone érogène * puis la phase sadique ou le stade sadique oral ou oral cannibalique, qui coïncide naturellement avec l'apparition des dents, la découverte de la morsure. Pour certains psychiatres, le stade oral est le résultat de la relation entre l'enfant et le sein de sa mère, faite d'une succession de satisfactions et de frustrations, de bon et de mauvais. La présence de la mère provoque un plaisir visuel, cutané (tactile), auditif et est hautement rassurante. En son absence le bébé cherche à se rassurer en suçant son pouce, comme s'il tétait. Toujours selon les psychiatres, le bébé quitte le stade oral lorsqu'il commence à s'exprimer par le langage.

Engloutir et dévorer
Gargantua
L'acte de manger est mouvement agressif. D'abord par la mastication, où l'aliment est croqué, puis déchiqueté et enfin réduit en miettes. Il s'agit d'assimiler chaque aliment en démantibulant en plus petites parcelles possible son entité, afin de l'avaler plus facilement. Puis vient l'ingestion proprement dite.
En mangeant, on engloutit, on fait disparaître par la déglutition. Pour certains auteurs "l'agressivité liée à l'incorporation devient claire à la phase sadique orale, comme en témoigne le plaisir des petits enfants à mordiller et même à mordre franchement". A cette phase sadique orale apparaît une pulsion cannibalique : l'enfant détruit l'objet pendant qu'il l'incorpore.
Anna FREUD signale qu'avec l'apparition des dents, manger symbolise "un acte agressif contre la nourriture ainsi attaquée et consommée, ou contre l'objet d'amour représenté par cette nourriture". A cela s'ajoute le fantasme de dévoration, signe de la persistance des pulsions cannibales, au-delà même du sevrage. L'enfant ressent une peur d'être mangé, englouti, détruit par l'autre puisque lui même désire manger l'autre, l'incorporer : fantasme de dévoration dont témoigne entre autres, le mythe de l'ogre.
Dans la réalité, manger revêt bien une forme agressive. Les ustensiles du repas, couteau, fourchette, sont les armes du mangeurs. Elles sont dangereuses et l'on évite de les mettre entre les mains des petits enfants. De même, tout un langage vient renforcer cette idée d'une bataille à mener à travers l'acte alimentaire : on attaque le plat, on se bat avec une viande trop nerveuse, on donne un bon coup de fourchette. Manger est aussi synonyme de se remplir, avaler, bâfrer, se goinfrer, être goulu, être avide. Tous ces termes supposent un rapport à la nourriture empreint de combativité, d'action forte avec désir de détruire.
Pour J. DE AJURIAGUERRA, certains dégoûts en matière alimentaire proviennent de "la tentative de contrôler ou de dénier l'agressivité orale et les fantasmes cannibaliques" . Cette négation de l'agressivité orale serait par exemple à l'origine du refus de la viande chez certaines personnes et notamment, pour une part, chez les adeptes de régimes végétariens et les partisans de la philosophie macrobiotique.

Gérard APFELDORFER va plus loin et explique ainsi le succès actuel des aliments mous et doux (hamburgers, yaourts…) : "la préférence pour les aliments mous, à sucer, que l'on mange sans se servir de ses dents, la répugnance pour les produits qu'il faut croquer, mordre, déchirer n'est pas anodine et renvoie à la peur de sa propre agressivité, finalement à la peur de
s'engager, de s'impliquer dans une relation. La crainte de haïr, de violenter, implique aussi l'incapacité d'aimer".
Cet acte d'ingestion, s'il apparaît teinté d'agressivité, procure aussi beaucoup de satisfaction. Dans l'acte alimentaire, les aliments se transforment aussi en plaisir. D'abord plaisirs des sens : ravissements des yeux devant une palette de couleurs, de formes, senteurs agréables qui mettent en appétit. Enfin, plaisir oral (croquer...).

La mastication exalte les saveurs, tout en préparant l'estomac à la digestion. La sensibilité extrême du palais nous renseigne sur les saveurs de base du goût, goût variable pour chacun (saveurs sucrées, salées, amères, acides). Notre palais est également sensible au chaud et au froid. Puis vient l'ingestion proprement dite qui fait qu'on se sent repu, satisfait. Cette ingestion provoque une détente sensuelle.

Ces différentes sensations et stimulations gustatives font que l'acte alimentaire est vécu comme un moment riche en émotions et source de plaisir sensuel.

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